NOTES DE L'AUTEUZE

Bonjour mes canards en sucre d'érable! (Fripfrip, je te promets de t'envoyer tes nananes à l'érable d'ici Noël, lol! D'ailleurs c'est pas pour te narguer (ou peut-être que si) mais j'ai bouffé le sirop qui t'était destiné en pain perdu aromatisé à la vanille fraîche, c'était dément » ^^)

Prise 2 : Bonjour mes canards en sucre d'érable! Je sais, j'avais dit 3 semaines et ce fut quelque chose comme le double, mais bon, j'ai bûché un peu plus que je ne m'y attendais sur la suite, sans parler de vos supers reviews auxquelles j'ai répondu avec grand plaisir ^^. Il y avait d'énormes incohérences entre certaines parties du chapitre, alors il a fallu que je réadapte le tout. D'ailleurs il est très long, vous verrez, alors si vous avez un bus à prendre dans 5 minutes, ce n'est pas forcément une bonne idée de commencer la lecture, lol! Surtout que le meilleur est pour la fin, ça pourrait être frustrant. ^^ Sur ce, je me tais et on se revoit à la fin pour des petites prévisions pour le prochain chapitre! Bonne lecture!

CHAPITRE XV: confidences

Le serveur agita sa baguette et un plateau richement garni de champagne et de fraises s'envola pour rejoindre l'extrémité de la pièce où Harry et Draco avaient décidé de s'installer.

-Alors? demanda Draco pour tenter de dissiper le silence tendu qui s'était installé entre eux depuis leur retour. Comment as-tu trouvé Pourdlard?

Harry sourit tendrement en fixant son regard sur l'horloge grand-père qui égrenait les secondes dans un tintement familier et se mordit un peu les lèvres.

L'espace d'un moment, il avait eu envie de répondre « compliquée ». Car n'était-ce pas ce qui était ressorti de cette soirée, pour lui? Un contrat qui avait mal tourné. Ou bien tourné -il ne s'avait plus vraiment-. Draco qui l'ignore une seconde et qui lui dit toutes ces choses incroyables l'instant d'après comme si son cœur était libre, comme s'il avait une chance!

Et lui-même

Passer en trois jours de pute, à escorte, à Harry, pour finalement se faire rappeler de la plus brutale des manières que ce Harry n'est qu'une pute par le plus abjecte des hommes : Blaise Zabini.

Car au fond, c'était l'histoire de sa vie; à chaque pas qu'il faisait pour s'en sortir, quelque chose ou quelqu'un le remettait à sa place et il avait l'impression de tourner de deux pas en arrière. La rue n'était qu'un cercle vicieux dont il ne sortirait jamais vraiment. Malgré son désir, malgré tous ses efforts, il resterait toujours cette image crasse de garçon facile qui lui collerait à la peau, invitant tout les pervers à se donner tous les droits sur lui. Peu importe où il serait et ce qu'il ferait, ce genre d'imbroglio se reproduirait encore et encore.

Et Draco méritait mieux que ça…

Alors comment avait-il trouvé Poudlard?

-Magnifique, répondit Harry avec une tristesse dans la voix qu'il n'arriva pas à dissimuler complètement… Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais jamais pu imaginer qu'il existe à quelque part sur la terre une telle école.

Draco fit mine de ne rien remarquer de son trouble et continua de le dévisager en faisant adroitement tourner sa flûte entre ses doigts graciles. L'éclat rougeoyant des flammes accentuait les accents dorés de la peau de Harry, et le sorcier, comme hypnotisé, n'arrivait pas à décrocher le regard de son visage.

-Tu l'as vu à son meilleur, commenta le blond après un long moment de contemplation; Poudlard a toujours été sublime, à Noël.

Le jeune Moldu vida son verre d'un trait pour se redonner un peu de courage et il tourna la tête imperceptiblement vers le blond pour le regarder du coin de l'œil, rougissant malgré lui en constatant que le bond le fixait toujours comme il l'avait pressenti.

-Ce devait être incroyable, d'étudier dans cette école.

Draco hocha la tête et sourit d'un air nostalgique.

–Ce l'était, murmura-t-il. Ce sont les plus belles années de ma vie, que j'y ai passées. Quelles aventures on a vécu entre ces murs! Les mauvais coups, les chicanes d'adolescents, les amours… C'était le bon temps. Tu sais, je trouve étrange de penser que Poudlard continue sans nous, que d'autres enfants ont pris notre place. Mon lit, ma commode, mon fauteuil préféré…

Le blond fronça un peu les sourcils, l'air de chercher quelque chose loin dans sa mémoire, puis il termina son verre à son tour et les resservit tous les deux avant de déposer la bouteille sur la table basse devant eux.

-Depuis la première année, raconta-t-il, j'avais pris l'habitude de venir rejoindre Will le soir avant le couvre-feu dans la salle commune des Griffondor et tout naturellement, j'avais adopté un fauteuil -un peu dans le style de celui-ci, maintenant que j'y pense-, dit-il en désignant les fauteuils qu'ils occupaient en ce moment. Qu'est-ce qu'ils ont chialé, les Griffy, parce que je monopolisais cette place! Les élèves de différentes maisons n'avaient pas le droit en général de pénétrer dans les salles communes adverses, expliqua-t-il, mais Will a toujours aimé défier le règlement. Et j'avoue que moi-même, je prenais plaisir à défier cette bande d'imbéciles bornés qui a toujours considéré que l'on devait cesser toute forme d'amitié dès que le Choixpeau nous envoyait dans des maisons différentes. Je m'étais fait un point d'honneur d'être présent le plus souvent possible pour leur prouver à tous qu'ils avaient tort et que notre amitié n'avait absolument rien à voir avec cette répartition. C'était jouissif de les faire enrager. J'adorais ça! Étrangement, j'avais complètement oublié ce fauteuil, murmura-t-il en avalant une autre gorgée. Je n'arrive pas à croire que j'aie pu oublier ça…

Draco sourit un peu à l'évocation de ce souvenir mais son regard se rembrunit dès qu'il se posa à nouveau sur le jeune Moldu qui n'avait guère écouté ce qu'il avait dit, perdu dans ses pensées.

-Goûte une fraise avec ton champagne, dit doucement le blond en lui tendant le plat d'argent richement travaillé contenant les fruits rouges et mûris à point.

Harry tourna son éteint vers lui pour la première fois depuis de longues minutes.

-Pour quoi faire? demanda-t-il en haussant les épaules.

Draco lui adressa un clin d'œil malicieux en choisissant pour lui le fruit rouge le plus parfait, qu'il lui tendit.

-Pour te faire sourire un peu, répondit-il simplement tandis qu'il replaçait le bol à proximité sur la table basse.

Un éclair d'une joie illumina une fraction de seconde le visage du jeune homme et Draco ressentit une onde de bien-être le traverser jusqu'au bout des ongles lorsqu'il goûta et que ses yeux se fermèrent lentement sous l'effet de la surprise.

-Délicieux, murmura-t-il en portant une main à ses lèvres.

Draco l'observa à la dérobée de longues secondes en souriant un peu, s'attardant sur sa façon de tenir son verre entre ses doigts fins, sa langue qui s'aventurait un peu –à peine- sur le revers de sa lèvre pour en extraire la dernière goutte de saveur qui y était restée, ses yeux qui parlaient doucement sans qu'une seule parole ne soit dite…

-Je savais que tu saurais apprécier, dit simplement Draco en reposant le large bol sur la table devant eux, grisé à la fois par l'effet de l'alcool et par la présence enveloppante du jeune Moldu à ses côtés.

Cependant, alors qu'il reprenait sagement sa position initiale, ramenant une de ses jambes sur l'autre dans une pose détendue, il vit Harry du coin de l'œil profiter du moment pour se saisir de sa serviette et s'essuyer la bouche avec un peu trop de vigueur pour que son geste ne semble naturel.

Dès qu'il tourna la tête pour le regarder à nouveau, le jeune Moldu lui sourit de son même air absent qu'il avait depuis leur retour et sa serviette avait disparu. En un éclair, Draco comprit...

Une vague d'intense tristesse lui coupa presque le souffle. Il pouvait ressentir jusqu'ici le désarroi de Harry mais les mots peinaient à franchir ses lèvres. Il savait que parler de lui, c'était faire face à ses propres doutes et quelque chose ce soir le retenait. Mais un coup d'œil au visage morose de Harry suffit à chasser de son esprit toute réticence.

-Tu sais, dit-il en se tournant vers lui, Blaise Zabbini est une pourriture, crois-moi. Ce n'est pas la première fois qu'il fait ce genre de choses. Je suis vraiment désolé que tu l'aies appris à tes dépens; j'aurais probablement dû te mettre en garde après votre première rencontre lorsque j'ai compris que tu étais tombé dans sa ligne de mire. Mais jamais je n'aurais pensé qu'il se permette d'agir ainsi en public. C'était horriblement grossier, même pour lui.

Harry hocha la tête sans même retourner la tête pour regarder Draco, nullement affecté par les mots vides qu'il lui servait pour tenter de lui faire oublier cet épisode qui avait porté ombrage à leur soirée.

-Tu dis ça pour me faire sentir mieux, Draco, je le sais bien et je t'en remercie, mais ce n'est pas la peine. Même si Blaise avait déjà dragué les hommes qui t'accompagnent dans ce genre de soirée, ça ne voudrait pas dire pour autant qu'il est une pourriture. Tu le sais très bien; tu ne te montres qu'aux bras d'hommes faciles d'approche et tout le monde est parfaitement au fait que tu n'es nullement impliqué avec eux.

Le blond sourit un peu malgré lui de la logique implacable et lucide du jeune Moldu et il soupira pour échapper à cette vague oppression qu'il ressentait comme à chaque fois qu'il voyait ou pensais à Blaise Zabini.

-Je ne parlais pas de mes escortes, déclara-t-il en grimaçant un peu malgré lui. Blaise était à Serpentard, tout comme moi, expliqua-t-il. Nous avons été très de bons amis, pendant un temps, mais lorsqu'il a compris que William et moi, nous étions ensemble, tout s'est détraqué. Je n'ai jamais su s'il était réellement amoureux de lui ou si c'était tout simplement une jalousie maladive qu'il ressentait à mon endroit, mais il a tout fait pour nuire à notre couple. Pendant des années, il a cherché à me disqualifier aux yeux de Will, -sans succès bien sûr-. Jusqu'au jour où il en a eu assez et il a jeté son dévolu ouvertement sur lui. Un soir où j'avais une pratique de quiddich, Blaise l'a drogué en lui faisant boire un filtre d'amour. Quand je suis arrivé dans le dortoir des Serpentard, je les ai trouvés ensemble tous les deux… je n'ai jamais su exactement jusqu'où ils étaient allés. Mais au fond, je suppose que je ne voulais pas savoir. Ça m'a fait très mal à l'époque, ajouta Draco d'une voix fragile…

Les traits de Harry se détendirent un peu et il hocha la tête, l'air de comprendre.

- … Ce n'était pas vraiment la faute de William, puisqu'il a été drogué, n'est-ce pas? demanda Harry en jouant distraitement avec la manche de son kimono.

Le blond hocha la tête lentement et eut un sourire triste.

-Les filtres d'amour sont indétectables… et Blaise a toujours nié en avoir utilisé un.

Harry sursauta en comprenant tous les doutes et l'amertume qui se cachaient derrière ces paroles et sans hésiter une seule seconde, il saisit les épaules du jeune sorcier et le fit se retourner vers lui avec une flamme que le sorcier avait cru ne plus revoir dans ses yeux ce soir.

-Draco! Te rends-tu compte? dit-il. Tu l'as formulé toi-même : Blaise Zabbini a un problème! Tu as vu comment il a agi avec moi? C'est un homme contrôlant de la pire espèce, je l'ai senti et je sais que tu le sens aussi! Alors comment peux-tu croire une seule seconde que William - le William qui, selon absolument tout le monde, était littéralement fou de toi- t'aurait volontaire trompé avec lui! Comment peux-tu croire une chose pareille?

Le blond essaya de s'esquiver mais Harry lui saisit les bras pour le retenir. Draco se mordit les lèvres un moment en hésitant, puis il releva la tête pour plonger ses yeux dans ceux de Harry qui brillaient d'émotion tout autant que les siens.

-Il t'aimait, murmura Harry.

Ils restèrent là de nombreuses secondes à se regarder, à analyser les paroles qui venaient d'être dites, jusqu'à ce que Draco brise le lien qui s'était installé entre eux et baisse les yeux.

-Il m'aimait, oui. Mais ça ne l'a jamais empêché de tous les charmer, avoua Draco dans un souffle de voix qu'il n'avait pas su retenir…

Les yeux de Harry s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise.

-Les charmer? Qui donc?

Draco reporta son regard sur le grand feu qui crépitait dans l'âtre et s'y perdit un long moment, avant de lui répondre.

- Tous… Les journalistes, les professeurs, les autres élèves et les garçons, bien sûr… ou enfin, ceux qui lui plaisaient. Il adorait mesurer l'étendue du pouvoir qu'il avait sur les autres; il le faisait continuellement. Et Blaise Zabbini lui plaisait –physiquement, j'entends-, je l'ai toujours su. Tous les deux, ils jouaient un petit jeu psychologique très malsain dès qu'ils étaient en présence l'un de l'autre. Peut-être pensaient-ils que je ne le remarquais pas parce que je ne disais rien…

Le blond croisa les bras et poussa un long et profond soupir.

-William était très Serpentard, ajouta-t-il en étouffant un rire amer. Beaucoup plus que je ne le suis, si tu veux mon avis. Il n'était pas… il n'était pas parfait.

Un long et profond silence suivi cet aveu et le visage de Draco se détendit dans une expression de plénitude que Harry n'avait encore jamais vue.

-Je l'ai dit, souffla le sorcier quelques secondes plus tard, soulagé. Je ne l'ai jamais dit à personne auparavant, tu sais. Je n'ai jamais réussi à l'avouer devant personne, parce que personne n'aurait compris, personne ne m'aurait cru, pas même ses amis Griffondor; personne ne le connaissait aussi bien que moi, expliqua-t-il. William Meighan avait d'incroyables qualités, mais il avait aussi de gros défauts; il était vaniteux, jaloux et manipulateur, bien loin de l'image publique qu'il projetait. Et il se complaisait dans toute cette imperfection. Il adorait penser qu'il était plus intelligent que tous ceux qui le vénéraient et qui le considérait comme l'héritier du savoir de Dumbledore et des pouvoirs de Merlin. Il abusait abondamment de cette intelligence pour pousser les autres à agir selon sa volonté. Mais malgré tout, malgré tout ça…

-… tu l'aimais, compléta Harry.

-je l'aimais, murmura le sorcier en écho. Je suis juste… fatigué, d'entendre parler de perfection lorsqu'ils parlent de lui et de nous. Parce que rien n'était parfait. Et c'est justement ce qui fait qu'il est toujours dans ma vie, là, tout près de moi. Dans ma tête, dans mon âme, dans mon corps, souffla-t-il en fermant les yeux, visiblement bouleversé d'arriver à verbaliser avec autant de facilité des sentiments qui le hantait depuis toutes ces années. Si tout avait été parfait entre lui et moi, j'aurais été en paix. Je l'aurais laissé s'en aller tranquillement et j'aurais fait de lui mon plus beau souvenir, sachant que j'avais vécu avec lui le meilleur. Mais tant de choses entre nous étaient brisées. La Guerre nous avait rendus si misérables, que…

Le sorcier prit une pose et déglutit avec difficulté.

-…que je regrette chacune des secondes qui ont précédées sa mort, dit-il en soupirant avec lassitude. Je regrette ma faiblesse, mes mots, mes regards, mes reproches. Si tu savais, Harry, combien je regrette! Je donnerais mon âme pour revivre et réécrire ces instants… Je l'embrasserais, je lui dirais combien il m'a rendu heureux, combien il valait mille fois les peines et les épreuves que nous avons vécues. Je lui dirais que je l'aime et que je suis fier de lui. Et je lui dirais au revoir. Si seulement je pouvais avoir droit à un seul instant…

Harry hocha la tête, puis il posa la main un bref moment sur l'épaule de Draco pour lui faire sentir qu'il était là et qu'il comprenait ce qu'il lui disait.

-Les regrets sont la pire des choses, n'est-ce pas? murmura le jeune Moldu en se calant dans son fauteuil à nouveau, oubliant du coup ses propres soucis pour plonger tout entier dans la réflexion. C'est surtout de savoir que jamais on ne retournera en arrière qui nous rend si misérable, je crois. La vie est bien mal faite, ajouta-t-il en soupirant. Les choses les plus importantes sont toujours celles pour lesquelles on n'a pas droit à une deuxième chance.

Draco réfléchit un moment aux paroles de Harry, puis haussa les sourcils.

-J'avais pourtant l'impression que tu ne connaissais pas ce sentiment, répondit Draco en imitant son geste pour prendre ses aises à son tour, chassant les dernières traces de peine de sa voix. C'est quelque chose qui m'a impressionné dès la seconde où je t'ai rencontré, d'ailleurs.

-Vraiment? S'étonna le jeune Moldu en souriant un peu. C'est étrange… Bien sur que j'ai des regrets, j'en ai des tas, avoua-t-il spontanément. Seulement tout comme toi, il n'y a rien que je puisse faire pour changer le passé, alors je vis avec. En fait, ce n'est pas que je n'en ai pas, c'est que j'ai appris à les gérer. C'est peut-être cette nuance qui t'a laissé cette impression. Mes araignées sont toujours là, pas très loin dans mon plafond, ajouta-t-il en haussa les épaules avec indifférence.

-Je suis désolé, s'excusa le sorcier; ce commentaire était déplacé et j'avais promis de ne plus porter de jugement sur ta vie personnelle ou de présumer de tes sentiments.

Harry balaya ces dernières paroles d'un geste vague de la main avant d'avaler une longue gorgée de champagne qui lui fit tourner un peu la tête.

-Oh tu sais, ce n'est pas un vrai jugement de valeur ; qui n'aurait pas de regret d'avoir gaspillé comme je l'ai fait parmi les plus beaux moments de son existence? Il faudrait être fou!

Draco fronça les sourcils.

-Tu parles de ton métier? Demanda-t-il, bien heureux de saisir la perche que Harry lui tendait pour détourner la conversation de son expérience personnelle.

-Quoi d'autre, répondit-il en haussant les épaules à nouveaux. Je ne connais personne qui fait la rue qui ne regrette pas sa première fois. Pour ma part, il n'y a rien que je pourrai dire ou faire qui me hantera autant, j'en suis sur, que le jour où j'ai tendu la main pour attraper l'argent qu'il me tendait. Je me rappellerai toujours de son visage, de sa voix, de l'odeur d'humidité de cette chambre miteuse où il m'avait amené. Tu n'as aucune idée de l'odieux de la chose, c'est inimaginable. J'ai pleuré pendant des jours, j'en ai voulu au monde entier, j'ai détesté Hammett de ne pas m'avoir arrêté pendant qu'il était encore temps, j'ai voulu mourir de honte et de dégoût. Mais comme toute chose, la poussière retombe et j'ai fini par comprendre que je ne retournerais jamais en arrière. J'ai compris que mon corps et mon esprit faisaient deux et que si je le voulais, je pouvais les dissocier, alors j'en ai pris mon parti. De toute manière, le mal était fait… et puis j'avais déjà couché avec quelqu'un sans amour auparavant. Ce n'était qu'une étape de plus.

Les deux garçons se regardèrent longtemps, puis le blond étendit le bras pour caresser la joue du jeune Moldu, chassant d'un geste tous ses soucis. Malgré lui, Harry sentit ses paupières tomber et il ferma les yeux, se laissant gagner par la vague de volupté incontrôlable qui déferlait jusqu'au bout de ses ongles.

Un moment de profonde intimité s'installa entre eux alors que les doigts fins de Draco dessinaient le contour des traits de son visage, brisé uniquement par le crépitement des flammes qui rongeaient le bois et le murmure discret des deux ou trois clients qui discutaient à l'autre bout de la pièce sans se soucier le moins du monde de leur présence. Un disque de jazz capiteux égrenait ses notes sur la plaque tournante d'un vieux phonographe moldu et Harry songea vaguement qu'il était en train de vivre avec lui le moment le plus sensuel de toute son existence.

Il avait l'impression de se trouver à mille lieux des sujets qu'ils venaient d'aborder. Il n'y avait ni chambre d'hôtel bon marché, ni client, ni même de Zabini ou William entre eux à cet instant, Harry aurait pu le jurer… Il n'y avait que le saxophone qui remplissait l'espace de ses notes vibrantes et la brûlure diffuse que le regard de Draco qu'il savait posé sur lui provoquait dans sa poitrine. Que l'odeur des fraises fraîches qui traînaient toujours sur la table basse entre eux embaumait l'air d'une suave odeur d'été.

Lentement, très lentement, le jeune Moldu se laissa glisser un peu sur son siège et renversa la tête sans pudeur vers l'arrière en soupirant, les sens brouillés par le bien-être.

Il se savait beau. Il se sentait beau. Beau comme il ne l'avait jamais été, probablement parce qu'il se sentait si bien près de lui. Par son attitude, par ses gestes, il flirtait ouvertement avec Draco et cela n'avait rien d'inconvenant ; c'était simplement la manière dont il se sentait.

Ils avaient un peu trop bu, c'est vrai. Ils s'étaient faits des confidences mutuelles qui les avaient étrangement rapprochés. Harry savait bien qu'il ne se passerait rien de plus ce soir que ce qu'ils partageaient en ce moment, mais dans sa tête, c'était précisément cette tension dénuée d'obligation sexuelle qui était si excitante. Il sentait que le sorcier prenait du plaisir à être en sa compagnie, qu'il aimait le regarder et lui parler, qu'il était bien, lui aussi. Que leurs problèmes respectifs ne les atteignaient pas lorsqu'ils étaient ensemble tous les deux.

Et il aimait cette pensée…

Il se sentait comme une toute nouvelle personne et cela le fit sourire bêtement, ce qui n'échappa pas à Draco. Il l'entendit remuer un peu sur son fauteuil et il supposa qu'il devait hésiter à lui demander pourquoi il souriait ainsi. Le silence se poursuivit pendant quelques instants et pour lui donner raison, le blond l'interrogea avec tact.

-Tu dois penser à quelque chose de très agréable pour arborer un tel sourire, lui dit-il d'une voix légèrement vacillante.

Le sourire de Harry s'élargit encore et il hocha vivement la tête dans un geste enfantin qu'il savait irrésistible.

-Parle-moi, lança-t-il pour toute réponse, sans ouvrir les yeux.

Draco rougit un peu en réalisant qu'il ne l'avait pas quitté du regard pendant de longues minutes, puis se cala dans son fauteuil à son tour en avalant une longue gorgée de champagne pour reprendre contenance.

-Te parler? D'accord, mais pour te raconter quoi?

Un léger sourire vint fleurir sur les lèvres de Harry qui se grignota l'intérieur de la joue avec candeur à nouveau, se demandant si oui ou non, il allait oser dire ce qui lui était passé par la tête à cet instant.

- Raconte-moi.

-Que je te raconte quoi? Rigola Draco en tournant la tête vers lui.

-Je sais pas… ta première fois! dit-il d'un ton léger, comme si rien n'était. Je t'ai raconté la mienne, alors maintenant j'aimerais bien entendre une belle histoire entre deux personnes qui s'aiment… une histoire qui se termine dans un lit, de préférence, rigola-t-il en fronçant le nez devant sa propre hardiesse. Tu sembles la bonne personne à interroger sur le sujet. En tout cas, tu es la personne que je connais qui a vécu l'histoire d'amour la plus passionnée et romantique.

-C'est… très personnel, murmura Draco en fronçant les sourcils, incertain de l'attitude qu'il devait adopter.

Le jeune Moldu haussa les épaules avec indifférence.

-Alors tu n'as qu'à tout inventer, je m'en fiche. Raconte-moi n'importe quoi! En fait, c'était seulement un prétexte pour entendre encore ta voix et pour continuer à rêver un peu après cette journée, dit-il en rigolant. L'alcool me rend un peu –il agita la main- tu sais… grivois, il faut m'excuser!

Draco ferma les yeux et sourit, étonné lui-même ne n'être pas un seul instant étonné ni même choqué par la requête du jeune Moldu, mais encore plus étonné encore d'avoir envie d'y répondre avec franchise.

-Ce sera pure fabulation, je te préviens, déclara-t-il donc avant de se lancer dans son récit. Je ne vais tout de même pas raconter les détails les plus intimes de ma vie amoureuse à un garçon que je ne connaissais pas il y a de cela une semaine, railla-t-il en jetant un bref regard pour constater à son sourire que Harry avait compris l'humour se cachant sous sa voix posée et son visage de marbre.

Le blond s'éclaircit la gorge et se lança.

-Alors voilà. Pour te mettre en contexte, je dirais que c'était une nuit d'orage comme il y en avait eu peu d'autres dans toute notre scolarité. Les éclairs zébraient le ciel et éclairaient les couloirs de Poudlard comme en plein jour et le tonnerre grondait à en faire trembler les murs. J'ai toujours détesté les orages et encore aujourd'hui, je me rappelle de l'angoisse qui me retournait le ventre alors que j'arpentais les longs couloirs de pierre qui menaient au bureau du Directeur. William et l'Ordre du Phénix étaient sortis cette nuit là pour une mission particulièrement dangereuse. Ça faisait des jours que Will avait l'air soucieux et même s'il refusait de discuter directement de ses missions avec moi, j'avais compris que quelque chose de majeur se tramait.

-Ce que ça devait être frustrant de ne jamais rien savoir! marmonna Harry, déjà captivé par l'histoire de Draco.

-Oui. Oui ça l'était… mais il avait raison d'agir ainsi car si j'avais su la moitié de ce qu'il affrontait à l'époque, j'aurais couru le rejoindre comme un imbécile. Je me serais exposé et je l'aurais mis en danger également –je l'ai compris avec le recul-. Il faut aussi dire que ma santé à l'époque, n'était pas aussi bonne qu'aujourd'hui; j'aurais risqué une chute de magie qui aurait pu m'être fatale, en plus de tout le reste. Ça n'avait donc aucun sens.

-C'est certain.

-Alors voilà, je disais donc que j'étais dans ce corridor qui menait au bureau du Directeur et j'attendais qu'il rentre. Il devait être une heure du matin, peut-être même 2. J'ignore depuis combien de temps je faisais les cents pas, mais c'était la seule chose que j'arrivais à faire. Quelques professeurs avaient bien essayé de me faire regagner mon dortoir mais personne n'avait insisté en voyant l'état de nerfs dans lequel je me trouvais; il y avait un peu plus d'un an que nous étions ensemble William et moi et tout le monde semblait s'être fait à l'idée que nous deux, c'était beaucoup plus qu'une simple amourette d'adolescence.

Jamais je ne m'étais senti aussi impuissant que ce soir là; il était là-bas, quelque part, -peut-être en train de mourir, me disais-je- mais je n'y pouvais rien. J'étais là comme un idiot, tremblant à force de me retenir de pleurer, me retenir de ne pas frapper à coup de poings et à coup de pieds dans les murs, à contenir ma colère contre cette guerre insensée, contre Voldemort, contre Will et Dumbledore et ce foutu Ordre du Phénix. Mais extérieurement, j'étais toujours aussi calme, même si j'étais sur le point d'exploser. J'avais l'impression que si j'arrêtais de marcher une seule seconde, j'allais craquer et me répandre comme un imbécile sans fierté, alors je continuais inlassablement.

Je redoutais plus que tout le moment où je les verrais descendre, lui et ses petits amis Griffondor du grand escalier en colimaçon derrière la gargouille car pour la première fois de ma vie, j'ignorais quelle serait ma réaction. Je me voyais déjà courir vers lui et le frapper de toutes mes forces pour m'avoir fait vivre cette soirée horrible. Je me voyais faire un scandale, crier, l'embrasser aussi. Je me voyais agir dans ma tête comme un fou furieux tant j'étais paniqué.

-Mais ce n'est pas ce qui est arrivé, dit doucement Harry avec un sourire à son attention.

Draco fronça le nez un instant, puis lui rendit son sourire en soupirant doucement.

-Effectivement, ça ne s'est pas passé de cette manière.

FLASHBACK

Lorsqu'il entendit le bruit caractéristique de frottement de pierres annonçant l'ouverture de l'escalier menant au bureau du Directeur, Draco Malfoy se retourna d'un geste sec, puis se figea, comme foudroyé. Toutes les émotions qui l'avaient habité quelques secondes auparavant avaient été drainées en l'espace d'une seconde, le laissant planté là, vide, les yeux ouverts comme un noyé.

Il regardait dans sa direction sans le voir, pâle comme la mort, alors que son amant se détachait des autres pour remonter jusqu'à lui sans un mot.

La chemise blanche de William à l'effigie de sa maison était trempée. Du sang à peine séché en maculait le col, provenant manifestement d'une coupure à l'arcade sourcilière qu'un sortilège avait du lui infliger, le manquant de peu. Sa cravate était en lambeaux et ses cheveux avaient roussis à de nombreux endroits, créant des enclaves profondes dans ses mèches brunes d'ordinaire si sages.

Dès qu'il eut posé le pied sur la pierre du château, le garçon esquissa un mouvement pour courir le rejoindre mais il se ravisa dans une grimace, sa cheville droite foulée l'en empêchant.

William remonta néanmoins jusqu'à lui en quelques enjambées incertaines et douloureuses et le serra fort dans ses bras, se fichant éperdument de la présence de ses amis et des membres de l'Ordre qui passèrent près d'eux en silence l'un après l'autre pour disparaître au détour du couloir, les laissant seuls, plongés dans la pénombre.

Les deux adolescents demeurèrent ainsi de longues minutes sans parler, sans bouger, profitant simplement de la présence rassurante de l'autre pour tenter de calmer les battements frénétiques de leurs cœurs affolés et les sifflements de leurs respirations erratiques.

-Tu es pâle, murmura finalement William après un long moment. Tu vas bien?

Le blond grimaça puis s'écarta de lui d'un coup d'épaule.

-Je me sens déjà assez pitoyable sans que tu pousses l'odieux jusqu'à t'inquiéter pour moi alors que c'est toi qui reviens de l'Enfer! Cracha-t-il avec froideur en levant une main vers le visage de son amant pour dégager sans douceur les cheveux que l'autre garçon avait pris soin d'étaler devant sa blessure pour la lui cacher. Combien de doloris tu t'es pris en pleine gueule, cette fois? Trois? Quatre? Ou peut-être bien qu'ils ont innové, cette fois. Qu'ont faits les Mangemort pour essayer de t'abattre, hum? Qu'est-ce qu'ils ont encore faits?

Le brun serra les dents, manifestement bouleversé par la violence de la réaction de son amant. La tête haute, le regard frondeur, il hocha la tête, résigné, avant de lui répondre.

-Les Mangemort? Rien du tout. Voldemort, par contre, a pris possession de mon corps en essayant de provoquer Dumbledore pour qu'il me tue pour l'atteindre, annonça-t-il froidement.

La main de Draco retomba mollement le long de son corps alors qu'il encaissait le choc de ces paroles et l'autre garçon se radoucit un peu, conscient de l'énormité de la révélation qu'il venait de lui faire.

-Bien sûr, reprit-il, le professeur Dumbledore n'a rien fait de tel, alors Voldemort s'est replié et a envahi mon esprit en plus de mon corps. J'ai cru devenir fou, Drake, murmura le brun avant de forcer son amant à relever la tête qu'il avait baissée. Tu n'as aucune idée de tout le mal que j'ai entrevu en lui, ce soir. Aucune idée, répéta-t-il dans un murmure. J'ai toujours su que j'aurais à l'affronter bientôt, mais jamais dans mes pires cauchemars, je n'aurais pensé vivre un tel calvaire.

Leurs regards brouillés se rencontrèrent avec une intensité telle que Draco en trembla et, comme pour lui demander pardon de s'être emporté contre lui, le blond glissa à nouveau ses mains dans les siennes.

-Mais quand il n'y eu plus rien d'autre dans ma tête que du noir et du froid et du sang, reprit-il, quand il n'y avait plus d'espoir en moi, je t'ai vu, Draco. Tu es apparu dans ma tête, poursuivit-il d'une voix étranglée, au bord des larmes. J'ai pensé à toi si fort que Voldemort n'a pas supporté. Je nous voyais courir ensemble dans les forêts du domaine quand nous étions gamins, je te voyais lire un bouquin, l'été dernier, sous le saule près du Lac Noir, je revoyais notre premier baiser et aussi tous ces rêves fous que je fais où nous sommes tous les deux, libres et ensemble. Je sentais ta main tenir la mienne, Drake, et je n'avais pas peur! J'étais en train de mourir, ce soir, mais je n'avais pas peur, tu comprends ce que je te dis?

William serra les dents à s'en faire éclater la mâchoire mais ne pu empêcher les larmes de cascader sur ses joues alors qu'il regardait son amoureux qui avait considérablement pâli.

-Tu dis que tu te sens faible, ajouta-t-il en sanglotant, et je sais que tu m'en veux de devoir rester à l'écart, mais tu n'as aucune idée de ce que tu représentes. Tu es tout ce que j'ai, Draco. Et j'espère qu'un jour tu pourras comprendre que l'Élu, ce n'est pas moi; c'est nous! Rappelle-toi de la prophétie; les Héritiers de la Marque, notre naissance à exactement 7 jours et 7 heures d'intervalle, cette histoire absolument abracadabrante qui a forcé la rencontre entre nos parents et l'achat du domaine voisin du tien. Tu y crois, toi? Tu peux vraiment croire que tout est un hasard et que le destin n'a rien à voir avec tout ça? Ce soir, quand Voldemort est entré dans ma tête et que ta seule image a suffi à le repousser, j'ai tout compris. Nous avons été créés l'un pour l'autre et c'est de cette manière que nous allons le vaincre. C'est la seule manière de le combattre; il faut s'aimer, Draco. Il faut s'aimer de toutes nos forces! C'est de cette manière que nous allons survivre.

Fin Du Flashback

-Tout s'est passé vraiment vite, reprit Draco d'une voix calme. William s'est effondré dans mes bras. Il était blessé et clairement en état de choc et encore aujourd'hui, je me demande pour quelle obscure raison le Directeur ne l'avait pas fait conduire à Sainte-Mangouste immédiatement. Quoi qu'il en soit, j'étais là pour lui, et à force de patience et de paroles douces, j'ai fini par réussir à le calmer un peu. Il me restait une demie fiole d'une potion stabilisatrice dont j'avais eu besoin ce soir là que je lui ai fait boire. Il tremblait de la tête aux pieds mais après de longues minutes à le tenir contre moi et à lui parler, il a fini par retrouver ses sens. D'ailleurs, c'est la seule et unique fois où j'ai vu William craquer, murmura Draco avec amertume. Il était toujours tellement en contrôle de lui-même et de tout…

-Waouh, murmura Harry pour lui-même. Niveau intensité émotionnelle, c'est définitivement un 10, ça.

Draco échappa un petit sourire en s'arrêtant quelques secondes pour contempler les braises qui rougeoyaient dans l'âtre avec nostalgie.

-Eh oui, c'était bien le problème, avec nous. Trop d'intensité, trop d'émotions, trop d'amour aussi, si c'est possible. Probablement aurions nous dû rentrer chacun dans nos dortoirs respectifs, ce soir là, question de laisser retomber la poussière, mais ça ne s'est pas passé de cette manière. Will a pris ma main sans rien dire et il m'a emmené en boitant dans une partie du château que je ne connaissais pas. J'ai appris ce soir là qu'il existait entre les murs de Poudlard une pièce qui apparaissait sur demande dont Will se servait généralement pour ses entraînements. Quand la porte s'est ouverte, étrangement, il n'y avait ni armure, ni espace de combat…

Draco poussa un long et profond soupir qui se termina dans une plainte à peine retenue.

-Je te laisse deviner ce qu'il y avait là-dedans…

-Des accessoires de sadomasochisme? Répondit Harry du tac au tac en rigolant.

Draco fronça les sourcils, puis se surprit à rire un peu avant de lui rendre un sourire sincère.

-Nah, petit pervers. Il y avait un lit, simplement un lit, un feu et des couvertures! Et peu de temps après, il y avait deux garçons, puceaux, effrayés, totalement incompétents en la matière et nus comme au jour de leur naissance dedans. C'était comme de sceller notre pacte, notre serment, avec nos corps. Nous avons cessé de nous aimer en enfants et le lendemain, plus rien n'était pareil. Rien n'avait changé, mais toute la vie avait changée. Tu vois?

-Mhonn, je vais pleurer. C'est trop beau comme histoire! Minauda Harry en portant les mains à son cœur.

Harry sourit aux anges et hocha la tête, les yeux brillants.

-Et c'était…? C'était bien?

Le jeune sorcier grinça des dents et haussa les épaules en retenant une grimace.

-Eh bien, c'était romantique… dans l'absolu, marmonna-t-il.

Les lèvres de Harry s'étirèrent en une fine ligne parfaitement horizontale qu'il masqua immédiatement par sa main.

-C'est une façon très classe de dire que c'était merdique! Commenta-t-il en pouffant de rire.

Draco se leva à demi et croisa les bras sur son torse, légèrement piqué dans son orgueil par la remarque de Harry.

-Non! se défendit-il en défiant le Moldu du regard. C'était spontané et naturel, voilà tout.

-Spontané et naturel? Ah! Ça y est, j'y suis! Ce que tu entends par « spontané et naturel », c'est que vous n'aviez aucune idée de comment vous y prendre puisque vous étiez deux gosses de riches, enfants uniques et pensionnaires dans une école privée remplie d'hétéros et, ajouta-t-il, tout sorcier que vous êtes, n'aviez jamais profité du savoir qu'offre internet et la télévision numérique. Donc sans lub, sans préparation, sans capote. Aille! geignit Harry en offrant un regard compatissant à l'intention de Draco qui en avait rougit de honte avant d'engloutir d'un trait tout ce qui restait de son verre.

-Oui! Oui, c'était merdique, et douloureux et complètement nul! Voilà. Tu es satisfait, monsieur le crâneur? Mais sache que ça reste un très beau souvenir, pour moi.

Harry rigola un peu plus et avala à son tour le reste de son verre d'un air malicieux.

-Bien sûr, bien sûr, oui… la joie du don de soi. J'en ai vaguement entendu parler! Pouffa-t-il en se repliant sur lui-même pour tenter de se contenir.

Entre deux quintes de rire, Draco cru discerner « C'est à mourir de rire! » et il fronça les sourcils en le regardant du coin de l'œil.

-Tu peux te marrer tant que tu voudras, Potter, mais je tiens à souligner que tu es en très mauvaise position pour me juger, toi qui cultive depuis mille ans ton idéal de « premier baiser d'amour ». Côté fleur bleue, j'ai rarement entendu pire! Lança-t-il avec un sourire malicieux.

À l'instant où il prononça ces mots, Draco se sentit blêmir et il retourna vivement la tête pour le regarder, réalisant la bêtise qu'il venait de faire.

Le rire de Harry se fana dans sa gorge, puis il hocha la tête en souriant toujours, mais d'une manière infiniment différente qui lui fit froid dans le dos.

-Tu vois, à passer du bon temps avec toi, j'en avais presque oublié cet épisode… Mais je l'ai reçu ce soir, mon premier baiser, dit-il d'une voix un peu trop basse pour être naturelle. Et l'amour n'avait malheureusement rien à y faire, comme tout le reste me concernant. Et tout comme toi dans ton histoire, ce ne fut pas à la hauteur de ce que j'attendais. Tu crois qu'il faut qu'on trinque à ça?

Draco fronça les sourcils d'un air sévère, puis lui enleva son verre des mains en se levant.

-Définitivement pas. Quant à moi, la santé de Blaise Zabbini et tout ce qui le concerne de près ou de loin peut bien aller au diable après ce qu'il t'a fait ce soir, s'exclama Draco avec une passion dans le regard que Harry ne lui avait jamais vu. Par ailleurs, je crois que tu as assez bu, ajouta-t-il en retournant la bouteille vide dans le sceau à glace.

Harry regarda d'un air boudeur la main que le blond lui tendait, puis l'accepta à contrecœur avant de se hisser sur ses pattes.

Immédiatement, la pièce se mit à tanguer autour de lui et il s'affala contre l'épaule de Draco, nauséeux.

-Je crois que tu as peut-être raison, marmonna-t-il. Je ne m'étais pas rendu compte que j'étais aussi bourré…

-On ne sent pas l'alcool lorsque l'on reste immobile. Je vois que tu es un habitué de la chose, ironisa Draco. Mais il faut dire que le champagne est particulièrement traître. Allez, vient… on remonte.

Le jeune Moldu acquiesça d'un signe de tête et le suivit en silence, pensif.

&&&

Draco referma calmement la porte et lança un sort commun de protection, tandis que Harry s'avançait maladroitement dans le corridor menant à la salle de séjour et la bibliothèque en se tenant les bras pour se réchauffer.

L'air était glacial dans le vaste appartement et le jeune Moldu regretta aussitôt le grand feu et la chaleur des fauteuils de cuir et des boiseries qu'ils venaient de quitter en bas. Les immenses murs blancs lui semblaient plus impersonnels que jamais et quelque chose dans cette atmosphère épurée et surréelle le troublait ce soir. C'était une sensation diffuse, à peine perceptible, mais bien présente qui le faisait frissonner, un peu comme si cet endroit n'était plus le même depuis qu'ils l'avaient quitté quelques heures auparavant.

Draco posa sa main sur son épaule en passant près de lui et alla directement à la grande cheminée pour y allumer un feu, comme s'il avait entendu la réflexion que s'était fait le jeune homme intérieurement.

-Il fait froid ici, non? dit-il en lui souriant, tentant de son mieux de lui faire oublier la douloureuse réalité qu'il lui avait lancé au visage tout à l'heure par maladresse.

Le Moldu opina d'un signe de tête et s'avança vers lui, un peu hésitant.

Il suivit du regard Draco qui marcha un moment d'une table à l'autre. D'un geste savant de sa baguette, il embrasa soigneusement la mèche de chacune des chandelles éparpillées dans la pièce avant de se laisser tomber sur le canapé comme une masse. Le blond poussa un soupir de soulagement manifeste lorsqu'il libéra les premiers boutons de sa robe et retira ses souliers et Harry ne pu empêcher un infime sourire attendri de poindre sur ses lèvres.

-Alors, demanda le blond en renversant la tête vers l'arrière pour regarder Harry qui était toujours planté sans bouger derrière. Bilan de ta première soirée chez les sorciers?

Seul un long silence lui répondit et Draco hocha la tête, quelque peu désemparé.

-… Si nulle que ça, hum?

Le jeune Moldu nia d'un signe de tête avant de le rejoindre sur le canapé, l'air soucieux.

-Non… c'était juste… comme faire un tour de montagne russe émotionnelle. C'était globalement intéressant.

-Globalement intéressant? Répéta Draco d'un ton scientifique.

-Mais oui, expliqua-t-il en gesticulant; il y a eu de très grands hauts, style Mont Everest –Harry lui adressa un sourire intimidé- comme quand nous avons dansé ensemble. Et puis il y a eu des hauts hauts, comme cette fin de soirée merveilleuse. Et il y a eu des bas, comme cette conversation horrible avec Miss Brown. Et des descentes en vrille aux enfers, comme...comme… enfin, tu sais de quoi, de qui je parle, dit-il en se levant, soudainement las. D'ailleurs, je suis crevé. Je crois que je vais aller dormir, si ça ne te gêne pas. J'ai du mal à garder les yeux ouverts, mentit-il en lui adressant un sourire artificieux qui ne manqua pas d'inquiéter le blond.

Tout dans l'attitude de Harry sonnait faux depuis qu'il avait reparlé de Blaise Zabbini en bas quelques secondes avant de quitter le bar. Il avait vu le regard du jeune Moldu changer lorsqu'il avait évoqué le rêve de Harry de recevoir un premier baiser d'amour… un rêve –un autre rêve- qu'il ne réaliserait jamais. Une vague intense de culpabilité lui retournait le ventre à l'idée d'être en quelque sorte le responsable de cette nouvelle désillusion et il soupira.

Plus il passait de temps à ses côtés et plus la vie de Harry lui semblait invraisemblable par rapport à la personnalité qu'il découvrait. Il lui semblait qu'il existait deux Harry Potter; le sien, celui qu'il apprenait à connaître et à aimer. Et celui qui vivait dans une vie parallèle, celui qu'on frappait pour un loyer en souffrance, celui qui n'était qu'un instrument de plaisir pour quiconque avait quelques billets à donner.

Lorsqu'ils étaient ensemble, Draco oubliait complètement ce garçon sorti de la rue qui avait machinalement tenté de le séduire un soir. Mais dans des moments comme maintenant où la mélancolie gagnait ses beaux traits et que ses yeux se perdaient en rêveries sombres, il ne voyait que lui. Il avait beau lutter, se faire violence, tenter d'arracher cette image de son esprit, il le revoyait sans cesse assis seul dans le froid mordant de décembre sur le dossier de ce banc public, cigarette aux lèvres, le chandail relevé sur son ventre pâle, sa main caressant discrètement l'intérieur de sa cuisse en invitant les passants du regard à l'emmener avec eux. Cette image tournait en boucle dans sa tête et l'intoxiquait au dernier degré.

Soudainement, ses propres sentiments n'avaient plus aucune importance, du moment que Harry soit heureux, du moment que cette maudite mélancolie quitte son visage et sa voix. Il était prêt à tout pour le voir rayonner de bien-être comme tout à l'heure, comme quand il le tenait contre lui, quand ils tournoyaient ensemble sur la piste…

Le sorcier couva le jeune homme d'un regard très doux, et il posa une main sur la sienne pour le sortir de sa rêverie.

-Tu sais ce qu'on dit chez les sorciers? Murmura-t-il en se levant à son tour pour le rejoindre, la gorge soudainement sèche.

Harry hocha la tête de droite à gauche, ne se sentant pas même la force de répondre.

-On raconte que le premier baiser peut être complètement effacé de la mémoire s'il est suivi d'un autre dans les heures qui suivent… d'un baiser souhaité

Le blond tendit lentement la main et il dégagea lentement le front de Harry pour écarter ses mèches d'ébènes de son regard.

-Je crois qu'il est encore temps, murmura Draco en prenant une large inspiration pour dissiper les dernières traces de doute de sa voix. Je ne suis pas certain que ça fonctionnera, mais ça vaut la peine d'essayer. Qu'en dis-tu?

Il sentit la joue du jeune Moldu glisser imperceptiblement contre sa main et Draco interpréta cette réaction de son corps comme une acceptation. Sans plus réfléchir, comme dirigé par une force plus forte que sa raison et que sa volonté, le sorcier franchit lentement la dernière distance qui restait entre eux et déposa simplement ses lèvres contre les siennes dans une chaste caresse. Il y imprima un léger mouvement, presque imperceptible, laissant le soin à Harry de venir à lui à son rythme pour ne pas le brusquer plus qu'il ne l'avait été ce soir.

Quelque chose en lui hurlait que c'était mal, qu'il ne devait pas, qu'il ne pouvait pas faire ça, mais la puissance des sensations qu'il ressentait alors que Harry imprimait ses doigts sur ses épaules en s'abandonnant à lui avec un gémissement sourd, balayait tous ses remords.

Il savait que s'il avait voulu, il lui aurait suffi d'un geste et Harry lui aurait tout donné, mais ce geste, il ne le posait pas. Et même s'il en avait désespérément envie et que son corps le lui faisait savoir avec une violence qui lui retournait l'âme, il continuait de l'embrasser avec toute la douceur du monde, les mains sagement posées sur ses hanches pour seule barrière entre eux.

Peut-être parce qu'il sentait qu'au fond, c'était ce dont Harry avait vraiment besoin; de la douceur, de la tendresse, du respect. Ou peut-être était-ce simplement que c'était tout ce qu'il avait à lui offrir et que déjà, c'était plus qu'il n'avait jamais donné à quiconque depuis le départ de William.

Beaucoup, beaucoup plus…

La main de Harry tremblait encore quand le sorcier s'éloigna de lui après un long moment et il la garda dans la sienne longtemps, se contentant de le regarder rougir en en caressant le revers de son pouce.

Le regard profond de Draco balayait son visage avec attention, s'étonnant de ne plus trouver aucune trace de ce deuxième garçon qu'il haïssait tant.

Et c'est à ce moment qu'il réalisa.

C'était lui, Harry Potter. Le vrai, celui qu'il aurait toujours dû être si la vie ne l'avait pas écorché au passage. Celui qu'il était au fond de son coeur. Celui qui le passionnait tant...

Sans avoir réfléchi, poussé par l'impulsion du moment, Draco murmura « reste avec moi demain ». Et avant même qu'il n'ait le temps de donner une quelconque explication, Harry acquiesça d'un signe de la tête.

Le sorcier se tue en rougissant un peu de la force de cet élan.

-Mais… n'était-ce pas convenu ainsi? demanda le jeune homme. C'est que je croyais…

Draco enfouit ses mains dans ses cheveux compulsivement, maltraitant ses mèches blondes du bout des doigts.

-Si… enfin, non. J'avais décidé de te payer pour cette journée comme nous l'avions entendu mais j'étais fermement déterminé à te libérer dès ce soir, mais… mais j'ai changé d'avis. Je ne peux pas, murmura le sorcier en le regardant avec intensité.

Harry baissa la tête en rougissant à son tour.

« Tant mieux », crût-il l'entendre soupirer.

Le cœur de Draco battait fort dans sa gorge, tellement qu'il se demanda s'il arriverait à ajouter une seule parole. La main de Harry tremblait encore un peu dans la sienne et il la serra un peu plus, entrelaçant ses doigts aux siens pour lui faire comprendre tout ce qu'il n'arrivait pas à mettre en mot, tous ces sentiments qu'il n'arrivait même pas à comprendre et qui se bousculaient ce soir dans sa tête tel un puissant poison.

-Je sais que je te l'ai dit ce soir avant la soirée, dit doucement Harry en souriant un peu, mais je te le redis maintenant parce que je le pense … je le pense vraiment très fort, murmura-t-il. Merci, merci beaucoup.

Comme pour illustrer sa reconnaissance, le garçon dont les yeux s'étaient embrumés sous l'effet de l'émotion porta sa main à son cœur, incapable d'en dire plus, puis s'éloigna dans le corridor menant à sa chambre sans que le blond ne le quitte du regard.

Dès que le cliquetis de la serrure se fit entendre, Draco se laissa tomber comme une pierre sur le sofa, portant machinalement ses doigts à ses lèvres d'un air songeur. Une minute plus tard, il s'était endormi.

À suivre…

Note de l'auteuze :

Long… interrrrrrminable chapitre! Je sais, je sais, mais il y a des tas d'éléments dans celui-ci que j'avais absolument besoin d'intégrer à l'histoire et quoi de mieux qu'une conversation alcoolisée pour délier les langues, lol! Mais ne vous en faites pas, l'ambiance de la fin de chapitre n'était pas seulement causée par les bubulles, c'était d'abord et avant tout la chimie qui opérait entre Harry et Draco. ^^ D'ailleurs, le chapitre se déroulera dans le même esprit pour la suite. Comme je l'ai laissé entendre précédemment, nos joyeux lurons se ramènent chez Hermione pour le traditionnel souper du réveillon des Weasley auquel Draco a toujours refusé de participer depuis la mort de son amoureux. Et là c'est tout ce que je vous dis il faudra attendre que je ponde le chapitre pour savoir! Poak poak poak! ^^

Sur ce, je m'en vais laver mes fenêtres à l'extérieur, question de me casser le cou en beauté avant le début de la semaine, juste au cas où je pourrais réussir à recevoir un congé parce que je serais morte, lol! Pouvez-vous croire que je me suis réveillée un matin cette semaine avec un manteau de neige au sol!?!??? EN OCTOBRE!!!!!! La déprime totale. Il y a donc une urgence nationale de faire du ménage dehors, même si je suis complètement contre le principe. Donc voilà, si je ne deviens pas paraplégique suite à ma chute du deuxième étage, je vais essayer de pondre dans des délais raisonnables! ^^ Ciao les poules, à pluche!!!! Et n'oubliez pas de remplir la case « review », ça me donne toujours un regain d'énergie pour la suite, de vous lire!^^

Célianne