Bonjour/soir mes p'tits lecteurs adorés.
Oui, vous ne rêvez pas, la suite est bien là. Je suis sûre que vous vous êtes déjà pincer le bras ! Haha, je ne vous en veux pas. Je vous présente mes plus plates excuses pour cette longue absence mais j'ai eu le bac et certes ça ne justifie rien du tout. J'ai juste eu un gros problème de page blanche pour cette fiction qui m'a fait m'arracher pas mal de cheveux XD.
C'est avec appréhension que je poste cette quatrième partie, un peu dure.
Je rappelle qu'il s'agit d'un RATING T !!, plus que jamais pour ce chapitre. Pour ceux que l'inceste choque, je vous conseille de ne pas lire...
Bonne lecture aux restants !
OBSESSION
Partie 4 : Jusqu'au pire
Le monde tourne. Il y a les hauts, et puis les bas.
Il y a le temps du bonheur, la félicité tatouée sur la peau.
Le mois d'Avril arriva, plein de belles promesses, de perspectives d'amour et de guérison, alors Sakura souriait. Alors Sakura riait. Il y avait le bac bien sûr, il y avaient les élèves angoissés, les élèves drogués aux anxiolitiques. Il y avaient les professeurs m'en foutistes, et ceux qui vous enterraient sous une montagne de polycopiés. Mais Sakura souriait. Mais Sakura riait.
Parce que le premier Avril, pour son anniversaire, Syaoran l'avait serrée dans ses bras. Il l'avait emmenée dans un restaurant et il lui avait offert un cadeau. Oh, bien sûr, c'était maladroit, le bracelet serti d'émeuraudes était trop grand pour son poignet ; et il avait dû envoyer paître la moitié du personnel pour la mauvaise qualité de leur service. Et lorsque Syaoran avait sorti une liasse de billets pour payer, les yeux verts, las, semblaient dire « Argent sale ». Et les yeux ambrés, eux, innocents, répondaient qu'ils l'aimaient, elle, son espoir.
Alors le reste n'avait plus d'importance. Eriol et son amitié de pacotille. Son père et leurs disputes. Ses difficultés scolaires. La dépendance de Syaoran. Surtout sa dépendance... Parce que Sakura fermait les yeux, aveugle, et se bouchait les oreilles, sourde. Elle tolérait. Elle tolérait qu'il paye des putes et qu'il la trompe en attendant qu'il guérisse ; elle tolérait de passer au second plan, après des objets, des sites, des magazines, après cette obsession. Elle avait foi en l'Amour, cette drogue naturelle qui la rendrait première dans son coeur. C'est pourquoi la seule chose qui lui restait à faire, c'était de ne pas fermer son corps, de caresser, de toucher, de le sentir.
Toutefois, le bonheur n'étant pas tatoué sur la peau, l'autre temps vint. Dans ce monde si parfait, Sakura comprit qu'on avait beau fermer les yeux, se boucher les oreilles, on ne pouvait échapper à notre essence, à nos cinq sens, parce qu'ils étaient toujours là, à l'affût, prêts à nous attacher à la réalité lorsqu'on s'envole tel un ballon... vers l'illusion. Et si la félicité est tatouée sur la peau de l'être humain, la désolation, elle, est gravée au fer rouge dans notre âme.
... Parce que le monde tourne.
XxX
La cigarette jouait doucement entre les doigts fins de Syaoran, roulant entre son index et son majeur, tandis que son regard se perdait dans un lointain dont lui seul possédait la clée. Au plus profond de lui, il n'aspirait qu'à être aimé, il voulait ouvrir cette porte mais elle restait vérouillée.
Dire qu'il avait peur était un ridicule euphémisme. Les mains tremblantes, les yeux brouillés, il avait tendu le trousseau de clées à Sakura. Il ne lui restait plus qu'à trouver la bonne pour entrer en lui. Quand y arriverait-elle ? L'adolescent ne savait pas, mais il espérait bientôt... Egoïstement, il attendait tellement d'elle, son pilier, sa famille, sa femme, son ange. Il en était finalement arrivé à la situation qu'il avait toujours repoussée... parce qu'il lui faisait...
...mal.
Il la torturait un peu plus chaque jour, sans chaînes aux maillons de fer, sans brûlures de cigarettes dans le dos, sans coups de poings sur le corps. Oh non, il n'avait même pas besoin de tout cela ; il avait juste à claquer des doigts pour la faire souffrir, et l'idée que c'était aussi simple de la souiller le fit blêmir. Ses doigts se crispèrent soudain sur la cigarette et il aspira longuement, comme pour se calmer intérieurement. Il était aussi pollué que la fumée qui s'échappait de sa bouche.
Il se rappela la première fois que Sakura l'avait vu fumer, alors qu'elle rentrait épuisée d'une journée de cours. Il s'était câlé devant la télévision qu'il ne regardait qu'à moitié et la jeune fille était venue se blottir dans ses bras puis s'y était endormie. Elle s'était sûrement disputée avec son père... Cela lui arrivait souvent ces derniers temps, mais elle n'avait pas vraiment besoin d'approfondir le sujet, Syaoran se doutait bien qu'il y était pour quelque chose.
Avait-il détruit le maigre foyer de Sakura en la gardant près de lui comme un aimant ?
Comme un amant ?
Etait-ce ainsi que son père la voyait ? Une vulgaire pute ?
Il ne se souvenait que trop bien l'avoir rabaissée devant son père une fois, quand il jouait les salauds pour la repousser. A l'époque, il avait été fier de lui. Après avoir dit devant son père qu'elle baisait tous les mecs du lycée et que c'était un coup d'enfer (ce qui lui avait valu une gifle monumentale du géniteur), Sakura allait forcément le détester. Le haïr au mieux.
Mais même pas.
Son ange ne connaissait-il pas la haine ?
Inspiration, expiration.
Oui, la cigarette. Syaoran se reconcentra. Penser à l'éventuelle pureté de sa bien aimée n'était jamais bon pour sa santé mentale.
Elle s'était donc endormie dans ses bras et il l'avait regardée sommeiller toute la nuit... Lui, il passait des nuits blanches. Il était devenu insomniaque depuis deux mois, parce que si l'avoir auprès de lui était un réchauffe-coeur, c'était aussi un stress permanent, un stress de déraper, de tout foutre en l'air, de la violer, qui sait. Il riait à cette pensée mais c'était un rire jaune, parce qu'il lui suffisait qu'elle s'immagine le vouloir pour qu'il la touche comme il en avait toujours eu envie.
Insidieusement, sans amour.
La psy avait dit que les insomnies étaient normales après certains traumatismes, comme celui qu'avait subi Syaoran enfant, et qu'il gardait bien au froid derrière sa porte. Tant mieux d'ailleurs. Le déni était un soulagement pour l'instant. Bien sûr, il lui arrivait d'avoir des flash, des cauchemars étranges mais ne pas en connaître la réelle signification le soulageait. Il était dépendant sexuel et il allait guérir. C'était tout ce qui comptait... n'est-ce pas ?
Alors pourquoi, quand il l'avait regardée dormir cette nuit-là, caressant ses cheveux d'un geste protecteur et amoureux, il n'avait pu résister à la monstrueuse envie de décompresser ? De l'alcool, des cachets, de l'automutilation, du sexe... non, pas du sexe. Le plus « sain » restait la cigarette et il aimait bien ça, il avait déjà essayé au collège.
Le lendemain, Sakura s'était réveillée et n'avait rien dit en voyant cinq cigarettes dont une encore allumée sur le cendrier à côté du canapé. Elle n'avait rien dit lorsqu'elle avait senti l'haleine de son petit-ami en l'embrassant sur le coin de la bouche avec un « bon matin » tout à fait adorable (parce qu'il ne lui donnait pas le droit de vraiment l'embrasser...).
Elle s'était juste contentée de lui en arracher une et de tirer longuement dessus avant de s'étouffer violemment et alors Syaoran avait éclaté de rire, la taquinant. Il oubliait souvent que derrière ses grands sourires et sa générosité, se cachait un être brisé et souillé dans sa fierté, et qu'elle aussi avait besoin de décompresser. Qu'elle aussi avait besoin d'aide.
D'ailleurs, elle en avait besoin, là, tout de suite, et comme toujours Syaoran restait impuissant.
« Sakura ? », fit-il étonné en ouvrant sa porte.
La jeune adolescente tremblait, debout, l'air perdu, ses bras enserrant ses coudes dans un geste
protecteur, son regard allant de Syaoran à l'entrée du salon.
« Est-ce que... ? », commença t-elle au bord des larmes tandis que le brun se dégageait déjà pour la laisser entrer.
« Non, non, pas ici Syao, s'il te plait », implora t-elle non sans se mordre la lèvre d'appréhension. « Sortons. »
Syaoran la fixa quelques secondes, abasourdi. Que lui arrivait-il soudainement ? Quand elle allait mal, Sakura se dirigeait toujours vers sa meilleure amie, Tomoyo, c'était elle qui partageait tous ses secrets. Elle ne venait jamais pleurer sur l'épaule de Syaoran, comme si elle s'était enlevée ce droit dès l'instant où elle avait promis de l'aider. Comme si, en se permettant de confier sa souffrance au brun, elle allait faire basculer la balance dans le mauvais sens et que le château de cartes s'effondrerait.
Elle devait vraiment être au plus mal, et sans attendre, sans prendre la peine d'annuler son rendez-vous avec ses prostituées du vendredi soir (car contrairement à ce que les gens pensaient, il n'était pas bon qu'à faire ça tout le temps), il enfila rapidement une veste, prit les clés et un peu d'argent dans son portefeuille.
Une image horrible tournait dans sa tête. Et si quelqu'un lui avait fait du mal ? Si c'était ce vieux fou qui l'avait agressé dans les toilettes du cinéma ? Si c'était de sa faute ? Si c'était sa putain de faute ?! Cette pensée tripla son pouls lorsque Sakura éclata de sanglots dans ses bras, juste parce qu'il lui avait pris la main. Juste parce qu'il avait... enlacé leurs doigts...
Il se sentit soudain con sur ce palier et surtout au plus mal avec ses sentiments. Doucement, il se mit à passer une main sous son t-shirt, et à lui caresser le dos pour l'apaiser tout en la maintenant contre lui et lui soufflant des mots doux. Des « je t'aime », des « ça va aller », des « tu es forte », qui lui parurent bien fades mais qui eurent leur petit effet.
Avait-il vraiment été si cruel pour que celle qu'il aime en vienne à chialer comme une fontaine juste parce qu'il frôlait ses doigts ? A force de vouloir la protéger d'un feu trop passionel, ne lui laissait-il pas que les cendres amères sur lesquelles elle ne pouvait que pleurer pour... les éteindre un peu plus ?
« Je... je suis désolé, tellement désolé Sakura », murmura t-il en détournant le regard, la gorge nouée. « Je suis tellement... nul... Je n'ai même pas le courage d'aller plus loin. J'ai peur... »
Il se dégagea et fixa ses mains, paumes ouvertes devant lui, chevrotantes.
« J'ai peur de t'embrasser... Des-des conséquences... »
Syaoran s'en voulait de se confier à cet instant alors que c'était elle qui était venue le voir en quête de réconfort. Peut-être que ce n'était pas lui finalement sa faiblesse. Peut-être que c'était elle qui était la sienne. Ou peut-être qu'il était vraiment faible, tout simplement... qu'il l'avait toujours... été. Et il tressaillit.
« Syao ! », lança t-elle alors qu'elle sautillait à présent sur la route quasi-déserte, ses courts cheveux châtains clair retombant sur ses épaules et les yeux verts pétillants, comme animés d'une force soudaine. « Regarde », fit-elle en posant ses mains sur ses yeux pour se rendre aveugle, en plein milieu du goudron, « j'ai peur moi aussi, j'ai peur des conséquences de mon acte, mais l'important... l'important c'est la cause... c'est peser le pour et le contre et se demander si ça en vaut la peine... »
Figé d'horreur, Syaoran entendit une voiture arriver au loin et il se jeta en travers pour pousser Sakura de l'autre côté.
« Et mourir pour que je t'embrasse en vaut la peine peut-être ?! Tu es stupide ou quoi ?! », l'asséna t-il, sa rage explosant et la voix tremblante à la simple pensée de ce qui aurait pu se passer.
« Non, juste une salope qui refoule sa propre nature, tu te souviens ? Ou une pute, entres autres, mais si tu veux ajouter 'stupide' au palmarès des insultes que tu m'as attribuées, pourquoi pas... », dit-elle d'un regard vide et d'une voix pâteuse.
Syaoran lui secoua les épaules vivement, décidant d'enterrer cette dernière remarque.
« Qu'est-ce qui t'arrive, Sakura ? Tu n'aurais jamais fait ça en temps normal... »
« Je suis épuisée Syao », cracha t-elle avec dédain. « Marre de toi et de ton indifférence ! Je ne te demande pas la lune et tu es toujours aussi froid, si ce n'est que tu ne m'insultes plus. Comment puis-je t'aider à guérir ? Tu ne veux même plus sortir de cet endroit qui m'angoisse à chaque fois que j'y entre tellement c'est sombre ! Tu ne vois pas que tu te détruis et que je ne le supporte plus ? Je t'aime merde ! », pleura t-elle en posant ses deux mains à plat sur son torse et en le repoussant violemment. « Et ce soir, ça a été la goutte qui a fait déborder le vase, à cause d'autres problèmes. Voilà pourquoi je craque Syao. Ma patience et ma force ont des limites et j'arrive à saturation... Je... je ne sais pas quoi faire... »
Son regard se fit fuyant.
« Je ne sais pas quoi faire pour t'aider... Ce sentiment d'impuissance... De te voir avec toutes ces filles alors que j'ai tellement, tellement envie de te toucher... C'est... horrible ! », s'exclama t-elle en donnant un coup de pied violent dans un poteau, lui arrachant un gémissement de douleur. « Je ne sais plus quoi faire », dit-elle avec rage. « Pourquoi c'est si dur ? Pourquoi c'est toi, mon obsession à moi ?! Pourquoi je suis allée jusqu'à me mettre à genoux malgré tes humiliations ? Dis-moi... donne-moi plus de raisons de t'aimer que de te haïr... Parce que tu ne le veux pas, n'est-ce pas ? »
Bien sûr qu'il ne le voulait pas !
Jamais de haine !
Au fond, il voulait juste être aimé, cet adolescent fragile dans un corps d'homme. Il avait toujours voulu être aimé... cet enfant frêle qui n'avait reçu que la violence en réponse à son besoin d'affection. Lui, il avait eu pire que les chaînes aux maillons de fer, les brûlures de cigarettes dans le dos, les coups de poings sur le corps. Il avait eu la douleur dans toute sa spendeur. La douleur d'être souillé.
Au fond il voulait juste être aimé, alors il s'avança vers elle. Il longea le couloir sombre...
... prit sa main doucement, pour l'inciter à se calmer. Il toucha la poignet...
... la remonta pour lui frôler la joue, yeux dans les yeux. Il posa son autre main sur la porte...
...saisit brusquemment son menton et planta ses lèvres sur les siennes. Il ouvrit violemment...
...se recula, incertain, puis troublé par le désir, il les reprit et les caressa, joua avec. Il était plein de sensations...
...y pénétra sa langue avec pudeur, et y trouva son âme-soeur pour une valse enflammée. Il l'avait laissée entrer, Sakura avait trouvé la bonne clé...
XxX
Deux heures, dix-huit minutes et sept secondes du matin.
Et Syaoran ne fermait pas les yeux. Il n'y arrivait tout simplement pas, mais ce qu'il ne savait pas, c'est que Sakura se trouvait exactement dans le même état. C'était la première fois qu'ils dormaient dans la même pièce et même s'ils étaient tous les deux au bord du lit, ça ne les rassurait guère...
La jeune fille pensa tristement que c'était elle qui aurait dû mourir de peur, à côté du grand méchant obsédé sexuel, elle, la petite vierge innocente d'à peine seize ans. La fille.
Mais une fille courageuse et amoureuse vaut parfois plus qu'un garçon effrayé par ses propres sentiments... n'est-ce pas ? A cet instant, elle eut envie de secouer Syaoran avec force pour le ramener sur terre. Bon sang, elle avait envie de défoncer tout le mobilier qui lui tomberait sous la main, avec ses pieds, avec ses poings. Et lui, elle avait envie de le défoncer avec des mots, les mêmes qui l'avaient suffisamment heurté pour qu'il l'embrasse.
Que devait-elle faire ? Sakura ne savait plus, elle n'était qu'humaine après tout.
Elle en aurait pleurer de frustration. Que quelqu'un lui vienne en aide... Dommage que Tomoyo était si loin. D'ailleurs, Sakura se maudit intérieurement à cette pensée. Si après avoir embrasser Syaoran elle n'aurait pas eu la sublime idée de l'emmener ici, Syaoran n'aurait jamais été si mal à l'aise.
N'en pouvant plus, le brun se leva sans bruit et les draps se froissèrent légèrement. Il alluma une petite lampe au dessus de la cuisinière et ouvrit un placard pour y chercher du café. Une fois coulé, il se rassit doucement sur le lit pour ne pas éveiller sa bien aimée. Sakura ne voyait que son dos et pourtant elle devinait aisément sa fatigue... Ses mouvements étaient particulièrement lents et son souffle légèrement erratique. Comme s'il manquait d'air.
« Depuis quand est-ce que tu n'as pas dormi une nuit entière ? », demanda t-elle doucement en passant ses bras autour de sa taille.
Syaoran fut surpris par ce soudain contact et sursauta. Il sentit l'odeur caractéristique de pêche dans le cou de la jeune fille et fourra son nez dans ses cheveux miel pour mieux s'en imprégner. Ca lui faisait un mauvais effet bien sûr... surtout pour une partie douloureuse de son anatomie ; mais Syaoran était incapable d'y penser, trop concentré à apprécier cette odeur qui n'était ni celle de la cigarette, ni celle du sexe... Pourquoi n'y avait-il qu'elle pour l'empêcher de suffoquer ?
« Je sais pas... », souffla t-il. « Mais ce lit est foutrement inconfortable. Quelle drôle d'idée de m'emmener ici, dans une caravane... »
« C'était celle de mes parents ! On allait toujours camper ici quand on était petits, avec Toya, maman et papa. Mais depuis la mort de maman... nous ne sommes plus revenus. »
« Ce qui explique la poussière », grimaça t-il. « C'est vraiment crade, regarde les meubles. »
« Parce qu'en plus Monsieur joue la fine bouche. Si t'avais une meilleure idée, t'avais qu'à proposer. »
Syaoran haussa les épaules et but une gorgée, pensif.
« Sakura... », hésita t-il. « Pourquoi pas le manoir ? »
« ... parce que je le hais. »
« Il représente tout ce que je suis, n'est-ce pas ? »
Sakura le fixa, abasourdie.
« Qu'est-ce que tu veux dire ? »
« Peu importe », dit-il en se levant et en posant la tasse à côté de lui.
Sakura esquissa le même mouvement et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, la jeune adolescente le sondait de ses yeux verts, verts, verts, beaucoup trop verts...
« Qu'est-ce que tu veux dire ? », s'indigna t-elle. « Que je n'aime pas ta maison parce qu'à chaque fois que j'y vais, ça sent le renfermé, ça sent la torture psychologique et la déchéance physique ? Parce qu'à chaque fois je vois toutes ces filles qui ressortent heureuses avec leur argent alors que moi j'en ressors triste avec rien du tout ? Oui, c'est pour ça que je la hais. Maintenant si tu penses que tu me répugnes, je ne sais pas ce que je perds mon temps à sauver... Combien de fois vais-je devoir te le répéter ? Je t'aime... »
Et comme pour appuyer ses dires, Sakura posa ses mains autour du cou de Syaoran et approcha ses lèvres des siennes dans un baiser dégoulinant d'amour et de tendresse. C'était une caresse légère, deux langues mutines qui jouaient un jeu dangereux, sans jamais s'enflammer vraiment, de peur de trop d'ardeur, de peur de perdre le contrôle.
« J'aimerais... J'aimerais rester comme ça toute ma vie... Tu crois que c'est possible, hein Syao ? »
Las et épuisé, Syaoran appuya sa tête contre son épaule. Il s'endormit doucement dans ce cocon protecteur. Lui aussi aurait aimer rêver... mais cela faisait longtemps que les cauchemars l'avaient rattrapé. Cela faisait cinq ans que la réalité avait brisé l'enfant.
XxX
Ce soir-là, l'univers s'était glacé sous ses pieds.
Il s'était toujours voilé la face. Il avait passé la plupart de sa jeunesse à courir dans les rues de Tomoeda, à recevoir l'affection de ses parents adoptifs, à jouer avec ses meilleurs amis.
Et pourtant... pourtant, la roue avait tourné. Au moment où ses doigts avaient tourné la poignet de la chambre de sa troisième soeur. Il avait confiance en elle. Il l'aimait, elle prenait beaucoup soin de lui dans cette maison. Cette maison qu'il haïssait.
En quittant le Japon pour rejoindre la Chine, pour vivre enfin avec sa vraie famille, Syaoran s'était immaginé un conte de fées. Ses parents le voulaient enfin, la firme Li restaurait suffisamment de son blason pour le récupérer. A la naissance de Syaoran, les Li étaient trop accablés de dettes et n'arrivaient plus à subvenir aux besoins primaires c'est-à-dire donner de l'eau et du riz à leurs trois filles. C'est ainsi qu'à contre-coeur, ils avaient décidé de faire adopter le garçon.
La troisième fille était née quatre ans avant Syaoran, au coeur de cette période de crise économique de la firme Li. Elle s'appelait Fang, et sa soeur jumelle portait le nom de Liu. Mais la naissance de Liu s'était mal passée et pendant des années, la petite s'était accrochée à la vie, sous respirateur artificiel. Fang souffrait beaucoup de la maladie de sa jumelle, sans compter le fait que toutes les deux n'avaient été que des « erreurs ».
Une erreur... comme sur un programme informatique.
Fang ressentait un profond mal-être lorsqu'elle entendait ses parents se disputer, se haïr, se frapper, alors qu'elle se cachait dans l'escalier. Une erreur... Un accident... C'était bien comme cela qu'on appelait une grossesse non voulue, après tout.
Fang ne s'était jamais sentie désirée ni aimée par personne. Quand Liu mourrut à l'âge de quatre ans, Syaoran naquit à la suite d'un autre « accident » (et Fang se moquait intérieurement de ce mot, parce que ce n'était pas le destin qui avait provoqué la naissance de son frère, mais bel et bien deux adultes responsables qui au milieu de leurs querelles destructives avaient couché ensemble).
Elle se promit de le protéger à sa naissance, même si elle n'avait que quatre ans. Elle se promit de l'aimer de toutes ses forces lorsqu'elle se pencha au dessus de son landau. Lui aurait ce qu'elle n'avait jamais eu.
L'amour.
Quand on lui arracha Syaoran, c'était comme si on lui arrachait sa jumelle une deuxième fois. Elle en pleura longtemps, maudissant ses parents et ne s'en remettant véritablement jamais. Fang grandit mais resta solitaire à l'école ; à l'écart. Elle avait souvent été la tête de turque des élèves et se laissait maltraitée avec une indifférence non feinte.
Elle survivait. Seule. Dans ce monde de brutes. Jusqu'à ce que des lycéens lui tendent la main et ne l'entraînent dans la drogue. C'était au moment où ses parents étaient « retombés amoureux » l'un de l'autre. La veille, sourire aux lèvres, ils avaient annoncé à Fang qu'ils allaient se remarier. Elle aurait dû être heureuse mais Fang avait mal, si mal.
Toute cette violence sous ses yeux pour en arriver là. Au point mort. Le vase luxueux avait été brisé en morceaux comme si son prix ne valait rien...
Alors ce jour-là, dans les toilettes, les yeux secs d'avoir trop pleurer, désirant plus que jamais fermer les yeux sur la réalité, Fang décida d'accepter la drogue du garçon. Elle voulait juste être un de ces gosses qui s'oublient dans la drogue... parce que ça faisait longtemps qu'on l'avait oubliée.
Elle avait dix-sept ans et Syaoran était revenu depuis trois ans à la maison. Depuis son retour ; elle s'était sentie revivre. Tout son amour, toute sa gentillesse, toute sa vie ne tournait qu'autour de lui. A savoir s'il allait bien. S'il avait faim. S'il voulait un câlin.
Et comme chaque soir, Syaoran, âgé alors de treize ans, était monté dans sa chambre pour dormir comme un enfant gâté dans les bras de sa maman. Il avait tourné la poignet...
La porte s'était ouverte et tout avait changé lorsqu'il s'était rendu compte que sa soeur planait.
Et l'enfer commença lorsqu'elle lui proposa quelque chose qui « changerait sa vie ».
Juste un verre d'eau...
Un putain de verre d'eau et des putains de cachets.
Ou comment l'être humain peut se foutre en l'air.
XxX
Syaoran se réveilla en sursaut. En sueur, il passa une main sur son front et jeta un coup d'oeil sur le réveil qui affichait 07h18. Réussir à fermer les yeux plus de cinq heures d'affilé relevait de l'exploit, bien que ce long sommeil semblait l'avoir plus épuiser que revigorer.
Avec un pincement au coeur, le lycéen se rendit compte que la caravane était vide et que sa petite amie avait déserté. Peut-être avait-elle enfin réalisé que leur histoire n'était qu'une erreur ? Comme sa propre vie... Il se fit couler un nouveau café pour éviter de se rendormir et prit une douche bien froide. Il se sentait étrangement mal. Plus que d'habitude.
Son inconscient lui avait montré des choses cette nuit ; il le savait, cependant il ne s'en souvenait plus. Par contre les battements intensifs de son coeur à son réveil et ses joues salies de larmes sèches lui indiquèrent qu'il ne s'agissait certainement pas de jolies choses. A cet instant-là, plus que jamais, il eut marre de ses fantômes, du spectre qui planait sur lui continuellement. Il voulait se souvenir, se convaincre qu'il n'était pas un salaud...
Les gouttes d'eau coulèrent longtemps sur son corps tandis qu'il la laissait le nettoyer, le purifier, les deux mains appuyées sur le carrelage, la tête en avant. Ses yeux vitreux fixèrent pendant tout ce temps la cicatrice qui ornait son bas-ventre, juste au dessus de son sexe. C'était un « S » entrelacé d'un « F ».
L'entaille était fine, faite probablement par un couteau. Tout autour, la peau était frippée, étrangement pâle. Les jambes de Syaoran chancelèrent sous son poids alors que les flash revinrent brutalement. Sa soeur. La drogue. Ces nuits. Cette nuit...
Il se souvenait encore de la sensation d'être violé par ce type qu'il ne connaissait pas, il se souvenait encore de la sensation de planer et d'aimer ça, sous l'effet de la drogue. Puis les cris, l'horreur peinte sur le visage de ses parents quand ils avaient appris pour lui et Fang. Ils ne surent jamais quelle humiliation la drogue avait fait naître en lui. Ils ne surent jamais que leur fils fut souillé à quinze ans. Les flash prirent l'image d'une maison de cure, de murs blancs, d'autres drogués, de vide de sa soeur.
A dix-sept ans il était sorti de l'enfer après être passé par le purgatoire. C'est durant un jour ensoleillé qu'il était revenu au Japon, persuadé que la seule qu'il avait toujours eu dans la peau ne pensait plus à lui. Pourtant il fut surpris lorsque celle-ci le serra dans ses bras. La première fois, il la rejetta comme une merde, il avait trop honte de lui, il ne pouvait pas. Puis ensuite, il continua parce qu'entre temps il était devenu dépendant sexuel. Une obsession par une autre...
Et Syaoran frotta son tatouage jusqu'au sang.
Il aurait tellement voulu que deux « S » s'entrelaçent.
XxX
POV Sakura
Trois semaines et il n'a jamais fait aussi chaud.
Nous sommes en Mai et je vis désormais avec Syaoran dans ce camping qui me rappele mes souvenirs d'enfance.
Je me sens comme un vieux couple avec Syao. Un couple qui a été acheté des affaires de toilettes au petit supermarché du coin ; qui va faire ses courses à l'alimentation voisine, et qui dévalise les distributeurs en pleine nuit pour se procurer tout un tas de babioles bien utiles.
Mais peu importe l'image que l'on renvoie tous les deux.
Peu importe les regards en biais des gens, les regards accusateurs, trop de curieux (une jeune fille et un jeune garçon seuls dans une caravane... voyons... que peuvent-ils bien faire selon eux ?), trop de jugements.
Ce matin alors que j'allais faire la vaisselle dans le réfectoire commun, ma voisine m'a parlé de « cet étrange garçon qui vit avec moi ».
Oui, Syao a l'air toujours défoncé.
Oui, Syao est peu amical je vous l'accorde.
Et enfin oui, vous devriez mettre vos filles majeures et vaccinées en sécurité, car ce n'est pas un gentil garçon.
Mais qu'importe. J'emmerde les gens.
Je n'en pouvais plus d'entendre mon père se méfier de chacune de mes sorties, s'inquiéter pour moi. Je sais qu'il faisait cela pour mon bien... mais ça a fini en dispute et crise de larmes, parce que pour une fois je lui ai demandé de me faire réellement confiance.
Ce qu'il n'a pu faire.
Qu'il déteste le connard que tout le monde connaît en Syaoran, je peux comprendre. Eriol m'a même tourné le dos pour ça.
Mais mon père...
Il avait tellement honte de moi... que croyait-il que je faisais chaque soir chez Syao ?
Il était sûrement loin, très loin de la vérité.
Car nous n'avons pas encore fait l'amour.
Alors à la place, je l'embrasse, je joue la petite amie idéale.
Je lui serre la main quand il cauchemarde.
Sa tête repose doucement contre mon épaule quand il veut s'endormir. Il aime mon parfum.
Ses yeux réclament les miens quand on sort pour se promener dans le camping, quand on croise du monde. Ses yeux sont effrayés, des yeux d'agoraphobe. Alors je lui effleure le bras et le lui caresse jusqu'à ce qu'il se détende et puisse sourire à nos voisins tandis que je m'occupe de la partie 'faire connaissance'.
Je suis même devenue sa prof attitrée.
Grâce à moi, il reprend petit à petit les cours qu'il a manqué ces derniers mois. Je travaille moi aussi, beaucoup, parce que je n'oublie pas qu'il y a le baccalauréat en Juin, cet examen soit disant décisif pour notre avenir.
J'ai besoin de me sentir comme une adolescente normale de temps en temps. Avant-hier soir, j'ai emmené Syaoran au bord de la plage et on a joué aux amoureux niais.
Mais ça nous a fait tellement de bien...
Tellement...
Juste quelques éclaboussures d'eau. Puis on ne cessait de se noyer l'un l'autre.
Ce jeu nous a rendu fous, fous de joie. Je retrouvais la sensation de défit qui m'excitait tant avant que je ne découvre que Syao soit dépendant. Avant que je ne le surprenne plaquer cette fille contre le mur dans cette rue.
Tout était tellement mieux à cette époque... Quand j'ignorais.
Finalement, Syao et moi sommes restés enlacer l'un contre l'autre sur le sable chaud pendant je ne sais combien de temps.
Parlant de tout et de rien.
Ce fut la plus longue conversation que je n'avais jamais eu de toute ma vie avec lui.
Je réalisais alors que je ne le connais même pas.
Mon coeur se mit à battre soudain très vite à l'idée de pouvoir passer ma vie avec lui, de découvrir ce qui se cache sous cette carapace.
Oui, je sais, je pourrais gagner la plame d'or des rêves à l'eau de rose.
Parce qu'au fond de moi, malgré ce que je vais faire ce soir, je reste une enfant.
...et ne dit-on pas, que les enfants sont des anges qui ignorent la haine ?
XxX
POV Syaoran
Bordel.
Elle. veut. ma. mort !
Sakura s'est présentée à miss camping, j'en ai ri il y a deux jours, j'en ai la gorge nouée maintenant.
L'ai-je déjà comparée à un ange ? ... Si c'est le cas, je retire ce que j'ai dit.
Ma copine est une putain d'allumeuse à un point que je me demande ce qu'elle cherche exactement. Il y a trois options :
-Sakura est en fait une fille sadique preque aussi fêlée que moi et veut me faire payer mon comportement exécrable en me frustrant à mort.
-Sakura a enfin trouvé un homme qui la mérite et tente de le séduire.
-Sakura me chauffe dans l'espoir qu'en rentrant ce soir dans la caravane je vais lui sauter dessus.
...
Je peux déjà éliminer la première. La deuxième me ferait un peu peur mais me semble déjà plus réaliste.
La dernière...
La dernière me fait serrer les poings et je me lève de ma chaise sans mot dire, sous le regard éberlué des autres spectateurs.
Qu'ils aillent tous se faire foutre !
Sakura est la plus belle et elle gagnera, je n'ai pas besoin de rester pour le savoir.
Ses courts cheveux châtains lui tombent sur les épaules et sa frange cache presque ses magnifiques yeux verts. Elle est grande, 1mètre70 et plutôt longiligne, avec des jambes qui n'en finissent plus. Ce soir elle porte des chaussures à talons rouge et une robe blanche avec des fleurs roses. Sa robe est assez décolletée et elle marche vraiment comme une mannequin.
A la voir aussi déterminée, on ne la croirait pas aussi timide...
Enfin, timide... son regard est en train de foutre le feu sur la scène et le mien brûle tous les mecs qui profitent un peu trop du spectacle.
Connards.
Une demi-heure plus tard, elle rentre tandis que je fixe le plafond, immobile, allongé sur mon lit. Ressassant mes idées noires.
« Syao, tu sais je... je me disais que je pourrais remplacer ces filles...Je voudrais tellement que ce soit moi... Je suis prête, j'en ai envie... »
Cette phrase tourne en boucle dans ma tête, comme une litanie.
Elle me l'a soufflée avec tendresse hier.
J'en ai frissoné d'horreur et lui ai tourné le dos sans un mot, glacial.
Sakura n'a pas pleuré, juste soupiré. Comme si coucher avec elle était une ignominie.
Bien sûr que non...
Oh non...
Mon corps ne veut que ça, c'est juste que mon coeur n'en veut pas.
Parce que si je la touche...
Je ne serais plus capable de me contrôler.
Petit à petit, la dernière parcelle de raison me quitte. Mes mains tremblantes se saisissent des préservatifs qui viennent d'être jetés sur le lit.
Pourquoi ? Comment pourrais-je te protéger si je fais ça, hein ?
Pourquoi tu saisis ma nuque et t'assieds à califourchon sur moi ?
Pourquoi tu mènes la danse avec tes baisers qui me font perdre la tête ?
... Pourquoi toi, Sakura ?
Ne me laisse pas plonger...
Ne me laisse pas nous noyer...
J'peux déjà plus respirer.
A suivre...
Voili voulou...
Hm, envie de meurtre ? C'est le bouton en bas à gauche. Cette partie fut très laborieuse pour moi à écrire. En espérant tout de même qu'elle vous a plu.
Je vous remercie pour votre soutien, que ferais-je sans vous...? Je remercie aussi les anonymes (Moi! Et Kasha-chan).
Plus qu'une partie et un épilogue normalement.
Bisous.