Mon nom est James.

Remus avança une pièce sur l'échiquier. Jouer contre lui était un vrai supplice. Mais James le faisait quand même, pour distraire le lycanthrope. Si ça n'était pas de l'amitié, ça !

En effet, James trouvait qu'il n'y avait aucun plaisir à jouer sans gagner. Remus avait plutôt tendance à penser qu'au contraire, l'intérêt était dans la difficulté. Lorsqu'il lui avait confié son point de vue, James lui avait répondu que c'était facile à dire quand on gagnait tout le temps. Le préfet lui avait retourné la balle en lui demandant s'il pensait la même chose pour le quidditch.

Et James avait compris ce que son ami lycanthrope avait voulu dire, et lui avait simplement demandé « Alors pourquoi tu joues contre moi ? » Remus avait haussé les épaules, mais James se doutait qu'il jouait contre lui car il était le seul à accepter.

Car Remus pouvait dire ce qu'il voulait, les autres élèves avaient plutôt tendance à penser que jouer contre le préfet en sachant qu'on est voué à l'échec n'est pas une perspective très attractive.

Le nouveau but du jeu était donc de perdre le plus tard possible.

James posa donc son menton dans sa paume, et se lança dans des réflexions compliquées, alors que Remus le regardait d'un œil amusé.

Mais quelque chose le distrayait et l'empêchait de se concentrer...

Il leva la tête et regarda Selma, qui non loin de là, mettait un peu d'ordre dans la salle commune. Cela n'étonnait plus personne, dorénavant. Ils s'étaient tous habitués à sa volonté de vouloir ménager les elfes de maison en profitant de leur temps libre pour ranger le surplus de désordre qu'ils faisaient.

Ils étaient également habitués à ce qu'elle le fasse en chantant.

Et cela était loin de leur être désagréable. C'était une vérité générale chez les gryffondors : Selma avait une voix ensorcelante...Une voix sublime, à la fois rauque et soyeuse...

Tout pourrait être tellement simple...

Mais tu préfères rendre ça difficile.

T'aimer est comme une bataille...

Et nous en sortons tous les deux perdants.

Oui, c'était tout à fait ça. Selma traduisait à merveille ses sentiments. Aimer Evans était une bataille perdue d'avance...Il soupira.

Dis moi...qui je dois être

Pour obtenir un peu de réciprocité.

Et pourtant, il avait tout essayé. Le gars cool et calme, le capitaine d'équipe ambitieux et charismatique, l'élève surdoué, celui populaire et aimé de tous, celui craint et respecté... Il avait tout essayé, mis en avant toutes ses qualités, ses forces, ses atouts, mais jamais Evans n'avait rien relevé de positif chez lui. Elle s'était toujours contentée de lui cracher ses défauts à la figure.

Tu vois, personne ne t'aime autant que moi

...et personne ne le pourra jamais.

Ce qui était sans doute le plus ridicule. Un garçon comme James pouvait sortir avec qui il voulait. Chacune des filles. Et si l'une d'elle présentait des obstacles, elle finirait forcément par céder. Mais lui voulait Evans. Celle qui était l'exception confirmant la règle. Celle qui ne voulait définitivement pas de lui... Ce n'était pas comme si des dizaines de garçons lui courraient après. Non, en réalité James était le seul à l'aimer réellement. Si certains la trouvaient jolie, ou appréciaient son fort caractère, aucun d'eux ne s'abaisserait comme il le faisait. Aucun.

James l'aimait comme personne ne le ferait jamais.

Est-ce juste un jeu vicieux

Qui te pousse à agir ainsi ?

Oh oui, il y avait une part de ça, sans aucun doute... Evans s'amusait. C'était certain. Elle aimait le repousser en public, l'humilier et le rabaisser. Elle aimait le remettre à sa place car elle était la seule à en avoir la prérogative. Si quelqu'un d'autre qu'Evans s'évertuait à lui parler comme elle le faisait, il lui arracherait la langue. Mais il ne ferait jamais de mal à Lily, alors elle s'amusait à pousser ses limites toujours plus loin, voir toujours plus de douleur sur son visage...

Te pousse à crier mon nom...

Puis prétendre que tu ne peux pas rester.

Bon, en revanche pour ce point, Lily n'avait jamais crié son nom... enfin, si, mais avec des pulsions plus meurtrières qu'érotiques. Sauf dans ses rêves, bien entendu...

Dis moi...qui je dois être

Pour obtenir un peu de réciprocité

Tu vois, personne ne t'aime autant que moi

...Et personne ne le pourra jamais.

Peu importe de quelle manière, si j'ai l'impression que nous avançons,

Tu sembles toujours vouloir me faire comprendre que ça ne marche pas...

Plusieurs fois il avait eu l'impression que Lily avait enfin cessé de le haïr et lui trouver des défauts. Plusieurs fois elle avait inconsciemment souri lorsqu'il avait dit quelque chose de drôle, ou fait quelque chose d'amusant. Plusieurs fois son regard avait été éclairé de fierté lorsque les élèves parlaient de leur dernière victoire de quidditch, ou que leurs professeurs leur accordaient des dizaines de points pour un exploit de James.

Et quand il avait essayé d'en tirer profit pour avoir une discussion normale, ou instaurer une complicité, elle l'avait vite refroidi et les avaient replacés à la case départ...

Ca ne marche pas...

Et bien non...

Et quand j'essaie de m'en aller,

Tu te tues à me faire rester...

Bon, il n'en était pas certain. Mais il avait l'impression qu'elle n'avait jamais été aussi cassante que lorsqu'il avait été avec Huan... Huan, la plus belle, la merveilleuse, drôle et intelligente Huan... Qui s'entendait assez bien avec Lily, au départ. Mais cette dernière ne lui avait plus adressée la parole dès que la Serdaigle avait commencé à sortir avec James.

Et sa hargne et sa haine envers James avaient été décuplées. Le garçon ne voyait pas pourquoi sortir avec une fille le rendrait encore plus détestable... Alors qu'était-ce qui dérangeant tant Evans là dedans ?! Pourquoi le détestait-elle d'autant plus qu'il essayait de se détacher d'elle, de voir une autre fille, de l'oublier ?

C'est fou...C'est fou...

Et bien oui...

Je continue à te laisser revenir

Comment pourrais-je m'expliquer ?

Aussi douloureux que ça peut être...

Je ne peux tout simplement être avec personne d'autre.

Malheureusement... Car si Huan était la femme idéale pour beaucoup, si le temps passé en sa compagnie avait été un pur plaisir, et bien aucun de ses regards ou sourires n'avaient eu le don de contenter et d'ensorceler James comme ceux d'Evans. Il savait que le bonheur absolu serait d'être dans les bras de Lily. La difficile Lily, au caractère de feu et insupportable...

Tu vois, je sais très bien ce qui nous reste à faire.

Tu abandonnes, et j'abandonnerais à mon tour...

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Evans n'avait jamais demandé à James d'arrêter ses avances. Elle le repoussait encore et encore, mais n'en avait jamais assez. Il savait aussi bien qu'elle, que sans James, cela ne serait plus pareil. Elle était habituée à ses singeries, à son admiration, et si on lui retirait cela il y aurait un grand vide. Cela lui manquerait.

Les avances de quelqu'un que l'on déteste réellement, que l'on méprise sincèrement, ne sont jamais flatteuses. Au contraire, elles sont insultantes. Cela démontrait donc bien que quelqu'un part, au fond d'elle, elle savait apprécier James à sa juste valeur...Non ?

Mais si un jour, elle lui disait clairement d'arrêter de se fatiguer, si elle lui disait « Potter n'essaie plus jamais, jamais de me séduire... » Il le ferait.

Car personne ne me fait autant de mal que toi

...Et personne ne le pourra jamais

Les avances de James et les refus de Lily étaient devenus un sujet de plaisanterie courant. Personne ne pensait que c'était humiliant pour James. Ils avaient fini par croire qu'il le faisait pour s'amuser, ou mettre Evans hors d'elle. En réalité, c'était une étincelle d'espoir qui refusait de disparaître en lui qui le poussait à agir ainsi.

Chaque refus, chaque insulte était une gifle toujours plus violente, un violent coup de fouet sur son cœur dont la plaie s'ouvrait de plus en plus...

Peu importe de quelle manière si j'ai l'impression que nous avançons,

Tu sembles toujours vouloir me faire comprendre que ça ne marche pas...

Ca ne marche pas...

Et si j'essaie de m'en aller,

Tu te tues à me faire rester...

C'est fou...C'est fou...

C'était fou, en effet. Mais le fait était là : il aimait cette idiote à en mourir...

« Sérieusement, James tu n'es pas vraiment en train réfléchir au jeu, hein ? Rassure moi... »

James sursauta, tiré à ses réflexions démoralisantes. Il tenta un sourire. Il échoua, tandis que son regard se reportait à nouveau sur Selma qui finissait la chanson.

Remus se retourna, vit Selma, puis reporta son attention sur James avec un regard qui montrait qu'il avait compris.

Selma passa à côté de James, croisa son regard et lui sourit.

Puis elle lui adressa un clin d'œil et s'en alla.

James maudit Selma et sa manière de toujours tout voir mieux que les autres. Elle n'était pas très bavarde, mais tirait profit de ses silences pour écouter les autres avec plus d'attention. Ainsi, elle savait tout mieux que tout le monde sans que personne ne lui confie quoique ce soit.

Il était certain à présent, que ce n'était pas par hasard qu'elle avait chanté cela.

Ce n'était pas la chanson qui rappelait la situation de James, mais la situation de James qui rappelait la chanson...

Il soupira, et finit par avancer une pièce au hasard.

Remus roula des yeux. Echec et mat.


Et voilà !

Pour la chanson, vous aurez peut-etre reconnu la douloureuse chanson Ex-Factor, de Lauryn Hill. Je la trouve magnifique mais je regrette que les paroles ne soient pas aussi touchantes après la traduction...

Qu'est-ce que vous pensez de ce chapitre? J'aim beacoup aimé l'écrire, et j'espère vraiment qu'il vous plaira.

Je vous embrasse tous KISS