Chap 1 : Le dernier cadeau / Lily's Lullaby
« Sirius… »
Plongé dans un sommeil agité, un adolescent aux cheveux en bataille luttait contre ses couvertures.
« Reviens… Sirius… Non ! Le voile ! Attends-moi… Pas… »
Étouffant un cri, le garçon se réveilla en sursaut. Le regard dans le vide, il mit un instant à reprendre ses esprits. Non, il n'était pas au Ministère, tout cela était fini…
C'était l'été, il était à nouveau ici, au 4 Privet Drive, chez son oncle et sa tante… et Sirius était mort. Mort. Tombé dans le voile. Par sa faute. Bellatrix, le miroir… mort.
À tâtons, il tenta de trouver ses lunettes, sans succès. Il soupira. Quelle importance ? Il faisait nuit, il faisait noir et il n'avait pas crié. Il n'avait pas à craindre que Vernon ne déboule dans la chambre pour lui hurler de laisser les honnêtes gens dormir en paix.
Comme Sirius.
En paix, Sirius ? Comment pourrait-il, après avoir rencontré une mort aussi stupide, et par sa faute ! Alors qu'il n'était ni blanchi de l'accusation de meurtre ni libre de profiter de sa vie, de son filleul, de tout ce qu'ils avaient prévu de faire ensemble... L'injustice était trop énorme.
Harry réprima un sanglot. Nuit après nuit, Sirius revenait mourir dans ses rêves. Evidemment, il aurait pu demander une potion de sommeil sans rêve à l'Ordre, mais… il ne la méritait pas. Sirius pouvait revenir toutes les nuits, ça ne suffirait pas à effacer ses erreurs. La seule personne qui ait voulu de lui depuis la mort de ses parents était morte par sa faute… comme eux, n'est-ce pas ? Rester coincé chez les Dursley un été de plus n'était qu'une petite pénitence face à ses crimes.
Vernon semblait penser de même. Récemment, les choses avaient pris un tour pour le pire à Privet Drive… les insultes ne semblaient plus suffire à l'oncle Vernon, qui avait décidé de montrer son mécontentement de façon plus physique.
Rien de dramatique, de l'avis du jeune homme. Rien de définitif. Rien de grave. Mais assez pour le faire sursauter au moindre bruit…
Incapable de se rendormir, Harry se dirigea vers la fenêtre. Derrière les barreaux, la lune brillait de tout son plein. 'Rémus doit être en mauvaise posture à l'heure qu'il est', songea le garçon.
Il appuya un instant son front sur les barreaux, souhaitant pouvoir se faufiler à travers, sauter dans la rue, partir loin… Là où il ne connaîtrait personne, où personne ne mourrait. Juste un peu, oublier… À quoi bon ?
Mieux valait retourner dormir. Demain, il y aurait beaucoup de corvées à faire. Ou de Détraqueurs à combattre. Demain, ce serait son anniversaire. Pour ce que cela importait… il ne se sentait pas d'humeur, cette année, à veiller pour célébrer l'évènement.
Harry Potter se glissa dans son lit et sombra dans un sommeil sans rêve, noir et feutré.
Il n'entendit pas sonner minuit. Il ne vit pas les trois ombres grises, comme une brume, apparaître dans sa chambre et entourer son lit.
« Harry, je suis désolé…»
Le garçon tressaillit dans son sommeil.
« Ne le réveille pas Sirius. Il ne doit pas nous voir, cela rendrait les choses plus difficiles. »
« Je sais, » soupira l'homme aux longs cheveux noirs. Le regret se lisait dans son regard.
« Et pourtant, si je pouvais juste lui dire combien je regrette… »
« Sirius, James a raison, » répondit la voix douce de la silhouette féminine qui se tenait à ses côtés. « Il comprendra, un jour, il saura. Mais nous n'avons que ce soir et nous devons choisir. »
« Je sais, dit Sirius d'une voix plus ferme. Nous en avons déjà parlé. C'est juste difficile de voir mes propres erreurs accabler celui que j'essayais justement de protéger. »
Les formes éthérées de James et Lily se rapprochèrent de lui jusqu'à ne plus former qu'une seule ombre protectrice. Ils restèrent un instant silencieux, regardant le garçon qui dormait, inconscient de leur présence.
« Je suis désolée, Harry, » dit Lily d'une voix douce, « pour toutes nos erreurs, pour tes craintes, pour t'avoir laissé seul… nous n'avons que cette nuit, mon amour. Et tu ne le sauras sans doute jamais… La mort de Sirius n'aura pas été inutile. Ce soir, mon bébé, reçois notre dernier cadeau, le seul que nous puissions encore t'offrir, et fais en bon usage. N'oublie jamais que nous t'aimons et que nous sommes fiers de toi. Mon petit lion… Joyeux anniversaire. »
La jeune femme se tourna vers ses compagnons qui lui répondirent d'un hochement de tête. Les deux hommes s'avancèrent vers le garçon endormi, les mains tendues.
« Pour toi mon fils. Sois courageux. Reste droit. J'ai confiance en toi, tu trouveras le chemin. Je t'aime, Harry… »
« Pardonne-moi Harry, je n'ai pas été un parrain à la hauteur, et c'est toi qui en paies le prix… il y a tellement de choses que j'aurais voulu te montrer… Mais nous nous retrouverons. Un jour. »
« Garde courage, mon garçon, » ajouta James. « Nous serons toujours là pour toi. »
Un rayon de lune s'infiltra entre les barreaux, éclairant les trois ombres fantomatiques penchées sur le lit.
Une voix douce s'éleva, chantant une berceuse ancienne, des notes qui atteignirent le garçon au fond de sa conscience. Un calme immense régnait dans la pièce.
Des mains tendues des deux hommes, une brume légère se répandit au-dessus de la silhouette étendue sur le lit. Tandis que la chanson flottait dans l'air, semblant arrêter le temps, la brume se disposa au-dessus du garçon, dansant légèrement, scintillant dans la lumière pâle de la lune.
La berceuse se fit plus douce, plus lente, avant de s'éteindre dans un souffle. Comme sensible à la musique, la brume, elle aussi cessa de danser et s'immobilisa avant de fondre rapidement sur le garçon et de disparaître. Dans son sommeil, Harry frémit.
« Je t'aime, Harry. » Murmura une dernière fois Lily avant de s'effacer entièrement. À ses côtés, les deux autres silhouettes s'évaporèrent sans un bruit à leur tour.
Dehors, un chien hurla son désarroi à la pleine lune.
Au 4 Privet Drive, un garçon d'à présent 16 ans sembla lui aussi, pendant quelques instants, briller d'une étrange lumière.