La demande.

Une flèche de Cupidon est quelque chose de très puissant. Et s'en remettre est loin d'être une partie de plaisir. C'est comme si vous vous réveilliez très doucement… en vous rendant compte que vous avez pris une cuite la veille. Severus se traînait derrière Hermione dans le laboratoire. Sa tête le lançait. Des extraits de poésie lui traversaient l'esprit, et il se sentait complètement perdu si elle s'éloignait de lui. La gêne ne le submergeait pas encore.

« Je suis tellement désolée, » dit immédiatement Hermione. « Je vais nettoyer. » Il regarda autour de lui, un peu perdu. Une potion nauséabonde dégoulinait de ce qui restait de sa table de travail, et gouttait sur le sol d'où elle dégageait une fumée verte. Mais qu'est-ce qui s'était passé ?

« Laisse, » lui ordonna t'il quand elle fit un pas pour nettoyer tout ça. « Mon amour, » ajouta t'il sans raison particulière. « Les elfes de maison s'en occuperont. »

Pour preuve de son inquiétude à son égard, elle ne fit pas de difficultés pour laisser aux elfes de maison le soin de nettoyer les restes d'une potion potentiellement dangereuse.

« Est-ce que tu veux du thé ? » lui demanda t'elle une fois qu'elle l'eut installé sur son canapé.

« Non, chérie, » répondit-il, en essayant de ne pas vomir devant cette utilisation gratuite de termes affectueux. « Je veux que tu restes ici avec moi. » Il l'attira sur ses genoux. Elle soupira, mais se laissa faire. Il passa les bras autour d'elle. Hermione évita son regard, et préféra poser la tête sur son torse. Elle avait peur que de le regarder l'encourage à réciter plus de poésie.

Il décida qu'il était content d'avoir été touché par la flèche au lieu d'elle. Rétrospectivement, il se rendait compte qu'il n'avait pas suffisamment réfléchi à son plan : si jamais Hermione avait passé une heure collée à lui comme ça avec des déclarations d'amour guimauve, il n'aurait jamais disposé de la patience infinie dont elle avait fait preuve auprès de lui. Il retournerait avoir une autre discussion avec l'employé des ventes. Ils devraient mettre des avertissements sur ces trucs !

« Je suis tellement désolé, » murmura t'il à son oreille.

« Ce n'est pas de ta faute. Je ne comprends vraiment pas pourquoi le Directeur a laissé ce genre de choses entrer dans une école pleine d'adolescents travaillés par leurs hormones. »

Ou de professeurs libidineux, le cas échéant, pensa Severus. Mais elle ne lui en voulait pas. Elle en voulait à Dumbledore. Apparemment, sa bonne étoile reprenait le dessus. Après tout, ça ressemblait vraiment à une chose que ce cinglé de Directeur aurait pu faire. Et pas un Professeur de Potions grincheux. Et peut-être que s'il jouait les bonnes cartes, elle aurait envie de le consoler. Cette débâcle pouvait encore se retourner en sa faveur. Il n'était certainement pas assez stupide pour lui avouer que toute cette affaire avait été une tentative de sa part de la mettre dans son lit.

Mais même comme ça, son ego en avait pris un coup. Elle l'avait vu sourire. Elle l'avait entendu citer du Shakespeare. Et maintenant qu'elle l'avait vu comme ça, est-ce qu'elle pourrait se contenter de son habituelle personnalité sarcastique ? Toujours sous l'influence de la flèche, il lui posa la question.

« Mais oui, bien sûr, » le rassura t'elle, en levant les yeux vers lui. Bien, bien. Il ne voulait pas la perdre à cause de ça. L'idée, ça avait été de se rapprocher l'un l'autre, et pas l'inverse.

Elle resta silencieuse un moment, avant de lui demander, « Est-ce que tu pensais toutes ces choses que tu m'as dites ? »

« Non, » répondit-il. Elle eut l'air attristé, et il sentit une étrange douleur lui serrer le cœur. « Je voulais dire oui, » corrigea t'il rapidement.

« Décide-toi, c'est oui ou c'est non ? » s'indigna t'elle.

« Je ne suis pas vraiment porté sur la poésie, Hermione, » observa t'il d'un ton moqueur. Le fait qu'il puisse prendre un tel ton était déjà un pas dans la bonne direction, même s'il n'avait pas pu s'empêcher d'ajouter 'chérie' à la suite de son prénom.

« Mais les sentiments qu'il y avait derrière ? »

« Est-ce que je t'aime ? » demanda t'il. Elle acquiesça. Il y réfléchit un instant. Est-ce qu'il l'aimait ? Vraiment ? Il aimait être avec elle. Elle était l'une des rares personnes qu'il pouvait supporter près de lui. Il la trouvait belle, son sourire, l'éclat de son regard, la courbe de ses seins. Si seulement elle acceptait de le laisser la toucher. Il tendit un bras vers sa poitrine. Elle s'écarta avec un air triste, les yeux brillants.

« Je vois, » dit-elle. Il lui attrapa la main, elle s'était levée.

« Non, attends. » Il l'empêchait de s'éloigner, et elle se retourna pour le regarder.

Est-ce qu'il l'aimait ? Elle était intelligente et ne l'ennuierait jamais. Elle avait un sens de l'humour vif et malicieux, et pouvait supporter même les pires de ses sarcasmes. Elle avait prouvé ce soir qu'elle avait de la patience à revendre, et qu'elle était prête à prendre soin de lui. Il essaya d'imaginer sa vie sans elle, et il la trouva déserte. Il n'avait jamais réalisé à quel point la vie qu'il avait avant était désespérante avant qu'elle n'y entre. Il était accro. Il refusait de retourner dans cette existence triste maintenant qu'il avait vu ce qu'il pouvait avoir. Il réalisa qu'il était prêt à ne jamais pouvoir la toucher, tant qu'elle le laissait rester près d'elle.

Il espérait désespérément qu'elle ne lui demanderait pas ce sacrifice.

« Epouse-moi. »

« Hein ? » demanda t'elle, sidérée.

Lui aussi était choqué. D'où est-ce que ça sortait ? Mais bon, ça servait ses intérêts. Si elle acceptait, il l'aurait toute à lui. Il n'avait jamais aimé partager, et certainement pas la personne à qui il tenait vraiment. Et si elle refusait, il pouvait toujours mettre la question sur le dos de la flèche de Cupidon, et prétendre que ce n'était qu'un contrecoup de ses effets. Sans le faire exprès, il était tombé sur la meilleure situation pour faire sa demande. Il se donna mentalement une petite tape sur l'épaule, et attendit sa réponse.

« Est-ce que tu es sincère ? »

« Oui. »

« Ce n'est pas un contrecoup de la flèche ? » demanda t'elle avec méfiance. Zut ! Il aurait dû se douter qu'elle voudrait entendre confirmation de ses sentiments. Dommage pour la tape sur l'épaule. Ses prochains mots pourraient faire la différence entre le bonheur à jamais, ou une vie solitaire de célibataire. Sans compter qu'ils feraient aussi la différence entre une gifle ou une partie de jambes en l'air. Pourquoi est-ce que les femmes ne pouvaient pas croire ce que disaient les hommes sans poser de questions ?

Il essaya de discerner si sa suspicion voulait dire qu'elle avait envie d'accepter sa demande ou de lui rire au nez.

« Si ça avait été le cas, je me serais montré bien plus éloquent que ça, » dit-il en faisant une grimace. Il avait vraiment, vraiment mal au crâne. Et l'estomac noué, aussi.

« Alors tu m'aimes ? » C'était le cas, mais il commençait à se demander pourquoi, avec toutes ces questions fatigantes.

« Oui, espèce de casse-pieds ! » Il avait espéré pouvoir garder cette déclaration pour le moment parfait, faire monter la tension en la faisant attendre, lui donner envie d'arracher ces mots de l'homme qui gardait ses sentiments si jalousement que lui. Ils auraient signifié tellement plus alors. Il aurait apprécié cet affrontement des volontés. Bien sûr, elle aurait probablement perdu patience au bout d'un moment, et elle l'aurait quitté. Et apparemment, il ne la mettrait jamais dans son lit sans avoir dit ces mots, alors autant le faire tout de suite, après tout.

« Je t'aime aussi, » dit-elle en se jetant dans ses bras.

« Ouille ! » se plaignit-il quand elle atterrit brutalement contre lui.

« Désolée, » s'excusa t'elle, essayant de le réconforter. Ça ne marchait pas des masses. Il faudrait qu'il se souvienne de lui déconseiller les carrières médicales dans ses recherches.

« Alors c'est un oui ? » demanda t'il avec irritation, quand finalement elle s'installa à côté de lui dans une position plus confortable pour tous les deux.

« A quelle question ? » Si elle jouait les imbéciles, il allait la jeter hors de la pièce. La nuit ne se passait pas du tout comme il l'aurait voulu.

« Est-ce que tu veux m'épouser ? »

« Oui, oui, bien sûr. »

« Bien. »

Il y pensa un instant. Il avait toujours pensé qu'il resterait célibataire jusqu'à la fin de ses jours. La plupart des hommes qui avaient été solitaires pendant si longtemps auraient probablement paniqué à l'idée de perdre leur liberté. Mais puisque de toute façon il n'avait jamais été plus libre que ça, il ne s'en inquiétait pas outre mesure. Et puis, il se réveillerait auprès d'un corps chaud et féminin pour le reste de ses jours. Il regarda Hermione, qui s'était pelotonnée contre lui, et se dit qu'il y avait de quoi être impatient.

« Encore une question… »

« Non, je ne coucherai pas avec toi ce soir. Tu n'es pas en état, et tu as cours demain matin. »

Il secoua la tête. Si ce qu'il soupçonnait était vrai, il se demandait s'il avait toujours envie de coucher avec elle. Quoi qu'il en soit, il allait définitivement attendre qu'elle ait préparé cette potion correctement. Mais il venait de la demander en mariage, et il avait envie de coucher avec elle à l'avenir, alors il essaya de se montrer délicat. Enfin, aussi délicat que pouvait l'être Severus Snape.

« Qu'est-ce que c'était au juste, cette potion ? Et pour qui est-ce qu'elle était ? » demanda t'il sévèrement. Elle leva vers lui des yeux emplis de culpabilité.

« C'était pour McGonagall, » dit-elle rapidement. « Et elle n'aurait pas dû tourner comme ça, mais tu m'as distraite ! » Alors ce n'était pas pour elle. Il laissa le soulagement l'envahir.

« Tu as cru que c'était pour moi ! » s' exclama t'elle. Il tressaillit, et se prépara pour la tirade qu'il méritait. Mais au lieu de ça, il réalisa qu'elle l'embrassait passionnément. Il ne voulait pas être impoli, alors il en fit autant.

« Mais pourquoi ai-je droit à cette réaction ? » demanda t'il quand leurs bouches se séparèrent.

« Tu dois vraiment m'aimer si tu m'as demandée en mariage malgré tout, » soupira t'elle, en l'embrassant de nouveau. Il ne se donna pas la peine de préciser que la flèche de Cupidon lui avait ramolli le cerveau à tel point qu'il ne s'en était souvenu qu'après coup. Ça n'était qu'un détail, dans le fond.

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Et ils vécurent heureux jusqu'à la fin des temps. Enfin, à part quelques sarcasmes, et aussi, oui, il y eut cette fois où ils se disputèrent si violemment que Severus se retrouva de nouveau à l'hôpital. (Et il fut assez vexé à cette occasion d'apprendre qu'elle le surpassait maintenant dans les duels, et essaya de la convaincre que c'était parce qu'il avait retenu ses coups, ne voulant pas blesser une femme, et encore moins la sienne, et tout ça. Elle n'en crut pas un mot, mais acquiesça quand même, se sentant coupable de les avoir amenés là tous les deux, et fière en même temps d'être suffisamment puissante pour le faire. Bien sûr, elle ne mentionna pas cette seconde partie, mais elle s'excusa avec tant de profusion qu'il l'interrompit, lui demandant de se taire et d'aller leur chercher du thé.)

FIN.


Voilà, c'est vraiment fini fini cette fois-ci. Snif ? benebu