Bon, je me décide enfin à poster cette fic de Trinity Blood, même si je suis à peu près sûre que personne ne la lira à cause de l'impopularité malheureuse de cette série. Ne serait-ce que pour mieux la consigner, je la poste donc, et j'espère que les fans de Radu et Ion y trouveront leur compte.
J'ai mis quelques théories très personnelles tout d'abord sur les intentions "réelles" de Radu, et aussi ma théorie sur la réalité parallère des rêves, inspirée de Nietzsche.J'espère que vous aller aimer.
1. Le premier rêve
Je m'allongeai à même le sol de terre battue. J'avais besoin de repos… de repos… je ne me sentais pas seulement vidé, je me sentais vide. Mon corps était fatigué, mais ce n'était rien à côté de mon cœur. Je n'avais fait que voyager avec le père Abel. Voyager, voyager, laissant derrière moi une partie de ce que j'étais. Mais quand je me retournais, tout avait disparu. Il n'y avait que moi, debout, immobile, avec toujours un peu moins de moi-même. Et en cet instant, je me sentais comme s'il ne me restait plus rien.
-Vous êtes fatigué, votre Excellence ?
Le père Abel se pencha au-dessus de moi et me sourit innocemment. Il était toujours si gentil, si aimable… je n'avais rien à lui reprocher. De toute façon, c'était moi qui avais voulu le suivre.
-Bien sûr que je suis fatigué, mon père, mais pas autant que vous, je crois.
-Ore ?
-C'est vous qui n'avez pas arrêté de vous plaindre, si ma mémoire est bonne, non ?
Il resta bouche bée, puis il ne sourit à nouveau, avant d'aller se préparer pour le jour. Je me relevai et l'aidai à apprêter la tente qui me protégerait des rayons du soleil.
-C'est que c'est déprimant, toujours voyager de nuit…
-Je ne vois pas ce que ça a de déprimant, moi. J'ai toujours adoré voyager de nuit quand j'étais avec…
Je m'interrompis brusquement, réalisant ce que j'allais faire : dire son nom, alors que je m'étais juré de l'oublier.
-… avec… mon ancien tovarash.
Un long silence suivit, le prêtre étant devenu presque aussi mal à l'aise que moi. La tente fut rapidement montée, et j'allai aussitôt à l'intérieur. Abel ne me rejoindrait que plus tard, je le savais. Il allait souvent se promener ainsi, regardant le soleil se lever et songeant à des milliers de choses. Je ne me doutais que de quelques-unes d'entre elles.
Je savais qu'Esther était une de ces choses. Esther, enfin, sa Majesté Esther, reine d'Albion, Étoile d'espoir des peuples. En cet instant, j'aurais voulu songer à elle comme le père Abel le faisait sûrement, mais je n'y arrivais pas. J'essayais de songer à sa splendeur, à sa pureté… mais mes pensées revenaient toujours vers lui. Pourquoi m'en étais-je rappelé, plus tôt ?
Je me sentais frustré. Je pris de longues et profondes respirations pour me calmer. Dormir, il fallait dormir. Reposer mon corps, et, avec un peu de chance, mon âme.
OoOoO
Je suis entouré d'obscurité, comme si j'étais au fond d'un lac, la nuit. Ou plutôt quelque part dans le vide, parce que je ne ressens aucune oppression, aucun danger. Le vide, comme si j'étais en moi, cherchant quelque chose que j'ignore.
Il serait facile de dire que je cherche un sens à mon existence, mais j'ai déjà voué ma vie à la paix. Ça, je ne le cherche plus. Dans ce cas… qu'est-ce qu'il me manque ?
-Peut-être quelqu'un…
Je sursaute et j'ouvre grand les yeux. Sa voix… c'était sa voix… Pourquoi dois-je rêver à lui ? J'aurais voulu trouver le repos, mais je n'y arrive pas !
-Radu…
Sa présence m'entoure. Je peux le ressentir, et j'en ai des frissons. J'ai peur… ce n'est qu'un rêve, mais j'ai peur…
-Je suis content de te revoir enfin, tovarash.
Je me retourne. Il est là, et même en me détournant encore et encore, je ne peux éviter son visage, son visage souriant, ce sourire d'autrefois, celui que je voulais éviter…
Me réveiller ! Je veux me réveiller !
-Non, Ion ! Ne me laisse pas seul…
Il me regarde maintenant d'un air suppliant. Je sens une fureur noire m'envahir. Pourquoi fallait-il que je rêve à lui ? Pourquoi en ce jour ? Je me jette sur lui et je le pousse si fort qu'il tombe, puis je m'assois sur lui et je le martèle de coups. Il se contente de protéger son visage avec ses deux bras, qui se mettent bientôt à saigner.
-C'est tout ce que tu mérites, salaud ! De rester seul à souffrir dans ton coin ! Pourquoi t'es là, hein, Radu , pourquoi t'es dans ma tête tout le temps ? Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à t'oublier ? Je veux t'oublier, Radu, comme ça il ne restera plus rien de toi en ce monde, pas même un souvenir !
-Ion, ne fais pas ça… je t'en supplie…
-Tais-toi ! Tu n'as même pas le droit de m'adresser la parole !
-Mais je…
-TAIS-TOI !
Je sors mes griffes et je lacère ses vêtements, puis sa peau. J'ai envie de le détruire, je ne veux plus qu'il reste quoi que ce soir de lui. Je m'acharne sur lui, je le frappe de toutes mes forces. De toute façon, il est déjà mort.
Puis… j'entends un son qui me fait graduellement perdre toutes mes forces, un son qui me fait m'arrêter et m'effondrer sur lui.
Des sanglots. Il pleure.
Son visage est toujours caché sous ses bras tremblants et sanglants, mais j'entends toujours, distinctement, le son horrible de ses sanglots. Je ne l'ai jamais vu pleurer, jamais… et maintenant que j'y repense, il ne m'a jamais laissé le battre non plus. Il me retenait, il esquivait… il avait toujours trouvé cela amusant. Et là, je l'avais battu…
Mais de toute façon, ce n'était qu'un rêve.
-Ion…
Il laisse tomber ses bras par terre et il se tourne vers moi, me fixant de ses yeux doux et noirs, de son regard suppliant maintenant embué de larmes. Et en le voyant ainsi, au bout de mes forces et de mon désespoir, je me mets à pleurer moi aussi.
Pourquoi je pleure ainsi ? Pour lui ? Moi qui voulais en finir… moi qui voulais oublier…
Et pourquoi je le laisse me serrer contre son corps ? Et pourquoi ce simple rêve me paraît-il aussi réel, aussi matériel ? Et pourquoi, en cet instant, pourquoi me sens-je aussi bien ?
C'est peut-être le souvenir… parce que j'aimais tant le sentir me toucher. Il n'avait qu'à m'effleurer la main ou l'épaule pour que je me sente rassuré, en paix. Et à nouveau, entre ses bras, je me sens si bien que je pourrais me mettre à pleurer. C'est une sorte de bonheur horrible et terrifiant.
Il me tient fermement contre lui d'un bras, caressant mon dos avec son autre main. Comme autrefois, quand j'étais bien plus jeune, lorsqu'il venait me consoler quand j'avais mal ou que j'avais de la peine.
-Tu pleures vraiment pour moi, Ion ?
-Bien sûr que je pleure pour toi, crétin !
Je m'accroche à ses épaules de toutes mes forces. Comme autrefois. Il me soulève doucement et il me remet sur mes pieds, puis il s'agenouille face à moi. Nous sommes maintenant à la même hauteur. Ses vêtements sont toujours en lambeaux, son plus beau costume impérial tout en pièces. Il ne saigne déjà plus, le sang séchant sur ses plaies.
-Radu… pourquoi es-tu là ?
-Je voulais tant te revoir…
-Tu es mort… ce n'est que…
-Un rêve ? Ça n'en est pas moins réel.
Je lui jette un regard intrigué. Il poursuit, glissant une main dans mes cheveux blonds. Je frissonne à ce contact.
-Ce qui se produit dans ta tête n'est pas illusoire. Ton esprit est aussi réel que le reste. Ainsi, les rêves que tu fais sont une part de ta réalité.
-Mais toi… toi, tu ne peux pas être réel ! Tu es… mort…
-Pas encore.
Il se relève vivement et porte la main à son col. Je le regarde, intrigué et rempli d'un sentiment étrange. Je n'ose pas le nommer de l'espoir, parce que j'avais souhaité sa mort. Et aussi parce que le père Abel m'a affirmé qu'il avait été tué par l'Impératrice. Tué, et même détruit. Et qu'au moment où il me l'a dit, j'ai ressenti un immense soulagement.
-Voilà tout ce qui reste de ma vie, dit-il en sortant un étrange pendentif du col de sa chemise.
J'hésite un peu, mes doigts pendant en l'air alors qu'il me tend le petit objet brillant, puis je le saisis. La pierre noire au bout de la chaîne d'argent est étrangement chaude. L'observant de plus près, je me rends compte que dans ses profondeurs lisses, vitreuses et obscures, quelque chose brille. Une petite flamme bleue, calme mais vive.
-Radu, je ne comprends pas…
Il s'agenouille à nouveau devant moi, me reprends le pendentif des mains et le glisse à mon cou, puis il caresse ma joue. Je détourne le regard.
-Ion Fortuna, j'ai fait de toi mon héritier. Va chez notre notaire, il te fera signer les papiers. Puis tu iras visiter mon domaine à Luxor.
-Mais pourquoi ?
-Jure-moi que tu le feras, je t'en prie… je t'en supplie… tovarash…
-Pourquoi ferais-je une telle chose pour toi ?
Il baisse la tête.
-Mon temps ici est limité. Tout comme ma vie est limitée si tu ne retrouves pas cet objet.
Il pointe le pendentif à mon cou, en me faisant un dernier sourire, un sourire si beau et si triste que je n'ose lui demander pourquoi moi je devrais lui sauver la vie. Puis il se tourne et s'éloigne de moi, le son de ses pas résonnant dans mon crâne.
OoOoO
-Je te le jure, Radu…
J'ouvris les yeux. Je fus surpris par la vue de l'intérieur de la tente illuminée de soleil, d'Abel endormi, son bonnet de nuit vissé sur sa tête, et par l'absence de Radu. Même si je savais que cela n'avait été qu'un rêve, et ce dès le départ, il m'avait semblé si réel que j'avais cru que je pourrais le revoir même une fois éveillé.
Je me sentais étrangement vide, encore plus qu'avant. En tout cas, j'étais bien plus confus. Sentant quelque chose d'humide sur mes joues, j'y portai les doigts, pour me rendre compte qu'il s'agissait de larmes en train de sécher. Ainsi, j'avais véritablement pleuré pour lui.
Pleuré pour celui qui aurait pu devenir mon assassin. Pleuré pour celui qui avait voulu tuer ma grand-mère. Pleuré pour celui qui avait comploté contre l'Impératrice. Pleuré pour le traître.
Pleuré pour vrai.
Me rappelant soudain un détail du rêve, je cherchai sur ma poitrine. Aucune trace du pendentif qu'il m'avait donné. Je me sentis bête. Évidemment que le pendentif n'était pas là, il m'avait été donné en rêve !
En rêve…
-Ainsi, les rêves que tu fais sont une part de ta réalité.
Mais je m'éveillais et il ne me restait rien…
Rien ?
-Ion Fortuna, j'ai fait de toi mon héritier.
Son héritier, hein ? Et l'héritier de quoi, donc ?
En tout cas, l'héritier d'un pendentif brûlant que je voulais absolument obtenir.