Pour le bien de Flaquemare
Personnages : Olivier Dubois, OCs
Genre : Humour, romance
Résumé : C'était l'un de ses premiers matchs dans l'équipe de Flaquemare, alors Olivier voulait se montrer à la hauteur. Il y avait pourtant quelques éléments qui allaient lui échapper, de toute évidence.
Disclaimer : Olivier Dubois et le monde magique sont à JKR.
Chapitre 2
J'avais toujours détesté Londres.
Londres n'a aucun stade de Quidditch. Question de place et de structures, question de moldus. Allez planter un terrain gigantesque avec des poteaux de plus de dix mètres de haut en plein milieu de la capitale ! Et le tout nécessitant des centaines de sorts de protection, d'invisibilité et de repousse-moldus, alors que ceux-ci se baladent à quelques lieues de là. Allez donc cacher l'enthousiasme et les dizaines de milliers de supporters hystériques.
Démesuré, absolument pas rentable et complètement stupide.
Donc il n'y a aucun stade à Londres. Aucun vol en balai autorisé. Pas de Quidditch.
J'avais toujours détesté cette fichue ville.
Le centre de Sports de Flaquemare dans la paisible lande galloise respirait nettement plus la joie de vivre. De l'espace, des stades, des entraînements, des spectateurs chaque dimanche pendant la saison, tout ce qu'il faut pour le moral et la bonne santé d'un joueur.
Seulement Londres reste incontournable. La section des sports et jeux magiques du Ministère, le bureau de la fédération nationale, la presse sportive, la vente de matériel, les réseaux de clubs de supporters… Bref, l'économie souterraine, les magouilles du Quidditch, tout ce qui pouvait me plaire… à petite dose. Des belles paroles et pas beaucoup d'action.
Et me voilà, en plein mois de mars, à battre le pavé humide, non loin de la Tamise. Dans ma poche, juste ce bout de papier froissé, qui jadis avait été une carte de visite.
Erin Smith, journaliste à Quidditch Magazine
Oh, Dennison pouvait bien se foutre de moi et raconter à tout le monde que je comptais remercier à ma façon cette donzelle pour son article. Et vu les sourires en coin et les clins d'œil échangés dans le vestiaire, je m'étais senti obligé de rétablir la vérité.
- Hors de question que je me vende à une journaliste !
- Tu fais la tête, Dubois, mais tu avais l'air de l'apprécier, la demoiselle. Hein, vous ne discutiez pas innocemment dans ce bar à Karasjok ?
J'avais ma petite théorie concernant les journalistes. Aucun n'est digne de confiance, tous peuvent te faire des sourires par devant et te descendre le lendemain en deuxième page de l'édition du dimanche, et dans leur foutue école de journalisme, il doit y avoir des cours pour leur apprendre à embobiner les gens !
Les faits, les faits et seulement les faits, ils ne connaissent pas. Un journaliste qui prétend être objectif, est un menteur. D'un article, certains peuvent détruire une carrière, faire et refaire les équipes à leur guise. Ils interfèrent dans les négociations pour le marché d'hiver, s'infiltrent par n'importe quel moyen dans les équipes pour l'information ou la photo compromettante qui leur permettra de faire les gros titres le lendemain.
Je me refuse même à évoquer ce fameux top 10 des joueurs les plus sexys d'Angleterre, qui vous vous en doutez sûrement, ne se base absolument pas sur les compétences sportives des dits joueurs !
Et Erin Smith était la preuve vivante de tout ça ! Voilà pourquoi elle me faisait enrager ! Voilà pourquoi je me retrouvais à Londres pour régler mes comptes avec elle !
Elle avait honteusement profité d'un moment de faiblesse, en se faisant passer pour une gentille fille, pour me soutirer des informations et écrire ensuite cet article.
Peut-être avait-elle-même brisé ma future carrière, pour quelques petites choses sans importance qu'elle avait outrageusement soulignées dans son papier.
- Elle n'a rien dit de particulièrement méchant sur toi, Dubois, avait tenté Doherty devant mon air buté. Tu dois bien avouer que tu n'aurais pas dû tant te déporter sur la droite pour ce tir-là. Et que ce lancer en deuxième période n'était pas très…
J'en avais assez entendu. Que ce genre de remontrances reste dans les couloirs du centre d'entraînement de Flaquemare ! Pas la peine de les étaler à des milliers de lecteurs amateurs du souaffle. Sans compter tous les entraîneurs, les dirigeants d'équipe, qui associeraient immédiatement mon nom à cet article infâme.
Il avait fallu attendre que le Coach veuille bien me laisser libre de mes mouvements une petite demi-journée, pour prendre la première cheminée en partance pour Londres. Aller jusqu'à m'infiltrer dans le Londres Moldu pour trouver Smith, ne me semblait même pas inconsidéré. Même si un ami avait dû m'aider à trouver des habits moldus convenables pour vaquer le long des grandes avenues bétonnées, en passant inaperçu.
L'immeuble de Quidditch Magazine ressemblait à beaucoup de ses immeubles victoriens à l'architecture élégante et riche qu'on pouvait voir dans le quartier des affaires. Une plaque dorée affichait le nom d'une entreprise moldue affublée de sigles sans aucun sens à mes yeux. Je passais outre. L'adresse était claire et le regard des moldus se détournant complètement du bâtiment, indiquait sans ambiguïté qu'il y avait de la magie là-dessous.
La poignée ouvragée brilla d'un halo blanc à peine l'avais-je effleurée. Sans même avoir eu conscience du transfert magique, je me retrouvai un peu déstabilisé dans un hall au décor tapageur. Des grandes affiches ça et là étalaient les couleurs éclatantes de diverses équipes.
Je jetai un œil en arrière sur la grande porte en bois clair hermétiquement fermée, à quelques mètres. Si déjà l'édifice en lui-même me réservait des surprises de ce genre, c'était mal parti. Me reprenant, j'avançai d'un pas vif. Mon regard croisa un moment celui du réceptionniste, un grand gaillard à demi-caché par son journal. Sur le devant de son bureau, s'étalaient en caractères nets : Quidditch Magazine – Accueil.
Je détournai les yeux et avançai d'un pas vif.
- Monsieur ! héla le réceptionniste. Je peux vous aider ?
Le ton indiquait clairement qu'il ne faisait pas dans l'amabilité.
- Vous avez rendez-vous ? insista-t-il. Vous ne pouvez pas entrer comme ça.
C'est bien ce que je pensais : il fallait bien un chien de garde pour que tous ces journalistes opportunistes et malveillants se sentent en sécurité ici. Continuant de traverser ce hall d'entrée qui n'en finissait pas, j'agitai la main et lançai de la façon la plus débonnaire :
- Je viens juste voir une amie.
C'est à ce moment-là que des réflexes de sportifs peuvent se révéler utiles.
Loin de se montrer rassuré, l'homme démontra ses talents de vigile. Le bruit du journal que l'on froisse, m'indiqua qu'il était clairement temps de prendre la fuite.
En quelques foulées, j'atteignis le bout du corridor, me faufilai à l'intérieur d'un des deux ascenseurs et appuyant fermement sur un des boutons, j'eus tout juste le temps de voir les deux panneaux se refermer, me dissimulant à la vue du gardien furieux. En tout cas, le juron qui me parvint, me laissait penser cela.
Je ne pus m'empêcher de sourire, c'était drôle en un sens.
Je désenchantai un peu. Il y avait bien vingt boutons d'étage dans cet ascenseur, certains correspondant même à des sous-sols. Alors comment allais-je trouver cette foutue Smith ? Je retournai la carte de visite froissée entre mes doigts, embêté de ne pas y voir ce genre d'informations pourtant fichtrement utiles.
Au hasard, je réappuyai sur un bouton pendant que l'ascenseur gémissait de façon inquiétante. Cette cabine semblait assez luxueuse mais pas vraiment de première main. Les portes s'ouvrirent sur le dix-septième étage. Autant s'éloigner le plus possible du vigile, n'est-ce pas ?
J'avançai désinvolte dans le couloir face à moi, déambulant à la recherche d'une solution pour trouver Smith et tentant de paraître le plus naturel possible au milieu des gens affairés qui passaient en trombe.
C'est alors que je perçus une conversation des plus intéressantes. Poussant une porte entrouverte, je vis deux jeunes femmes bavardant joyeusement autour d'un bureau, et le plan se forma dans mon esprit.
- Je te l'avais bien dit, il suffisait de l'ignorer, gloussait l'une des deux secrétaires. Le comportement masculin est absolument incompréhensible ! Tu leur sors le grand jeu, sourires charmeurs et compagnie, ils ne voient rien… Et si tu les snobes, alors là !…
D'un coup de coude, sa collègue l'interrompit brutalement.
- Monsieur, nous pouvons vous aider ? fit-elle alors que l'autre jeune femme se retournait, constatant ma présence avec gêne.
Les étapes du plan se précisèrent, à voir les sourires polissées de ces deux employées.
Après tout, il n'y avait pas eu de photos dans l'article me concernant. Il n'y avait aucune raison pour que deux secrétaires quelconques connaissent le visage d'un gardien remplaçant qui n'avait joué dans les matchs officiels qu'une paire de fois.
- Peut-être… murmurai-je prenant soin de me composer une mine embêtée. C'est un peu gênant à vrai dire.
Je m'arrêtai là, voyant que j'avais toute l'attention voulue, avant de reprendre.
- Hé bien, je voulais juste faire une surprise à mon amie. Mais voilà, vous allez me trouver stupide, je ne pensais pas que le bâtiment soit aussi grand. Et je ne sais pas du tout dans quel bureau précis elle travaille.
L'air énamouré des deux femmes était bel et bien le résultat que j'avais escompté. C'était somme toute assez facile.
- Oh, vous veniez à l'improviste pour voir votre petite amie. C'est adorable ! s'extasia la première.
Comme quoi, quelques épisodes du feuilleton Mon sorcier bien-aimé suffisent pour comprendre la psychologie féminine.
Je hochai la tête d'un air faussement gêné.
- Et qui est cette personne chanceuse ? grinça malgré tout l'autre femme.
- Erin Smith, vous la connaissez peut-être ? je répondis le plus innocemment possible.
Les deux commères échangèrent un regard stupéfait, avant de me dévisager avec l'air de ne pas en croire un mot. Là, j'avoue que les choses m'échappaient sans doute.
- Erin Smith ?… bafouilla la première. Quatrième étage, dernier bureau à gauche.
Le silence pesant qui s'ensuivit, me fit comprendre qu'il ne valait pas mieux s'attarder. J'avais l'information que j'étais venu chercher, il était temps d'opérer une retraite stratégique.
- Merci beaucoup !
Alors que je les saluais et repartais vers l'ascenseur, j'entendis dans mon dos le bruit incessant de leurs babillages. Et je n'aimais pas vraiment le ton que prenait leur conversation.
J'appuyai sur le bouton quatre de l'ascenseur, assez mitigé. Si d'un côté, mes ruses dignes d'un Serpentard allaient porter leurs fruits, d'autre part, le comportement étrange des deux employées me laissait entrevoir de futurs problèmes. Haussant les épaules, je décidais qu'il ne s'agissait probablement que de jalousie ou de dépit envers l'une de leurs collègues, que peut-être pour une raison ou pour une autre, elles n'appréciaient pas.
Et après tout, je ne m'étais pas déplacé pour arranger les affaires de Mademoiselle Smith, mais plutôt pour arranger les miennes. Ce n'était pas si catastrophique que ça, si maintenant les rumeurs lui attribuaient un petit ami séduisant.
L'ascenseur émit un tintement désuet en arrivant au quatrième étage. Je m'engageai dans le long couloir à ma gauche. Souriant largement à une dame d'un âge certain qui me jeta un regard circonspect par-dessus ses épaisses lunettes, il me tarda d'arriver au dit bureau, de remettre les choses en ordre et de retourner à Flaquemare, environnement nettement plus agréable et familier.
Arrivé au bout du corridor, je scrutai un instant la plaque portant le nom de la journaliste. Elle qui semblait à peine plus âgée que moi, avait déjà droit à son propre bureau. Dire que ces journalistes vous feraient croire que devenir titulaire dans un journal connu, est chose difficile. Erin Smith, l'exception à la règle ? C'était bizarre, tout ça.
Je m'apprêtai à frapper à la porte.
Mais le panneau de bois vint buter durement contre mon front, me poussant contre le mur. Echoué lamentablement par terre, tenant ma tête entre mes mains, je vis la responsable de tous mes malheurs émerger de derrière la porte.
- Elsa ! Ma plume à papotes a rendu l'âme !
Le cri assourdissant sembla résonner dans mon crâne, aggravant la douleur pulsatile qui me paralysait.
- Nom d'un troll ! jurai-je à voix basse.
La pseudo-journaliste daigna alors remarquer ma présence.
- Mais qu'est-ce que vous fichez par terre ? s'exclama-t-elle les sourcils froncés.
- Ça ne se voit pas ?
Je crois qu'au final, dans l'état lamentable dans lequel je me trouvais, j'étais plus amusé que réellement fâché. Je me relevais prudemment sous l'œil inquisiteur de Smith.
- Monsieur Dubois ? s'exclama-t-elle, son attitude changeant du tout au tout, et je me ne pus que me réjouir de voir sa mine ébahie et ses yeux s'agrandir sous la surprise.
- C'est la première fois que je vois une porte d'aussi près, marmonnai-je en tâtant mon front à la recherche d'une bosse.
- Je suis vraiment désolée, articula-t-elle d'une petite voix. Je ne savais pas que vous étiez là… qu'il y avait quelqu'un derrière la porte…
- C'est pas si grave, assurai-je peu convaincu qu'elle mérite vraiment qu'on la rassure, mais son air contrit paraissait suffisamment sincère pour s'y laisser prendre.
- Entrez. Elsa s'y connaît bien en plaies et bosses. Avec cinq enfants, vous imaginez !
Tandis qu'elle me poussait littéralement jusque sur une chaise, je commençai à me demander si cette entrée fracassante n'était pas un mauvais signe.
- Je reviens. Ne bougez pas ! intima Erin.
Comme si j'allais m'envoler après avoir eu tant de mal à lui mettre le grappin dessus. Je soupirai et jetai un regard à la pièce. Rien de très original, un bureau de journaliste bien sous tout rapport. Même pas d'objet personnel, c'aurait pu être le bureau de n'importe qui.
Il lui fallut à peine trente secondes pour revenir précipitamment, sa baguette à la main dans une posture qui m'effraya au premier abord.
- Vous comptez faire quoi avec ça ? demandai-je hésitant entre l'amusement et l'inquiétude.
C'est que le Coach me tuerait si jamais le moindre sortilège m'empêchait de monter sur un balai…
- Guérir cette bosse tout simplement, répondit Erin en haussant les épaules. Vous êtes un grand garçon, vous n'allez pas faire des histoires.
Grand garçon, grand garçon, pour qui me prenait-elle ? Je tenais juste à ma santé physique et mentale.
- Et vous maîtrisez le sortilège de guérison ? insistai-je.
- Pas vraiment, mais on vient de me montrer. Ça ne prendra qu'une seconde, tenez-vous tranquille.
Parce qu'elle croyait réellement que j'étais rassuré maintenant ? Bondissant littéralement de ma chaise, je me souciais seulement de mettre une distance de sécurité appréciable entre une journaliste incompétente en matière de soins et mes précieux talents de Quidditch qui se devaient de rester intacts.
Je pris un air assuré tandis que Mademoiselle Smith me dévisageait avec une mine accablée.
- Vous ne connaissez pas le soigneur de notre équipe, avançai-je, improvisant une raison valable. Il serait furieux s'il apprenait que quelqu'un d'étranger avait posé la main sur un de ses joueurs.
L'argument eut sûrement du mal à prendre. Smith fronça les sourcils, puis finit par baisser sa baguette.
- Très bien, si vous n'avez pas confiance…
Evidemment elle ne m'avait pas cru.
- Lorsqu'on écrit un article dans votre dos, c'est assez difficile, lançai-je insidieusement.
Prenant son temps, elle alla s'installer sur le fauteuil en cuir de l'autre côté du bureau. Elle posa sa baguette, avant de se préoccuper encore de ma petite personne.
- Alors c'est pour ça que vous êtes venu ? persifla Smith. Moi qui pensais que vous m'en seriez reconnaissant.
Je fis la grimace, attrapant machinalement ce qui ressemblait au trophée d'un concours de journalisme de bas étage.
- Bien sûr, être reconnaissant parce que quelqu'un vous a menti et a honteusement profité d'une situation à son avantage… C'est à quel moment exact que je dois dire merci ? grondai-je avec sarcasme.
- Oh, je vois, soupira Smith. Un parfait petit Gryffondor, n'est-ce pas ?
De sa bouche, ça avait tout l'air d'être un grave défaut. Le petit sourire moqueur qu'elle arborait, commençait à m'échauffer. La fille gentille du bar perdu en Norvège était bel et bien un mythe, une jolie façade pour mieux me tromper.
- Irréfléchi, entreprit-t-elle de compter sur ses doigts, vous n'avez pas songé qu'avec cet article, je vous faisais une pub inespérée. Fonceur, vous êtes venus directement ici pour retrouver votre honneur ou je-ne-sais quelle sottise du même genre. Et enfin, vous tenez bien trop à l'honnêteté et à la franchise…
En gros, elle me trouvait stupide. Là je voyais rouge. Si elle voulait jouer de cette façon.
- Serpentarde ! clamai-je les appuyant me deux mains sur son bureau. Tous les moyens sont bons pour obtenir ce que vous voulez !
Smith se leva posément après m'avoir lancé un regard désolé. Elle prit son sac et boutonna à la hâte un manteau moldu.
- Non, Serdaigle. Vous avez des sacrés a-prioris.
Les rayures vert foncé de son écharpe semblaient pourtant me défier.
- Mais c'est vrai qu'on m'a souvent dit que j'aurais été à ma place à Serpentard, compléta-t-elle avec un sourire en coin.
Mon expression victorieuse parut l'amuser. Les choses s'arrangeaient finalement. Si elle avouait s'être servi de moi à mes dépens, j'obtiendrais des excuses d'ici quelques minutes à peine.
- Je suis vraiment désolée, Monsieur Dubois, fit-elle d'un ton faussement révérencieux en ouvrant la porte. Mais c'est l'heure de ma pause de midi. Je pense que notre entretien s'arrête là.
- Vous me fichez dehors ?! m'exclamai-je furieux et décontenancé par la soudaine tournure que prenait la situation. Et vos excuses ?
- Des excuses ? murmura Smith. Je ne vois pas pourquoi.
Mince alors, elle se foutait de moi ! A son petit air malicieux, je pouvais affirmer qu'elle savait justement très bien où je voulais en venir.
- Nom d'un troll, des excuses pour m'avoir menti, pour m'avoir pris pour un sombre crétin !
- Ah, ça... Je suis désolée, mais là, je dois aller manger. Je serais enchantée d'en rediscuter lorsque j'aurais un moment de libre. Vous pouvez toujours prendre rendez-vous, disons d'ici un ou deux mois.
Elle me fit un signe en direction de la porte entrebaillée.
- Hors de question ! m'écriai-je en croisant les bras.
Le manque d'étonnement que la journaliste exprima, m'énerva davantage. La situation était pourtant claire, j'étais même persuadé que ça allait à l'encontre de l'éthique journalistique… si ces charlatans avaient seulement assez de jugeotte, ils pouvaient bien se douter qu'on ne pouvait pas écrire tout et n'importe quoi dans une édition lue par des milliers de sorciers !
- Parfait, restez là si ça vous amuse, marmonna-t-elle avant de s'élancer dans le couloir.
Si elle croyait m'échapper en prenant la fuite, elle se trompait. En quelques pas, je la rattrapais.
- Où est-ce que vous allez ?
- Manger… si vous me l'autorisez, bien sûr, darda Smith avec un ton désagréablement ironique.
Je marchais à ses côtés, ignorant les regards inquisiteurs des employés de Quidditch Magazine qui se trouvaient dans les environs et qui devaient bien se demander pourquoi un étranger l'air si en colère escortait leur chère Erin.
- Vous comptez me suivre ? demanda-t-elle légèrement agacée.
Je hochai la tête sous son regard désapprobateur. Puisqu'elle ne se décidait pas à être raisonnable, autant la mettre à bout, les excuses viendraient bien assez tôt.
L'atmosphère dans l'ascenseur fut assez tendue. Il y eut même un homme assez âgé qui tenta d'en savoir un peu plus, à l'aide d'une conversation maladroite rapidement interrompue par le ton sec de Smith.
Cependant nous atteignîmes le hall d'entrée sans davantage de problèmes. Les éclatantes couleurs des hauts murs me choquèrent tout autant que la première fois. Mais je m'empressais de suivre la journaliste qui avançait d'un pas bien trop rapide. A croire qu'elle pensait pouvoir me semer ou me lasser.
- Vous voilà ! gronda le vigile.
Nom d'un souaffle, je l'avais oublié celui-là. Je me hâtais de rejoindre Smith, tout sourire.
- Erin, tu le connais ?
- Malheureusement, maugréa-t-elle.
- S'il t'ennuie, tu sais que… proposa-t-il.
Il se redressa et je pus constater à quel point sa carrure ne différait pas de celle de beaucoup de batteurs. Je frémis un peu en notant l'incertitude sur le visage de la journaliste.
- C'est très gentil, Kay. Mais ça ira.
J'appréciais suffisamment de voir le molosse se rasseoir, malgré l'œillade malveillante dont il ne manqua pas de me couvrir jusqu'à ce que nous sortions du bâtiment.
Une brise fraîche me battit le visage, à peine mes pieds sur le trottoir bétonné de la grande avenue.
- Vous n'avez pas osé lancer votre garde du corps à mes trousses ? aboyai-je moqueur.
Erin haussa les épaules, paraissant ne pas faire grand cas de mon existence. Sans un mot, elle avança le long des hauts murs blancs des bâtisses s'étalant sur le boulevard. Je lui emboîtais le pas, conscient seulement des excuses qui ne m'avaient pas encore été faites.
Chemin faisant, je m'interrogeai sur la conduite à tenir à présent. Smith quant à elle, s'en tenait à la version « Dubois n'existe pas, Dubois ne me suit absolument pas. ». Elle finit par entrer dans un petit bistrot et se dirigea vers une des tables, paraissant être une habituée. Je m'assis face à elle, bien décidé à lui pourrir son déjeuner puisque cela s'avérait nécessaire.
- Vous êtes fatigant, laissa-t-elle échapper tandis que je m'efforçais de la fixer d'un regard noir.
Elle ôta son écharpe et déboutonna son manteau, tandis qu'un sourire modeste de ma part indiquait sans détour que je prenais cela comme un compliment.
- Je vous préférais dans ce bar à Karasjok, fit-elle les yeux dans le vague.
- Vous voulez dire quand je croyais encore que vous n'étiez qu'une innocente jeune femme ? répondis-je en me penchant davantage vers elle.
Smith poussa un rire sarcastique, puis parvint à capter l'attention d'un serveur et lui fit signe.
- Je ne me serais jamais qualifiée d'innocente, souffla-t-elle l'air un peu désabusé.
Il y eut un silence pesant tandis que j'essayais de comprendre ce qu'elle voulait dire par-là. L'on n'entendait plus que la conversation bruyante d'une bande d'étudiants et les voix posées de quelques hommes d'affaires. Et tout doucement, la question s'imposa à mon esprit : mais qu'est-ce que je fichais là ? Bien sûr, j'étais venu réclamer à grands cris des excuses, cependant ça semblait très mal parti. Et j'avais l'impression que mon joli plan, bijou de simplicité, était en train de s'effondrer.
- Mademoiselle Smith, la même chose que d'habitude ?
Le serveur avait ce sourire qu'on n'adresse qu'aux clients fidèles. La journaliste ne se préoccupa même pas de lui rendre la politesse, hochant seulement la tête en signe d'approbation.
- Et pour Monsieur, ce sera ? demanda-t-il s'armant de son calepin.
La question me prit au dépourvu, apparemment ce fut aussi le cas de Smith.
- C'est-à-dire que… je n'avais pas vraiment l'intention de… bredouillai-je en adressant un sourire gêné au serveur, passablement agacé par mes mimiques.
- Pour Monsieur, un verre d'eau suffira, trancha sèchement Erin.
Le serveur se retira précipitamment, comprenant sans doute le caractère inhabituel de la situation.
- Un verre d'eau… marmonnai-je. Quelle générosité.
- Vous ne vous attendiez tout de même pas à ce que je vous invite à déjeuner, fit remarquer Erin calmement.
Elle jouait négligemment du doigt avec le bord de son verre, avant que le serveur ne revienne avec une carafe de vin.
- Ce n'est pas à une fille d'inviter le garçon, énonçai-je.
- Macho en plus, persiffla-t-elle.
Je me raidis sous le coup que je n'avais pas vu venir. Et elle souriait. Garce !
- Tout ce que je veux, c'est des excuses, répliquai-je. Alors vous pourriez peut-être céder. Comme ça, vous n'aurez plus à me supporter, je n'aurais plus à vous supporter. Le paradis, en somme !
Voilà qui était tenté. A son expression neutre, c'avait été en pure perte.
- Je ne cède jamais.
Bien, on était très avancés comme ça. Je n'avais pas non plus envie de passer ma journée aux côtés de Mademoiselle Smith. Non seulement c'était mauvais pour mes nerfs, mais j'avais aussi un emploi du temps, des contraintes, des amis… et le Coach me tuerait si j'abusais de la permission donnée dans un moment de faiblesse. Il fallait que je reprenne l'avantage, que je la déstabilise un peu, qu'elle perde de sa tranquillité et de sa superbe.
- C'est parfait, fis-je avec un sourire. Vous sous-estimez mes capacités. En fait, j'aime assez Quidditch Magazine. Une formidable entreprise, un magnifique esprit d'équipe, des employés tous aussi… J'imagine que ce n'est pas du tout le genre de boulot où il faut se battre pour obtenir une place.
De derrière son verre de vin, Erin me lança un œil inquiet. Je m'appuyais confortablement sur le dossier de ma chaise, avant de reprendre d'un ton guilleret.
- Sûr que je pourrais discuter avec tout ce joli monde, il m'en apprendrait des belles. Pour un jeune joueur comme moi, ce serait très intéressant d'avoir un aperçu de ce qu'est le journalisme sportif. J'ai même déjà eu une petite conversation avec deux employées tout à fait charmantes.
La gorgée de vin sembla mal passer pour mon reporter préféré. La conversation avec les deux secrétaires du dix-septième étage me revint en tête, et innocemment je songeai que la tenir au courant d'un si petit mensonge pourrait s'avérer utile. Les rumeurs dans une entreprise, c'est terrible ce que ça peut faire comme dégâts… En tout cas, dans le petit monde du Quidditch, c'était comme ça.
- Oh, il vaut mieux que je vous prévienne. J'ai laissé échapper par mégarde que j'étais votre petit ami.
Pour le coup, elle en devint verte et le verre de vin qu'elle tenait jusqu'alors pour se donner une contenance, atterrit brutalement sur la table. Mouais… elle aurait quand même pu paraître flattée, au lieu de donner l'impression d'avoir êté mordue par un Doxy.
- Vous n'avez pas fait ça ! s'écria-t-elle perdant son sang-froid.
Je tournai un regard embarrassé vers les autres clients qui s'étaient tournés pour nous dévisager. Smith ne parut pas s'en soucier, sa fureur toute entière concentrée sur moi. Dire que je voulais seulement lui montrer de quoi j'étais capable.
- Fait quoi ? demandai-je, un peu déconcerté par sa colère soudaine.
- Prétendre être mon petit ami ! Dîtes-moi que vous n'avez pas fait ça ?
Le ton de sa voix frôlait presque le désespoir. C'était assez pathétique pour elle… ou alors pour moi. Après tout, lorsqu'une fille réagit comme ça alors qu'on s'est fait passer pour son petit ami, c'est censé être vexant, non ?
Mon air penaud fut la confirmation qu'elle attendait. Elle resta silencieuse un moment, impassible, me faisant presque regretter les secondes précédentes, où sa colère était un repère important pour ma conduite à tenir.
- Vous voyez bien que vous m'avez sous-estimé, finis-je par lâcher, juste pour mettre fin à ce silence désagréable.
- Je n'ai jamais vu un idiot pareil, souffla Erin.
- Hé !
- Un idiot qui par ses idées stupides, a tout gâché, continua-t-elle sans se préoccuper de mon air indigné.
- Non mais c'est vexant à la longue, m'insurgeai-je. Ce n'est pas si terrible si on croit que je suis votre petit ami. D'autres vous envieraient même !
A Flaquemare, je m'enorgueillissais déjà d'un groupe appréciable de supportrices fidèles et charmantes. Et cette journaliste se permettait de me regarder de haut, pour une bêtise lancée au hasard des choses. Mais pour qui elle se prenait !
- Crétin.
Hébété, je la vis se lever et prendre à la hâte ses affaires. Elle sortit dans la bise glaciale sans même avoir pris le temps d'enfiler son manteau. A travers la porte en verre du bistrot, je regardai sa silhouette s'éloigner à pas furieux, puis disparaître au détour d'une rue.
Alors seulement je pus constater comme l'attention des moldus s'était à nouveau concentrée sur moi. Pour sûr, maintenant, il devait me prendre pour un jeune homme charmant.
Fuyant à mon tour, je décidai de poursuivre Smith. Ne serait-ce pour me laisser une possibilité de recoller les morceaux de ma fierté qu'elle avait pris soin de briser avec ses mesquineries. Rentré à Flaquemare, j'aurais sans doute passé mes journées à ressasser les raisons possibles pour lesquelles je pouvais lui faire si honte. Mauvais pour le moral.
Il me fallut un peu de temps pour la retrouver, et quelques secondes pour reconnaître la journaliste dans la masse informe recroquevillée sur le rebord d'une fontaine. Les mains dans les poches, je m'approchai avec précaution.
- Je ne comprends pas, entamai-je.
- Rien de bien étonnant, répondit-elle en relevant le visage.
- Vous pourriez peut-être me donner des indices, fis-je sur le ton de la plaisanterie.
Elle hésita visiblement, peu encline à me raconter sa vie. Son regard hagard errait vers l'extrêmité de la placette. Je m'assis à ses côtés sur le rebord de la fontaine.
- Je suis fiancée.
Elle tordait ses mains machinalement. Il y avait bien une bague. Ce n'est pas comme si j'aurais pu le deviner avant.
- Ah.
Je ne voyais pas trop ce que ça changeait. Le futur homme de sa vie n'aurait jamais vent de mon existence. Erin Smith et le mélodramatique, semblaient faire bon ménage.
- C'est un des dirigeants de Quidditch Magazine.
- Ah.
Elle détourna la tête vivement…
- Vous voulez dire que vous couchez avec votre patron ? m'exclamai-je.
- Plus fort, il y a des gens à Surrey qui n'ont pas bien entendu, se fâcha Erin.
Si j'avais su que d'innocents yeux marrons pouvaient dégager tant de haine, je serais resté tranquillement en Pays de Galles. Dans quel guêpier j'étais allé me fourrer.
- Vous allez vous marier à votre patron, répétai-je incrédule. Ça alors ! Je l'avais bien dit que vous étiez une Serpentarde. Prête à tout pour obtenir…
Sa main sur ma bouche m'empêcha de continuer.
- Je me fiche de ce que vous pensez ! s'écria-t-elle. Mais quand il va apprendre qu'un jeune homme est venu en prétendant être mon petit ami… Dubois, je vous tuerais volontiers !
Alors qu'elle me jetait sa colère à la figure, elle s'était emparé de mon bras, serrant fort comme pour exacerber ses émotions, comme pour me faire mal.
- Je n'y peux rien, je ne savais pas, répondis-je un peu désolé.
Elle me relâcha.
- Déguerpissez, je ne veux plus vous voir.
Est-ce que j'avais mieux à faire ? Je veux dire, j'avais rencontré Erin Smith en tant qu'adversaire. J'avais voulu qu'elle cède, j'avais insisté, je l'avais harcelée. Et maintenant elle était anéantie. C'était mon but ?
Non.
- Fichez le camp ! répéta-t-elle.
Décontenancé, je choisis l'option la plus simple : m'éloigner. Quitte à revenir à la charge plus tard…