LOCKED UP
Par Myschka et BlackNemesis
Disclaimer : L'univers de Harry Potter ainsi que les personnage n'appartiennent qu'à JK Rowling. Nous les empruntons juste le temps d'une fic, et nous n'en retirons aucun bénéfice à part celui d'être lues.
Rating : M pour le vocabulaire et certains passages. Par contre pour ceux qui attendent des lemon, vous risquez d'être déçus, nous ne comptons normalement aller que jusqu'au lime (et c'est pas pour tout de suite…c'est même pas dit qu'on en mette, en fait.)
Résumé : Après la chute de Voldemort, le Ministre de la Magie a une dernière faveur à demander à Harry Potter. Acceptera-t-il, en particulier si Draco Malfoy est au centre de l'affaire ?
Note des auteuses : Voici le chapitre 6 de Locked Up, et cette fois-ci c'est moi qui m'y colle. Les choses évoluent peu à peu entre Harry et Draco, j'espère que cela vous plaira ! Bonne lecture.
RARs : pas de RARs ce mois-ci encore une fois, désolée. Comme le précédent chapitre a été écrit par BN et qu'elle n'avait pas le net, elle n'a pas pu répondre à vos reviews (ou alors elle l'a fait mais je ne suis pas au courant huhu).
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Cette fic est entièrement dédiée à BadAngel666.
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CHAPITRE SIX
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La journée s'acheva sans que Harry soit capable de se relever du lit, dans lequel il s'était couché immédiatement après avoir régurgité le contenu de son estomac. Après qu'il eut refusé les services du médicomage de la prison, Draco n'avait pas insisté et l'avait laissé tranquille, peu désireux de jouer les infirmiers auprès du Survivant.
De toute façon, Harry n'avait pas envie que Draco s'occupe de lui. Tout ce qu'il voulait, c'était dormir, et surtout, surtout, qu'on lui foute la paix.
Malheureusement et comme bien souvent depuis qu'il était arrivé à Azkaban, le sort s'acharna sur lui et il ne parvint pas à trouver le sommeil. Bien sûr, l'environnement y était pour beaucoup, mais…Harry n'était pas assez stupide – ou pas assez aveugle – pour se satisfaire d'une explication aussi simpliste. Oui, évidemment, passer ses journées dans une cellule grise et froide sans jamais voir personne d'autre que son désagréable codétenu n'était certainement pas le contexte idéal pour passer des nuits paisibles. Evidemment, savoir que le premier visage qu'il verrait au réveil serait celui de Clint Barber n'aidait certainement pas à se lever joyeux et plein d'entrain pour la journée.
Mais évidemment, il n'y avait pas que cela qui entrait en ligne de compte et Harry le savait très bien. De même que sa nausée n'était pas uniquement due à l'odeur écœurante qui régnait dans les couloirs de la prison, sa difficulté à trouver le sommeil ne relevait pas seulement de son environnement. Le jeune homme brun soupira lourdement, l'estomac encore barbouillé.
La vérité, crue et cruelle.
La vérité, c'était simplement qu'il commençait sérieusement à avoir du mal à se regarder dans un miroir le matin – enfin, si tant était qu'il y eût un miroir dans la misérable cellule qu'il avait accepté à son corps défendant de partager avec Draco Malfoy. A son corps défendant…Oui, c'était exactement cela. Son corps se rebellait devant ce que son esprit se refusait encore obstinément à admettre. La vérité, c'était qu'il n'acceptait pas d'être encore à ce point rongé de haine, à ce point bouffé de rancœur envers Snape, pour avoir accepté ce marché dégradant avec Scrimgeour.
La vérité, c'était que Théodore avait raison, c'était dégueulasse de se servir de l'entente qu'il commençait à développer lentement avec Malfoy pour le manipuler et lui faire avouer où se terrait Snape. Et tous ses beaux discours comme quoi il appréciait réellement le fait de parler de façon civilisée avec Draco, toutes ses justifications comme quoi l'aveu de la cachette de Snape ne serait que du bonus…tout ça, c'étaient des mensonges, rien que des mensonges.
Non. Pas tout à fait, se corrigea-t-il mentalement avec rage. Il appréciait réellement cette entente naissante et fragile avec Draco – et cela le mettait encore plus en colère, parce que cela le déstabilisait bien plus qu'il ne voulait l'admettre. Mais savoir où se cachait Severus Snape, ce n'était pas que du bonus. Ca ne l'avait jamais été, et il était terrifié de voir à quel point c'était si important. Important au point de bafouer toutes ses valeurs, tous ses principes, et de continuer cette mascarade avec quelqu'un qu'il commençait à respecter.
Il se retourna dans le lit, se battant avec les couvertures, empêtré dedans comme il se sentait empêtré dans ses sentiments. Il avait l'impression de ne plus rien maîtriser, de ne plus savoir ce qui était juste, et cela le mettait en rage. Etait-il juste de participer à cette horrible farce, sous couvert de mettre la main sur un Mangemort reconnu et traître avéré ? Etait-il juste d'éprouver de plus en plus de sympathie pour un autre Mangemort, celui-là même qui refusait de donner son complice, celui-là même qui avait aidé au meurtre de Dumbledore ? Etait-il juste de continuer à cacher la vérité à Malfoy ? Etait-il juste de tout lui avouer, et de prendre le risque qu'il lui en…veuille… ? Etait-il seulement juste de s'inquiéter du fait que Malfoy pourrait lui en vouloir ?
Il n'avait pas les réponses – ou plutôt, il ne voulait pas faire de choix, réalisa-t-il avec stupeur en songeant à la réflexion que Draco avait faite la veille. Le jeune homme blond avait raison, en quelque sorte : les nuances sont pour ceux qui refusent de faire des choix. Cette maxime péremptoire était sans aucun doute erronée dans la plupart des cas, mais dans celui de Harry, elle s'appliquait parfaitement à la situation. Et si son esprit conscient tentait tant bien que mal de s'en accommoder, tout le reste de son être protestait violemment, à l'instar de son estomac malmené quelques heures plus tôt.
Harry finit par s'endormir sans avoir mangé, d'un sommeil agité et un peu fébrile. Encore incapable de prendre la bonne décision – peut-être parce qu'au fond, il était persuadé qu'il n'y avait pas de bonne décision, seulement certaines plus acceptables que d'autres. Plus ou moins douloureuses. Plus ou moins faciles. Plus ou moins respectables.
Mais certainement pas bonnes.
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Draco observa Harry une bonne partie de la nuit. A vrai dire, il l'avait observé un peu plus qu'une partie de la nuit, puisqu'il n'avait cessé de le regarder depuis que le Survivant s'était finalement endormi, peu avant l'heure du dîner. Lui-même n'avait qu'à peine touché à son repas, l'estomac barbouillé par il ne savait quelle obscure contrariété.
Il avait beaucoup réfléchi depuis le jour où il avait lu les notes de travail de Harry, une semaine auparavant, et il ne comprenait toujours pas ce qui poussait le jeune homme brun à lui mentir de la sorte. Il y avait quelque chose qui clochait dans cette histoire, c'était évident, mais Draco ne parvenait pas à mettre le doigt dessus, pas exactement. Il n'était pas stupide. Il avait compris que cela avait un rapport avec lui – sinon, pourquoi Potter aurait-il décidé de partager sa cellule avec lui et pas un autre ? Il n'était après tout pas le seul prisonnier d'Azkaban qui fût en isolement – mais pour le moment, il ne voyait pas lequel.
Il lui fallait bien reconnaître également que les jours suivant la découverte des notes de travail de Harry, Draco avait plutôt été occupé à essayer de se faire à l'idée que son père n'était plus qu'un corps sans âme – il n'y était d'ailleurs toujours pas réellement parvenu – ou à ignorer Harry, pour tout un tas de raisons qu'il voulait plus ou moins s'avouer. Plutôt moins.
Mais à présent il le regardait dormir, incapable de se décider à le rejoindre dans le lit trop petit, et il n'y avait plus rien pour l'empêcher de réfléchir vraiment. A propos de son père, de sa propre situation, de celle de Severus Snape, dont il n'avait pas eu la moindre nouvelle depuis plus de trois mois – mais qu'il n'imaginait que trop bien, sans réellement savoir comment réagir – à propos de la présence surréaliste de Potter ici, dans cette cellule, de son comportement. Et il ne savait pas quoi penser de tout cela.
Potter le perturbait. Il l'avait toujours fait, cela dit, depuis qu'ils se connaissaient ; dès leur arrivée à Poudlard, ce petit garçon pâle et maigre l'avait intrigué, déstabilisé, poussé dans ses retranchements. Parce qu'il était le Survivant et qu'il lui volait la vedette, bien sûr, mais il y avait plus que cela, bien plus, même s'il se rendait compte qu'il ne connaissait pas réellement la véritable personnalité du jeune homme. Il croyait la connaître, probablement tout comme Potter pensait connaître la sienne, mais aujourd'hui il s'apercevait qu'il y avait peut-être autre chose derrière la façade que tout le monde connaissait – quelque chose de plus en tout cas, car Draco était persuadé que le personnage public était somme toute assez peu différent de l'homme que Harry devait être en privé. Potter était trop honnête pour qu'il en soit autrement.
Malgré tout, il sentait que ce n'était que la partie visible du décor, et il réalisait peu à peu que l'envers l'attirait bien plus qu'il ne voulait se l'avouer. Bien entendu, cela l'avait toujours intéressé, du moins lorsqu'ils étaient plus jeunes, car cela lui avait permis de trouver les failles de Harry et de s'en servir contre lui à l'époque. Mais aujourd'hui, il n'avait plus le moindre intérêt à blesser le jeune homme, et pourtant il se rendait compte qu'il avait toujours envie de mieux le connaître, autant qu'avant. Même plus, car il s'apercevait au fur et à mesure que ce qu'il découvrait lui plaisait. Et c'était dangereux, car bientôt, dans quelques jours, Potter ne serait plus là. Et il se retrouverait de nouveau seul.
Et les choses seraient encore pires qu'avant.
Draco rejeta la tête en arrière et son crâne vint heurter doucement le mur épais derrière lui. Il soupira lourdement – pourquoi les choses devaient-elles être si compliquées ? Avant l'arrivée de Potter, tout était tellement plus simple : il dormait souvent, lisait encore plus, mangeait et chiait aux horaires qu'on lui imposait, et fumait sa cigarette tous les jours à heures presque fixes – du moins lorsque ce connard de Clint ne décidait pas de lui mettre les nerfs en pelote en retardant volontairement le moment de sa promenade, ce qui à bien y réfléchir était finalement les seuls moments de suspens qu'il pourrait connaître jusqu'à sa sortie de prison. Et cette routine avait eu un effet lénifiant sur lui, car petit à petit, il s'était habitué, inconsciemment, à cette façon de vivre. En se disant que de toute façon, il n'avait pas le choix.
Potter avait tout chamboulé – encore une fois. Lui avait fait miroiter, par sa simple présence, tellement déplacée entre les murs froids d'Azkaban, un ailleurs que Draco ne pourrait plus connaître, pas avant ce qui lui semblait une éternité en tout cas. Potter avait amené une part du monde extérieur dans sa cellule, et avec lui, une multitude de questions auxquelles Draco ne voulait pas être confronté. Avant son arrivée, et même avant de se faire coincer par les Aurors, il n'avait jamais pensé à ses parents – du moins pas sérieusement, pas avec autant d'intensité. Il s'était parfois demandé, avec une pointe d'angoisse qui lui lacérait brièvement le cœur, si sa mère allait bien, si son père était toujours en vie. Mais il était trop occupé à fuir, puis ensuite, il avait refusé d'y penser, comme s'il savait déjà que la réponse à ces questions lui ferait encore plus mal que de ne rien savoir.
Maintenant, tout lui revenait en pleine figure, et avec, la douloureuse prise de conscience de sa totale impuissance à maîtriser un tant soit peu la situation, ou à même simplement pouvoir agir sur elle. Son manque cruel de contacts humains, également. Il n'avait pas besoin de s'apercevoir qu'il n'était finalement qu'un homme comme les autres. Il n'avait pas besoin d'admettre qu'il avait besoin de chaleur humaine, comme tout le monde. Il n'avait pas besoin de savoir qu'il ne pouvait pas se contenter de monologues intérieurs et qu'il ne pouvait pas se suffire à lui-même. Et il n'avait surtout pas besoin que ce soit Potter qui le lui fasse réaliser, Potter qui en plus de tout cela lui jetait également au visage l'insupportable spectacle de tout ce qu'il n'était plus : libre, et en bonne santé.
Oui, le parfum de liberté de Harry l'insupportait. Peut-être bien parce qu'il sentait confusément que bientôt, il aurait de plus en plus de mal à s'en passer.
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─ Tu ne dors pas ?
La voix ensommeillée de Harry le fit sursauter, et Draco se redressa un peu pour lui faire face.
─ Quelle remarquable perspicacité, Potter, répondit-il d'une voix traînante tout en essayant de reprendre ses esprits. Effectivement, je ne dors pas, à vrai dire je crève d'envie de me fumer une cigarette et de prendre une douche brûlante, mais comme je ne peux faire ni l'un, ni l'autre, je me contente de compter les fissures sur le mur.
─ Pour la clope, ça peut s'arranger, fit Harry en se redressant péniblement dans son lit. Mon paquet est sur le bureau, si tu veux. Pour la douche en revanche, je ne peux rien pour toi, il faudra te contenter du truc tiédasse auquel nous avons droit.
Draco haussa les épaules, comme si la remarque de son codétenu ne lui faisait ni chaud ni froid, mais s'avança tout de même vers le petit bureau pour s'emparer d'une cigarette, d'un geste nonchalant, puis revint s'asseoir sur son ancienne paillasse pour fumer tranquillement. A vrai dire, il n'avait pas vraiment envie d'une cigarette, mais il n'avait trouvé que cette excuse pour ne pas être pris au dépourvu. Potter ne s'était pas recouché, et son regard vert posé sur lui le mettait mal à l'aise.
─ Ca va mieux ? s'enquit-il d'une voix indifférente, pour tenter de dissimuler sa gêne.
─ De quoi tu parles ? demanda Harry. Oh…marmonna-t-il lorsque Draco haussa un sourcil narquois, oui ça va mieux. Merci.
Draco haussa de nouveau les épaules et détourna le regard. Il n'avait pas très envie de discuter, surtout après avoir passé plusieurs heures à réfléchir sur Potter et les raisons de sa présence ici. Il fuma sa cigarette en silence et lorsqu'il l'eut terminée, il la jeta dans les toilettes pour la faire disparaître ; puis il se coucha dans son ancien lit sous le regard abasourdi de Harry.
─ Qu'est-ce que tu fous ? s'exclama-t-il en sortant brusquement de sous ses couvertures.
─ Je me couche, Potter, lança Draco d'une voix moqueuse tout en lui tournant ostensiblement le dos – tout, plutôt que de lui avouer qu'il avait peur de se retrouver dans le même lit que lui, peur de se retrouver une nouvelle fois dans ses bras sans qu'il l'eût voulu.
─ J'ai vu, merci, maugréa Harry en se passant une main fatiguée sur les yeux. Je développe : puis-je savoir pour quelle obscure raison tu te couches dans cette espèce de nid à punaises au lieu de venir dans l'autre lit ?
─ Eh bien, je suis guéri, non ? Je n'ai plus besoin de rester là.
─ Bien sûr. Et comme être malade te manquait, tu t'es dit que tu allais passer une nuit à te les geler histoire de faire une petite rechute, ironisa Harry. Malfoy, sois gentil, s'il te plait, et arrête tes conneries. Viens te coucher.
─ Est-ce que tu peux comprendre, soupira Draco d'une voix exaspérée, que je ne trouve pas particulièrement agréable de partager le même lit que toi ? Je te signale juste au passage que ce truc est minuscule et prévu pour une seule personne. Déjà que je suis confiné en permanence dans un espace plus que réduit, j'aimerais avoir la possibilité de m'étaler comme je veux au moins pendant que je dors. Ou bien est-ce trop demander ?
─ Très bien, s'énerva Harry en se levant brutalement. Dans ce cas, on échange nos places. Je te rappelle quand même que tu as manqué de peu la pneumonie il n'y a pas si longtemps et que j'aimerais éviter, si possible, que tu me claques entre les pattes simplement parce que tu as décidé de faire ta diva. Alors bouge ton cul de cette paillasse merdique, que je m'y mette à ta place.
─ Je croyais t'avoir déjà dit que je ne voulais pas de ta pitié, siffla hargneusement Draco.
─ Ce n'est pas de la pitié, c'est du bon sens, répliqua Harry, excédé. Je n'ai aucune raison d'avoir pitié de toi, en revanche j'en ai une de m'inquiéter pour ta santé. Alors soit tu me laisses ta place, soit tu acceptes que ton auguste personne se couche dans le même lit que moi, mais tu te décides vite parce que je commence à en avoir ras-le-bol et que j'aimerais assez me rendormir, maintenant.
La tirade du jeune homme laissa Draco muet de stupeur durant un instant. Il fixa quelques secondes le visage fatigué de son codétenu, puis soupira en sentant une immense lassitude s'emparer de lui. Il en avait assez de lutter pour des broutilles.
─ Ca va, je viens, grommela-t-il finalement en se levant, avec une lenteur délibérée qui fit grogner Harry d'agacement. Je ne voudrais pas que le Sauveur du monde sorcier et moldu attrape une bronchite par ma faute, ajouta-t-il d'un ton acide.
Harry ne répondit rien et se contenta de se recoucher, face au mur. Draco soupira encore, puis finit par se glisser sous les couvertures délicieusement chaudes – elles avaient l'odeur de Harry et cela les rendait encore plus agréables, réalisa-t-il avec une grimace.
─ N'empêche, ne put-il encore s'empêcher de remarquer après un moment de silence, je regrette le temps où tu étais gaulé comme une crevette anémiée. Ca nous ferait plus de place…
─ Draco, honnêtement, tu me soûles, là, marmonna Harry d'une voix épuisée. Je suis déjà contre le mur, je ne peux pas faire mieux. Alors dors, maintenant.
Lorsque Draco se réveilla le lendemain matin entre les bras d'un Harry encore profondément endormi, il ne tiqua même pas, et s'extirpa silencieusement du lit pour aller prendre sa douche avant que le brun ne se réveille. Il ne vit pas que son mouvement avait réveillé Harry, et que le brun resta longtemps étendu sur le dos, les yeux grand ouverts rivés au plafond, et l'esprit en pleine confusion.
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La lourde porte de la cellule se referma avec un désagréable grincement, et Harry leva les yeux de son travail, suivant des yeux Draco qui s'effondra sur le lit en fermant les yeux.
─ Putain, s'exclama-t-il en se passant la main sur le visage avec lassitude. Un jour, je vais tuer ce fils de chien, à main nues s'il le faut.
Harry ne releva pas, et le laissa pester quelques instants contre Clint Barber, qui semblait-il avait encore poussé le jeune homme à bout. Puis il se leva de sa chaise et attrapa au passage le parchemin sur lequel il était en train d'écrire avant que Draco ne rentre de sa promenade quotidienne.
─ Tiens, dit-il en se laissant tomber à côté du blond. J'aimerais avoir ton avis sur ce passage. Ca te dérangerait d'y jeter un œil et de me dire ce que tu en penses ?
Draco rouvrit les yeux et le dévisagea un instant, l'air étonné, mais attrapa tout de même le parchemin et se redressa sur le lit. Alors qu'il lisait avec attention le travail de Harry, celui-ci ne put s'empêcher de remarquer, avec une certaine fascination, l'intense concentration dont faisait preuve Draco. C'était une sensation étrange, car il lui semblait que Malfoy ne paraissait jamais aussi présent que lorsqu'il tenait un livre entre les mains. Alors qu'il agissait toujours avec désinvolture dans tout ce qu'il faisait, comme s'il n'était pas vraiment là, comme s'il était bien au-delà de ce qui l'entourait. A contrario, quand il lisait, quand finalement il s'évadait de là où il était, en quelque sorte, il semblait à Harry que Draco gagnait en…densité.
─ Qu'est-ce que tu as à me regarder comme ça ? J'ai un truc sur la figure ?
Harry secoua la tête, un peu étourdi – il ne s'était même pas rendu compte que Draco avait terminé de lire et qu'il lui rendait son regard, le fixant de ses yeux gris avec intensité.
─ Alors, qu'est-ce que tu en penses ? demanda-t-il, préférant ne pas répondre à la question de son codétenu.
─ Je trouve très bien le personnage du jeune médicomage que tu introduis dans ce passage, fit Draco en reposant le parchemin sur le lit. Il me fait penser au meilleur ami de l'héroïne de ton deuxième bouquin.
─ Ah oui ? Je ne m'en étais pas rendu compte, murmura Harry, déstabilisé. Tu crois que je devrais changer quelque chose, dans ce cas ?
─ Surtout pas, c'est très bien comme ça. J'aimais beaucoup ce personnage, à vrai dire je crois même que c'est mon préféré parmi tous ceux que tu as créés. Cela dit j'ai trouvé dommage que tu n'aies pas plus développé à son sujet, il avait beaucoup de profondeur, il méritait d'être plus exploité. Peut-être que tu devrais, avec le médicomage...C'est ce que tu avais l'intention de faire ? demanda finalement Draco quand il s'aperçut que Harry ne réagissait pas.
─ Oui, parvint à articuler le jeune homme brun, sous le choc. Oui, c'est ce que j'avais l'intention de faire. Merci, ça m'aide beaucoup. Je vais aller faire un tour, je reviens.
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─ Donnez-moi plus de temps, déclara Harry sans préambule lorsqu'il réussit enfin à entrer en communication avec Rufus Scrimgeour. Un mois supplémentaire ne suffira pas.
Le ministre se renfonça dans son fauteuil, l'air mécontent.
─ Que se passe-t-il, Harry ? demanda-t-il, agacé. Je commence à perdre patience, et la population également. Si vous estimez que le jeune Malfoy ne parlera pas d'ici un mois, alors il est inutile que vous restiez à Azkaban un jour de plus. Rentrez chez vous et oubliez cette histoire, vous en avez déjà fait beaucoup.
─ Qu'est-ce qui vous fait penser que Malfoy ne résistera pas à l'Imperio comme il l'a fait avec le Veritaserum ? Il a dû y être préparé…
─ C'est ridicule, s'exclama Scrimgeour. Très peu de gens peuvent résister à ce sort, il faut une volonté de fer et une grande puissance magique pour y parvenir. Il n'y a aucune raison pour que Draco Malfoy ne réagisse pas à l'Imperio.
─ Et si malgré tout il y parvenait ? insista Harry, qui commençait à s'énerver. Vous n'êtes tout de même pas assez naïf pour penser que Malfoy est dépourvu de volonté, surtout après avoir passé trois années en cavale auprès d'un Mangemort aguerri. Sa résistance au traitement que vous lui imposez depuis trois mois en est la preuve, non ? Et il ne manque certainement pas non plus de puissance magique, pour avoir réussi à échapper aux Aurors durant tout ce temps, ajouta-t-il avec un rictus sarcastique.
─ Comme vous le faites si bien remarquer, répliqua sèchement le ministre, il était en compagnie d'un très dangereux Mangemort, qui l'a protégé pendant trois ans. Ca ne fait pas de lui quelqu'un de puissant ou de volontaire. Et quand bien même par malheur il résisterait…nous avons d'autres options.
─ C'est à dire ? s'enquit Harry d'une voix dangereusement calme.
La conversation commençait à prendre un tour très déplaisant, et il sentait une sueur glacée couler le long de son dos. En face de lui, Rufus Scrimgeour balaya l'air de la main d'un geste négligent, comme si toute cette discussion n'avait pas lieu d'être.
─ Il vaut mieux pour vous que vous ne le sachiez pas, répondit-il d'un air indifférent. Mais comme je suppose que rien de ce que je pourrai argumenter ne vous fera changer d'avis, je vous dirai une seule chose : nous sommes parvenus hier à appréhender Narcissa Malfoy. Elle se cachait dans le sud de la France, chez des membres éloignés de la famille de Lucius. Si Draco refuse de coopérer, elle pourrait bien subir le même sort que son époux.
─ Je vous demande pardon ? s'étrangla Harry. Et sous quels motifs, bon sang ?
─ Eh bien, cela semble pourtant évident, non ? C'est une Mangemorte, au même titre que sa sœur et Lucius, et elle est connue pour avoir fait partie des fidèles du Seigneur des Ténèbres. Je ne vois là rien d'étonnant à ce qu'elle soit punie de la même façon qu'eux.
─ C'est du délire, s'écria Harry. Même s'il avait été prouvé qu'elle a réellement servi Voldemort – et aux dernières nouvelles, ça n'a jamais été établi – elle n'a jamais tué personne, que je sache. Et vous voudriez lui réserver le même châtiment qu'aux meurtriers ?
─ Ce n'est qu'un point de détail, trancha Scrimgeour d'une voix glaciale. Nous ne sommes pas obligés de mettre réellement notre menace à exécution, l'essentiel reste que Draco Malfoy doit parler. Et je compte sur vous pour m'aider au mieux dans cette entreprise, mais si vous estimez que la manière douce ne donnera aucun résultat, alors j'emploierai mes propres méthodes. Que vous les appréciiez ou non.
L'homme s'agita soudain sur son siège et se mit à classer ses papiers en prenant un air affairé.
─ Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai du travail qui m'attend, et vous, un prisonnier récalcitrant. Je vous revois en fin de semaine, assena-t-il d'un ton qui n'admettait aucune réplique.
─ Rappelez-vous tout de même que vous m'avez accordé un mois supplémentaire, lança Harry en entrant dans la cheminée. Ne remettez pas en question notre arrangement, Scrimgeour, ou je pourrais bien le prendre très mal.
Lorsqu'il regagna la cellule, Draco prenait sa douche, et Harry se demanda vaguement s'il attendait toujours un moment où il ne pourrait pas le voir pour le faire. Lui-même ne se sentait jamais très à l'aise lorsqu'il s'agissait de se déshabiller devant quelqu'un, Malfoy encore plus que quiconque. Puis il balaya cette pensée aussi vite qu'elle lui était venue. Il fallait qu'il parle à Draco, immédiatement. La mascarade avait assez duré – et il se rendit compte avec étonnement qu'il avait enfin pris sa décision. Cela semblait si évident, à présent, qu'il se demanda pourquoi il avait hésité si longtemps. Enfin, il savait pourquoi, mais désormais, ses doutes lui paraissaient bien dérisoires.
─ Si je suis ici, c'est pour te faire avouer où se cache Snape, annonça-t-il brutalement alors que Draco sortait de la douche en s'enveloppant rapidement dans une serviette.
Le jeune homme blond se figea, et Harry eut l'impression qu'il se demandait s'il devait le frapper tout de suite, exiger des explications, ou éclater de rire. Et c'était probablement le cas, mais Draco ne réagissait jamais comme Harry s'y attendait. Au lieu de tout cela, Malfoy se contenta de le regarder fixement pendant ce qui lui parut durer une éternité, avant de simplement lui tourner le dos et de s'habiller tranquillement. Puis, enfin, il alla s'asseoir sur le lit, le visage dénué de toute expression, et Harry s'assit sur le lit d'en face, sans oser ajouter quoi que ce soit avant que Draco prenne la parole.
─ Je me doutais bien que c'était quelque chose comme ça, finit par dire Draco d'une voix où ne perçait aucune émotion. Merci d'avoir finalement cédé à tes scrupules avant que j'aie eu le temps de me dire que tu n'étais pas si détestable que ça.
─ Je ne voulais pas le faire, tenta faiblement Harry, effondré. Scrimgeour m'a forcé la main.
─ Je n'en doute pas, Potter, répliqua Draco d'un ton indifférent – mais Harry remarqua avec stupeur que ses mains tremblaient de manière à peine perceptible. Je suis curieux de savoir à quel point il t'a forcé, cependant. Mettre la main sur Snape, c'était déjà un bel appât, j'imagine.
Le brun se leva avec difficulté, le cœur battant à tout rompre sans qu'il pût s'expliquer pourquoi. Il ne comprenait pas pourquoi le manque de réaction de Draco le mettait si mal à l'aise, pourquoi il aurait préféré qu'il hurle, qu'ils se battent – n'importe quoi, plutôt que cette glaciale indifférence.
─ Au début, c'était ça, avoua-t-il finalement en attrapant une cigarette et en l'allumant fébrilement. Je n'arrive pas à me faire à l'idée que cet enfoiré soit encore en liberté alors qu'il a tué Albus de sang-froid ! s'écria-t-il en se retournant pour faire face à Draco.
Il faillit rajouter : « Pendant que toi, tu croupis dans les quartiers d'isolement d'Azkaban alors que tu n'as rien fait », mais il se retint alors que l'absurdité de son impulsion le rendait muet de stupeur. Venait-il vraiment de penser ça ? De son côté Draco aurait bien voulu lui répliquer que Severus Snape n'avait très certainement pas tué Dumbledore de sang-froid, mais il s'abstint de justesse.
─ C'est désolant de voir à quel point tu es rongé par la haine que tu as de cet homme, préféra-t-il dire, d'une voix aussi calme que possible. Et alors, qu'est-ce qui a changé entre-temps ?
Harry leva ses yeux verts sur lui, et Draco fut frappé par la détresse qui s'y lisait.
─ Scrimgeour a l'intention d'utiliser l'Imperio sur toi si je ne parviens pas à te faire parler, répondit-il d'une voix blanche. Je refuse de cautionner ça.
─ Comme c'est touchant, ironisa Draco d'un ton mordant. Et bien sûr, le Sauveur du monde sorcier, et même de ceux qui ne veulent pas être sauvés, s'est dit qu'il ne pouvait pas laisser le Ministère faire subir au pauvre Draco Malfoy ce pourquoi il en a pris pour dix ans, c'est bien ça ?
Il s'interrompit pour se servir d'autorité dans le paquet de cigarettes de Harry, avant d'ajouter :
─ Je suis désolé, mais je n'y crois pas une seule seconde. Ou alors, ton complexe du héros est bien plus développé que je ne le pensais, et dans ce cas, je ne saurai trop te conseiller d'aller rapidement consulter un psychomage, parce qu'à ce niveau-là ça relève de la pathologie, Potter. Je pense qu'il y a autre chose, et que tu refuses de me le dire.
Harry ne répondit pas. Que pouvait-il bien lui dire, de toute façon ? Oui, son cas relevait de la pathologie. Oui, il s'isolait volontairement du monde pour ne pas avoir à l'affronter. Oui, finalement, peut-être bien que son chien était sa façon de payer les erreurs qu'il avait commises auprès de tous ceux qu'il aimait – Ron, Hermione, Sirius, qui savait-il encore – et symbolisait son refus de s'attacher à un autre être humain. Et oui, il n'acceptait pas que le Ministère adopte les mêmes méthodes que les Mangemorts pour parvenir à ses fins. Et oui encore, il y avait autre chose.
Mais il ne pouvait pas. Lui dire que cette prise de conscience, aussi brutale et douloureuse fût-elle, c'était à Draco qu'il la devait. Lui dire qu'il ne pouvait plus mentir parce qu'il commençait à l'apprécier. Plus qu'il ne l'aurait jamais imaginé. Lui dire que ce qui n'était qu'une épreuve déplaisante au départ s'était transformée en trahison à ses yeux. Lui dire que s'il était sorti aussi précipitamment tout à l'heure, c'était parce que Draco lui avait dit, sans le vouloir, que le personnage qu'il préférait dans ses romans, c'était celui dans lequel il avait mis le plus de lui-même, et que cela l'avait troublé au delà de ce qu'il pouvait imaginer.
Lui dire que tout ça, c'était trop pour lui, trop d'un coup et qu'il n'avait qu'une envie, c'était de rentrer chez lui et oublier tout ce qu'il avait vécu durant ces trois semaines à Azkaban, tout en sachant qu'il était trop tard pour revenir en arrière. Et qu'à cause de tout cela, il voulait, sans bien savoir comment ni pourquoi exactement, confusément, permettre à Draco de retrouver sa dignité, ses droits, de purger la peine qu'il méritait et pas cet enfer quotidien. Et tant mieux si pour cela, il devait lui faire avouer où se trouvait Snape – car oui, il ne supportait toujours pas l'idée que Draco soit là où Snape devait être à sa place.
Draco le regardait silencieusement, attendant sa réponse, et Harry vit soudain à sa place le visage dévasté de Sirius. Cela non plus, il ne pouvait pas lui dire. Qu'il refusait que Draco devienne ce que Sirius était devenu. Il ne pouvait pas lui dire tout cela, alors il se contenta finalement de répondre :
─ Scrimgeour m'a promis que tu aurais une remise de peine si tu disais où se trouve Snape. Au moins cinq ans, si ce n'est pas plus.
─ Ce que tu peux être naïf, Potter, ricana doucement Draco. Tu es toujours aussi facilement manipulable, c'en est presque triste. Tu crois vraiment que ce magouilleur de Scrimgeour va m'accorder une remise de peine, juste pour tes beaux yeux ? De toute façon, il me faudrait bien plus que cinq ans pour je leur dise où est Snape.
─ Tu ne comprends pas, s'énerva Harry, de plus en plus fébrile. Enfin, merde, Malfoy, tu ne vas pas me dire que ta loyauté envers cette ordure est plus forte que la perspective de réduire ta peine de moitié…Et puis, ajouta-t-il d'une voix hésitante, le Ministère a des moyens de pression que tu ne soupçonnes pas…Ils peuvent te faire bien pire que ce que tu subis déjà.
─ Voyez-vous cela, rétorqua Draco d'un ton presque guilleret. Et toi, en bon Samaritain que tu es, tu veux m'éviter ça à tout prix ?
─ C'est exactement ça, fit Harry avec un pauvre sourire. Mon complexe du héros, tu te rappelles ?
─ Tu perds ton temps, Potter. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de Scrimgeour pour qu'il s'imagine que j'irai te parler…
─ Il pensait que je parviendrais à te faire sortir de tes gonds et que tu finirais par cracher le morceau sous le coup de la colère.
─ …Mais tu n'obtiendras rien de moi, continua Draco avec un regard noir – mais Harry crut percevoir chez lui un léger changement d'attitude.
Le jeune homme blond semblait s'être un peu calmé, et paraissait même à présent presque amusé par la situation. Son impression se confirma lorsque Draco, après avoir jeté sa cigarette dans les toilettes, se retourna vers lui et lui demanda, un léger sourire aux lèvres :
─ Et combien de temps es-tu censé poursuivre cette mascarade ?
─ Encore un peu plus d'un mois, répondit Harry en lui rendant un sourire incertain. Et même si je préférerais encore m'arracher un bras et me le bouffer, je m'y tiendrai.
Draco haussa les épaules, ayant perdu tout intérêt pour la conversation, sembla-t-il à Harry.
─ Si ça t'amuse, renifla-t-il. Mais étant donné que tu n'as strictement rien à m'offrir en échange de mes aveux, tu peux d'ores et déjà rentrer chez toi ; tu n'as aucune chance.
─ C'est ce qu'on verra, répliqua Harry d'un ton léger. Je trouverai bien quelque chose…
Malfoy lui tourna le dos, en marmonnant quelque chose d'indistinct à propos de l'optimisme désolant de l'ancien Griffondor, mais ne fit pas de commentaire supplémentaire et regagna son lit pour se plonger à nouveau dans la lecture.
o0O0o
La journée s'acheva dans un silence relatif, ni Harry ni Draco n'ayant particulièrement envie de s'adresser la parole plus que nécessaire, et chacun réfléchissant de son côté à la discussion qui avait eu lieu dans l'après-midi. La situation dura un peu plus de trois jours jours, pendant lesquels Draco fit tout son possible pour ignorer Harry et ainsi lui faire payer sa présence indésirable dans sa cellule, et où Harry passa plus de temps à se creuser la tête pour trouver un moyen de regagner sa confiance qu'à travailler sur son livre.
Il leur semblait à tous les deux que le fragile équilibre qu'ils avaient finalement réussi à instaurer était dorénavant irrémédiablement brisé, ou au moins qu'il leur serait difficile de retrouver leur semblant d'entente. Et depuis deux jours, Draco ne se réveillait plus dans les bras de Harry. Cela aurait pu les soulager l'un et l'autre, mais curieusement, cette constatation leur laissa comme un goût amer dans la bouche. Peut-être parce que Draco se rendait compte qu'il se sentait plus trahi qu'il ne l'aurait voulu par Harry – et par conséquent, que cela voulait dire qu'il s'était laissé approcher bien plus près qu'il ne l'aurait souhaité. Et pour Harry, cela voulait dire que Draco n'avait plus suffisamment confiance en lui pour se laisser aller de la sorte, même inconsciemment.
Etrangement, cela lui faisait mal.
Ce fut la raison pour laquelle, la veille de son entretien hebdomadaire avec Rufus Scrimgeour, Harry décida de s'éclipser une nouvelle fois pour rendre visite à Théodore. Ce n'était pas vraiment prémédité – il se rendait simplement compte que l'enfermement permanent lui était encore plus difficile à supporter depuis l'altercation qui l'avait opposé à Draco ; les choses lui semblaient encore plus grises qu'à l'accoutumée, la cellule plus petite. Il réalisait également qu'il y avait bien des choses qui n'allaient pas si bien que cela dans sa vie, mais il ne savait pas vraiment s'il était en plein délire ou si ce sur quoi Draco lui avait ouvert les yeux existait réellement. Il avait besoin d'un avis extérieur et objectif, et Théo lui apparaissait comme la seule personne à pouvoir lui venir en aide.
─ Tu as mauvaise mine, déclara son ami lorsque Harry passa le pas de sa porte, déjà fêté par son chien, fou de joie de revoir son maître si vite.
─ J'étais venu te proposer une petite ballade en forêt, éluda le brun. J'ai besoin d'air et de compagnie.
Théodore haussa un sourcil moqueur, mais s'abstint de faire le moindre commentaire sur son manque de diplomatie – de toute façon, Harry s'en était aperçu tout seul, puisqu'il lui demanda immédiatement après de ses nouvelles.
─ Ce serait plutôt à moi de te demander comment tu vas, fit remarquer Théo alors qu'ils se dirigeaient à pas lents vers le bois qui bordait sa propriété. On dirait que tu n'as pas dormi depuis une semaine…Draco est si invivable que ça ?
─ Non, reconnut Harry avec une franchise qui l'étonna lui-même. Je lui ai dit pourquoi j'étais à Azkaban, ajouta-t-il après un moment d'hésitation.
Théodore tourna son regard vers lui, et s'il fut surpris de l'aveu de son ami, il n'en laissa rien paraître.
─ C'est une bonne chose, dit-il simplement. Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?
─ Tu avais raison.
Harry balaya l'air de la main, une expression maussade sur le visage. Finalement, parler à Théo se révélait plus malaisé qu'il n'y paraissait.
─ Je sais parfaitement que profiter de la confiance des gens pour leur soutirer des informations, c'est dégueulasse, dit-il enfin. Le fait que ce soit Malfoy, ou que ce soit pour coincer Snape ne change rien au problème.
Théodore hocha doucement la tête.
─ Tu ne me dis pas tout, n'est-ce pas ? demanda-t-il à Harry, qui détourna les yeux.
─ Tu sais, ta théorie comme quoi Meuhmeuh serait une sorte de palliatif à la mort de Ron et d'Hermione…peut-être bien que tu as raison, finalement. Ou peut-être que c'est Draco qui a raison à propos de Sirius, va savoir…
─ Il t'a vraiment mis la tête à l'envers, sourit Théodore avec amusement. Mais tu m'excuseras si je ne vois pas le rapport avec ce que tu m'as dit juste avant…
─ Disons qu'il m'a ouvert les yeux sur pas mal de choses, répondit Harry, mal à l'aise.
─ Comme quoi ? Le fait que tu restes anormalement isolé chez toi depuis la fin de la guerre, ou que tu n'es plus capable de nouer des relations normales avec les gens ? Que tu vis encore dans le passé tout en n'étant pas capable de l'affronter ?
─ Entre autres, grogna le brun, mécontent. Tu pourrais au moins faire semblant de ne pas être d'accord avec lui, c'est franchement vexant.
─ Je pourrais te répondre que c'est plutôt moi qui devrais me sentir vexé de n'avoir pas pu te faire admettre en trois ans ce que lui est parvenu à te faire réaliser en à peine un mois, répliqua Théodore avec humour. Mais, ajouta-t-il plus sérieusement alors que Harry retenait une exclamation agacée, je suis désolé de te dire ça, il a raison. Depuis combien de temps n'es-tu plus allé rendre visite aux Weasley ? Pourquoi ne t'es-tu pas remis avec Ginny alors que la guerre est terminée depuis longtemps ? Il y a une raison à tout ça, Harry, et tu la connais…
─ Ca va, ça va ! s'exclama Harry, à bout. OK, j'ai peut-être plus de mal que je ne le pensais à gérer certains trucs dans ma vie, mais ne noircis pas trop le tableau, tu veux ? Je ne suis pas si névrosé que ça, tout de même.
─ Il y a autre chose, hein ? demanda abruptement Théo, préférant changer de sujet, ce dont Harry lui fut reconnaissant.
Cependant, cette nouvelle question n'aidait pas non plus à alléger l'atmosphère. Il soupira lourdement, et sortit une cigarette de son paquet à moitié écrasé – il grimaça lorsqu'il constata qu'il était presque vide. Il fumait beaucoup trop en ce moment, et il songea ironiquement que Draco, non content de lui retourner l'esprit, lui ruinait également la santé.
─ Les Aurors ont arrêté Narcissa Malfoy dans le sud de la France il y a quelques jours, finit-il par avouer. Scrimgeour songe à menacer Malfoy de faire subir le baiser du Détraqueur à sa mère, pour lui mettre la pression et le forcer à parler – si l'Imperio ne fonctionne pas.
─ …Tu l'as dit à Draco ? demanda Théodore, qui avait laissé tomber son flegme habituel au profit d'une expression franchement indignée.
─ Non, je ne savais pas comment aborder le sujet, reconnut Harry. Je ne suis pas sûr qu'il ait été disposé à m'écouter, de toute façon, à ce moment-là…
─ Tu devrais lui dire, l'interrompit son ami. Je ne crois pas qu'il te pardonnera un deuxième mensonge – si tant est qu'il te pardonne déjà le premier, crut-il bon de préciser, mais Harry secoua la tête en signe de dénégation.
─ Je lui dirai, probablement demain après mon entrevue avec le ministre, affirma-t-il. Mais je voudrais tout de même trouver un moyen de réussir à le faire collaborer. Il dit que cinq ans de remise de peine, ce n'est pas assez pour lui faire avouer où est Snape.
─ Tu tiens tant que ça à lui faire payer la mort de Dumbledore ? demanda doucement Théo. Draco ne le vendra pas si facilement, tu sais.
─ Je sais. Mais je veux cet enfoiré.
Théodore ne répondit pas tout de suite, semblant perdu dans ses pensées alors qu'il s'amuser à lancer des bouts de bois que le chien de Harry lui rapportait en courant comme un fou, trop heureux qu'on s'occupe de lui.
─ Est-ce que tu as pensé à négocier personnellement avec Draco ? finit-il par demander au bout d'un long moment de réflexion. Je veux dire, en ton nom propre et pas au nom du Ministère ?
─ Je n'ai rien à offrir à Malfoy en échange de ses aveux.
─ Tu te trompes, déclara Théodore. Si c'est le Ministère qui met la main sur Snape, il y a peu de chance pour qu'il s'en sorte vivant. Alors que si tu lui promets que tu intercéderas en sa faveur, ou encore que tu t'occuperas personnellement de son cas, tu as peut-être une chance d'obtenir ce que tu veux, surtout si tu lui dis en plus que la vie de sa mère est en danger s'il ne parle pas.
─ Attends, tu voudrais que moi, je promette à Malfoy que je laisserai Snape en vie si je m'en occupe personnellement ? s'écria Harry, choqué. Mais bon sang, Théo, je ne suis même pas sûr de pouvoir me maîtriser si je l'ai un jour en face de moi !
─ Moi je crois que Draco préférera largement que Snape ait très mal parce que tu t'es défoulé sur lui, plutôt que de savoir qu'il se fera tuer par les Aurors s'ils le retrouvent avant toi, objecta Théodore. Dis-moi, qui as-tu tué en dehors du Seigneur des Ténèbres ? Tu es foncièrement bon, Harry. Je ne pense pas que tu sois capable de tuer Snape, quelle que soit la haine que tu éprouves pour lui. Et n'imagine pas que Scrimgeour va se contenter de mettre Snape sous les barreaux. Si un Auror commet « malencontreusement » une bavure, il en sera ravi, au contraire. Et puis, ce sera également un moyen de prouver ta bonne foi auprès de Draco, de lui montrer que tu veux collaborer…et tu ne passeras plus pour le toutou du ministre.
─ Je ne sais pas, Théo, fit Harry, dubitatif. Ca me paraît carrément tiré par les cheveux, ton histoire.
─ Essaie toujours, répondit Théodore, pragmatique. Ca ne te coûte rien, et au pire, qu'est-ce que tu risques ? Qu'il te dise non, mais très honnêtement, ça m'étonnerait beaucoup.
Harry resta muet. Il ne voulait pas dire à Théo que justement, il craignait par-dessus tout que Draco refuse de coopérer. Et ce n'était pas seulement parce qu'un refus impliquerait de ne pas retrouver Snape…Au contraire, cette partie du problème lui semblait soudain être reléguée au second plan, et il redoutait bien plus ce que Scrimgeour serait capable de faire subir à Draco s'il refusait de lui livrer le Mangemort. Mais bien évidemment, il ne pouvait pas expliquer cela à son ami, car il savait pas lui-même ce que ce brusque changement de priorité impliquait pour lui.
Ou peut-être n'avait-il pas envie de le savoir, au fond…
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A suivre…
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Merci d'avoir lu jusque là. Comme d'habitude, si vous avez le moindre commentaire à faire sur cette histoire, le petit bouton en bas à gauche est là pour ça !
Et pour finir : Save a Dave, bond a Marie !