Mon rêve s'éveille dans la mort

Chapitre 1: L'enfance est si brève

Je tenais mon bébé dans mes bras, sa tête reposant contre mon sein. Il avait parfois des spasmes et souvent il poussait des gémissements semblables à des miaulements. Souvent aussi, il était sur le sol, le crâne explosé et la cervelle répandue en auréole autour de ce qui ressemblait à une tête. Malgré cela, il continuait à hurler et ses cris persistaient dans mon esprit longtemps après que mes visions d'horreur se soient effacées. Je le serrais alors plus fort contre moi et je m'asseyais en quelque endroit de peur de trébucher, de peur de le lâcher pour de bon.
Je l'élève comme des parents le font. Je change ses couches, le nourris, lui apprend à marcher et parler. Je le fais voler comme un père et lui chante des berceuses comme une mère. C'est moi encore qui tente de le calmer des nuits durant.
Je suis son père, sa mère, mais il n'est finalement que mon petit frère. Quant à moi, je n'ai que 5 ans.

La première fois qu'il pleura, le réflexe de Shinreï fut de lui tendre son nounours. Quand les petits doigts l'ont agrippé et que les cris ont soudain cessé, le grand frère comprit et voulut le lui reprendre. Mais pour lui, il était ses parents, il était un adulte. Shinreï abandonna la peluche et Luciole se rendormie sa bouche collée contre son oreille décousue.
L'enfance de son grand frère fut le cadeau de Luciole pour son entrée dans le monde.

Un jour Luciole passa la matinée à tenter d'attraper les nuages, enchaînant ses chutes de plus en plus régulièrement. Shinreï le laissait faire, amusé. Mais lorsque son frère revint vers lui, le garçon aux cheveux blancs lui fit une terrible révélation : ces masses blanches étaient gorgées d'eau.
Luciole déclara platement qu'il haïssait l'eau et en profita pour tenter de carboniser son frère. Par la suite, il bouda toute la journée, ignorant Shinreï, même lorsque celui-ci l'appelait Keikoku pour le taquiner.
Tandis que le plus jeune des frères demeurait les yeux dans le vague, l'aîné murmura que les nuages représentaient une forme de liberté auquelle il aspirait. Luciole ne cilla pas. Pourtant le soir, il vint voir son frère dans sa chambre et lui dit encore bougon :
« Je finirais par les attraper ces nuages et alors je t'en offrirai un. »

Qu'as-tu fait ? Tu t'es juste donné la peine de naître
et sans plus attendre, tu m'as pris ma place, traître !
Petit frère bébé, tu l'ignorais, mais pour ça j'ai commencé,
plus fort que tout, j'ai commencé à te détester.