Titre : « Vivre »

Auteur : Mokoshna

Manga : Naruto

Crédits : Naruto est la propriété de Masashi Kishimoto et de Jump. Je ne reçois pas d'argent pour cette fic, je ne risque pas d'en donner à qui que ce soit (vu l'état de mes finances ça n'irait pas loin de toute façon).

Avertissements : Spoilers du manga jusqu'au volume 26, chapitre 233. Après ça n'a plus vraiment d'importance puisque la fic suit sa propre voie. Par conséquent l'histoire risque d'être un peu (beaucoup ?) AU. Et il y a du Yaoi, du SasukeXNaruto pour être précis. D'autres peut-être plus tard ? A voir.

Commentaires artistiquement idiots de l'auteur : Et une fic Naruto, une ! Celle-ci est ma vision personnelle de ce qui a pu arriver aux personnages à partir de la fin de la première grande partie du manga. J'ai changé un peu la fin et la suite n'aura plus grand-chose à voir avec la version officielle, à part peut-être l'apparition des nouveaux persos de la seconde partie... On verra, ceux qui ont déjà lu d'autres fics de moi doivent savoir que je ne décide pas vraiment de la tournure des événements à l'avance. En espérant que cette histoire va plaire aux gens... Je remercie d'avance ceux qui prendront la peine (j'espère qu'il y en aura !) de me laisser une review ou deux...

XxXxXxX

Chapitre 1 : « Partir »

xxxxx

Le rai de lumière qui tombait sur eux diminua peu à peu jusqu'à ne plus être qu'un mince filet au milieu du visage de Naruto. Sasuke le contemplait, son propre visage affichait une expression neutre. Le noeud avec lequel il avait attaché son bandeau frontal se défit comme sous l'assaut de doigts invisibles ; libéré, il tomba par terre, tout près de la tête du garçon inconscient. Le regard de Sasuke n'avait pas changé.

- Naruto, murmura-t-il comme pour lui-même. Je...

Un picotement mouillé sur son épiderme attira son attention vers le haut. Les sentiments qu'il n'avait pu transposer à travers ses actes ou ses mots, le ciel s'en chargeait à présent pour lui. La pluie balaya le sol et nettoya sur son visage les impuretés causées par le combat. Naruto n'avait pas bougé. Sasuke l'enviait un peu à ce moment.

Soudain, une douleur vive traversa son bras, une douleur qui lui fit cracher du sang et se mettre à genoux. Il serra désespérément son épaule blessée ; le sang teintait de rouge le bout des cheveux de Naruto, mais la pluie se chargeait de l'enlever naturellement. Sasuke le voyait de très près ; il se baissa vers lui, vers son visage aux yeux clos. Naruto avait les yeux bleus, autant que le ciel qui s'obstinait à rester caché derrière les nuages. Il avait les plus beaux yeux qu'il avait jamais contemplé chez un être humain, les plus expressifs aussi. Ses yeux, son visage, son corps, tout était en constant mouvement chez Naruto ; mais cette expression impassible, cette pose sans vie, ce silence... ce n'était pas le Naruto qu'il avait connu. Ce n'était pas son Naruto. Très près, de plus en plus près, jusqu'à ce que son nez touche presque le bandeau frontal de son ami... La pluie tombait à torrents. Il ne la sentait pas. Il avait l'impression de ne rien sentir, qu'il ne ressentirait plus jamais rien. La douleur, peut-être...

- Sasuke...

Il ouvrit ses yeux en grand. Ce mot, son nom que Naruto avait chuchoté dans son état...

- Sasuke...

Il sonnait comme un appel suppliant, et c'était sans doute le cas. C'était le dernier recours du jeune ninja pour atteindre son ami. Même inconscient, même à moitié mort, il tendait encore désespérément le bras vers lui, essayant de toutes ses forces de le retenir, ses dernières forces...

- Sasuke...

- Idiot, répondit la voix cassée de son ami. Même mort, tu resteras toujours un imbécile, le dernier des crétins...

Il ne disait plus rien, à présent. Naruto semblait être tombé dans un profond coma.

- Seul le roi des imbéciles aurait fait ce que tu as fait... pauvre tache...

Ses larmes se mêlèrent à la pluie. Sasuke esquissa un faible sourire. Doucement, il se pencha davantage vers le garçon évanoui et d'une caresse, il lui baisa le front, juste à l'emplacement de l'insigne de Konoha.

- Tout ce que j'ai jamais voulu, soupira Sasuke, tous ceux que j'ai jamais aimé... imbécile.

xxxxx

Lorsque Kakashi arriva dix minutes plus tard, ce fut pour trouver un champ de bataille dévasté, les statues des anciens Hokage en partie détruites, la pluie recouvrant tout.

- Suis-je arrivé trop tard ?

Le site était vide. Pas une trace de ses élèves. Pakkun renifla piteusement le sol à la recherche du moindre indice. Il releva son museau mouillé au bout de cinq secondes à peine.

- Inutile, fit-il d'un air désolé. La pluie a effacé leurs traces. Je ne sens plus rien.

Kakashi fronça les sourcils.

xxxxx

Il sentit l'odeur des brochettes yakitori avant de pouvoir ouvrir les yeux. Le parfum alléchant lui brouilla les idées ; il ne se souvenait pas qu'il y avait un marchand ambulant qui s'était installé près de chez lui... et le restaurant le plus proche était deux pâtés de maison plus loin. L'odeur se fit de plus en plus persistante ; son ventre commençait à le faire souffrir tellement il avait besoin de nourriture... Il ouvrit les yeux.

- A LA BOUFFE ! s'écria-t-il en se levant précipitamment.

Bien mal lui en prit. Une douleur aiguë le fit se plier en deux. Il avait l'impression que chaque fibre de son corps allait se rompre...

- Imbécile, fit une voix qu'il reconnut sans peine. A peine réveillé, et tu trouves le moyen de te faire mal encore une fois ?

Un plat encore fumant de brochettes et de riz lui fut mis sous le nez. Il remonta le long du bras qui tenait la nourriture ; un bras blanc, qu'il avait serré des dizaines de fois, qu'il avait frappé des centaines de fois...

- Sasuke !

- C'est bien, au moins tu te souviens de mon nom, fit sèchement son ami.

Naruto fut pris d'un sentiment violent qui balaya les derniers doutes qu'il avait eu. Oubliant totalement le plateau que lui tendait Sasuke, il se précipita à son cou en pleurant à chaudes larmes. Ses doigts encore faibles s'agrippèrent autant qu'ils le pouvaient au vêtement de son ami. Celui-ci fut un peu surpris mais il ne lâcha pas pour autant le plat qu'il tenait.

- Sasuke, pleurait et riait à la fois Naruto, Sasuke...

- Ma parole, tu ne sais dire que ça, tête de piaf. Lâche-moi, tes brochettes vont refroidir.

Naruto resserra son étreinte.

- Pas question, fit Naruto entre deux sanglots, je ne te lâche pas. Je ne te lâche plus.

Sasuke poussa un profond soupir. Il posa le plat qu'il tenait encore sur une table de chevet près du lit, et doucement, avec hésitation, il mit ses bras autour du corps tremblant de son ami. Naruto avait cessé de pleurer et fixait à présent le mur d'en face avec appréhension.

- Je suis là, fit lentement Sasuke, je ne partirai pas. Pas cette fois.

- Promis ?

- Oui, promis.

- Sur la tête de Sakura ? Le sharingan de Kakashi ? Les seins de Tsunade ?

- Naruto...!

- Ok, ok. Promis.

Il se retira de ses bras et lui fit un immense sourire qui sembla illuminer la pièce un instant. Naruto regarda autour de lui. Il se trouvait dans un lit petit et un peu miteux, mais les draps étaient propres et sentaient une légère odeur de jasmin. La pièce dans laquelle ils se trouvaient était toute simple et ne comprenait qu'un lit (celui dans lequel il était allongé), une chaise sur laquelle était assis Sasuke, un buffet avec quelques couverts en bois, une petite table de chevet et une couverture jetée nonchalamment dans un coin. Au vu du paysage qu'il voyait à travers les fenêtres, Sasuke les avait installés dans une petite cabane en bois au fin fond d'une forêt. Le temps était clair et chaud.

- Quand...

- Trois jours, lui répondit Sasuke. C'est le temps où tu es resté inconscient.

Naruto fit une moue dégoûtée. Son estomac choisit ce moment pour se rappeler à lui, dans un déchaînement de gargouillis bruyants.

- Euh...

Il s'empara de l'assiette qui n'attendait que lui et se mit à dévorer frénétiquement son repas.

- Doucement, fit Sasuke en le regardant manger, tu n'as rien ingéré depuis des jours. Tu vas te rendre malade si tu vas trop vite.

Naruto ne ralentit pas son allure pour autant. Quand il eût fini le plat, il tendit l'assiette vide vers l'autre garçon en lui faisant un sourire carnassier. Quelques grains de riz restaient attachés à son menton et il y en avait même un sur le bout du nez.

- Encore ! réclama-t-il. Je crève la dalle !

- Je te l'ai déjà dit, si je t'en donne plus tu vas te rendre malade.

- T'abuses ! Je vais très bien ! Je pète la forme !

- Ah oui ? Et c'est qui qui s'est tordu de douleur parce qu'il venait enfin de faire un mouvement depuis quelques petits jours ?

- Foutaises ! Je suis un ninja ! Non, un génie ! Je peux encaisser tes coups de fillette sans problème, lavette !

- Tu me tapes sur les nerfs, fit son interlocuteur en se levant brusquement. J'aurais dû te laisser crever.

- Alors, pourquoi tu ne l'as pas fait ?

Sasuke fut pris de cours en voyant l'expression grave, presque douloureuse sur le visage du blessé. Il était passé d'un registre à un autre à une vitesse si effrayante pour le personnage... ou peut-être pas, après tout. Naruto avait toujours été un kaléidoscope d'émotions et de caractères, un être si instable et imprévisible... Son ami lui adressa un sourire triste, teinté de nostalgie et de regret.

- Tu es mon ami, dit-il simplement au bout d'une minute. Mon plus cher ami. Mon meilleur ami.

Les yeux de Naruto s'emburent de larmes. Il fit un sourire si heureux, si heureux, que Sasuke ne put s'empêcher de le lui rendre avec moins d'amertume que précédemment. Son visage rayonnait littéralement dans le silence de la pièce.

- Oui, fit le jeune garçon d'une voix tremblante où l'émotion se mêlait à l'émerveillement. Mon plus cher ami.

xxxxx

Il ne fallut pas deux jours à Naruto pour retrouver sa mobilité. Le troisième jour, il allait déjà pêcher avec Sasuke ; les brochettes qu'il avait achetées à l'occasion du rétablissement de Naruto étaient un luxe pour eux qui étaient à présent sans ressources. Leur collaboration rodée par le travail en équipe qu'ils avaient dû effectuer lors de l'examen Chuunin était efficace et souffrait de peu de fioritures. Naruto ferrait le poisson avec ses clones et le dirigeait vers Sasuke, qui l'attrapait rapidement et le tuait d'un coup net. Ils utilisaient la même méthode à quelques détails près pour la chasse. Mais comme ils avaient besoin aussi de fruits et de légumes et que Naruto s'y connaissait autant en cueillette sauvage qu'une limace sourde et aveugle, c'était Sasuke qui s'en chargeait, tandis que l'autre garçon le suivait comme son ombre, s'extasiant bruyamment sur le moindre bout de champignon qu'il trouvait au détour d'une souche pourrie (et qui se révélait immanquablement vénéneux).

De même, c'était Sasuke qui s'occupait de la cuisine ; il avait l'habitude de se préparer des repas équilibrés depuis l'âge de six ans tandis que Naruto savait à peine faire bouillir de l'eau pour ses nouilles instantanées. Le jeune garçon blond le regardait toujours faire avec le regard pétillant ; qu'il coupe la viande avec précision et révérence, qu'il accommode les plats avec quelques herbes qu'il avait pu trouver dans la forêt ou qu'il les présente avec goût sur les plats en bois qu'il avait sculptés dans un arbre abattu dont le reste leur servait de réserve de chauffage pour les nuits plus fraîches. Le sourire qu'il faisait en disait long sur ce qu'il pensait du savoir-faire de son camarade ; une fois, il lui dit même carrément tout haut qu'il ferait une bonne épouse. Sasuke lui asséna un coup de poing bien placé au milieu du visage et le priva de dîner.

Ils étaient parvenus à un accord tacite, que même l'exubérant Naruto avait compris sans qu'ils émettent le moindre mot. Une semaine ; c'était le temps imparti qu'ils s'étaient donné pour le rétablissement de leurs corps et de leurs esprits. C'était aussi la limite qu'avait calculé Sasuke avant que leurs poursuivants éventuels (que ce soit les membres d'Akatsuki, les hommes de main d'Orochimaru ou les ninjas de Konoha) ne les retrouvent. Aux dernières nouvelles, ils se battaient encore entre eux avec acharnement. Naruto se demandait constamment ce qui était advenu de ses compagnons de mission ; mais comme il ne voulait pas brusquer Sasuke, il s'abstenait de toute question. Toutefois, il lui arrivait très souvent de repenser au visage en larmes de Sakura, telle qu'il l'avait laissée au village Konoha. Dans ces moments-là, son coeur se serrait douloureusement et il eut envie plus d'une fois d'assommer Sasuke sans préambule pour le ramener aussi sec. Mais un seul coup d'oeil sur le visage inexpressif de son ami l'en dissuadait. Il ne voulait pas ramener un Sasuke pareil à la fille qu'il aimait. Il ne voulait plus la voir pleurer, plus jamais.

Ils se trouvaient dans le pays des Sources, un pays minuscule et quasiment dépeuplé situé à l'ouest du continent, dont les habitants avaient des moeurs rudes et simples. Le village le plus proche était bien à plus de vingt kilomètres de leur forêt. D'après Sasuke, la cabane dans laquelle ils logeaient avait dû appartenir à un vieil ermite qui était mort des années auparavant ; le jeune shinobi avait enterré son squelette tout près de là. Naruto jetait quelquefois un coup d'oeil hésitant à la stèle rudimentaire qu'avait placé Sasuke sur la tombe (un simple bout de boit en bourgeon), comme s'il craignait à chaque instant que le fantôme de l'homme ne surgisse de la terre pour les maudire. Mais comme rien ne se passait, il eut vite oublié la présence de ce cadavre tranquille pour se concentrer sur son ami.

La vengeance tiraillait toujours autant l'héritier des Uchiha, mais il l'avait faite taire pour quelques temps, du moins il en donnait l'apparence. En vérité, Naruto guettait le moindre signe d'hostilité de la part de son ami, la moindre faille qui aurait pu faire penser qu'il avait changé d'avis et voulait rejoindre Orochimaru. Il avait été un peu gêné au début, mais il avait insisté pour dormir accroché à son ami, dans l'unique petit lit de leur cabane. Sasuke s'était juste contenté de hocher la tête quand il lui avait fait la requête, ce qui était un miracle en soi. Peut-être n'avait-il lui-même pas confiance en sa volonté ; quoi qu'il en soit, chaque nuit, Naruto s'allongeait avec une légère rougeur sur les joues tout contre Sasuke, qui le laissait faire sans un mot. Au bout de trois jours, les garçons n'y pensaient déjà plus et se coulaient naturellement sous les draps.

Naruto ne quittait pas son ami d'une semelle ; ils mangeaient ensemble, chassaient ensemble, s'entraînaient ensemble et cela allait sans dire, dormaient ensemble. Cinq jours, et Naruto s'était déjà habitué à la présence constante de son rival. Celui dont il ne pouvait supporter la vue quelques mois auparavant, il faisait maintenant des pieds et des mains pour rester en permanence à ses côtés. Le jeune ninja meublait les silences de son ami ; il détestait lorsque Sasuke restait sans rien dire, car il savait que c'était dans ces moments-là qu'il réfléchissait. Mais Sasuke s'obstinait à garder le silence, sauf pour donner des instructions de pêche et de chasse à Naruto ou pour lui ordonner de faire les draps. Il était maintenant devenu un expert dans ce domaine.

Si quelqu'un lui avait dit à peine un mois plus tôt qu'il suivrait Sasuke comme un petit chien et qu'il obéirait (plus ou moins) docilement à ses ordres, il lui aurait cassé la figure sur-le-champ. Mais c'était vraisemblablement ce qui se passait là. Il n'en voulait même pas à Sasuke. La vérité, c'était qu'il avait bien trop peur de se réveiller un beau matin tout seul dans des draps froids. Rien qu'à cette pensée, il serrait encore plus désespérément les vêtements de Sasuke et il lui arrivait même de se jeter à son cou lorsqu'une vision déprimante s'imposait sous ses yeux. Mais il se rappelait bien vite à qui il avait affaire et se retirait précipitamment, tandis que Sasuke remettait ses vêtements en ordre. Puis ils retournaient s'entraîner. Naruto regrettait plus que jamais ces jours heureux où ils accomplissaient ensemble des missions avec Sakura et Kakashi, même les plus dérisoires. C'était décidé ; si jamais il réussissait à convaincre Sasuke de rentrer, il ne se plaindrait plus des missions de classe D qu'on lui donnerait et les ferait sans rechigner (du moins il essaierait-les deux premiers jours).

Sasuke avait repris ses anciennes habitudes. De l'aube jusqu'à très tard la nuit, il se battait sans cesse contre Naruto ou faisait des exercices, mais leurs combats manquait la hargne de leur dernière véritable confrontation. Naruto en était extrêmement soulagé ; il ne voulait plus jamais revoir l'expression de folie haineuse qui avait envahi le visage de son ami ce jour-là.

La semaine passa très vite, trop vite. A peine Naruto s'était-il un peu attaché à leur style de vie tranquille, au fin fond de cette forêt, qu'ils devaient déjà partir. Il n'était que temps. Sasuke semblait troublé. Peut-être ressentait-il la présence lointaine mais sûre d'ennemis...

Naruto n'arrivait à rien. Au sixième jour, il était tellement dégoûté qu'il réussit à peine à atteindre toutes les cibles à son entraînement. Il faillit tuer un oiseau innocent qui se trouvait sur le même arbre que sa dernière cible. De frustration, il jeta son kunai à terre. Sasuke le fixait sans un mot.

- J'en ai assez ! s'écria-t-il. Qu'est-ce qu'on fout ici ? On devrait déjà être rentré au village ! On perd notre temps !

Sasuke ramassa lentement le kunai délaissé et le contempla d'un air impassible. Puis il leva les yeux vers Naruto et fit une moue grave.

- Je ne retournerai pas au village, dit-il si doucement que Naruto crut s'être trompé. Je dois devenir fort ; ce n'est pas avec eux que j'y arriverai.

- Foutaises ! lui asséna Naruto. On a les meilleurs ninjas du pays ! Konoha est... Konoha est...

- C'est inutile, Naruto. J'y ai déjà réfléchi. Je n'ai pas arrêté, à vrai dire. Je ne retournerai plus là-bas. Tu peux partir si tu veux ; je ne te retiens pas, mais n'essaie pas de me ramener. Je te tuerai.

Naruto serra les poings si fort qu'il sentit ses ongles couper la peau de ses paumes. Un peu de sang perla de ses mains. Il avait presque envie de pleurer.

- Et cette semaine, alors ? Elle n'aura donc servi à rien ? Pourquoi ? POURQUOI, SASUKE !

Son ami secoua la tête et fit un sourire étrange.

- Je le savais. Tu ne peux pas comprendre, évidemment. Tu es faible.

- NON, JE NE COMPRENDS PAS ! ILS NOUS ATTENDENT TOUS LA-BAS, SAKURA, KAKASHI ET LES AUTRES ! COMMENT PEUX-TU LES LAISSER COMME CA !

- Je suis ma voie, ils suivent la leur. Dès le départ, j'avais dit que mon but était de me venger. Mais pour cela, je dois devenir fort, plus que quiconque. Et je ne peux pas y arriver avec vous. C'est comme ça. Je ne te céderai pas. Cette semaine était une erreur.

Naruto tremblait si fort qu'il donnait l'impression de vouloir se briser à chaque instant. Sasuke détourna le regard et commença à s'éloigner. Il était déjà arrivé à la lisière de leur clairière d'entraînement...

- Et si je vais avec toi ? Si je t'aide à devenir fort ?

Son ami s'arrêta, mais sans se retourner. Naruto se mordit a lèvre.

- Tu veux me gêner ?

- Je ne le ferai pas ! Au contraire, je m'entraînerai et je... je...

Les épaules de son camarade furent prises d'un spasme. Puis il éclata d'un rire effrayant qui tournait à l'hystérie ; Naruto se boucha les oreilles.

- Tu dis vouloir m'aider ? TOI !

- Je... je t'aiderai à te venger ! Mais je t'en prie, ne pars pas ! Ne rejoins pas Orochimaru !

- Il...

- Il veut juste te piquer ton corps !

- Et alors ?

Son compagnon fixa son dos d'un air incrédule.

- Et alors ! Tu n'as donc aucun... oh, et puis, laisse tomber.

Il se mettait déjà en pose de combat. Sasuke s'était légèrement retourné et le fixait du coin de l'oeil, un sourire cruel sur les lèvres ; une lueur amère brillait dans ses yeux.

- C'est inutile, je te l'ai dit. Tu n'as pas réussi à m'arrêter il y a une semaine et demi, tu ne réussiras pas maintenant. Rentre au village, c'est bien mieux pour nous deux.

La marque qu'il avait sur le cou se mit à trembler et les taches caractéristiques de sa malédiction envahirent peu à peu son corps. Naruto réfléchit de toutes ses forces, comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Il priait, jurait, maudissait mentalement sa condition ; mais le village était si loin, et Sasuke était si proche et pourtant déjà presque hors de portée...

- Et si... fit-il enfin alors que la peau de Sasuke commençait à changer de couleur, et son regard baissé ne trahissait aucune émotion, et si je te livrais mon secret ? Si je mettais à ton service la raison pour laquelle Akatsuki m'a poursuivi ?

- Qu'est-ce que tu racontes encore ?

- Ma malédiction à moi. Si... si je te confiais ma vie ?

- A quoi ça m'avancerait, de posséder la vie de l'idiot du village ?

Naruto fut pris d'un spasme nerveux ; le connaissant, Sasuke était sûr qu'il allait lui sauter à la gorge d'un instant à l'autre. Mais curieusement, le garçon se réfréna et se mit à enlever ses vêtements, son haut pour être précis. Même Sasuke ne l'avait jamais vu sans, à cause d'une pudeur inexpliquée qui le prenait à chaque fois qu'il voulait toucher le corps de son ami ; lorsqu'il avait été blessé, il s'était contenté de le mettre devant un feu pour le sécher et l'avait jeté dans le lit de la cabane sans autre forme de procès.

Le vêtement rejoignit l'emplacement précédent du kunai ; Sasuke ne l'avait pas vu, car il fixait à présent le ventre de son ami mis à nu. Celui-ci se mordit la lèvre et poussa la complaisance jusqu'à baisser son pantalon pour donner un peu plus accès à la marque ; elle était malgré tout bien visible, et Naruto fut pris d'un rougissement violent lorsqu'il sentit qu'il avait un peu trop tiré sur le pantalon qui était à présent à la hauteur de son pubis. Il claquait des dents, de nervosité, de peur, de honte... Toute sa vie, il s'était demandé avant que Mizuki ne finisse par le lui révéler ce qu'était ce tatouage bizarre sur son ventre ; il l'avait accepté comme faisant partie de lui, mais il évitait autant que possible de le montrer aux autres. Il avait remarqué que la plupart des enfants avaient le ventre parfaitement lisse lorsqu'ils se baignaient à la rivière. Déjà que tout le monde l'évitait comme la peste, il n'allait pas non plus leur montrer un élément flagrant de différence...

- Qu'est-ce que... un sceau ? chuchota Sasuke, fasciné. Il a l'air très puissant.

- Il l'est, lui répondit Naruto avec résignation, car il ne pouvait plus faire marche arrière après ça. C'est le sceau qui a servi à enfermer Kyuubi dans mon corps.

xxxxx

- Alors ? demanda Asuma en mordant nonchalamment un bout de brindille qu'il avait ramassé dans les bois.

Kakashi secoua la tête d'un air las. Il tritura du bout du pied la poussière qui recouvrait le sol, une couche fine mais bien présente.

- Ils sont partis depuis deux jours au moins, grogna-t-il.

- Ils ?

- Sasuke et Naruto. Du moins, j'espère que c'est Naruto. Et Gai ?

- Il m'a dit qu'il allait faire une inspection des environs, mais je ne pense pas qu'il soit bien loin. La dernière fois que je l'ai vu, il parlait vaguement de la beauté éclatante d'une forêt exotique dans le scintillement moite d'un coucher de soleil, ou une autre connerie du genre. Tu connais le personnage.

Kakashi soupira bruyamment avant de se diriger d'une démarche languissante vers la porte. Asuma le suivit d'un air grave ; il jeta un dernier coup d'oeil en direction de la pièce avant de l'arranger rapidement de telle sorte qu'elle ne montre pas trace de leur passage. Puis il rejoignit Kakashi et Gai qui était revenu de son tour de reconnaissance.

- Pas un seul être humain à des kilomètres, fit le flamboyant ninja en se massant le cou. Si les enfants étaient là, ils doivent être loin maintenant. Et je n'ai pas la moindre idée de la direction qu'ils ont pu prendre. Tu ne peux pas envoyer tes chiens de chasse, Kakashi ?

- Pas la peine, fit celui-ci sur un ton laconique. Si ça fait déjà deux jours qu'ils sont partis, ils ne flaireront qu'une piste froide. Et puis ils doivent s'attendre à ce qu'on se lance à leur poursuite.

- Tu crois qu'ils se sont enfuis parce qu'ils étaient menacés ? demanda Asuma en hochant la tête.

- Non, il n'y pas eu départ précipité ou de lutte, même dissimulée. Ils ont pris leur temps et sont partis de leur plein gré.

- Pour rentrer au village ? fit Gai, plein d'espoir.

- Ca m'étonnerait. On les aurait croisé d'une manière ou d'une autre, et je doute qu'ils aient le luxe de faire un grand détour avec tous ceux qui sont à leurs trousses. Non, c'est autre chose.

- Ils... cherchaient peut-être quelque chose ? Un truc super important ?

- On va dire ça, chuchota son rival.

Malgré ce qu'il avait dit à Gai, il fit rapidement une invocation pour appeler ses chiens. Ceux-ci apparurent dans un tourbillon de fumée. Kakashi les envoya au loin d'un mouvement du bras ; seul, Pakkun s'attarda un peu et se tourna vers son maître, l'air confiant.

- T'inquiètes, on les retrouvera sains et saufs. C'est des durs, ces bêtes-là. Surtout le gamin bruyant.

Et il partit d'un bond souple. Kakashi suivit son ombre jusqu'à ce qu'elle disparut dans les bois. Puis le groupe formé par Gai, Asuma et lui que le nouveau Hokage avait envoyé pour retrouver Sasuke et Naruto se remit en route en direction de la piste ouverte par les chiens. Gai affichait un visage rayonnant. Il venait de quitter Lee qui était dans une forme éclatante. Son opération avait été un succès total, il se remettait à une vitesse impressionnante, tout comme ses autres camarades. Ils avaient eu un moment de frayeur avec Neji et Chouji, qui avaient été blessés très grièvement et avaient même été à la limite de la mort ; mais la présence de Tsunade, le célèbre médecin de légende, avait fait toute la différence. Elle avait développé un antidote pour contrer la destruction massive de cellules générées par la pilule rouge qu'avait avalée Chouji ; son assistante, Shizune, avait dirigé personnellement les soins intensifs qu'ils avaient procurés à Neji. Ils étaient à présent hors de danger et attendaient impatiemment le retour de leurs maîtres, qui s'étaient lancés à corps perdus dans la poursuite des élèves de Kakashi.

- On les retrouvera, ajouta de nouveau Gai. Tout s'est bien passé jusque-là, non ? C'est bon signe, non ?

Kakashi ne répondit pas. Même Asuma semblait perdu dans ses pensées. Ils sautaient d'arbre en arbre, et Kakashi se dit encore une fois à quel point il aurait été facile à deux ninjas si prometteurs de venir à leur rencontre, une fois leurs blessures rétablies. Naruto surtout était incapable de rester en place. Quant à Sasuke...

- Kakashi, fit Asuma en se rapprochant de lui. Tu doutes, n'est-ce pas ?

- Regarde-moi cet excité, répliqua son ami en montrant du menton Gai qui souriait de toutes ses dents, à ce rythme-là il va nous dépasser sans délai.

- Les enfants, continua Asuma. Ils ne nous attendaient pas. Ils ne sont pas partis pour le village. Et le jeune Uchiha... il ne voulait pas rester à Konoha à la base. Kakashi, tu sais ce que ça veut dire...

Ils s'arrêtèrent net sur les branches hautes d'un chêne qui surplombait la forêt. Celle-ci était plus grande que prévue ; il voyageaient à travers depuis un moment déjà. Pakkun se tenait contre le tronc, l'oreille basse ; ses compagnons canins étaient autour de lui et ne paraissaient pas plus fiers.

- Pakkun ? fit Kakashi en allant devant lui. Que se passe-t-il ? Pourquoi vous êtes-vous arrêtés ?

Le chien baissa le museau, fuyant le regard inquisiteur de son maître. Du bout de la patte, il montra le tronc du chêne. Les trois hommes remarquèrent alors qu'un message avait été gravé à la hâte sur l'écorce, d'une écriture malhabile que Kakashi reconnut sans peine être celle de Naruto.

Maître Kakashi, disait-il, je pars avec Sasuke. Dites à Sakura que je suis désolé.

Un silence pesant se fit, entrecoupé des cris des animaux de la forêt et des gémissements plaintifs d'un chien ou deux. Ceux-ci disparurent dans une explosion, Pakkun en dernier, qui lança un ultime regard désolé à son maître. Kakashi n'avait pas bougé.

- Kakashi, essaya Asuma. Tu...

- On rentre, fit celui-ci sans se retourner. Nous devons faire notre rapport.

- Quoi ? s'exclama Gai sur un ton indigné. Et les enfants ? Tu vas les abandonner ?

- C'est inutile, lui répondit son rival sur un ton neutre. A partir de cette seconde, Sasuke Uchiha et Naruto Uzumaki sont considérés comme des ninjas déserteurs. Il nous faut lancer un avis de recherche.

- Mais Kakashi... !

- Laisse, fit Asuma en retenant le bras de Gai, ce sont ses élèves après tout. Il doit savoir mieux que nous ce qui se passe.

Gai en resta sans voix. Il fronça ses épais sourcils à tel point qu'ils parurent vouloir manger ses yeux ; puis il pesta un peu et se mit à hurler en direction de Kakashi.

- SOIT ! tonna-t-il. FAIS COMME TU VEUX, PROFESSEUR INDIGNE !

Il se précipita dans la direction opposée ; Asuma hésita, regarda le dos de Kakashi, puis partit à sa suite en pestant à son tour.

Kakashi n'avait pas bougé. Il contempla longuement le message sur le tronc. Puis, sortant un kunai de son étui, il découpa soigneusement la portion d'écorce qu'il fallait et repartit sur ses pas, serrant précieusement contre son coeur la dernière trace de deux de ses élèves.

A suivre...