Titre : Deux
Genre : Aventure, vague shonen-aï SasuNaru.
Avertissements : Le langage de Naruto, l'orthographe de Naruto, Naruto aux commandes d'une arme de destruction massive.
Résumé : Tic, tac, tic, tac, le temps passe inexorablement. Alors qu'est finalement posée la question qui pourrait tout détruire, la mémoire refait surface : un souvenir de flammes et de destruction, la naissance de leur amitié forgée par le feu de la haine et du racisme. Naruto, me suivrais-tu jusqu'au bout du monde ?
Notes : Séquelle-préquelle imprévue de Ne dites jamais adieu. Elle tient de sa mère, en ce qu'elle m'est également tombée sur le coin de la figure sans prévenir. Le style est tout de même relativement différent, et je préfère les considérer comme deux one-shots ayant lieu dans le même univers que comme deux chapitres d'une même fic. Et maintenant, laisse-moi en paix Gertruuude ! (fouille les recoins de sa chambre d'un air parano, des fois que son plot-bunny aurait décidé de laisser des petits)
La chambre est minuscule et plongée dans l'obscurité, la seule lumière provient de l'ordinateur portable posé sur la petite table dans un coin. La lueur blafarde cerne les fines lettres noires déjà présentes sur l'écran.
Kyûbi : ki voila
Kyûbi : lesse moi deviné : ta besoin d1 cou de m1
Kyûbi : je sé ke je suis indipensale, mé kan meme
Un faible sourire apparaît sur le visage de l'homme assis à la table, l'écran n'éclairant de son expression que ses lèvres pâles et son menton pointu. Le cliquetis des touches se joint au ronronnement du ventilateur de l'ordinateur dans la chambre silencieuse.
Mangekyô : Tes chevilles vont bien, looser ? Pas trop de mal à passer les portes ?
Kyûbi : va chié, enfoiré
Le ton est plus incisif que d'habitude. Il fronce les sourcils, mais déjà d'autres messages apparaissent.
Kyûbi : c trop facil de venir me voir dé ke tu en a beso1 é de mignorer le reste du tan
Kyûbi : je marche plu, trouve toi 1 otre boniche
Il soupire. Il savait qu'ils finiraient par en arriver là, il est juste surpris que cela ait pris si longtemps.
Mangekyô : C'est toi ou personne d'autre, idiot
Kyûbi : te fou pa de moi, come si je savai pa que t'a dotres larb1
Kyûbi : genre cet folle a lunettes ki te bave dessu
Mangekyô : C'est beaucoup trop gros pour eux
Mangekyô : Sans doute pour toi aussi, d'ailleurs
Kyûbi : tu sous enten koi, la ?
Kyûbi : aten une minute. dan koi tu té fouré, conard ?
L'homme a une drôle d'expression, entre le sourire et la grimace d'incrédulité. Il s'attendait à ce qu'il morde à l'hameçon sans réfléchir, mais cette réaction à retardement est nouvelle. L'autre est toujours capable de l'étonner. Cette pensée lui procure une étrange joie.
Mangekyô : Pas ici.
Mangekyô : Ecoute, je n'ai pas besoin d'un "coup de main", j'ai besoin d'un partenaire
Mangekyô : et pas le temps d'un trajet en avion ou d'une conférence de presse
L'écran reste inchangé un long moment.
Kyûbi : tu me demande koi, la ?
La question est directe. La réponse lui vient immédiatement mais il hésite, brutalement intimidé par tout ce qu'elle sous-entend. L'autre ne se contentera pas d'une demi-vérité. Il presse ses lèvres l'une contre l'autre, actionne les touches plus lentement qu'auparavant, mû par une étrange solennité.
Mangekyô : Je veux que tu laisses tout tomber pour me suivre
Onze ans plus tôt
« Qu'est-ce que tu en as fait, loser ? »
Naruto cracha un peu de sang et fusilla du regard l'adolescent qui le dominait de toute sa taille. Cet enfoiré avait failli lui déchausser une dent ! Sasuke répondit à son regard noir avec tout autant d'animosité, et Naruto constata avec satisfaction que sa chemise blanche était maintenant constellée de quelques gouttes de sang et qu'un bleu commençait à se former sur sa joue. Ha ! Il n'avait plus l'air si impeccable que ça, l'Uchiwa, hein ?
Et s'il s'attendait à ce que Naruto Uzumaki cède aussi facilement… !
« Naruto, cesse de faire l'imbécile ! » intervint Sakura en le voyant se relever, déterminé à ne pas en rester là. « Tu ne peux pas laisser Sasuke tranquille pour une fois ? »
« Mais Sakura-chan… »
« Mais rien du tout ! Arrête de chercher les ennuis, tu nous mets tous en retard avec tes singeries ! »
Naruto plissa les yeux et fit la moue. Il ne mettait personne en retard, ce n'était pas comme s'il avait demandé à toutes ces filles de s'arrêter pour admirer leur précieux Sasuke ! D'ailleurs ce n'était même pas lui qui avait provoqué cette bagarre… Bon, d'accord, peut-être qu'il y avait grandement contribué, mais c'était Sasuke qui l'avait frappé le premier !
L'adolescent haussa un sourcil impatient, et bien que Naruto n'aurait rien aimé de plus que de lui faire ravaler son arrogance, il céda finalement sous le regard incendiaire de la jolie Sakura.
« Il est dans la classe de maths, ton fichu bouquin » marmonna-t-il, boudeur.
Sasuke le fusilla du regard et tourna les talons sans un mot de plus. Sans doute conscientes de sa mauvaise humeur, aucune des filles qui s'étaient rassemblées pour le voir battre Uzumaki ne tentèrent de le suivre.
Quel imbécile, rumina-t-il en remontant les escaliers quatre à quatre, il n'avait donc rien d'autre à faire que lui voler ses affaires juste avant la fin des cours et aller les planquer au second étage ? Depuis trois mois qu'ils fréquentaient la même école ce looser persistait à trouver la moindre occasion de l'agacer, même s'il finissait toujours par perdre lorsqu'ils en venaient aux mains. On aurait pu croire qu'il finirait par apprendre la leçon, mais le crétin avait la tête dure.
Franchissant la première porte du couloir, Sasuke parcourut la salle de classe du regard. Quelques secondes de recherche lui révélèrent un coin de son manuel de physique dépassant sous l'armoire près du bureau du professeur. Levant les yeux au ciel devant le camouflage "habile" de l'idiot, il s'approcha et se baissa pour récupérer son bien.
Il y eut une explosion.
Le sol se déroba sous ses pieds.
Tout devint noir.
XXX
Naruto se dressa sur la pointe des pieds, tentant de voir par-dessus les têtes des élèves plus grands que lui. Les flammes dévoraient le rez-de-chaussée du bâtiment principal et commençaient à se propager au premier étage. Les pompiers venaient juste d'arriver dans la cour de l'école et la cinquantaine d'adolescents qui n'avaient pas eu le temps de quitter l'établissement avant l'explosion formaient un cercle lâche autour d'eux, maintenus à distance par les derniers professeurs.
L'ambiance était à une horreur collective teintée d'incrédulité. L'explosion avait complétement soufflé le hall d'entrée et ses imposantes portes vitrées, et le feu avait pris presque instantanément dans toute la base du bâtiment. Naruto n'était pas un génie, mais il n'avait pas besoin de s'appeler Shikamaru pour comprendre qu'il était peu probable qu'il s'agisse d'un accident avec les conduites de gaz – et d'ailleurs pourquoi y aurait-il eu des conduites de gaz dans le hall d'entrée ?
Comme pour confirmer son opinion, une ambulance et quelques voitures de police entrèrent à leur tour dans la cour. Elles vinrent se ranger derrière le véhicule déjà présent juste à temps pour assister à une scène surprenante : alors que les pompiers s'apprêtaient à déclencher leurs pompes à eau, plusieurs coups de feu retentirent et ils furent forcés de se mettre à couvert.
Il y eut des cris aigus parmi les adolescents et on pointa frénétiquement vers le toit de l'école où plusieurs silhouettes étaient visibles. Elles disparurent dès que les policiers ouvrirent le feu sur elles, mais le mouvement de panique parmi les élèves poussa nombre d'entre eux à aller se réfugier dans le gymnase ou à quitter tout à fait l'école.
Naruto repéra une touche de rose vif parmi la cohue et se fraya un chemin jusqu'à Sakura, qui s'était accroupie derrière un banc avec son amie Ino.
« Ca va, Sakura-chan ? » haleta-t-il.
Sakura sursauta et tourna un regard écarquillé vers lui.
« Naruto ! On vient d'entendre ce que les policiers disaient, c'est un attentat ! »
« Hein ? C'est n'importe quoi ! Qui voudrait attaquer une école ? »
« Les extrémistes anti-mutants, apparemment » répondit cyniquement Ino.
Naruto jeta un regard sidéré à Sakura, mais la jeune fille avait baissé les yeux et se mordillait les lèvres.
« C'est vrai que tout le monde sait qu'il y a beaucoup de mutants dans notre école… »
« Mais il n'y a pas que nous ! Il y a les autres aussi ! Je croyais qu'ils plaçaient la barre au meurtre des non-mutants ces enfoirés !? »
« C'est peut-être pour ça qu'ils ont lancé l'explosion après la fin des cours » raisonna-t-elle. « Comme ça, ils font parler d'eux mais personne n'est blessé. Je ne veux même pas imaginer ce qui se serait passé si ça avait eu lieu au milieu de l'après-midi. Au moins, plus personne n'est à l'intérieur maintenant. »
Elle avait à peine fini sa phrase qu'elle se mit à pâlir de façon alarmante. Ino lui jeta un coup d'œil, haussa un sourcil, puis parut à son tour subir une révélation qui la laissa blanche comme un linge.
« Naruto… » fit Sakura d'une voix tremblante. « Dis-moi que tu l'as vu sortir… »
Passablement déstabilisé par les deux regards exorbités qui s'étaient tournés vers lui, Naruto mit quelques secondes à comprendre à quoi elle faisait allusion. Le contraste soudain entre les six marques sombres sur ses joues et son teint d'ordinaire hâlé suffit à Sakura et Ino, qui se précipitèrent aussitôt sur le policier le plus proche.
Très pâle, Naruto leva les yeux vers le second étage. Beaucoup de fenêtres avaient été soufflées par l'explosion, mais il était pratiquement impossible de voir quoique ce soit depuis la cour. N'apercevant aucun mouvement derrière les ouvertures béantes, il passa une main nerveuse dans sa tignasse. Ses paumes étaient moites.
Il lui sembla qu'une brique lui tombait au fond de l'estomac lorsqu'il réalisa que la classe de mathématiques était située presque immédiatement au-dessus du hall d'entrée.
Sakura et Ino avaient harponné deux agents, les yeux brillants de larmes. Naruto réalisa que les autres policiers et les professeurs étaient pour la plupart occupés à convaincre les élèves restants de se mettre au moins hors de portée des tireurs derrière les grilles de l'école. Coincé comme il l'était entre un banc et un peuplier, ils ne l'avaient pas encore vu. Un coin d'œil vers le toit l'informa de l'absence actuelle de tireurs.
Naruto hésita. Cet enfoiré de Sasuke avait très bien pu sortir quand il ne faisait pas attention, après tout il avait opté pour rentrer chez lui dès que Sakura avait cessé de le fusiller du regard. Mais il avait à peine atteint les grilles avant que l'explosion ne retentisse. Sasuke aurait-il eu le temps de monter deux étages pour aller chercher son livre, puis de les redescendre ?
Gah, mais pourquoi n'avait-il pas planqué ce fichu bouquin dans les vestiaires du gymnase comme il en avait d'abord eu l'idée ? Non, il avait fallu qu'il fasse le finaud et trouve ça intelligent de lui faire remonter deux étages !
Si l'Uchiwa était mort, Sakura ne lui pardonnerait jamais. Et Iruka, aussi, Iruka aurait tellement honte de lui, il ne pourrait plus jamais le regarder en face ! Et puis, qui aurait-il envie de boxer après une mauvaise journée si cette tête d'épouvantail n'était plus là, hein ?
…
D'un autre côté… Iruka allait vraiment lui arracher tous les poils de la queue s'il faisait ça.
…
Oh, et puis c'était toujours mieux que le regard coupable "Mais-qu'est-ce-que-j'ai-raté-pour-que-tu-tournes-aussi-mal" poussé à sa puissance maximale.
Naruto descendit la ceinture de son jean de quelques centimètres, juste assez bas pour extirper sa queue de la jambe de pantalon dans laquelle il la fourrait tous les jours.
Lorsqu'un agent l'aperçut finalement et lui cria de s'arrêter, il avait déjà traversé la moitié de la cour. Il bondit et se réceptionna sur le châtaignier le plus proche de la façade, se hissant dans ses branches avec une aisance insultante, son balancier couvert d'une épaisse fourrure rousse fouettant l'air derrière lui. La voix de Sakura hurla son nom par-dessus le bruit des flammes et les voix des adultes, mais il s'élançait déjà et s'engouffrait par une fenêtre du premier étage.
La fumée épaisse lui piqua aussitôt les yeux et la gorge et il dut s'immobiliser, surpris par une quinte de toux et reconnaissant une salle de classe à travers ses larmes. Une partie de la cloison donnant sur le couloir avait été soufflée par l'explosion et plusieurs bureaux avaient déjà pris feu. Naruto traversa la pièce aplati au ras du sol et enjamba d'un bond les décombres du mur.
Le couloir était dans un état pire encore, les parois encore debout maculées de cendres et d'innombrables débris enflammés parsemant le sol. Naruto plaqua un coin de son T-shirt sur son nez et prit un quart de seconde pour se féliciter que les couloirs de l'école aient été conçus aussi larges.
Louvoyer entre les foyers d'incendie fut heureusement facilité par son agilité exceptionnelle et il dut plus d'une fois bondir par-dessus les flammes. La chaleur devenait infernale et respirer une véritable corvée lorsqu'il aperçut le lieu de l'explosion à travers la fumée. Dans une large zone autour du hall d'entrée, le sol du premier étage avait complètement disparu, éparpillé plusieurs mètres en contrebas dans un enfer de flammes.
Naruto déglutit, réalisant en apercevant la carcasse noircie ce qui avait été une cage d'escalier qu'il avait été stupide de croire qu'accéder au second étage serait aussi simple. Un craquement retentit au-dessus de lui et il leva les yeux, réalisant qu'une partie du plafond au-dessus du foyer s'était également effondré. Quelques lambeaux du parquet de l'étage supérieur pendaient, calcinés, par l'ouverture béante.
Sans qu'il n'y prête attention, huit nouvelles queues apparurent dans son dos pendant qu'il prenait son élan. Il lui sembla que la peau de sa poitrine rôtissait lorsqu'il s'élança au-dessus de l'incendie qui faisait rage un étage plus bas.
Le sol du second étage entra en collision avec sa cage thoracique et il y planta ses griffes, grondant sourdement sous l'effort.
Une quinte de toux lui parvint et il tourna la tête. L'espace d'un instant, ses yeux croisèrent le regard incrédule de Sasuke. Le garçon était plaqué au sol à une distance dangereusement faible de l'affaissement du plancher, ses jambes disparaissant entièrement sous une lourde armoire.
Naruto imprima un mouvement de balancier à son corps et jeta un bras en avant, hissant petit à petit son torse au niveau supérieur.
Entraînée par son propre poids, l'armoire glissa encore un peu vers le trou et Sasuke serra les dents, emporté malgré lui par le meuble qui lui broyait le bas du corps. Quelque chose de doux vint lui frôler le visage et il rouvrit les yeux, apercevant avec incrédulité les neuf appendices couverts de fourrure fouettant l'air devant lui.
C'est à cet instant qu'il réalisa que Naruto était campé au-dessus de lui, ses pieds plantés de part et d'autre de ses épaules. Son visage étonnamment bestial était déformé par la détermination, et il refermait déjà ses bras sur l'énorme armoire.
De la manière la plus inattendue qui soit, la voix de sa mère émergea d'un souvenir lointain, lui racontant avec ce sourire éternel l'histoire du démon renard à neuf queues. Un nom se grava au fer rouge dans son esprit.
Kyûbi.
Il y eut un craquement, les jambes de Naruto se mirent à trembler sous l'effort. L'armoire bougea sur ses jambes et Sasuke se mordit la lèvre jusqu'au sang. Et puis la pression se mit à diminuer, le meuble se soulevant centimètre par centimètre. Sasuke attendit jusqu'à ce que le bois ne fasse plus que le frôler et passa entre les jambes de Naruto en se traînant à la force des bras.
Il était presque tiré d'affaire lorsqu'un cri retentit par-dessus le ronronnement des flammes. Sasuke jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et aperçut une silhouette de l'autre côté du trou. Entièrement enveloppé d'une combinaison ignifuge, l'homme pointait une arme vers eux en criant quelque chose derrière lui.
Sasuke eut à peine le temps de maudire la visière plastifiée qui lui cachait les yeux de l'adulte : Naruto poussa un grognement sourd et pivota sur ses hanches, l'armoire encore tenue à l'horizontale entre ses bras incroyablement noués par la tension. Une fraction de seconde plus tard, le meuble franchit le vide en vol plané et vint terminer sa course contre l'homme qui eut à peine le temps de pousser un cri.
Sasuke fut soulevé et jeté en travers d'une épaule, trop occupé à cracher ses poumons pour songer à protester.
Naruto l'emporta à l'extrémité du bâtiment et trouva refuge dans une salle de classe encore épargnée par les flammes, déposant son fardeau sur une chaise sans trop de délicatesse. S'attendant à un regard noir, il fut surpris lorsque Sasuke grimaça et porta instinctivement la main à ses jambes.
« Ca va, enfoiré ? »
« A ton avis, est-ce que ça a l'air d'aller espèce d'imbécile ? » rétorqua Sasuke, le fusillant finalement du regard.
« Hé, ne me parle pas sur ce ton ! Je te signale que je viens de sauver tes fesses ! » répliqua-t-il, se hérissant aussitôt.
Vraiment, quelle mouche l'avait piqué pour qu'il accoure à l'aide d'un pareil connard ?
Se détournant avec un mouvement de colère, il alla jeter un coup d'œil dans le couloir et s'assura que les copains du type qu'il avait transformé en confiture n'étaient pas dans le coin. Ne voyant rien, il retraversa la classe en sens inverse pour regarder par la fenêtre. La voix de Sasuke s'éleva dans son dos.
« Ces types, ce sont des anti-mutants, pas vrai ? »
Naruto se figea, soudain intimement conscient des neuf queues qui ondulaient toujours derrière lui, de ses griffes acérées, des marques sombres sur ses joues et de ses pupilles félines. Avant qu'il ne quitte son village, Iruka lui avait fait jurer de ne jamais utiliser ses pouvoirs en public à moins d'un cas de force majeure absolue. Bien que les gens de la capitale soient un peu plus tolérants envers les ninjas que les villageois qu'il avait côtoyés toute sa vie, il existait toujours énormément de préjugés et même des hommes prêts à tuer les mutants, comme ceux qui se trouvaient justement sur le toit de l'école.
Bien que très frustré de ne pas pouvoir utiliser toutes ses capacités pour battre Sasuke dans leurs fréquentes bagarres, Naruto s'en était toujours tenu aux ordres de son gardien, sachant qu'Iruka avait une peur immense de le voir attaqué à cause de ses pouvoirs. Peu de personnes dans l'école savaient qu'il était un mutant, en dehors de Sakura et Shikamaru qui l'avaient découvert par accident au bout de quelques semaines de cours. Sa situation était loin d'être rare, car s'il en croyait les rumeurs, de nombreux mutants fréquentaient l'établissement sous le même anonymat que lui.
Et sans réfléchir le moins du monde, il s'était dévoilé devant la personne qui avait le plus de raisons de lui en vouloir.
Son silence servit de réponse à Sasuke.
« Hm. Tu es le dernier type sur lequel j'aurais pu avoir des doutes. Ca paraît incroyable qu'un imbécile pareil ait pu cacher un tel secret pendant aussi longtemps. »
La fourrure de ses queues se hérissa mais, une fois n'est pas coutume, Naruto ne rétorqua rien. Un lourd silence s'installa entre eux.
Il sembla à Naruto que les battements de son cœur résonnaient incroyablement fort à ses oreilles, jusqu'à ce qu'il réalise que le bruit n'avait rien à voir avec son angoisse.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? » fit-il en levant les yeux vers la fenêtre.
Il entendit Sasuke se lever et se diriger lentement vers lui en s'appuyant aux tables. Le son se précisa et parut encore enfler, se changeant en un "Fwoum fwoum fwoum" rythmique.
« Un hélicoptère » dit finalement Sasuke alors que Naruto tentait encore de lutter contre cette conclusion.
« Ici ? Ah, je sais ! Ca doit être la police ! » s'exclama-t-il, plein d'espoir.
Il ouvrit la fenêtre et se pencha, Sasuke l'imitant à la vitre adjacente. Des cris et des coups de feu résonnèrent depuis la cour, les agents à l'abri de leurs voitures de fonction ouvrant le feu sur l'appareil noir qui arrivait haut au-dessus de leurs têtes.
Sasuke rentra aussitôt la tête, confirmé dans son hypothèse.
« Pas la police, c'est le moyen d'évacuation des terroristes » cria-t-il par-dessus le bruit des pales.
Sans pouvoir retenir son expression d'admiration, Naruto suivit l'hélicoptère des yeux pendant qu'il amorçait son approche vers le toit. L'enthousiasme se changea cependant vite en amertume.
« Mais qu'est-ce qu'ils croient faire, ces enfoirés ? » ragea-t-il tout haut. « C'est juste une école, une école, bon sang ! Faut vraiment être tordu pour se donner tout ce mal pour une école ! »
« Parce que bien sûr, tu n'es pas au courant » répliqua Sasuke, du ton de celui qui avait espéré une lueur d'intelligence envers et contre tout.
Naruto se tourna vers lui sans comprendre.
« Officiellement c'est une école, » poursuivit l'adolescent, « mais officieusement c'est le centre de ralliement de l'organisation Konohagakure. Il y a au moins trois ou quatre sous-sols rien que sous ce bâtiment, sans doute accessibles uniquement depuis l'ascenseur de service. »
« Konohagakure ? C'est quoi, ça ? »
« Une organisation de ninjas » répondit-il avec un regard condescendant. « Ils luttent pour les droits des mutants et dament le pion aux ninjas extrémistes, entre autres. »
« Hein !? Et ils crèchent juste en-dessous de l'école ? Mais attends, comment tu sais ça, toi ? » s'exclama Naruto, sidéré.
« Le plafond du premier sous-sol est blindé, bien sûr » poursuivit Sasuke comme s'il n'avait rien dit. « Ils n'avaient aucune chance de les atteindre avec une explosion aussi faible. »
Sasuke s'était appuyé contre une table, les bras croisés sur sa poitrine, et posait un regard altier sur la fenêtre. Naruto le dévisagea, luttant pour accepter la conclusion qui s'imposait à lui.
« Toi aussi… tu es… » murmura-t-il.
Sasuke se tourna vers lui, et son regard prit une brève seconde une teinte rouge vif.
« Ils vont s'enfuir » dit-il, sa voix soudain chargée d'amertume.
Naruto ravala son choc, et à la vue de ces yeux d'ordinaire si méprisants qui reflétaient au final toute la rancœur et la rage sourde qui grondaient dans sa propre poitrine, il sentit quelque chose en lui prendre son essor.
Son sourire dévoila deux canines acérées.
« Ca reste à voir. »
XXX
Aussi près des grilles de l'école que les professeurs la laissaient avancer, Sakura se mordillait anxieusement les lèvres. Ino lui tenait la main, la laissant muettement broyer ses doigts et broyant les siens en retour. Par-dessus le parapet du toit, elles pouvaient apercevoir les pales de l'hélicoptère sur le point de se poser. Un agent de police criait dans sa radio pour qu'on envoie du renfort aérien. Une bonne partie de ses collègues était montée sur le toit du gymnase au fond de la cour d'où ils échangeaient des coups de feu avec les terroristes qui ne semblaient pas si pressés de partir, attendant sans doute d'être sûrs que le bâtiment ne pourrait pas être sauvé.
'Allez-vous-en, allez-vous-en !' psalmodiait Sakura, des larmes de rage impuissante aux coins des yeux. 'Vous avez déjà fait assez de dégâts comme ça, allez-vous-en !'
Une silhouette inhabituelle apparut près d'Ino et Sakura jeta un coup d'œil surpris au nouveau venu. L'homme était grand, sa taille paraissant encore accentuée par la tignasse étonnamment grise qui se dressait sur son crâne avec un drôle d'air penché. Son œil gauche était caché par un bandeau et il observait le bâtiment en flammes d'un regard indéchiffrable. Il ne ressemblait pas aux badauds qui s'étaient peu à peu rassemblés autour de l'école.
Remarquant son regard, l'homme se tourna vers elle et lui adressa un sourire.
« Bonjour ! Vous êtes élèves dans cette école ? »
Ino tourna la tête en entendant sa voix et se rapprocha de sa meilleure amie en lui adressant un regard noir. Sakura hocha faiblement la tête, moins convaincue qu'elle qu'il ne s'agissait que d'un curieux.
« On dirait que ça a été une sacrée explosion. Il y a eu des blessés ? »
« On ne sait pas » répondit-elle, se félicitant que sa voix ne paraisse pas trop étranglée. « On croit qu'un élève était resté à l'intérieur, et un autre est parti le chercher… »
« Cet idiot de Naruto ! » cracha Ino. « Il ne réfléchit jamais avant de faire quelque chose, qu'est-ce qu'il a dans la tête ? »
L'inconnu fronça imperceptiblement les sourcils.
« Alors ce Naruto est retourné chercher son ami… ? »
« Oh non ! » s'exclama Ino. « Le pire, c'est que Sasuke et lui ne se supportent même pas ! Il devait juste se sentir coupable parce que c'était sa faute s'il était encore à l'intérieur quand il y a eu l'explosion. Et il avait raison, c'était entièrement sa faute ! Mais qui est-ce que ça avance maintenant qu'ils sont tous les deux là-dedans, hein ? »
« Hum… » fit l'homme, reportant un regard méditatif sur le bâtiment. « Naruto et Sasuke… Je suppose que ça doit être ces deux-là ? »
Sakura se tourna vivement dans la direction qu'il pointait du doigt avec nonchalance. Une forme indistincte se hissait hors d'une fenêtre du second étage, et en effet, elle finit par reconnaître les cheveux noir corbeau de Sasuke et un éclat de fourrure rousse qui ne pouvait qu'appartenir à Naruto.
« Mais qu'est-ce qu'ils font ? » cria-t-elle, sa voix montant d'un octave pour aller titiller les notes de l'hystérie.
« Hé bien… » répondit lentement l'homme, plaçant sa main en visière pour mieux suivre les mouvements des deux adolescents. « Je crois qu'ils vont monter sur le toit. »
Ino émit un croassement peu mélodieux, les yeux ronds. Sakura prit une inspiration furieuse.
« Narutooo ! » hurla-t-elle, sachant que la mutation de l'adolescent lui permettrait de parfaitement l'entendre. « Si tu blesses Sasuke, je t'égoooorge ! »
XXX
Naruto grimaça et lutta contre le besoin de couvrir ses oreilles si sensibles, rattrapant de justesse la prise qu'il avait failli lâcher.
« Fais un peu attention à ce que tu fais, crétin » lui glissa Sasuke, qui n'avait rien entendu par-dessus le bruit des flammes et des pales d'hélicoptère, d'un ton irritable.
Naruto serra les dents mais ne répondit rien, se concentrant plutôt sur son escalade. S'il croyait que c'était facile de hisser deux personnes sur une paroi verticale ! Parce que bien sûr, Monsieur pouvait à peine tenir debout sur ses fragiles petites jambes toutes endolories, sans parler de tenter un petit bout de grimpette… Lui qui n'avait jamais été fan des innombrables fioritures ornant la façade de l'école, il était finalement très reconnaissant de leur présence et des prises faciles qu'elles offraient.
L'hélicoptère venait de se poser sur le toit, ses pales tournant au ralenti en attendant ses passagers. Les coups de feu provenant de l'autre bout du bâtiment prouvaient que ceux-ci n'étaient pas encore prêts à partir.
« Tu es sûr que ça va marcher, ton truc ? » grogna-t-il en calant ses pieds sur le rebord supérieur d'une fenêtre du troisième étage.
« T'occupe pas de ça. Débrouille-toi pour qu'ils nous voient un par un s'ils sont plusieurs, c'est tout. »
Naruto tendit le bras et saisit le parapet.
« T'as intérêt à avoir raison ! »
Se hisser jusqu'à pouvoir passer le haut de la tête et rien de plus par-dessus le muret fut ardu, d'autant plus que la prise de Sasuke sur ses épaules choisit ce moment précis pour glisser. Retenant un juron uniquement par souci de discrétion, Naruto enroula par réflexe deux de ses queues autour des cuisses de l'adolescent.
Sasuke se figea et Naruto se sentit rougir jusqu'aux oreilles, au comble de l'embarras. Mais qu'est-ce qu'il avait pu faire pour mériter de se retrouver dans une situation pareille ? Si ça avait quoique ce soit à voir avec la combustion spontanée des feux d'artifice de Noël dernier, il jurait qu'il n'y était pour rien !
Néanmoins, Sasuke était à nouveau calé sur son dos et il n'allait pas tenir éternellement le rôle de l'araignée sur son mur.
Quelques mèches blondes et deux yeux bleus circonspects finirent par émerger par-dessus le parapet.
L'hélicoptère était posé au milieu du toit juste en face d'eux et, comme Sasuke l'avait espéré, le pilote était seul près de l'appareil. Une mitraillette à la main, il fixait ses camarades d'un regard impatient. Les autres terroristes étaient bien plus loin et lui tournaient le dos, concentrés en direction du gymnase.
Naruto se rétablit d'un seul mouvement sur le parapet. La vivacité de son geste attira l'attention du pilote qui écarquilla les yeux et leva son arme vers eux, la bouche déjà ouverte pour appeler ses acolytes. Un air désorienté passa une brève seconde sur son visage, puis il pivota avec une expression effrayée. Il se mit finalement à courir droit vers les autres hommes en tirant dans le vide, criant des propos incompréhensibles.
« Woah… » fit Naruto, impressionné malgré lui.
« Dépêche-toi looser, avant que les autres ne nous voient » lui intima sèchement Sasuke, faisant un mouvement pour se détacher de lui.
Naruto l'ignora et sauta à terre, sachant que malgré toute sa fierté Sasuke pouvait à peine marcher droit par lui-même. L'autre extrémité du toit était en proie aux cris et au chaos, mais Naruto ne prit pas de risques et fusa de bouche d'aération en bouche d'aération. L'habitacle de l'escalier de service se trouvait directement entre les tireurs et l'hélicoptère, aussi profita-t-il de la couverture qu'il offrait pour s'approcher rapidement de l'appareil.
« Qu'est-ce que tu fabriques ? » lui cria Sasuke lorsqu'il ouvrit la porte du côté droit, et Naruto réalisa qu'il avait peut-être oublié de lui expliquer quel était son plan exact.
Mais aussi, pourquoi cet idiot l'avait-il suivi s'il ne savait même pas ce qu'il avait l'intention de faire ?
« T'inquiète, tout baigne » répondit-il jovialement en desserrant enfin sa prise sur ses jambes.
Sasuke descendit de son dos, trouvant encore le moyen de ressembler à un aristocrate émergeant tout juste de sa luxueuse litière. Naruto serra les dents pour retenir une réflexion désobligeante et le poussa sans délicatesse vers le siège du passager, disparaissant avant que l'Uchiwa n'ait eu le temps de le fusiller du regard. Il fit le tour de l'appareil, plié en deux comme il l'avait vu faire dans tous ses films préférés, et se hissa à la place du pilote, rétractant par réflexe ses queues et reprenant un visage plus humain.
Sasuke le regarda faire, alarmé, et cria quelque chose qui fut à moitié avalé par le bruit des pales. Naruto dénicha deux casques et lui en fourra un dans les mains, lui faisant signe dans le même mouvement de fermer sa portière. Sasuke s'exécuta et enfila l'objet sur ses oreilles.
« Ne me dis pas que tu as l'intention de faire voler cet engin ? » répéta-t-il, passablement inquiet.
Naruto émit un "huhu" distrait, plongé avec fascination dans l'examen du tableau de bord. Avant que Sasuke n'ait pu l'en empêcher, ses yeux se mirent à briller et il enclencha quelques commandes.
« C'est cool que les hélices tournent encore, je ne sais pas si j'aurais pu les mettre en marche ! »
« Naruto ! » s'exclama Sasuke, réalisant que le bruit des pales s'accélérait et que l'hélicoptère commençait définitivement à bouger.
« C'est bon, j'ai fait quelques heures de vol sur simulateur » répondit-il d'un ton désinvolte, négligeant de mentionner que le simulateur en question était constitué de sa console de jeux préférée et de la télé d'Iruka. « Ca se conduit comme une trottinette ! »
L'appareil décolla à quelques centimètres du sol, puis se mit à tourner sur lui-même, une manœuvre que l'expression perplexe de Naruto étiqueta comme imprévue. Le rotor arrière émit un grondement alarmant en taillant généreusement dans le mur de la cage d'escalier.
« … J'espère ne jamais te voir monter sur une trottinette. »
Naruto se contenta de coincer sa langue entre ses dents d'un air concentré.
Le boucan avait finalement alerté les terroristes sur ce qui se passait et ils se précipitaient vers eux, hurlant des menaces et brandissant leurs armes. Sasuke n'était pas plus alarmé que ça, sachant que si l'hélicoptère était passé au-dessus de la cour sans se préoccuper des tirs de policiers, l'habitacle devait être à l'épreuve des balles.
Cependant Naruto, soit qu'il n'ait pas réalisé ce détail, soit qu'il ait regardé beaucoup trop de films d'action pour être encore jugé complètement sain d'esprit, engagea l'appareil en rase-mottes droit vers le groupe de leurs assaillants stupéfaits.
Le sourcil gauche de Sasuke tressauta. Il s'accrocha des deux mains à son siège et, stoïque, entreprit de concevoir mille tortures pour l'imbécile, décidant à cet instant précis qu'il était hors de question qu'ils meurent avant qu'il n'ait pu en exercer au moins la moitié.
L'hélicoptère frôla les hommes qui s'étaient jetés sur le côté et se dirigea droit vers le bord du toit, ses patins raclant généreusement le parapet.
« Yahooouuu ! » hurla Naruto, extatique.
Sasuke expira patiemment, ferma les yeux. Puis lui flanqua sa meilleure taloche.
XXX
Lorsque l'appareil se posa cahin-caha sur le terrain de gym, tanguant de gauche et de droite comme un oiseau ivre, les policiers faisaient déjà cercle autour de lui. Apercevant finalement les deux adolescents dans la cabine de pilotage, le petit blond aux commandes qui tirait la langue d'un air absorbé et le garçon aux cheveux noirs qui se passait une main lasse sur le visage, ils baissèrent leurs armes et appelèrent précipitamment les ambulanciers.
« Ce sont eux, mademoiselle ? » demanda un agent sidéré à Sakura.
La jeune fille hocha vivement la tête, elle-même rendue muette par le choc.
Sur le toit de l'école, les terroristes avaient jeté leurs armes et attendaient, affolés, le secours des pompiers qu'ils avaient auparavant mis tant d'efforts à repousser.
L'inconnu aux cheveux argentés, qui s'était entre-temps présenté comme Kakashi, gloussa et se tourna vers Sakura.
« Finalement, les meilleures opérations de sauvetage sont toujours les plus inattendues » dit-il avec un sourire de bienheureux.
Epoque actuelle
Le bruit de leur course sur les marches métalliques résonne dans l'étroite cage d'escalier. Sakura fait de son mieux pour suivre le rythme imposé par Kakashi, gravissant les étages aussi vite que ses jambes le lui permettent. Pour la énième fois depuis le début de la soirée, elle porte la main à son oreillette et tente de joindre leur coéquipier manquant.
« Kyûbi ! Naruto, réponds espèce d'idiot ! »
Aucune réponse ne parvient à son appel essoufflé et elle retient un juron. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Mais quelle idée de s'éloigner sans leur donner sa position !
Elle a bien vu qu'il était constamment distrait depuis qu'ils se sont retrouvés pour cette mission, qu'il avait sans cesse l'air inhabituellement grave et pensif. Mais ils avaient à peine atteint le lieu de leur investigation que le jeune homme recevait un appel téléphonique, ce pour quoi Sakura n'avait pas manqué de copieusement le sermonner, sachant qu'aucun agent ne devait avoir avec lui de portable allumé sur le terrain.
Naruto l'avait pourtant à peine écoutée, le message qu'il venait de recevoir mobilisant apparemment toute son attention. Sakura s'était tue, désarçonnée, en avisant son expression troublée. Mais avant qu'elle n'ait pu dire quoique ce soit, il avait marmonné une excuse et fait volte-face, s'éclipsant trop rapidement pour que ces coéquipiers puissent envisager de le suivre.
Qu'est-ce qui a bien pu piquer cet abruti ? Naruto est tête-en-l'air et pas toujours très logique, mais jamais encore il ne leur a fait faux bond au beau milieu d'une mission. Et pourquoi a-t-il fallu qu'il choisisse cette mission entre toutes ?
Bien que ni Kakashi ni elle n'en aient encore soufflé mot, elle sent bien au fond d'elle que cette personne qu'ils poursuivent dans ce minuscule escalier n'est pas n'importe qui. Elle se surprend à regretter amèrement l'absence de son ami et l'en maudit d'autant plus.
Une porte claque au-dessus d'eux et elle réalise qu'ils sont sur le point d'arriver sur le toit. Elle franchit encore un palier et la porte lui apparaît, Kakashi se jetant déjà sur elle pour l'ouvrir.
Le vent nocturne est frais sur sa peau trempée de sueur.
« Halte ! » crie Kakashi, et sa main levée laisse échapper la lueur bleuâtre annonciatrice de la dernière mutation qu'il s'est approprié.
Entendant la menace dans le ton de sa voix, la silhouette de l'homme qu'ils ont poursuivi tout ce temps s'immobilise au bord du toit. Ses mèches noir corbeau se soulèvent sous l'effet d'une bourrasque de vent. Il se retourne, pose son regard sombre sur eux, et même si au fond d'elle-même elle le savait déjà, Sakura oublie de respirer.
« Sasuke… » s'échappe de ses lèvres dans un souffle ténu.
Kakashi ne cille pas. Son regard sévère vissé sur son ancien élève, il fait coulisser son bandeau sur son œil gauche et dévoile son iris rouge. Les mains tremblantes, Sakura sort une paire de lunettes de soleil de sa poche et l'enfile à contrecœur. Le jeune homme est calme, ses yeux noirs passant de l'un à l'autre d'entre eux sans changer d'expression.
« Qu'est-ce que tu crois faire, Sasuke ? » demande finalement Kakashi.
Du menton, il désigne le disque que l'autre tient encore dans ses mains gantées.
« Pourquoi voler des données confidentielles à Konohagakure ? Qu'est-ce que cela pourrait t'apporter ? »
Sasuke glisse le disque de données dans la poche de poitrine de sa veste noire, en referme la fermeture éclair.
« Vous n'avez pas assez de recul » répond-il de sa voix grave, et le cœur de Sakura lui semble faire un bond dans sa poitrine. « Vous êtes trop impliqués. »
« Impliqués dans quoi ? » ne peut-elle s'empêcher de s'écrier. « Sasuke, tu sais que Konohagakure lutte tout autant que toi contre l'Akatsuki. Si tu as besoin d'aide, pas besoin de voler l'organisation, tu peux toujours nous rejoindre ! Nous pouvons t'aider, Sasuke ! »
Il la regarde, un faible sourire au coin des lèvres, puis secoue la tête.
« Konohagakure n'est pas aussi fiable que vous voulez le croire. Un groupe aussi large a toujours des failles. »
Kakashi fronce les sourcils.
« A quel genre de failles fais-tu allusion ? »
Sasuke détourne le regard, indifférent.
« Peu importe. Restez sur vos gardes, c'est tout. »
Son comportement distant la pique, mais il est là, devant elle, et Sakura se sent pleine de détermination. Puisque Naruto n'est pas là pour tenir sa promesse avec elle, elle agira seule s'il le faut. Elle fait un pas vers lui, le défie du regard.
« Tu auras tout le temps de t'expliquer plus tard. Il est temps que tu reviennes vers nous, Sasuke ! De toute façon, tu n'as nulle part où aller ! »
Il est appuyé au parapet, quelques centimètres de béton le séparent d'une chute d'une vingtaine d'étages vers la rue brillamment éclairée en contrebas. Le toit est nu et désert, ils sont deux contre lui et protégés contre son pouvoir. Aujourd'hui est le jour où elle ramènera Sasuke à la maison, et alors il comprendra qu'il n'a pas besoin de rester seul !
Et pourtant il sourit, sardonique.
« Oh ? » fait Kakashi, et son ton joueur ne trompe aucun des deux jeunes gens. « Aurais-tu un atout caché dans ta manche ? »
Un drôle de son commence à résonner, se fondant d'abord dans les bruits de la circulation en bas de l'immeuble, mais prenant rapidement de l'ampleur. Sakura fronce les sourcils, cherchant à reconnaître le souvenir aux couleurs délavées qui frappe maladroitement à sa porte. Le vent se lève.
Sasuke saute d'un bond sur le parapet.
« C'est vous qui nous l'avez appris, Kakashi » dit-il, et il y a une étrange lueur de joie dans son regard. « Les meilleurs opérations de sauvetage sont toujours les plus imprévisibles. »
Le bruit devient insoutenable et une forme sombre apparaît lentement derrière lui, émergeant des profondeurs de la rue. L'hélicoptère dévoile gracieusement l'un de ses flancs, s'approche du parapet jusqu'à presque le toucher. Sasuke saisit le patin qui lui est offert, se hisse dessus sans effort et ouvre la portière.
Le temps que Kakashi et elle se précipite vers l'appareil, il a déjà commencé à pivoter vers eux, et l'homme aux cheveux argentés fige son attaque en avisant l'homme aux commandes.
Naruto leur offre l'un de ses sourires embarrassés qui disent qu'il sait qu'il est en train de faire quelque chose de stupide, mais qu'à présent rien ne pourra plus l'empêcher d'aller jusqu'au bout. Sasuke s'installe près de lui, ajuste un casque sur ses oreilles.
A travers la verrière, Kakashi saisit le mouvement de ses lèvres.
« Qu'est-ce que tu en dis ? »
Naruto éclate de rire, et bien qu'une lueur de regret brille toujours dans son regard, son sourire est sincère.
« C'est la meilleure trottinette que j'ai jamais vue ! »
Et puis l'hélicoptère s'élève, et Kakashi se dit qu'il est trop tard pour tirer, qu'ils sont trop loin. Il se le dit et se le répète, jusqu'à ce qu'au final cela devienne vrai.
A côté de lui, Sakura les regarde s'éloigner, ses deux meilleurs amis. Et elle se dit qu'après tout, elle a exactement ce qu'elle voulait : Sasuke n'est plus seul.
C'est suffisant.
Il allège les silences
Il éclaire les sourires
Il tue les solitudes...
Le mutin chiffre deux.