A travers le bruit d'eau qui coulait sur son corps engourdi par la fatigue, Harry entendit la sonnette et tenta de l'ignorer. S'il s'agissait d'un ami, la sonnerie s'arrêterait après trois coups, on laisserait un mot dans la boîte à lettre ou l'on reviendrait plus tard. Il avait mis au point ce code avec son cercle de connaissances : trois coups, pas plus.

Il accentua la pression de l'eau. Il avait eu une rude journée et le délicieux frottement de l'eau apaisait ses muscles engourdis. Mais la sonnerie continuait de retentir. C'était maintenant un martèlement aigu, continu, agaçant. Au bout d'un moment, il n'en put plus.

Harry coupa l'eau et sortit brusquement du cabinet de douche. Il prit la première serviette à portée de main qu'il noua autour de sa taille d'un geste sec. Il se dirigea vers la porte d'entrée à pas de charge, indifférent aux gouttes d'eau qu'il semait sur son passage. Il était bien déterminé à renvoyer l'enquiquineur d'une façon qui lui couperait l'envie de revenir sonner à sa porte. La bouche durcie en une mince ligne, il ouvrit la porte d'un coup.

« Je vous conseille de laisser ma sonnette tranquille avant que je ne vous la fasse bouffer ! » cracha-t-il avant de claquer la porte au nez du gêneur.

Il n'avait même pas pris le temps de regarder son interlocuteur ! Il savait juste que c'était un homme vu sa haute carrure. Avec un soupir agacé, il allait prendre le chemin de la chambre, lorsque la sonnette retentit à nouveau.

En voilà un qui a des envies de suicide ! songea-t-il rageusement, en ouvrant la porte à la volet.

Cependant, les insultes qu'il s'apprêtait à jeter se coincèrent dans sa gorge. Il ouvrit grand les yeux de stupéfaction et resta bouche bée, dévisageant bêtement l'homme qui était devant lui. Jamais il n'avait vu un homme aussi bien fait de sa personne et dégageant une telle aura de sensualité. Et pourtant, il en avait vu des spécimens de séduction dans son lieu de travail.

Ses cheveux blonds paraissant presque blanc sous le pâle éclairage du couloir, étaient tirés en l'arrière sans qu'une mèche rebelle ne vienne défier la gravité comme ceux de Harry. Ses traits virils d'une harmonie époustouflante bien qu'un peu anguleux, était figé en un masque impénétrable donnant envie de le fissurer pour voir ce qu'il cachait. Sa peau étonnamment blanche chez un homme, paraissant d'une douceur extrême. Son nez droit et fin donnait envie d'en embrasser le bout. Sa bouche avait la couleur du fruit défendu et invitait à tous les pêchés. Ses épaules athlétiques et sa haute taille étaient mises en valeurs par une longue cape noire sûrement coupée par le meilleur tailleur de la capitale.

Harry sentit, avec un désarroi total, son sexe réagir à cet appel-au-viol-sur-patte. Des images pour le moins indécentes lui vinrent à l'esprit sur le plaisir que cette superbe bouche pourrait lui apporter. Nom de Dieu, mais que lui arrivait-il ?

« Mr Harry Marsh ? »

L'inconnu s'exprimait d'une voix basse et mesurée qui ne devait jamais monter quelque soit la circonstance ou la provocation. En tout cas, elle eut le don de ramener Harry dans la réalité, coupant court à ses fantasmes totalement inadéquat.

Harry se souvint alors que ce bel apollon l'avait dérangé durant le seul moment de la journée où il pouvait se détendre. La lueur libertine quitta son regard qui se fit plus sombre, plus dure. Il ne savait pas que lui voulait cet homme mais il espérait vraiment pour lui qu'il ne venait pas lui vendre des merdes. Une fois il s'était fait avoir par un véritable canon qui lui avait refourgué des gros pavés totalement hors de prix dont la seule utilité avait été d'amasser le plus de poussière possible sur ses étagères.

« Je ne sais pas ce que vous vendez, mais je n'ai besoin de rien. Et les sondages m'indifférent totalement. Sur ce, bon vent ! »

Harry allait à nouveau claquer la porte mais l'autre ne lui en laissa pas le temps. Il posa la main sur le battant pour le repousser. Outré par son audace, Harry pesa de tout son poids sur la porte, jeta au malotru un regard noir, les narines pincées.

« Je ne vends rien et les sondages ne m'intéressent nullement. » dit-il d'un ton réfrigérant.

L'homme continuait à repousser vigoureusement la porte, comme si, de droit divin, il pouvait s'introduire chez les gens en tout impunité.

« J'ai à m'entretenir avec vous d'une affaire urgente. Je préférerais que ce soit en privée. » expliqua-t-il.

Harry n'avait jamais eu beaucoup de patience et cet individu aussi beau qu'il soit venait d'épuiser son peu de stock restant. La colère monta en lui et d'un geste rageur, il poussa la porte qui claqua sèchement. Il mit vite la chaîne et ferma le battant à double tour.

« Allez-vous-en avant que j'appelle la police ! » menaça-t-il à travers la porte.

« De nous deux, vous seriez celui qui aurez le plus à craindre les représentants de l'ordre. » dit l'inconnu, glacial.

« Vous délirez totalement ! Maintenant partez ou… »

Il ne put finir sa phrase car la porte venait littéralement d'être pulvérisé et lui balayé par le souffle de l'explosion. Il retomba rudement à terre en un son mate. L'inconnu pénétra dans le minuscule hall. D'un geste nonchalant de la main, il répara la porte qui se remit en place comme si de rien.

« Bien, maintenant, vous pouvez appeler à l'aide à vous en casser la voix, j'ai mis un sort d'insonorisation sur votre appartement. Inutile d'essayer de vous enfuir, toutes les issues sont également bloquées magiquement. »

Un sorcier. Cette information s'insinua dans son esprit embrumé de douleur. Il ne manquait plus que ça ! Il sentit l'étreinte de la peur venir sournoisement compresser son cœur. Sans compter que l'imposante silhouette de son agresseur se découpant en une ombre menaçante dans la pénombre de l'entrée, ne lui disait rien qui vaille.

Il tenta de se relever pour ne plus être en position d'infériorité face au blond. Mais son corps meurtri n'était pas du tout d'accord. Il étouffa un gémissement de douleur et s'affala contre le mur.

« Vous vous êtes fait mal ? » demanda le sorcier après un moment de silence tendu, en s'accroupissant près de lui.

Il tendit une main gantée vers Harry mais celui-ci fit un mouvement brusque pour s'y soustraire. Il ne put réprimer une grimace face la douleur que ce geste avait provoqué.

« Non, bien sûr ! » bougonna Harry tout de même, en lui jetant un regard noir. « Pourquoi aurais-je mal ? Je viens seulement de voler à travers mon appart pour me fracasser le dos contre le sol, voyons ! Vous en avez encore, d'autres questions aussi stupides ? »

Pas un muscle ne bougea sur le beau visage de l'inconnu à cette boutade. Sans un mot, il le força à lui exposer son dos. Harry tenta de se débattre mais la poigne de l'intrus et la souffrance de ses muscles l'en dissuadèrent vite. Il sentit une douce chaleur ainsi qu'un picotement lui chatouiller la peau. Bientôt la douleur ne fut plus qu'un mauvais souvenir.

D'un coup de rein, Harry se redressa, imiter par l'intrus. Il le toisa d'un air glacial sans même songer une seule seconde à le remercier pour son aide. Il ne manquerait plus que ça, tiens ! C'était tout de même de la faute de ce blondinet s'il s'était fait mal ! La mâchoire contractée et tout sa hargne retrouvée, il ordonna sèchement :

« Puisque vous êtes entré, expliquez-moi pourquoi vous m'imposez votre présence ! »

S'il fut contrarié par le ton employé par Harry, il resta de marbre.

« Je vous conseille de vous vêtir un peu plus convenablement, d'abord. » suggéra l'inconnu de cette voix immuable saupoudré d'un regard qui aurait éteint un volcan en éruption.

Alors seulement, Harry prit conscience que dans sa chute, la serviette qu'il avait nouée autour de sa taille s'était défaite, révélant le peu qu'elle dissimulait. Rougissant violemment, il s'en fut illico presto dans sa chambre et maugréant un « Vous vous êtes bien rincé l'œil, espèce de pervers ! ».

Alors qu'il enfilait un pantalon, il fixa la fenêtre de sa chambre, brusquement poussé par l'envie de fuir. Du premier étage, il pourrait sauter sans se faire trop mal. Passant un pull, il s'approcha de la fenêtre et tenta de l'ouvrir. En vain. Comme lui avait si gentiment précisé son geôlier, il avait bloqué toutes les issues par magie. Prisonnier de son propre appartement ! Grrrrr !

Avec un soupir mi-résigné, mi-colérique, Harry sortit de la chambre tel un diable de sa boite. Il trouva l'inconnu dans le séjour, confortablement installé dans son fauteuil préféré, une cigarette à la main. Il avait enlevé sa cape, révélant une longue robe sombre aux broderies argentées sur les manches et le col mao.

Non mais quel sans-gêne !

« Je vous en prie, mettez-vous à l'aise. » persifla Harry.

« C'est minuscule, chez vous. » commenta le blond platement.

« Désolé de ne pas posséder deux hectares où vous pourriez gambader à votre aise ! » rétorqua Harry, piqué à vif. « Mais dois-je vous rappeler que je ne vous ai pas convié chez moi et que je ne vous retiens pas ? »

« Comme je vous le disais, j'ai à vous parler. » dit-il, impassible, sans relever son sarcasme. « Je n'avais pas l'intention de vous attaquer. »

« C'était bien imité, pourtant. » rétorqua Harry avec ressentiment.

Une fois de plus, le beau blond continua sans se préoccuper de son intervention.

« Si je vous dis que je m'appelle Draco Malefoy, je suppose que vous devinerez sans peine la raison de ma présence chez vous. »

Harry pâlit brusquement. Malefoy ? Comme Millicent Malefoy ? Et merde !

Millicent Malefoy, née Bulstrode, avait grandi dans le même quartier que Harry. Il ne l'avait jamais beaucoup aimé car elle participait activement au passe-temps favoris de Dudley : la chasse à la Harry. Par malheureux, les Bulstrode s'endentaient à merveille avec les Dursley, ce qui se traduisait par de nombreuses invitations à dîner, donc des moments de calvaire pour Harry.

Le jeune homme avait perdu Millicent de vue quand il s'était enfui de chez les Dursley. Bien sûr, il n'avait pas pu rater son mariage célébré en grande pompe avec Breandan Malefoy, vu que toute la presse en avait parlé. D'ailleurs, tout ce cirque autour d'une simple noce avait blasé Harry.

Par pur hasard, Harry avait revu Millicent un mois auparavant, dans une soirée mondaine où il avait travaillé comme serveur. Celle-ci ne l'avait absolument pas reconnu. Fallait dire qu'il n'avait plus rien avoir le garçon chétif qu'elle maltraitait. Il avait été quelque peu dégoûté lorsqu'elle s'était mise à lui faire du rentre-dedans alors que son mari était à quelque pas d'elle.

Celui-là aussi, plus aveugle tu meurs ! Il ne verrait pas de l'eau en pleine mer, alors sa femme qui le fait cocu sous son nez, n'en parlons même pas !

Etant plutôt bien fait de sa personne, Harry devait souvent faire face à des clientes ou clients entreprenants qui pensaient qu'il serait prêt à faire quelques petites extras bien particuliers contre une liasse de billet. Millicent faisait parti de cette catégorie honnie par le jeune homme. Elle avait tenté par tous les moyens de l'attirer dans ses filets. Mais Harry n'avait pas cédé. D'un, il était gay, donc elle n'avait pas les attributs là où il fallait pour l'appâter. De deux, il avait pour devise de ne jamais mélanger travail et plaisir. De trois, les casés ne l'intéressaient nullement.

Mais ses refuses polies n'avaient pas semblé décourager Millicent qui était revenu à la charge, tout au long de la fête. Après cette impérissable soirée, Harry avait espéré ne plus jamais la revoir. S'il n'avait pas été en service, Harry l'aurait envoyé bouler de telle manière qu'elle aurait changé de trottoir en l'apercevant dans la rue. Malheureusement pour lui, il ne pouvait clairement mettre les points sur les 'i' sans risquer de perdre son emploie. Et c'était bien la dernière chose dont il avait besoin.

Il se devait d'économiser le moindre cent gagné pour sauver Evelyn Marsh, la vieille dame qui l'avait recueilli à ses quinze ans, alors qu'il avait fugué. Chère Evy, chaleureuse et aimante, dotée d'un complexe maternel gros comme le Big-bang. Sans elle, il ne savait pas ce qu'il serait devenu à l'heure actuelle. Elle avait été si bonne pour lui, jouant le rôle de mère et de mamie avec une dévotion et un amour infinie. Grâce à elle, Harry avait enfin su ce que le mot « foyer » signifiait.

Il l'avait pensé éternelle mais une maladie du sang avait fait éclaté en mille morceau sa bulle rose. Quand il avait appris qu'il n'y avait que peu d'espoir de la sauver, Harry était devenu comme fou. C'était Florian, le neveu de Evy, qui lui avait donné un peu d'espoir en découvrant que les sorciers avait inventé une potion capable de soigner la vieille dame.

Ils avaient dépensé une véritable fortune pour consulter un médicomage. Son diagnostic fut bien plus encourageant que celui des patriciens moldus. S'il pouvait recevoir Evy à St Mangouste pendant six mois, elle serait sauvée. Le traitement était beaucoup plus rapide normalement, mais étant donné que c'était une potion destinée aux sorciers, il fallait considérablement réduire les doses administrées pour les moldus, ce qui rallongeait le traitement. Cependant, les choses n'étaient pas si simples.

« Autant nous demander d'envoyer maman sur la lune. » avait gémit Flo. Lui aussi avait été élevé par Evy à la mort de ses parents. « La pension est bien au-dessus de nos moyens ! On ne pourra payer les cinq cents livres demandés pas semaine ! Et notre assurance ne prend pas en charge les soins sorciers. »

C'était à cet instant que Harry avait eu sa si brillante idée. Il s'était souvenu d'une vidéo très compromettante qu'il avait trouvé un jour en nettoyant la chambre de son cousin. Intrigué par le titre du film, il avait profité d'être seul à la maison pour regarder. C'était un film porno qui mettait en scène cette chère Millicent se faisant troncher par la bande à Dudley au complète. Autant dire qu'il avait vite stoppé le magnétoscope tant il avait eu envie de gerber. Il en avait même fait des cauchemars après.

Il avait gardé le film, décidé à donner quelque sueur froide à son cousin. D'ailleurs, il avait bien ri lorsque celui-ci avait retourné sa chambre de fond en comble pour retrouver le film. Dudley avait mis le temps mais il avait fini par comprendre que Harry n'était pas étranger à la disparition de son bien. Il avait alors menacé pour le récupérer, mais loin d'être bête, le brun en avait profité pour le faire chanter un peu. Son cousin n'avait même pas pu se plaindre à ses parents parce qu'alors il aurait été obligé de leur révéler ce que Harry était sensé lui avoir volé.

En fuyant la maison des Dursley, Harry n'avait emporté avec lui que la petite boîte où il gardait tous ses trésors, dont le fameux film qu'il y avait caché pour plus de sûreté. Harry n'avait eu aucun mal à retrouver cette cassette et en avait fait une copie qu'il avait envoyée à cette chère Millicent avec un petit mot lui disant qu'il serait dommage que la presse à scandale tombe sur ce film. Contre son silence et la bande, il lui réclamait vingt mille livres.

Bien sûr, Harry n'avait parlé ni à Evy, ni à Flo de son projet. Honnêtes comme ils étaient, ils auraient tout fait pour l'en dissuader. Et il était déjà suffisamment en proie avec sa conscience pour ne pas avoir leurs discours moralisateurs sur le dos, en plus.

Harry savait que Millicent n'était pas une sorcière, même si elle en avait épousé un. Jamais, elle n'en parlerait à son mari car sinon c'était la glas de sa vie de luxe. Breandan Malefoy était peut-être lent à la détente, mais lorsqu'il ouvrait ses oeillères, il pouvait être impitoyable. Quand aux autres membres de la famille Malefoy, ils avaient renié ce pauvre Breandan pour avoir épousé une moldue. Harry s'était donc dit qu'il n'avait aucun risque à courir. Il s'était bien trompé, apparemment. Il y avait au moins un Malefoy qui semblait tenir à cœur les liens familiaux.

« C'est Millicent qui vous envoie ? » demanda-t-il abruptement.

Le blond esquissa un imperceptible sourire, comme si sa question l'amusait.

« Personne ne m'envoie nulle part, Mr Marsh. » murmura-t-il de cette voix basse qui n'en était que plus effrayante. « Millicent est, de toute façon, dans l'incapacité d'envoyer qui que ce soit où que ce soit… mon cousin Breandan est mort il y a une semaine. En rangeant ses effets personnels, j'ai trouvé une intéressante cassette vidéo. Si seule la réputation de cette gourgandine était en jeu, je ne serais pas là à l'heure actuelle. Mais, il en va de l'honneur des Malefoy. Et je n'apprécie guerre que le nom de ma famille soit traîné dans la boue. »

Il tira sur sa cigarette, laissant ses mots en suspend entre eux.

« Que… que voulez-vous dire par : Millicent est, de toute façon, dans l'incapacité d'envoyer qui que ce soit où que ce soit ? »

Seul un silence glacial lui répondit. Harry déglutina péniblement et prit une profonde inspiration. Il ne devait pas se laisser impressionner par cet individu. C'était exactement ce qu'il cherchait. Et bien, il ne lui ferait pas cette joie !

Malefoy était peut-être un sorcier, mais Harry avait de bons atouts de son côté, comme par exemple un film qui humilierait sa famille pour des générations. Bien sûr, inutile de préciser que Harry n'avait jamais eu l'intention de livrer cette cassette à la presse. Il bluffait, mais Malefoy n'avait pas besoin de le savoir.

Le brun détailla l'autre un instant et retint un soupir étranglé en croisant son regard polaire. Il fallait jouer serré. La santé de Evy en dépendait. Tout d'abord montrer que sa petite introduction ne l'avait absolument pas intimidé.

« Franchement, que votre nom soit traîné dans la boue ou pas, m'indiffère royalement. » assura Harry avec aplomb, les yeux vert brillant de défis.

Le regard de Malefoy se fit plus dure à ces mots, mais Harry continua sur sa lancé.

« Tout ce que je veux savoir, c'est si vous avez apporté l'argent. »

« Ai-je l'air si stupide ? » demanda simplement l'autre avant de porter sa cigarette à la bouche.

Non. Cet homme au regard froid, tiré à quatre épingles ne semblait certainement pas stupide. Harry aurait même dit qu'il était dangereusement intelligent. Cependant, le brun ne comptait pas se laisser faire. Après la première minute de surprise passée, il avait retrouvé tout son aplomb, prêt à affronter le sorcier. Mais, il ne pouvait nier que l'attitude du blond l'agaçait. Il aurait espéré un peu plus de réaction. Les yeux de Harry s'assombrirent d'avantage, signe de très grande irritation chez lui.

« Si vous n'avez pas l'argent, que foutez-vous chez moi ? » s'enquit-il froidement.

« Prendre la mesure de l'ennemi. » répondit Malefoy sur un ton d'évidence.

Il souffla un autre anneau de fumé, ses yeux orages ne quittant pas le visage pincé de Harry. Ils s'affrontèrent du regard, aucun ne cédant.

« Vous n'êtes pas tel que je le pensais. Vous ne ressemblez pas à un maître chanteur. » dit Malefoy au bout d'un moment de lourd silence.

« Je ne savais pas que les maîtres chanteurs avaient un profile type. Je vous en prie, éclairez donc ma lanterne de votre illustre savoir que je prenne le bon uniforme, la prochaine fois. » répliqua sarcastiquement Harry, un sourcil haussé.

« Vous n'avez certainement pas l'air d'un homme affligé de tendances criminelles. »

Malefoy le toisa de son regard métallique de la tête aux pieds.

« Si vous étiez habillé comme il faut, si l'on vous donnait un cours de bonnes manières… »

« De bonnes manières ! » s'offusqua Harry. « Vous êtes bien mal placé pour parler ! Vous vous introduisez de force chez moi… »

« Comme je le disais… » l'interrompit Malefoy sans même ciller. « ...avec des vêtements convenables et quelque leçons, vous pourriez avoir une certaine allure. Est-ce dans ce but que vous réclamer vingt milles livres à Millicent ? »

Harry le gratifia d'un sourire sardonique. La remarque sur ses manières l'avait piqué à vif.

« Et bien, il semblerait que cette chère Millicent ait trouvé un docile petit toutou pour aboyer à sa place. »

Harry s'était voulu blessant, mais sa remarque sembla glisser sur Malefoy. Dieu que cet homme était agaçant !

« Je sais mordre aussi. » répliqua-t-il avec un calme horripilant.

Les yeux de Harry se plissèrent à la menace que sous-entendaient ces mots.

« Vous devriez faire attention : je pourrais rendre morsure pour morsure. » rétorqua-t-il.

« Certes. » fit platement Malefoy. « En attendant, vous ne m'avez toujours pas expliqué la cause de ce chantage. »

« Pourquoi me poser cette question si cette chère Millicent est déjà aller pleurer toute l'histoire sur votre épaule si accueillante ? » railla le brun.

Il eut un silence tendu. Un sourire carnassier qui fit froid dans le dos à Harry, finit par effleurer les lèvres de Malefoy.

« Vous avez entièrement raison. Pourquoi perdre notre temps en explications inutiles ? Si je suis venu ici, c'est parce que j'ai un marché à vous proposer. »

« Un marché ? » répéta Harry, tout de suite sur ses gardes.

« Exactement. Un arrangement qui vous permettra de gagner vingt livres dans les délais exigés. » certifia Malefoy.

Un long silence suivit ces mots.

« Qu'est-ce que je devrais faire en contre partie ? » finit par demander Harry, les yeux plissés de méfiance.

Harry ne voyant guère un moyen légale d'obtenir une telle somme en l'espace d'une semaine. Ignorant superbement son interrogation, Malefoy sortit sa baguette d'un mouvement élégant et nonchalant. Ce geste fascina Harry bien malgré lui. Il n'avait jamais vu de véritable baguette magique de sa vie.

Quand il était petit et que les Dursley l'enfermaient dans cet horrible placard, il rêvait toujours qu'un sorcier venait le sauver sur son balai volant. Mais bien sûr, jamais une telle chose n'était arrivée. Vivant dans un monde où moldus et sorciers restaient chacun de leur côté tout en s'entraidant de temps à autre, il était rare que les deux communautés se mêlent. Bien sûr, il y avait des mariages sorciers-moldus mais ils ne faisaient pas légions.

Malefoy fit apparaître le service à thé de Harry à la grande stupeur et indignation de celui. Mais qu'il se serve, voyons !

« Voulez-vous du thé ? » proposa poliment Malefoy, nullement troublé par les éclairs que déversait le regard du brun sur lui.

Pour se retenir de lui sauter à la gorge, Harry s'assit dans le fauteuil face à Malefoy. Il prit avec réticence la tasse flottant vers lui, les lèvres pincées.

« Vous tenez toujours au délai fixé ? » demanda le blond après un petit silence où chacun avait bu son thé en jaugeant l'autre à la dérobée.

Harry avait la désagréable impression que Malefoy se moquait de lui, qu'il ne le prenait pas au sérieux.

« Naturellement. » répondit-il d'une voix tranchante. « C'est ce qui se fait, chez nous autres, maîtres chanteurs. A quoi bon une menace vague ? »

Harry eut le plaisir de le voir froncer des sourcils. C'était la première fois que le masque d'imperturbabilité de Malefoy s'effritait. Il décida d'en rajouter une couche pour le déstabiliser un peu plus.

« J'ai un emploi du temps chargé, vous comprenez. Mrs X ce mois-ci. Mrs Y le mois prochaine. Je suis un criminel endurci ! »

« Un adorable petit menteur… » coupa Malefoy avec un mince sourire.

« …et vous me faites perdre mon temps… »

Harry s'interrompit net. Il avait dit adorable ? Malefoy profita de son mutisme pour prendre la parole.

« Voilà ma proposition. Je vous offre un foyer, une alliance, une vie dépourvue de soucis matériels, tout ça en plus des vingt mille livres. Et en échange, vous me donnerez un fils. »

Abasourdi, Harry resta bouche bée, figé. Heureusement pour lui qu'il était assis où il se serait écroulé par terre. Le pire, c'était qu'il le croyait. Sentant sa tasse tanguer dangereusement dans ses mains tremblantes, il la reposa précautionneusement. Il prit une profonde inspiration. Puis, il se leva d'un bond et hurla :

« Mais vous êtes totalement cinglé ! »

Ce n'était pas tant le fait qu'un homme lui demande en mariage qui le heurtait. Devait-il rappeler qu'il était homosexuel, et que les alliances entre partenaires du même sexe étaient tout à fait courantes ? Non, ce qui le choquait c'était la partie « vous me donnerez un fils. ». C'était totalement impossible ! Un homme ne pouvait concevoir !

« Assis ! »

Sa voix bien que mesurée avait claqué comme un fouet et Harry s'était senti tomber dans son fauteuil comme poussé par ses ondes sonores acérés.

« Je suis un sorcier, Mr Marsh. Je pense que vous ne réalisez pas concrètement toutes les conséquences de ce fait. Je pourrais parfaitement vous obliger à me rendre le film et effacer de votre mémoire jusqu'à l'existence même de Millicent. Vous resterez alors démunie et désespéré face à votre impuissance devant la maladie de votre mère adoptive. »

Harry eut un hoquet de surprise, le visage blême.

« Et oui, je sais cela aussi. Bien que vos intentions soient louables, je ne peux cautionné vos méthodes plus que douteuses. » dit froidement Malefoy.

« Justement ! Pourquoi voudriez-vous pour mari un homme comme moi ? »

« Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, Mr Marsh. » dit simplement Malefoy, en posant sa tasse vide sur la table basse.

« Ce n'est pas une réponse ! » protesta Harry.

« C'est la seule que vous aurez. » assura calmement le blond en se mettant debout.

Il alla jusqu'à la fenêtre, les mains dans les poches de sa robe. Il fixa un instant la rue puis reposa ses yeux froid sur lui. Harry ne put réprimer un frisson. Cet homme avait décidément tout pour lui. Le style, la beauté, l'élégance et la puissance. Il lui décocha un sourire moqueur comme s'il avait lu dans ses pensées… et le sourire ravageur que toutes stars du cinéma lui enverraient !

« Si je refuse que… que ferez-vous ? » s'enquit Harry presque malgré lui.

Il ne pouvait empêcher sa voix de trembler. Cet homme pouvait faire beaucoup de mal. Aussi bien à lui qu'aux personnes lui étant chères. Et il n'était pas question qu'Evy ou Flo payent sa stupidité.

« Vous pouvez refuser mon offre, bien sûr. Mais imaginez un peu la peine que ressentirait votre pauvre Evy si elle apprenait que son petit poussin s'était adonné au chantage, et cela, à cause d'elle. Cela lui briserait le cœur. Elle pourrait même en mourir… »

« Vous… vous oseriez pas ! » souffla Harry, affolé.

« Vous seriez étonné de ce que je suis prêt à faire pour obtenir ce que je veux, Mr Marsh. Je vous donne dix minutes pour réfléchir à mon offre et me donner une raison. »

« C'est… c'est totalement fou ! Même si j'acceptais, je ne pourrais jamais concevoir d'enfant ! Je suis un homme, je vous le rappelle ! » suffoqua presque Harry.

« Je sais que vous êtes un homme. » souligna moqueusement Malefoy. « Les sorciers ont conçu une potion permettant aux hommes d'engendrer. Vous voyez ? Il n'y a aucun problème. »

Harry en resta sans voix. Il n'avait plus d'échappatoire. Terrorisé par cette perspective, il jeta des petits coups d'œil paniqués tout autour de lui, cherchant une issue de secours. Ses yeux se posèrent sur la porte de sa chambre et sans plus réfléchir, il s'y engouffra telle une bête traquée. Tremblant et les yeux plein de larmes, il s'adossa au battant qu'il avait violement refermé sur lui. Tous ses plans soigneusement élaborés s'écroulaient comme un château de carte.

Il se sentit lentement glissé vers le sol. Les jambes repliées, la tête cachée dans ses bras, il laissa libre court à son impuissance. Il ne devait pas pleurer. Il ne devait pas pleurer. Pourtant les larmes coulèrent. Il s'était promis de ne plus verser une larme à la mort de Hortense, sa petite souris, écrasée par ce cachalot de Dudley. Il était pathétique.

Il ne sut combien de temps il était resté prostré ainsi, mais quand ses larmes se tarirent enfin, il se releva en reniflant. Levant les yeux, il eut un sursaut et réprima in extremis un cri en constatant que son bourreau était nonchalamment assis sur son lit, les jambes croisé et les mains jointes sur son genoux.

« J'attends votre réponse. » déclara simplement Malefoy.

Aucune lueur de compassion n'animait ses yeux métalliques. Harry préférait ça. Il n'aurait jamais pu supporter la pitié. Il prit une profonde inspiration, ferma les yeux.

« Ai-je vraiment le choix ? » murmura Harry d'une voix horriblement enraillée.

« On a toujours le choix, Mr Marsh. »

Harry lui lança un regard noir. Lui, bien sûr, n'était nullement affecté. Ce satané blondinet avait toutes les cartes en main. Il pouvait se gausser, bien évidemment !

« J'accepte. » finit par chuchoter Harry, les yeux baissés, vaincus.

« Bien. » approuva Malefoy en se dirigeant vers lui. « Nous allons sceller notre consentement par un pacte magique. »

« Un pacte magique ? » répéta bêtement Harry.

« Vous ne croyez tout de même pas que la simple parole d'un maître chanteur me suffirait. Ce pacte évitera que vous vous volatilisiez dans la nature aussitôt l'argent obtenu. Refuser de le faire est comme rejeter ma proposition. »

Harry n'eut donc pas le choix. Malefoy entrelaça leurs mains. Il entailla leurs pouces et les pressa l'un contre l'autre, mêlant leur sang. Il plongeant son regard d'argent dans ceux de Harry et dit d'une voix grave et velouté :

« Moi, Draco Lucius Malefoy, promets par ce pacte de verser une somme de vingt livres à Harry Marsh avant notre mariage. En contre partie, il devra m'épouser dans une semaine, jour pour jour. Si je romps cette promesse alors je perdrais ce que j'ai de plus cher en ce monde. »

Harry garda le silence, crispé et hésitant. Malefoy serra sa main, son regard se durcit. Le brun finit par dire d'une voix chevrotante.

« Moi, Harry Marsh, promets par ce pacte d'épouser Draco Lucius Malefoy dans une semaine, jour pour jour. En contre partie, il devra me verser une somme de vingt livres avant notre mariage. Si je romps cette promesse alors je perdrais ce que j'ai de plus cher en ce monde. »

Une lueur aveuglante s'échappa de leurs mains jointes alors que Malefoy scella définitivement leur pacte en cueillant les lèvres tremblantes de Harry un baiser étourdissant.

Harry avait déjà été embrassé. Mais là c'était différent. Il l'avait l'impression d'être marqué au fer rouge par Malefoy. Lutter était inutile, il le savait. De tout façon, il en avait perdu l'envie dès l'instant où la langue du blond avait trouvé la sienne. Il se surprit même à s'accrocher à son compagnon pour mieux répondre à son baiser.

Quand Malefoy releva la tête, Harry cacha son visage dans le cou de celui-ci, mort de honte pour sa réaction plus que coopérative. Mais qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Il n'était pas sensé trouver ça agréable !

Il eut beau se réprimander, mais quand Malefoy lui releva la tête pour l'embrasser à nouveau, il ne protesta pas. Loin de défendre sa vertu, il se montra plus que vorace. Harry ne reprit ses esprits que lorsqu'il se sentit basculer sur son lit.

Oh ! On se calme, le blondinet ! songea-t-il, paniqué, la bouche trop occupé pour pouvoir protester à haute voix.

Comme s'il avait senti son angoisse, le blond se redressa. Harry pouvait parfaitement sentir l'érection de son futur mari contre sa hanche. Tout comme il savait que celui-ci percevait la bosse qui déformait son pantalon. Malefoy contempla longuement les lèvres du brun, rendues rouges et charnues par ses baisers. Puis il se leva. Harry resta prostré sur le lit.

« Je t'apporterais l'argent, demain, dans l'après-midi. Comme c'est ton jour de congés, nous en profiterons pour aller choisir nos alliances. Je tiens à ce que tout se passe dans l'ordre des choses. Passe une bonne nuit. »

Sur ce, il s'en fut. Harry, lui, resta longtemps allongé sur le lit, débraillé et les yeux brillants, contemplant le plafond d'un air absent. C'est ainsi que Morphée le faucha.