Par amour
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- Oh, je vois, elles sont bien rouges dit donc… »
- La faute à qui ? »
- A toi… dis, t'as été un gentil garçon après ça ? »
- Oui ! »
- Erreur ! Oser me dire que j'étais le plus vicieux de nous deux… ça mérite une fessée. »
- Dean, arrête… ha… ça fait mal non d'un chien… »
Je le toise d'un regard bougon, je ne suis pas d'humeur à repartir dans un trip masochiste, en plus elles sont trop rouges pour le laisser continuer. Je sais j'ai craqué deux ans avant lui. Il pourra prendre sa revanche, mais plus tard !
- Bon, ok, je les laisse tranquille pour l'instant, si t'es gentil avec moi. »
- Oh… et je dois faire quoi, votre excellence… ? »
- D'après toi ? »
- Si ce à quoi tu penses commence par un f, tu peux aller te cuire un œuf ! »
- Hein ? Nan, je ne pensais même pas à ça ! M'enfin, pourquoi pas ! Ça te gênerait ? »
Me gêner ? Oui... Il y a encore des choses avec lesquelles je ne suis pas à l'aise. Et penser à une fellation me rend... peu sûr de moi. Dean est le premier homme que... j'aimerais être en accord avec moi, avant de me risquer à faire une chose pareille.
- Dean… je ne me vois pas faire ça, franchement ! »
- Oh… dommage, mais si un jour tu changes d'avis… »
- Hum… »
Je suis vautré dans le lit, à l'écouter chanter du Metallica sous la douche... cette fichue douche qui prend trop de temps ! Je grogne me retournant dans les draps, je n'ai plus qu'à prendre mon mal en patience et attendre que monsieur sorte enfin. Je sens un parfum épicé, mes yeux s'ouvrent pour se poser sur son corps encore humide. Dean est beau, si diablement séduisant…
- Me voilà… tu m'as pas trop désiré j'espère ! »
- Non… »
Il saute sur le lit avec un sourire fripon et on tangue dans un léger rire. Dès qu'il a su que l'hôtel avait des chambres... hum... il avait allongé la monnaie pour l'une d'entre elle. C'est méga classe les matelas d'eau... De temps en temps Dean et moi, on essaye de ne plus penser aux conséquences de notre vie, on jouit simplement du temps présent comme des gosses...
- On va faire des vagues ! »
- Je crois bien… »
Par amour… qu'est-ce qu'on peut faire ? Par amour que suis-je capable de faire ? De dire ? Par amour, pour lui, j'aurais pu tout faire… Qu'importe demain, qu'importe ce que je deviendrais… s'il est avec moi, tout sera possible. Je glisse dans le plaisir, Dean… en moi, sur moi. Je ne pense même pas à échanger les places, je suis bien là… si bien… le laisser faire son devoir d'aîné, m'initier, me consumer. Dean brûle au fond de moi, pour toujours. Ce soir-là, j'aurais dû… glisser mon visage entre ses jambes et lui montrer comme je l'aime. Mais je n'ai rien fait. Par amour je n'ai pas fait tout ce qui m'était possible…
Une main se pose sur mon épaule, il pleut, le Démon est mort, je devrais être heureux… Par amour, qu'a-t-il fait pour moi ? Par amour tout lui était possible, tout…
La main me serre et les larmes glissent le long de mes joues. L'enfer s'est dissipé, mais le mien commence à peine. Il se baisse, me serre un peu plus…
- Non… »
Il n'y aura pas de vengeance, il est mort, pour toujours… Par amour que devrais-je faire ?
- Vient Sam… on ne peut plus rien faire pour lui… »
Je lâche cette main froide. Par amour qu'aurais-je dû faire ? Par amour qu'as-tu fait ? Mon frère… par amour, tu as donné ta vie pour me sauver. Par amour tu m'as empêché de finir en enfer et toi tu t'y es plongé. Par amour, dans ces flammes rouges, par amour tu m'as montré ton cœur. Et moi, moi, tu m'as abandonné de l'autre côté. Je ne peux partir, laisser son corps ici… laisser le corps de mon frère là, au milieu de ce champ de flammes. Par amour je suis enfin capable de te montrer le fond de mes pouvoirs. Car par amour qu'est-ce qu'un frère peut faire ? Un cadet désemparé. Un cadet brisé… ma main se lève, se perd vers ton corps déjà bien loin de moi. Mes larmes noient mes yeux, je crie, je crie si fort…
Par amour, les miracles peuvent naître, par amour même impur comme le nôtre.
- Sam qu'est-ce que tu fais ? »
- Dean ! Dean ! Je t'en prie, reviens-moi ! Dean ne me laisse pas ! DEAN ! »
Qu'on ne me dise pas, que par amour certaines choses sont impossibles. C'est faux. Mon corps s'éteint… bercé par les cris de papa… mon corps…
Par amour, j'ai donné toute ma force pour le sortir de là, le sortir de l'enfer. J'ai repris son âme de l'au-delà…
- P'pa ? Comment il va ? »
- Je crois qu'il va s'en sortir… et toi ? »
- C'était horrible là-bas… mais valait mieux moi que Sam. Je n'avais même pas pensé à ça, sur le moment. C'est vraiment lui qui m'a ramené ? »
- Hum… »
- Il est fort… »
- Trop. »
Par amour… Sam peut-être plus fort que n'importe qui… Il m'a ramené de là où personne n'aurait dû revenir. L'éternité d'une damnation continue, pour lui, par un amour pur et fou. Cette folie qui coule dans mes veines. C'est mal, enfin c'est ce qu'ils disent, mais moi je sais qu'au fond, tous nos mots, toutes nos caresses sont purs de cet amour. Cet amour qui m'a arraché de l'enfer et cet amour qui m'a poussé à l'endurer pour lui.
Maintenant, réveille-toi… Sam, que cet amour ne disparaisse pas. Il dort, il dort depuis deux mois… Je regarde par la fenêtre, papa est assis dans un fauteuil t'attendant, lui aussi. Alors petit frère… par amour vas-tu ouvrir les yeux ?
- Dean, tu devrais dormir. »
Non, je reste, je resterais à ton chevet, t'attendant, attendant que tu me souris et que tu ouvres tes bras pour m'accueillir. Par amour, je continuerais ce pourquoi je suis fait… te protéger.
Je me retourne en sentant une main attraper la mienne. Tu souris enfin.
- Sammy. »
Moi qui n'aie jamais pleuré, me voilà en train de chialer. Comme ça fait du bien, de te voir bouger, de voir ton corps reprendre vie.
- J'ai réussi… »
- Hum. Merci. Sammy. »
- Par amour… »
- Rien n'est impossible, je sais… »
Je m'agenouille, je l'embrasse, qu'importe ce que pense le père, qu'importe ce qu'il dira devant ce spectacle. Par amour j'ai connu l'enfer pour un temps bref, je peux supporter le reniement. Même celui d'un père. Je serre ton corps, tendrement, tu m'enserres plus encore et les larmes continues de glisser.
- Dean… »
Sammy, si tu savais ce qui m'a attiré à toi, ton innocence, ton visage, tes sourires au milieu de ces motels miteux... J'ai attendu, par amour et par raison, mais le temps t'a enlevé à moi. L'espoir de te voir revenir s'est fané. J'avais tort. L'espoir existe, et il est revenu avec toi. Maintenant que nos doigts s'entremêlent, maintenant que j'ai vu la mort et l'enfer, maintenant que par amour tu m'as sauvé par déjà deux fois…
- Tu m'as redonné vie Sam… Sammy… »
Que dire ? Quand l'amour glisse par les pores de notre peau ? Comment dire tout ce que l'on ressent l'un pour l'autre ? Je me retrouve à court de mots, incapable de lui dire tout ça. Tout ce que je ressens.
- Dean… »
Lui aussi, il pleure au creux de mon cou, lui aussi, il est incapable de parler, de dire ce qui brûle en lui. Nos actes ont parlé pour nous. Je n'ai pas hésité… prendre sa place dans la mort. Pour moi, il n'a pas hésité, pratiquement donné sa vie pour me ramener. Que personne ne vienne me dire que ce qu'il y a entre nous est blasphème. Le seul blasphème de cette vie c'est d'être né dans la même famille que lui. Et encore, le vrai, c'est les regards qui nous dévisageront.
- Je t'aime… »
- Moi aussi… »
Je le serre, fort, si fort, comme si je voulais l'absorber, le boire, lui, sa chaire, son sang, ses paroles… son amour…
Je l'embrasse, la passion, l'amour, le pur amour qui coule dans mes veines, qui me brûle qui me pousse à ne plus le lâcher, à lui prouver que jamais je ne le laisserais, qu'importe ce que la vie nous balancera... Sa main au creux de la mienne, nos souffles mélangés, nos langues mêlées... Contre le monde, tous les deux, contre le monde, unis ensemble. Je relâche tes lèvres, tu souris, tu es pâle comme la mort, mais je sais que maintenant tout ira bien. Je caresse ton visage, par amour tu es revenu, par amour… tu ne peux plus repartir.
- Sammy, repose-toi, je serais là quand tu vas te réveiller. Promis, maintenant, on est ensemble… pour toujours… »
- Dean… »
Son visage glisse sur notre père, qui pleure lui aussi. Pourquoi ?
Marie ? Je ne peux pas regarder ça, nos fils, nos fils qui se touchent de cette façon. On voulait être heureux, vivre normalement, est-ce que tout ça est de ma faute ? Par amour j'ai commencé cette croisade sans me soucier de leur devenir et maintenant, je m'aperçois que je n'aurais pas dû. Je suis l'instigateur de cet amour, cet amour qui brûle leur corps. Je devrais être heureux, ils le sont, ils sont ce que nous avons été. Deux âmes sœurs contre le monde, deux âmes sœurs unies pour ce qu'on avait cru l'éternité. Tu m'as été enlevée et l'amertume de cette perte aurait pu me tuer, si… si tu ne me les avais pas laissé. J'espère simplement qu'ils n'auront pas à ressentir cette aigreur face au passé. Que pour eux, notre amour et notre bonheur soient entiers et éternels…
Je me lève, glissant vers Sam, je le serre fort, et Dean aussi. Mes enfants, ils le seront toujours, jusqu'à ma mort, qu'importe ce qu'ils feront de leur passion, ce n'est pas important… par amour j'ai tué leur enfance, par amour je peux qu'accepter le leur.
Les Winchester sont à nouveau réunis… et par amour, paternel, fraternel et plus encore, on continuera la chasse, pour que personne d'autre n'ait à vivre ce que nous avons vécu, et ce que nous vivrons encore…
- Alors ? »
- Alors, Dean, retire tes pieds du tableau de bord ! »
- Ok, bon, alors on chasse quoi cette fois ? »
- Ça m'a tout l'air d'un loup garou. »
- Classe, j'espère que c'est une femelle ! »
- Dean ! »
- Je rigole ! Attend je te rejoins ! »
- Dean, fait attention ! Je suis en train de conduire ! »
- Pardon p'pa, mais on ne fait jamais attendre une demoiselle en détresse ! »
- Va te faire ! »
- Alors tu as trouvé quoi ma chérie ? »
- Désolé pour toi, c'est un mâle ! Tu feras donc pénitence… »
- Hey… »
- Désolé chéri, j'ai la migraine. »
Je serre Sammy dans mes bras, il a la migraine hein ? Tant pis… je dormirais seul ce soir, ou je me tiendrais sage, après tout… par amour… qu'est-ce que je ne serais pas prêt à faire pour lui ?
- Dean ? »
- Hum ? »
- Tu piques, rase-toi avant de te frotter contre moi ! »
- Moi, au moins j'ai des poils au menton… et autre part d'ailleurs ! »
- Quoi ?! »
- Viens là que je vérifie ta pilosité. »
- Papa ! »
Dean reste le même, sauf au milieu de la nuit. Il ne m'a jamais dit ce qu'il a vu de l'autre côté du portail. J'espère que mon amour le guérira de ses fantômes, en attendant, je rythme ses nuits de mon amour, de mon corps et de plaisir. Moi ça fait longtemps que mes cauchemars ont disparus. Je peux enfin dormir, mais pour lui, je joue encore l'insomniaque. Par amour, je ferais tout mon possible, pour le rendre heureux, pour le protéger. Car par amour tout m'est possible…
- Silence vous deux, je conduis, et y'a des hôtels pour faire ça Dean, combien de fois je te l'ai dit ! »
- Mais… c'est de sa faute, il est tellement tentateur ! »
- Et toi tellement pervers ! »
- Un point pour le cadet ! »
- Papa ! »
- Et toc ! »
- Allez, soyez sages encore. Le prochain motel n'est pas avant deux heures. »
- Deux ? »
- C'est long… »
Je souris en les regardant dans le rétroviseur. Sammy n'en pense pas moins mon cher Dean, sa moue le trahis. Bon, je vais appuyer un peu sur le champignon. Trois mois que notre vie est à nouveau rythmée de chasse, Marie… ça fait du bien, redevenir une famille. Par amour j'ai appris à vivre avec le leur. Par amour pour ton souvenir, pour nos propres baisers. Dean me ressemble, Sammy te ressemble, peut-être est-ce normal. Normal que notre amour survive en eux… Parce que par amour… on connaît le pire, mais aussi le meilleur, on connaît la tristesse, mais aussi le bonheur… Parce que par amour… on sait vivre, on sait survivre. Par amour, on se protègera, on avancera, on espèrera, on pleurera, on rira, en attendant qu'on ne se retrouve là-bas…
2007.
Corrigé 2009