Pour le bien de Flaquemare
Personnages : Olivier Dubois, OCs
Genre : Général, humour
Cadeau : Pour l'anniversaire d'Enoa2
Résumé : C'était l'un de ses premiers matchs dans l'équipe de Flaquemare, alors Olivier voulait se montrer à la hauteur. Il y avait pourtant quelques éléments qui allaient lui échapper, de toute évidence.
Disclaimer : Le Quidditch et ses joueurs sont de JKR.
Pour le bien de Flaquemare
J'avais pensé que ce premier match à l'étranger allait être une expérience géniale, d'autant plus qu'il s'agissait des Cerfs-Volants de Karasjok, équipe d'un bon niveau si ce n'est qu'elle se trouvait dans une ville perdue au beau milieu d'une zone au climat décidément très polaire.
Alors d'entrée de jeu, voir notre capitaine Doherty dans un état aussi pitoyable après l'aller en Portoloin était quelque chose que je n'oublierais jamais. Voir le mythe se briser devant mes yeux, me donnait enfin l'impression de faire partie de l'élite du Quidditch.
- Et dire que c'est un joueur professionnel que j'ai en face de moi, je laissai échapper de l'air innocent que je savais imiter à la perfection.
- La ferme, Dubois ! grogna Doherty me lançant un regard noir.
Le visage vert, le poursuiveur soi-disant professionnel tentait de se mettre doucement sur ses jambes.
- Comme quoi on peut réussir la figure de Dostovsky et être réduit à néant par un simple petit voyage en Portoloin… C'est vraiment intéressant, j'observai avec un plaisir malin.
Debout et tremblant encore, Doherty sembla choisir comme stratégie de m'ignorer. Vraiment pas amusant.
Les autres joueurs et membres de l'équipe technique arrivèrent par le second Portoloin dans un bruit assourdissant à quelques mètres de nous. Avec rapidité, les techniciens défirent les sorts lancés sur les balais et le reste du matériel pour les tenir en sécurité pendant le trajet magique. Je les observai succinctement avant de m'intéresser à l'endroit où nous avions atterri.
La salle dans laquelle nous étions était immense. Le sol était pavé de dalles de granit noir. Mais ce qui m'intéressa, c'était les immenses fenêtres qui occupaient trois pans de murs. Et le paysage qui s'offrait à nous était vraiment loin de tout ce que j'avais pu voir dans ma petite vie. A part l'Angleterre et l'Irlande, je ne connaissais pas grand chose. Mais là, j'avais l'impression qu'un bon génie avait exaucé un de mes rêves d'enfant. De la neige s'étendait à perte de vue. Que ce soit la terre, les quelques arbres, le ciel ou les airs, tout était d'un blanc-gris. C'était assez impressionnant.
- Dubois, t'as jamais vu de la neige ? surgit la voix grave de Jackson derrière moi tandis qu'il me tapait amicalement l'épaule. T'as la même expression émerveillée que mon gosse de cinq ans.
Je fis la grimace en réaction à la moquerie du batteur. Depuis Poudlard, la seule neige que j'avais pu voir, c'était le crachin gelé de Londres qui finissait en une boue informe dans les caniveaux. Rien de bien féerique.
- Je parie que gamin, tu étais du genre à faire des batailles de boules de neige et à fourrer de la neige glacée dans le cou des jeunes filles, renchérit-il.
Mon visage a dû me trahir un centième de seconde, puisque l'immense batteur a éclaté d'un grand rire.
- C'est bien ce que je disais. T'es un vrai gosse, Dubois !
Sa main puissante sur mon épaule était secouée par son rire grave. Je regardai encore d'un air rêveur par la fenêtre tout ce paysage glacé.
- Je ne suis jamais venu dans un pays aussi…
- Enneigé ? Nordique ? Froid ? proposa Dennison, un petit rouquin moqueur apparu de nulle part comme un diable sorti de sa boîte à musique.
Dennison jouait au poste de poursuiveur remplaçant et semblait avoir pris comme mauvaise habitude de venir me chahuter vu que contrairement à lui, j'avais eu la chance de voir le gardien titulaire être suffisamment blessé par un cognard pour me céder sa place pour ce match.
- Sûr que c'est pas vraiment tropical comme pays, ironisa Jackson.
En tout cas, ce grand batteur de couleur noire risquait de faire un peu décalé par ici.
Un troisième fracas indiqua que tous nos bagages venaient d'arriver par le dernier Portoloin.
- Je croyais que nos affaires devaient arriver bien avant nous, je demandai en indiquant les dizaines de valises qui s'étaient amoncelées dans un coin de la grande salle d'atterrissage, tandis que des employés du centre local des transports magiques entreprenaient de les trier et de les emmener par la seule et grande porte noire que je n'avais pas encore remarquée.
- Il y a eu un problème. Et le coach doit être furieux, pouffa Dennison.
Je haussai un sourcil. Je ne voyais pas vraiment en quoi la fureur du coach pouvait être reliée de quelque façon que ce soit à un truc drôle.
Myasaki, notre attrapeuse que Flaquemare avait négocié à prix d'or à une équipe japonaise la saison dernière, vint répondre à mes interrogations.
- Cet idiot de Hopkins a encore fait des siennes, persifla-t-elle en secouant mollement sa lourde chevelure noire. Il n'arrêtait pas de se vanter hier soir à l'hôtel. Il disait avoir préparé une blague pour l'équipe. Résultat, il s'est fait coincer aux douanes avec une poudre bizarre, qui apparemment est interdite à l'export. En tout cas, le coach a eu beau faire des pieds et des mains, Hopkins va être obligé de rester quelques heures encore en Angleterre avant de nous rejoindre.
- Il aura de quoi nous raconter à son retour… s'il arrive à se dépêtrer des douaniers, gloussa Dennison.
Dennison avait beau se moquer, je savais parfaitement que dès le retour de Hopkins, il s'aviserait de recommencer ses sourires hypocrites. Après tout, Hopkins qu'il soit adepte des trucs foireux ou non, avait sauvé l'équipe de Flaquemare lors de la demi-finale du championnat national la saison dernière, en effectuant un tir quasi-miraculeux. Moi qui avais cru que ça méritait un tant soi peu de respect voire même une reconnaissance éternelle, apparemment je m'étais trompé.
- Décidément, ce mec est le roi des crétins, fit Myasaki, levant les yeux au ciel et enfonçant une bonne fois pour toutes le poursuiveur encore à des milliers de kilomètres. Il faut toujours qu'il joue les intéressants. S'il n'est pas rentré à temps pour le match, on est mal barrés.
La conversation prenait un tour que je n'aimais pas beaucoup. Sur mon curriculum vitæ, je pouvais me vanter d'avoir affronté les jumeaux Weasley qui à eux seuls semblaient avoir absolument tout fait pour que mes plans de victoire capotent, sans parler de Potter qui s'amusait sans cesse à jouer le héros hors du terrain de Quidditch. Alors je me sentais là sur un terrain que je maîtrisais. Evidemment, je n'aurai pas fait preuve de clémence envers Hopkins qui pouvait nous mettre dans une situation délicate. Il n'empêchait que les calomnies de Myasaki et Dennison m'agaçaient. Je serai bien le premier à crier ma fureur sur un de mes co-équipiers, mais pas à chuchoter dans son dos.
Je tournai la tête vers Jackson qui se tenait à côté de notre entraîneur. Deverill était coach du club de Flaquemare depuis presque 18 ans, ce qui serait un record s'il n'y avait l'entraîneur de l'équipe des All-Stars de Sweetwater. Autant dire que Deverill dont je bois les paroles à présent, était déjà là lorsque gamin je trouvais que Flaquemare était une des pires équipes du championnat, et ça étrangement, mes anciens camarades de classe ne se sont pas faits prier pour me le rappeler.
- Allez, les gars ! Le bus nous attend dehors, lança l'entraîneur d'une voix puissante qui résonna dans l'immense salle.
Ok, en entendant ça, j'étais tout excité. Ma première sortie en tant que membre officiel de l'équipe, forcément, j'allais me faire mitrailler de questions et de flashs magiques par les journalistes. Même les supporters enthousiastes s'étaient sûrement déjà regroupés à l'extérieur, nous attendant avec frénésie. Je pouvais déjà sentir l'adrénaline accélérer les battements de mon cœur. J'avais attendu ces petits moments de gloire pendant vingt longues années.
J'ai dû commencer à déchanter au moment même où nous avons passé la grande porte noire, seule issue de la salle d'atterrissage. Il n'y avait pas à dire, le centre de transports de Karasjok était neuf, moderne… mais complètement désert. Il y avait bien l'hôtesse qui nous adressa un signe et un sourire radieux, et quelques sorciers affalés sur des banquettes qui nous jetèrent un œil torve. Mais c'était tout.
- Fais pas cette tête, petit, me rassura la voix basse de Jackson. On ne peut pas s'attendre à un comité d'accueil alors qu'ici, il n'est que trois heures du matin et que dehors il fait une tempête de tous les diables.
Je persistai néanmoins à tenter d'y voir à travers les épaisses fenêtres du hall d'entrée, si malgré l'épaisse neige qui tombait, il n'y avait pas foule venue nous acclamer, avec pourquoi pas, de nombreuses banderoles multicolores et des jolies jeunes filles du coin.
- Dubois, ton manteau ! tonna la voix du coach.
Je n'avais même pas eu le temps de m'exécuter que je percevais un persiflage derrière mon dos.
- Tu sais, le truc avec de la fourrure. Ce serait vraiment dommage de devoir assister au match dans les tribunes avec de la fumée de Pimentine sortant des oreilles.
- Ça te rappellerait des souvenirs, Dennison, décocha abruptement le capitaine Doherty en passant devant nous.
Je me retournai pour profiter à loisir de l'expression outrée du rouquin. Puis tout content que le capitaine en personne ait pris ma défense, j'accélérai le pas pour le rattraper.
- Merci capitaine !
Doherty se retourna les sourcils froncés.
- Pourquoi merci ? Pour tout à l'heure quand tu te moquais de moi ? Ou pour avoir remis à sa place cette petite fouine de Dennison ? Tu n'as rien à voir là-dedans, Dubois. Ne me remercie pas.
Je ne sais pas si c'est à cause du regard noir qu'il me lança, mais l'ambiance fut tout à coup glaciale. Ou alors c'était dû aux – 15°C que nous nous retrouvions à affronter une fois sortis du centre de transports magiques. Le match promettait d'être sympathique si ces conditions météorologiques persistaient. Je ne me serai même pas permis de quitter des yeux le dos de Doherty de peur de me perdre dans les intempéries où les bras tendus, je peinais déjà à voir mes mains protégées par les gants de gardien que j'avais sagement pensé à enfiler.
Un bus bleu vif et mordoré nous attendait à quelques dizaines de mètres. Et pour une fois, j'étais ravi que les couleurs de Flaquemare soient aussi voyantes.
Le chauffeur à l'allure patibulaire nous dévisagea pendant que l'on montait un après l'autre. J'arrivai à trouver une place au fond du bus, juste derrière Wadcock, notre poursuiveuse vedette et à côté de Doherty qui tirait la tronche et regardait obstinément par la fenêtre.
- Votre attention ! tonna l'entraîneur au milieu du bus. Voici le programme des réjouissances. Cet après-midi, entraînement spécial dans le stade de Karasjok. Et croyez-moi, quand je dis spécial, je pèse mes mots.
Un vague murmure de désolation parcourut les rangs du bus.
- Avant cela, continua Deverill haussant la voix, chacun va finir la nuit dans sa chambre d'hôtel. Et ensuite, si j'estime que vous avez été sages, vous aurez votre matinée de libre. Mais…
Les cris de victoire de Jackson et Myasaki réunis résonnèrent dans tout le bus, tandis que Wadcock donnait une forte tape amicale dans l'épaule de Myers, le batteur.
- J'ai dit mais ! gronda l'entraîneur. Je décide quand, où, comment et j'y mets toutes les conditions qu'il me chante. J'espère que c'est clair.
Je hochai la tête, suspendu aux lèvres de notre entraîneur.
- Donc, entreprit Deverill en comptant sur ses doigts. Vous ne vous séparez pas. Vous ne buvez pas une goutte d'alcool, et le premier qui prétend que le jus de citrouille est juste bon pour les fillettes, reste cloîtré dans sa chambre. Et pour finir, vous serez tous de retour dans le hall de l'hôtel à midi tapante. C'est compris, j'espère ?
- Vous ne viendrez pas avec nous, Coach ? demanda Wadcock avec enthousiasme.
- Non, il faut que j'aille m'occuper du rapatriement de Hopkins. Pas d'inquiétude, je peux vous garantir que votre co-équipier sera bien là pour le match…
Il s'interrompit avant de murmurer en aparté à Wadcock hilare.
- … Et je peux te garantir qu'il va se prendre un sacré savon.
Le bus s'arrêta quelques minutes plus tard devant un hôtel immense dans la grand-rue encore déserte.
Après qu'on ait trié les bagages et que les chambres nous soient attribuées, je ne me rappelle pas de grand-chose. Une fois l'excitation du match à venir passée, je crois bien être tombé comme une masse sur mon lit et n'avoir pas émergé avant neuf heures du matin, heure où encore dans les vappes, je crus que la seule explication au vacarme qui régnait dans le couloir de l'hôtel était que les jumeaux Weasley avaient traversé la Mer du Nord.
Lentement, je me remis sur pied et allai entrebâiller la porte. S'il n'y avait pas eu un grand batteur à la carrure impressionnante, maintenant la porte ouverte de toute la puissance de son bras, je crois que je l'aurai refermé aussi sec et serai allé me recoucher. J'ai beau aimer habituellement me lever aux aurores quand il s'agit de Quidditch. Mais il faut tout de même rappeler que je m'étais couché à seulement quatre heures du matin, et que personnellement, qu'on soit à Karasjok, Kyoto ou encore Kansas City, je n'en savais foutrement rien avant que Jackson ne se charge de me remettre les idées en place.
- Allez petit, remue-toi un peu ! Je sais bien que t'as pas beaucoup dormi. Mais crois-moi, c'est pas tous les jours que le coach nous laisse un instant de libre avant un match. Alors faut en profiter.
Mes vêtements et mon manteau m'atterrirent dessus tandis qu'on me poussait droit dans la salle de bains.
Il me fallut tout juste trente secondes à me regarder bêtement dans la glace au-dessus de l'évier pour réaliser où j'étais et qui j'étais. Ces trente longues secondes écoulées, je passai sous l'eau brûlante de la douche puis enfilai mes affaires, et sortis aussi vif qu'un Eclair de Feu prêt à prendre son envol.
Le coach avait choisi un pub au coin de la rue, un bâtiment petit et étriqué, mais qui une fois à l'intérieur donnait une impression beaucoup plus chaleureuse avec ses tables en bois soigneusement astiquées et son comptoir à l'ancienne.
En voyant l'entraîneur s'entretenir longuement avec le barman puis avec Doherty, j'eus l'impression d'être un gosse qu'on confie à des nourrices. Mais j'avoue que je trouvais flatteur qu'on prenne autant soin de moi. J'étais devenu quelqu'un d'important. Et flâner dans un pub avec des personnalités comme Joscelind Wadcock ou Stanley Doherty, en ferait rêver plus d'un.
Le calme de rigueur s'envola dès que le coach fit un pas hors du bar, laissant place à des exclamations de joie et des rires moqueurs. Alcool exclus, la liste des boissons se réduisait considérablement. Avant le match, mieux valait être prudent. Alors je préférai un classique jus de citrouille, tandis que mes co-équipiers s'amusaient à s'essayer aux spécialités locales, liquides aux noms barbares et aux couleurs et consistances douteuses.
Le pub était relativement vide. Mais il y avait bien quelques personnes sagement assises à leurs tables, sirotant un café.
- Dis Doherty, il n'y a que des blondes ici ? Je trouve ça charmant, entonnai-je en finissant l'inspection de la salle.
Le capitaine me lança un œil torve comme toute réponse.
- On pourrait peut-être aller parler à ces deux demoiselles là-bas, tu ne crois pas ? je proposai avec un sourire en coin.
- Dubois, on a un match demain. C'est pas le moment de fricoter, soupira Doherty.
Il poussa doucement son verre vide sur le comptoir.
- Puis, tu vois ça, dit-il en désignant une bague à son annulaire. C'est une alliance. Tu sais, je suis marié et j'ai trois gosses.
- Allons, capitaine. C'est juste pour discuter.
- Bien sûr, juste discuter avec deux jeunes Norvégiennes, blondes, grandes, souriantes... Et ma grand-mère fait du balai sur la crête des vagues en Nouvelle-Zélande, ironisa-t-il.
L'image manqua de me faire m'étouffer avec mon jus de citrouille.
- Votre grand-mère fait du balai ?… je demandai interloqué.
- C'était une blague, Dubois. Une blague, marmonna Doherty avec un discret sourire.
Je poussai un soupir de compréhension.
La porte du pub claqua, laissant entrapercevoir la neige qui s'était remise à tomber, et le batteur Myers entra tenant victorieusement une fiole argentée.
- M'sieur, vous avez de quoi nous projeter ceci ? demanda-t-il au barman en allant s'accouder au comptoir.
L'homme opina et disparut derrière la porte de service.
- C'est un match des Cerfs-Volants, je suppose ? interrogea Doherty. Tu l'as dérobé au coach ?
- Pas dérobé, rectifia Myers. Il n'a même pas beaucoup hésité à me le confier avant de partir.
- C'est génial ! je m'exclamai. On va pouvoir réviser les points techniques de leur équipe.
Le barman réapparut avec un projecteur à pensine qui paraissait un peu usagé. Il installa son matériel, et bien vite nous alignâmes nos chaises face au mur. J'avais toujours voulu un de ses projecteurs pour mon équipe à Poudlard. C'était vraiment d'un pratique pour étudier l'équipe adverse. Mais peu importaient les arguments que je pouvais avancer, McGonagall y était toujours restée de marbre, prétextant que ce matériel coûtait bien trop cher et qu'au niveau d'une équipe scolaire, je n'en avais pas besoin. Déposant la bouteille dans le creux approprié et tapant un coup sec de la baguette sur le projecteur, une image apparut sur le mur passablement beige du pub.
Nous passâmes bien une heure à faire défiler un match des Cerfs-Volants contre une autre équipe norvégienne au niveau bien peu comparable. Mais loin de se concentrer comme lors des séances avec le coach, nous applaudissions, huions et commentions sans aucune gêne. En y repensant, nous devions avoir l'air bien drôle à regarder un match en pleine matinée, un verre de jus de fruits à la main. En tout cas, les quelques autres clients nous dévisageaient avec amusement.
- Je te l'avais dit qu'il contournerait par la droite ! je criai en sautant de ma chaise. Sauf que cet idiot n'a pas vu le cognard que le batteur adverse lui a retourné… Et voilà ! Je l'avais dit !
- De toute façon leur attrapeur est bien meilleur, renchérit Myers. Le vif d'or sera à sa portée que l'autre continuera à faire bêtement des ronds au-dessus du stade.
Je restais pris par ces images dansant sur le mur. Et ces joueurs bleus et verts ne me donnaient qu'une envie : être moi-même à leur place. J'attendais avec une excitation croissante le lendemain où je pourrai jouer dans le stade de Karasjok.
- Gortchev, le poursuiveur de Karasjok est gaucher. Il a pris la mauvaise habitude de toujours contourner par la droite pour atteindre les buts.
Au milieu des grondements de mécontentement de certains de mes co-équipiers et des cris de joie des autres au vu du but marqué par les Cerfs-Volants de Karasjok, j'avais failli ne pas entendre cette voix calme qui s'était doucement insinuée jusqu'à moi.
Je me retournai à la fois amusé par cette voix féminine qui promettait une jolie Norvégienne aussi blonde et délicate que toutes celles que j'avais remarquées jusque-là, et à la fois intrigué qu'une inconnue dans un pub puisse s'y connaître en Quidditch.
Je fus déçu. Elle n'était ni blonde ni même grande ou plantureuse. Une fille sans aucun doute charmante, mais bêtement brune avec des yeux marrons comme on en voit partout en Angleterre et ailleurs. Tant qu'à faire autant de kilomètres, un peu d'exotisme n'aurait pas fait de mal… D'ailleurs, elle avait parlé anglais.
- Vous êtes du coin ? fut donc la première question qui me vint naturellement à l'esprit.
- Pas vraiment, répondit-elle avec un air gêné. Disons que je suis en voyage d'affaires.
- Des affaires qui ont à voir avec le Quidditch ? Parce que vous avez l'air de bien vous y connaître, j'ajoutai sans pouvoir cacher mon léger étonnement.
Elle secoua la tête et reprit un peu du liquide incolore que contenait son verre.
- Pourquoi ? Vous pensez qu'une femme si elle s'y connaît en Quidditch, c'est forcément parce qu'elle en a fait son métier ?
J'avoue que là, elle avait touché juste. Je sais qu'il y a beaucoup de femmes dans le monde professionnel du Quidditch et je me fiche d'avoir des co-équipiers ou des co-équipières. Mais avouons que dans la vie de tous les jours, les femmes préfèrent parler vêtements, modes et magazines peoples que de sport. A la limite, elles connaissent par cœur le top 10 des joueurs les plus séduisants, mais ça se limite à ça. Hum… Je ne pouvais décidément pas lui dire ça. J'allais passer pour un machiste.
- Vous êtes la preuve que non, je rétorquai avec un sourire charmeur. Je suis Olivier Dubois. Et vous ?
- Erin Smith. Vous êtes le nouveau gardien de Flaquemare ?
J'aurai bien rougi à trouver là à des centaines de kilomètres de chez moi, quelqu'un qui connaissait un jeune espoir tel que moi.
- A vrai dire, je fais encore partie de l'équipe de réserve, je crus bon de rectifier. Pour le moment, je remplace Mullins qui a eu un accident.
- Oh, fit-elle.
- Mais j'espère vite passer titulaire, je renchéris en redressant fièrement la tête. Avec le match demain contre Karasjok, je pourrai montrer…
- Ce que vous valez, m'interrompit-elle avec un sourire charmant. Bien sûr.
- Vous serez là ?
- Où ça ?
- Au match, bien sûr, je répondis vivement. Ça sera un match du tonnerre, j'en suis sûr. Ça vaudra le coup d'œil. Vous avez l'air de vous y connaître, vous n'allez pas manquer ça.
Je dus en faire un peu trop, car elle émit un petit rire.
- Quel enthousiasme ! badina Erin.
Je m'apprêtai à continuer mon discours de propagande, lorsqu'elle sortit de son sac un morceau de parchemin qu'elle agita malicieusement sous mon nez.
- Le voilà, mon billet pour le match, lança-t-elle avec une étincelle de triomphe dans son regard brun. Vous aviez raison, j'aime beaucoup le Quidditch.
Je me renfonçai dans ma chaise avec un contentement plus que flagrant.
- Vous avez intérêt à nous supporter haut et fort ! m'exclamai-je.
Le barman versa dans son verre le même liquide transparent, et elle s'en resservit une gorgée. Elle reposa son verre et m'adressa un sourire narquois.
- Mais qui vous a dit que je soutenais Flaquemare ?
Les yeux ronds, je la dévisageai frappé par l'évidence qu'effectivement, elle se fichait peut-être de mon club, voire même elle soutenait les Cerfs-Volants de Karasjok.
- Pas la peine de faire cette tête, fit-elle amusée. J'aime beaucoup Flaquemare.
- Mais ? je demandai inquiet.
Elle me dévisagea avec surprise.
- Mais ? Il n'y a pas de mais. J'aime beaucoup Flaquemare. Je ne suis juste pas censée prendre parti pour une des équipes.
Là, j'étais perdu. Elle ne soutenait aucune équipe ? Et où était l'intérêt d'un sport s'il n'y avait pas l'enthousiasme de soutenir dans le pire comme dans le meilleur son club favori ?
- Et pourquoi cela ? j'interrogeai, toujours ébahi.
Erin contempla un instant les autres joueurs de l'équipe, toujours en train de commenter avec emportement le match projeté grâce à la pensine.
- Je ne soutiens peut-être pas vraiment Flaquemare, s'expliqua-t-elle. Mais ça ne m'empêche pas d'apprécier certains de ses joueurs.
Dans d'autres circonstances, j'y aurai peut-être vu une invitation galante. Mais son regard fuyant et ses explications évasives m'intriguaient.
- Et donc vous allez voir un match comme ça sans être supporter d'une équipe en particulier ? je ressassai, tentant de comprendre ce concept étrange.
- C'est ça, répondit-elle avec un sourire amusé dissimulé derrière son verre.
- Je suis sûr que je peux vous convaincre de la valeur de Flaquemare, je m'entêtai avec un sourire, persuadé que j'étais de pouvoir changer ce comportement hors norme.
- Je veux bien croire que vous me convaincriez sans peine, dit Erin en jetant un œil à sa montre. Mais là, il faut que j'y aille.
- Vous pourriez peut-être venir me voir après le match, je m'obstinai. Vous comprenez bien que je ne peux pas laisser une amatrice de sport comme vous dans l'indécision.
- Ca me plairait assez, mais je ne suis pas sûre de pouvoir venir, fit-elle avec un sourire navré.
- Juste cinq minutes, implorai-je. Pour le bien de Flaquemare ! Pensez-y.
- Très bien, j'essaierai.
Elle partit et j'étais enchanté de cette petite victoire. J'avais clairement l'intention de gagner une nouvelle supportrice à la cause de Flaquemare.
Ma mère me répétait les quelques fois où j'allais lui rendre visite dans sa banlieue de Malmesbury, que mon entêtement me ferait tort un jour ou l'autre.
Pourtant, Myers eut beau lancer d'un ton importun, après avoir lancé un œil torve à la silhouette fine qui poussait la porte du pub :
- Fais gaffe. Elle est pas nette, cette petite.
Je me contentai de hausser les épaules. Une gentille fille, c'était ça. Ce n'était qu'une gentille fille en admiration devant un joueur professionnel, et beau garçon qui plus est. Vraiment, il n'y avait rien à en dire de plus.
La suite des évènements se passa assez ordinairement. Ordinairement pour un membre de l'équipe de Flaquemare, on se comprend. L'après-midi d'entraînement fut ardue sous les rafales de neige qui semblaient avoir fait leur apparition que pour nous rendre la tâche moins facile. Le soleil même nous joua des tours, à nous pauvres ignorants d'Anglais. Très bas, les premières heures de l'après-midi, nous le vîmes disparaître avec effroi derrière les monts enneigés au Sud-Ouest à seulement seize heures. Il fallut que notre entraîneur adoré nous explique ce mystère des contrées polaires, pour que nous arrêtions de nous lamenter – plus ou moins plaisantant – sur des probables malédictions lancées par l'équipe des Cerfs-volants sur ce pauvre soleil.
Ayant compris que non, on ne pouvait pas faire disparaître le soleil par un simple sort, complètement fourbus et la tête pleine de tactiques et informations diverses, nous pûmes rentrer à l'hôtel. Notre coach nous suggéra – plutôt nous ordonna – de chacun regagner notre chambre et d'y dormir du sommeil du juste. Sans peine, je peux dire que je ne gardai aucun souvenir de ma nuit ou de quelconque rêve, tellement mon sommeil fut profond. L'anxiété ou le stress concernant le lendemain et la terrible angoisse du match contre les Cerfs-Volants ne revinrent me visiter qu'au réveil. Quand les cheveux ébouriffés, le teint pâle et le cœur au bord des lèvres, je descendis prendre le petit-déjeuner, Doherty m'obligea à avaler quelques toasts et ce ne fut pas une partie de plaisir. Mais il était hors de question que je succombe bêtement à une hypoglycémie. Plutôt mourir sous les coups de mille cognards ! Je réussis même l'exploit d'étaler un peu de confiture sur les tartines, c'est dire.
Une fois nourri et en état, le trajet en bus m'apporta étrangement le réconfort dont j'avais besoin. La ville paraissait plus éveillée que jamais. Et lorsque nous passâmes par l'entrée secondaire du stade, mon cœur bondit dans ma poitrine en voyant la cohue de journalistes et de supporters réunis ici. Jackson ricana de me voir collé contre la vitre avec un sourire bêta. La sortie du bus et la traversée jusqu'aux vestiaires fut presque épique. La sécurité dut même menacer la foule de les contenir magiquement. J'en rêve encore la nuit.
Seuls dans les vestiaires avec le coach faisant les cent pas, et les autres joueurs aussi anxieux que moi, mon corps se rappela à moi, mon estomac se tordant douloureusement et mon cœur battant bien trop fort contre mes côtes.
Ce n'était pas mon premier match. J'avais beau me le répéter, ça ne changeait pas grand-chose. Le vacarme extérieur de la foule ne m'apaisait plus en rien. Alors je répétai bêtement ses gestes que j'accomplissais depuis de nombreuses années avant chaque match. Je m'ébouriffai les cheveux avant d'enfiler ma robe de sorcier. Toujours la manche droite avant la gauche, de même pour les gants. Heureusement les autres joueurs étaient eux-mêmes trop préoccupés pour remarquer ces petits rituels idiots.
Le coach nous fit un discours d'encouragement. Mais si je voyais ses lèvres bouger, le stress était tel que je n'arrivai pas à me concentrer sur le sens des sons qui parvenaient à mes oreilles.
Le stress est quelque chose de bien étrange. Tant que je restai cloué au sol, il m'assaillait de toutes parts, me rendant incroyablement nerveux et capable de dire des choses encore moins sensées que d'habitude, mais une fois sur mon balai, c'en était fini. Il n'y avait plus que moi, les joueurs, les cognards et ce fichu souaffle. Le reste, c'était de la foutaise. Le public, la neige persistante, le soleil disparaissant à l'horizon n'étaient plus que des détails en quelque sorte. Détails qui ne me revenaient à l'esprit que lorsque le match était fini. Un peu comme si dans ma tête, il y avait des interrupteurs qui me permettaient de mettre certains aspects du présent en sourdine. Je regrettai juste de n'avoir pas perdu certains anciens réflexes de capitaine : je perdais un peu trop de ma concentration à scruter et analyser les actions des autres joueurs de l'équipe. Et par le passé, je savais déjà que Doherty n'aimait pas du tout que je critique ses tactiques et encore moins que je lui en propose de nouvelles. Mais s'il croyait échapper à mon avis sur sa lamentable attaque triangulaire lors de la cinquième minute, il se trompait. De toute façon, Flaquemare remporta haut la main contre Karasjok, alors le capitaine serait plus à même de m'écouter.
Les festivités commencèrent sur la pelouse du stade, jusque dans les vestiaires, pour finir dans ce pub où nous étions allés le matin même. Nous sommes retournés à l'hôtel à une heure tardive du matin, après avoir abusé des liqueurs locales sans aucun remords cette fois-ci.
Le lendemain, je m'étais réveillé par terre au bas du lit de Doherty qui me repoussa fortement lorsque je tentai de le ranimer à son tour. Alors je rentrai péniblement jusque dans ma chambre pour tenter de finir la nuit. Voulant m'écrouler sur mon lit, je dus d'abord retirer le paquet qui gisait dessus. Tout d'abord, je le jetai par terre, guidé par la fatigue. Mais alors que je commençai à sombrer à nouveau dans les bras de Morphée, j'eus un sursaut de curiosité. Je me glissai jusqu'au bord du lit et m'emparai du paquet.
Le tournant et le retournant entre mes mains, il n'y avait décidément aucune inscription dessus, pas d'adresse, ni le nom de l'expéditeur. J'arrachai nonchalamment le parchemin, c'était un journal qui se trouvait à l'intérieur, une édition du Quidditch magazine. Je fronçai les sourcils, n'y comprenant rien à rien, et feuilletai les pages. La photo d'un jeune homme grand et brun m'éclaira un peu… moi.
Il y avait un article sur moi ! C'était titré : Le nouvel espoir du club de Flaquemare. J'ai carrément sursauté et me suis retrouvé sur le bord du lit à lire fébrilement la rubrique. Autant être honnête, ça n'avait rien d'un éloge, il s'agissait plutôt d'une critique sensée et pesée. Il y avait des points en ma faveur, et d'autres qui me firent grincer des dents, mais dont j'aurai du mal à prétendre qu'ils étaient faux.
Je compris tout en lisant le nom en bas de l'article : Erin Smith. Je levai distraitement les yeux en l'air, cherchant à voir derrière la jeune fille brune, une journaliste capable d'écrire cette rubrique. En baissant le regard, je tombai sur un bout de parchemin gisant à terre.
J'ai pensé que ceci vous intéresserait. Si vous désirez me faire parvenir votre avis, voici où me contacter (et suivait une adresse à Londres). J'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous avoir dissimulé ma véritable profession.
J'ai été enchantée de vous rencontrer, M. Dubois.
Erin Smith