Bonjour à toutes !

Le chapitre d'aujourd'hui clôt la visite mouvement dans l'esprit de Camus ouf ! Même si cela a du sembler être un gros nawak à beaucoup d'entre vous, je suis globalement satisfaite de ce que j'ai retranscrit. j'ai montré ce que je voulais montrer, mais je regrette de ne pas avoir eu le temps de développer davantage et d'avoir du rusher comme je l'ai fait, ce qui a du être un peu indigeste à lire.

Je vous remercie une fois encore de votre soutien. Le chapitre d'aujourd'hui fait beaucoup allusion à ma première fic "Humanité retrouvée" qui mériterait un petit dépoussiérage. J'espère qu'il vous plaira, même s'il y a énormément de narration et de flashback. Petit aparté, je vais essayer de poster la suite de deux autres de mes fics demain, avec un peu de chance !

Enjoy !


Il y avait eu comme un aveuglant flash de lumière.

Puis, plus rien.

Etait-il mort ? Avait-il brisé l'esprit de Camus à tout jamais ?

Tout son corps, même s'il n'était pas réel, le tiraillait horriblement.

Il ouvrit difficilement les yeux et se sentait être devenu un hématome géant. Impossible de bouger pour le moment. Ses membres étaient engourdis, leurs extrémités le picotaient désagréablement. Milo connaissait bien cette sensation : le froid. La morsure du gel était reconnaissable entre toutes. Autour de lui, le blanc. Et le vent qui sifflait à ses oreilles, déversant de la neige sur son corps. Il n'avait pourtant pas vu de Paradigm Shift, alors pourquoi se retrouvait-il allongé au sol, au beau milieu d'un terrible blizzard. Athéna n'était plus à ses côtés, mais son sceptre était planté dans la neige, près du scorpion. Ce dernier, dans un ultime élan de survie, attrapa le bâton et il s'en servit comme d'un appui pour se relever et il l'utilisa comme une canne alors qu'il avançait difficilement sans le moindre repère. Tout se ressemblait. Il avait l'impression de tourner en rond, sans savoir où il allait. Il se protégea le visage et les yeux comme il le pouvait avec son écharpe.

Cela lui rappelait la chère Sibérie de Camus. Combien de fois Milo avait-il était contraint de venir rendre visite à Camus dans cette contrée sauvage et inhospitalière ? Trop de fois. Trop de fois, il avait failli perdre un doigt ou un orteil à cause de son froid ravageur. Trop de fois, il s'était perdu dans cet enfer blanc. Trop de fois la nature s'était dressée sur son chemin, toute puissante en ces lieux qui repoussaient l'Homme. Et toutes ces fois, c'était sa volonté, son désir inébranlable de voir le Verseau qui l'avait poussé à se remettre debout et à continuer, exactement comme aujourd'hui.

Qui disait froid, disait Camus. Il était forcément dans les parages, puisque c'était son esprit. Athéna avait prévenu Milo que la psyché du Verseau chercherait à l'empêcher d'atteindre son but et la tempête de glace qui s'abattait sur lui en était la plus parfaite illustration. Mais grâce à son envie de voir son meilleur ami et au sceptre de la déesse, Milo avançait inexorablement. Rien ne semblait en mesure de l'arrêter, pas même les éléments déchainés.

Camus devait beaucoup lui en vouloir pour lui faire subir une telle tornade, tout en connaissant la haine que Milo portait au gel. Mais c'était sans doute mérité, bien que cette explication ne touchait pas Milo. Parce que, quel que soit le degré de colère de Camus, le sien était encore plus fort.

Oui, pour la première fois, il l'admettait.

Il était en colère contre le Saint des Glaces.

Une impressionnante grotte se dressa alors devant lui, surgissant de la brume. Milo y entra sans se poser de question. A l'intérieur, tout était calme et de magnifiques cristaux aux couleurs de l'arc en ciel scintillaient de mille feux. Mais pas le temps de s'attarder sur ce spectacle d'une grande beauté pourtant. Le scorpion passa devant un premier miroir qui lui renvoya son reflet. Il s'arrêta un moment pour le contempler et l'image se troubla, laissant apparaître deux figures issues de son passé.

Deux figures qu'il aurait préféré oublier et qu'il pensait déjà avoir oubliées, même.

Le premier avait une longue chevelure blonde et lisse, rassemblée en une queue de cheval. Sa mâchoire carrée, ses petits yeux noirs en amande et sa barbe de trois jours négligé, ainsi que ses quelques rides aux coins des yeux, laissaient deviner qu'il s'agissait d'une guerrier qui avait déjà pas mal traîné ses guêtres sur les champs de batailles. Pourtant, il semblait sympathique et son regard chaud brillait de malice et de gentillesse. Milo soupira.

C'était une véritable erreur de casting. Le chevalier du scorpion ne se devait pas d'attirer l'amitié, mais d'avoir le regard froid et dur, le recul nécessaire à faire de lui un parfait assassin. Son maître avait toujours été trop sensible pour son propre bien et clairement pas assez sévère. Milo prenait un malin plaisir à le faire tourner en bourrique et à sécher l'entraînement, sans jamais se faire réprimander. Délos était réputé pour sa droiture, mais aussi son efficacité malgré ce que Milo pouvait en penser. Leurs façons de porter l'armure du Scorpion avaient beau être l'antithèse l'une de l'autre, les deux hommes inspiraient crainte et respect de par leur statut. Ils avaient chacun à leur façon su remporter l'approbation de la capricieuse armure et ce n'était pas un hasard.

Tout petit déjà, Milo avait été choisi. Sa mère s'était suicidée à l'âge de 20 ans, laissant son jeune fils de 5 ans seul et sans défense dans son lit, au beau milieu d'une dizaine de scorpions noirs. Elle l'avait fait en désespoir de cause, espérant que les arachnides feraient leur office et donneraient la mort à son bébé, contrairement à elle qui n'avait pas eu le courage de le faire directement. Mais un miracle c'était produit, ou plutôt, la main du destin avait protégé Milo. Les bêtes ne l'avaient pas piqué, annonçant déjà sa future protection de la part de son signe astrologique.

Alors que pour Délos, les choses avaient été beaucoup moins évidentes. Il s'était battu, il avait lutté pour conquérir cette armure. Et cela avait été loin d'être une promenade de santé. D'autres prétendants meilleurs que lui et faisant preuve de prédispositions plus nettes lui avaient barré la route. Mais à force de discipline et grâce à son sens inné de la psychologie – la meilleure arme des Saints du Scorpion – Délos s'était imposé face à ses rivaux.

A côté de lui se trouvait un bel homme aux traits d'une finesse qui n'étaient pas sans rappeler ceux d'une femme. Il avait de grands yeux rouges sang, assortis à ses cheveux qui cascadaient en une tresse reposant sur son épaule droite. Un visage que Milo connaissait aussi trop bien. Que ce soit à cause de ses yeux de la couleur des rubis, plutôt inhabituels ou à cause de l'inexpressivité de son visage de poupée à la peau de porcelaine, cette figure était restée gravée en lui.

Contrairement à Délos, le mystérieux Orion avait davantage la gueule de l'emploi. Personne ne savait rien de lui. Il était arrivé un jour de tempête de neige au Sanctuaire, ce qui était assez rare pour être signalé. Mais hormis ce fait, il avait connu les mêmes difficultés que son confrère pour s'imposer au sein de la chevalerie. Ses rivaux étaient plus doués que lui, mais Orion s'était accroché et avait davantage travaillé qu'eux, finissant par les surpasser. C'était un homme de peu de mots que Milo connaissait mal, autrement que comme le maître de Camus. D'ailleurs, il ne semblait être que cela : le Saint du Verseau ET le maître de Camus. C'était tout ce qu'il pouvait dire de lui.

Quoique...

Il était surtout l'amant de son propre maître.

Comment l'oublier ?

La première fois que Milo les avait surpris ensemble, il devait avoir dix ans. Douze peut-être. A cet âge, on a tendance à déformer les situations et à mal les interpréter, mais pas de doute possible pour l'enfant, ces deux-là s'aimaient. Cela crevait déjà les yeux en temps normal, leur complicité était évidente, malgré leurs différences de caractère. Là où Délos était désordonné et bon vivant, Orion était studieux et discret. Pourtant, le baiser qu'ils avaient partagé sous les yeux de Milo et les regards langoureux qu'ils se lançaient quotidiennement ne laissaient aucune place au doute. Même un enfant de dix ans pouvait le comprendre.

Ou de douze peut-être...

« Pourquoi tu me les montres, Camus ? » S'impatienta Milo.

A quoi rimait toute cette mascarade ? Leur image restait... douloureuse pour les deux actuels chevaliers du Verseau et du Scorpion. Alors pourquoi ce complaire dans une sorte de douce mélancolie en ravivant leurs images déchues ?

Pourquoi ?

Parce que tout avait commencé avec eux.

Et tout avait fini avec eux également.

Du fait de la grande proximité de leurs maîtres, Milo avait été amené à fréquenter Camus plus qu'aucun autre apprenti. Au début, il n'appréciait pas spécialement le petit français. Il faut dire que Camus était arrivé au Sanctuaire muet comme une carpe. Son père était venu en personne l'y déposer et l'avait abandonné sans se retourner. Alors il était étrange de constater que malgré un tel manque d'intérêt pour son fils de par le passé, le patriarche de la famille lui écrivait à présent pour le convoquer à ses côtés. Mais ceci était une autre histoire...

Milo était déjà une pipelette en ce temps. Il adorait attirer l'attention et user de ses charmes déjà dangereusement affutés pour un enfant aussi jeune, afin d'obtenir tout ce qu'il désirait. Alors que le jeune Gabriel était presque un autiste. Il ne semblait pas en mesure de communiquer avec autrui. Ni vocalement, ni physiquement. Pourtant, immédiatement, il avait recherché la compagnie du turbulent grec. Il se contentait de le suivre partout comme un parfait petit chien, ce qui avait le don d'agacer prodigieusement l'impatient Milo. Il se contentait de le rester avec lui pendant des heures, sans prendre ombrage des copieuses insultes dont Milo l'abreuvait continuellement. Sans doute ne les comprenait-il pas. Mais petit à petit...

Un solide lien était né du néant entre eux. Camus s'était servit de ses pouvoirs de glace, qu'il maîtrisait avant même son acquisition de l'armure, pour secourir Milo, lorsque ce dernier était tombé dans un lac près du Sanctuaire. Sans l'intervention de l'ex Gabriel, Milo se serait noyé. A partir de ce jour, Milo avait cessé de subir la compagnie imposée de Camus. Plus besoin de faire des efforts pour le tolérer. Avec patience et gentillesse, Milo avait appris au jeune français à parler et son prénom avait été le premier que Camus avait réussi à prononcer. Milo faisait toutes sortes de facéties à travers le Sanctuaire et il était toujours puni, mais un peu moins copieusement depuis que Camus était là pour prendre sa défense. Il n'était pas rare que le Verseau participe même aux corvées de son ami, lui apportant son indéfectible soutien.

Malgré la distance entre leurs lieux respectifs d'entraînement, jamais ils ne s'étaient perdus de vue. Bien-sûr leur étrange amitié avait souffert du passage ingrat mais obligatoire qu'était l'adolescence. Milo ne tenait plus en place à cette période, franchissant une nouvelle étape dans l'expérimentation de ses charmes. C'était un véritable condensé d'hormones bouillonnantes. Quant à Camus, il était resté égal à lui-même sage et discipliné, montrant toujours aussi peu d'intérêt pour ses semblables, à l'exception de Milo. Pourtant, la crise d'identité sexuelle que Milo avait traversé avait failli signer l'arrêt de leur belle amitié, mais Camus avait toujours essayé de comprendre son ami et de ne pas le juger.

Et puis, un beau matin... à l'aube de ses seize ans, Milo avait eu la révélation, alors qu'il somnolait encore contre la poitrine généreuse d'une servante, une belle blonde endormie sur son abdomen musclé.

Oui, ça l'avait pris d'un coup, comme ça, sans raison particulière.

Il aimait Camus.

Il s'était alors considérablement calmé sur le plan de ses pratiques sexuelles déviantes qui causaient l'hilarité ou la déception chez son maître.

Mais une autre lubie était née.

Dès lors de cette cruciale réalisation et même s'il avait vu chuter drastiquement son nombre de conquêtes, il s'était mis à fréquenter uniquement des personnes lui faisant penser à Camus. Que ce soit physiquement, ou mentalement. Il cherchait son sosie parfait à défaut du beau français, qui restait sourd à ses tentatives de séduction les plus véhémentes. Milo avait tout essayé pour faire succomber Camus, ne se doutant même pas que l'amour du futur Saint des Glaces lui était déjà pourtant tout acquis...

Camus avait fini par prendre ses distances avec l'extravagant Milo et ce dernier avait mis ses sentiments entre parenthèses sans pour autant y renoncer, par peur de ternir son amitié fusionnelle avec Gabriel...

L'image de leurs deux maîtres changea alors et une scène du passé émergea, se jouant ses ses yeux.

Milo sentit comme si un pic de glace lui transperçait le coeur.

« Pas ça Camus, pitié, pas ça... »

Il avait tout fait pour oublier cette terrible journée où tout avait basculé. Le souvenir était si précis qu'il ravivait une plaie vive et profonde dans la poitrine du Scorpion qui eut soudainement toutes les peines du monde à respirer calmement.

Il revoyait parfaitement son maître, face à lui. Il était secrètement convenu que le jour du dix septième anniversaire de Milo, ce dernier affronterait son Maître pour obtenir l'armure du Scorpion. Or, comme le voulait la règle du rite de passage de l'armure, propre à chaque signe, le prétendant à l'armure du Scorpion et l'actuel Scorpion devait s'affronter.

Dans un duel à mort.

Milo aimait profondément son Maître. Comme un fils aime son père. Il n'était même pas sûr de vouloir et de mériter cette armure... Etrangement, son maître s'était douté que Milo risquait de ne pas se donner à fond, alors même que sa vie était menacée. Et comme Délos aimait également Milo comme son propre sang, il avait prévu l'argument imparable pour le forcer à se battre de toutes ses forces.

Au sommet du Sanctuaire, derrière le onzième temple, une scène de la même intensité se jouait.

Camus avait été surpris lorsque son maître l'avait conduit à l'écart ce matin là. Le soleil se levait à peine sur la Grèce et Orion portait son armure étincelante. Sans doute avait-il quelque chose d'important à lui enseigner ou souhaitait-il lui dire aurevoir avant de partir en mission. Cela tombait vraiment mal parce que c'était l'anniversaire de Milo et pour une fois que Camus se trouvait au Sanctuaire pour ce jour spécial, il comptait bien le passer avec son presque frère. Sans que le jeune français ne s'y attende, son maître l'avait défié, décrétant que ce serait aujourd'hui que Camus hériterait de l'armure.

Ou jamais.

D'ordinaire, les affrontements entre chevaliers des glaces pour l'obtention de l'armure du Verseau n'étaient pas mortels. C'était à celui qui s'approcherait avec le plus de facilité et d'exactitude du Zero Absolu et cela se faisait d'habitude en public et sur des cibles thermo-sensibles.

Mais cette fois, le maître de Camus avait été très clair. Ils allaient s'affronter et il ne s'agissait pas d'un entraînement, mais bel et bien de déterminer qui était le plus méritant. En allant jusqu'à l'élimination totale de l'un d'eux pour cela. Camus s'était très rapidement retrouvé en situation de faiblesse. Il n'était pas prêt. Ni par la technique, ni par le mental.

Pendant ce temps, Délos avait informé Milo de la situation des deux Verseaux et du combat fratricide qu'ils se livraient. Le jeune scorpion ne comprenait pas le but de toute cette immense mascarade. Depuis quand les Verseaux avaient-ils besoin de s'annihiler pour décider qui hériterait de l'armure ? Rapidement, Milo avait senti le cosmos de Camus vaciller dangereusement. Le jeune verseau avait été pris de court et il ne savait comment réagir face aux assauts de son maître.

Délos s'était servi de cela comme d'un levier pour aider Milo à se dépasser. Si Milo le tuait, alors il pourrait aller rejoindre Camus avant qu'il ne soit trop tard et l'encourager à vaincre son maître. Et il était évident que sans le soutien du Grec, Camus était en danger de mort. Pour Camus, Milo était prêt à tout. Même à tuer sans remords son propre maître, qui l'avait élevé depuis son plus jeune âge et l'avait veillé lorsqu'il était malade ou trop fatigué pour continuer à se battre.

Chacun avait fait usage de ses meilleures techniques et, poussé dans ses retranchements, Délos avait porté un coup fatal à Milo : une piqûre empoisonnée qui avait fait sa réputation de meilleur assassin du Sanctuaire. C'était un puissant venin qui se distillait dans les veines de sa victime à la vitesse des battements de son coeur affolé. Il paralysait et nécrosait muscles et nerfs en quelques minutes, plongeant la victime dans un profond sommeil qui semblait parfaitement paisible, alors que ses organes se liquéfiaient à l'intérieur de son corps impuissant.

Milo savait que le temps lui était compté à présent bien qu'il parvint à terrasser son maître grâce à l'aiguille écarlate, un coup avant l'Antarès, il était condamné. Il essaya, en vain de ramper jusqu'à Camus pour que ce dernier gagne.

Alors que tout semblait perdu pour Camus qui contenait les assauts de son Maître en faisant usage de l'Aurora Execution pour contrer celle d'Orion, ce dernier sentit le cosmos de son amant disparaître. Milo l'avait donc tué. Il avait tué sa seule raison de vivre. Athéna et Camus n'étaient rien comparés à l'amour inconditionnel qu'il nourrissait pour Délos. Sombrant dans le désespoir le plus total de ne pouvoir imaginer sa vie sans l'homme qu'il aimait, Orion baissa volontairement l'intensité de son coup, qui ne fut plus assez puissant pour contenir celui de Camus.

La vague de froid mortelle eut raison d'Orion en quelques instants. Ce suicide à peine voilé choqua profondément Camus qui n'eut aucun mal à en deviner la cause. Son maître ne nia même pas la véritable raison de sa défaite et il encouragea Camus à aller retrouver Milo immédiatement, avant qu'il ne soit trop tard et qu'il ne connaisse le même sort que son mentor.

Camus se précipita en pleurant pour la première fois de sa vie au chevet de son meilleur ami... non, de son âme soeur. Il neigeait doucereusement sur le Sanctuaire et quand Camus arriva, il était presque trop tard. Le venin avait commencé à faire son office, mais il n'était pas trop tard, il fallait du temps avant qu'il ne tue Milo.

Chaque battement de son coeur propageait un peu plus le poison mortel et Camus prit une décision folle et risquée pour sauver son amour. Il le congela complètement dans un cercueil de glace. Milo était trop faible pour protester. Ainsi pris dans la glace, la course folle du poison était stoppée le temps que Camus aille prévenir les médecins et qu'ils administrent un antidote au scorpion.

Milo resta plusieurs jours à l'hôpital d'Athènes et Camus décida de demander sa mutation au Grand Pope. Il était à présent le Chevalier du Verseau. Il avait volé cette armure qu'il n'avait pas méritée, l'arrachant à un cadavre sans volonté.

Quand Milo revint à lui et fut autorisé à rentrer au bercail, point de Camus pour l'y accueillir. Aiolia lui confia que Camus avait été envoyé en mission en Sibérie afin de s'occuper d'un jeune apprenti, prétendant à l'armure du cygne... Mais jamais Milo ne sut que c'était un choix délibéré de la part de Camus.

En revoyant cette scène tragique qui les avaient tous deux marqués au fer rouge, au travers des yeux des Camus, Milo comprenait tout à présent. Tout devenait logique et évident.

Il fronça des sourcils et brisa le miroir.

« Arrête de te faire du mal Camus ! C'est le passé, tu comprends ? Tu es vivant et je suis vivant aussi ! Nous sommes réunis et je sais que tu m'aimes comme je t'aime, alors n'essaie pas de me faire renoncer à te sauver en me martelant d'images négatives ! »

Il plongea la main de l'autre côté du miroir éventré, s'écorchant profondément le bras sur les bris de glace

« Je te promets que nous ne finirons pas comme les chevaliers Orion et Délos. Je sais que tu as peur, que tu as été traumatisé par leur mort. Ils avaient tout prévu pour leur morbide petit suicide amoureux. Même si je regrette leur choix, je le respecte et je te remercie d'avoir fait ce que tu as fait ce jour-là pour me sauver la vie. »

Il sentit quelque chose de doux et il tira sèchement vers lui.

C'était bien Camus de l'autre côté du miroir. Ayant attrapé sa manche, Milo l'attira dans ses bras et tant pis s'il mettait du sang partout sur la toge blanche du Verseau.

« Tu te trompes Gabriel. Ils ne sont pas notre reflet. Ils ne sont pas nous. Ce jour là en me sauvant, tu as fait le choix de la vie pour nous deux. Tu aurais pu me laisser mourir et choisir de me rejoindre ensuite. Pourtant, tu ne l'as pas fait. Ne laisse par leur sacrifice être vain, je t'en prie... »

Il le serrait contre lui, lui caressant les cheveux en un geste apaisant. Il sentait les larmes salées et glacées du Verseau contre son torse. Camus était si sensible derrière sa prison de gel. Si seulement Milo s'en était rendu compte avant... Il n'avait pas compris que son ami avait tant souffert de la mort violente de leurs maîtres. Il pensait qu'il était le seul à y penser encore parfois. Pourtant, une différence subsistait. Pour le français, c'était un motif de fuite, alors que pour Milo c'était le symbole ultime de leur indestructible amour.

« S'il te plaît, parle mon coeur... » Demanda t-il doucement en séchant ses larmes avec sa main valide.

« Donne-moi une bonne raison de te croire... Une bonne raison de croire que tu ne vas pas me laisser seul... »

« Camus, je te promets que jamais je ne ferai une chose aussi folle ! Je ne me suis pas tué quand tu es mort lors de la Bataille du Sanctuaire ! Tu dois me croire... nous ne pouvons vivre l'un sans l'autre, mais nous pouvons mourir l'un sans l'autre. Je t'en prie, regarde-moi... et écoute-moi bien... Je n'ai pas l'intention de crever dans les quatre vingt prochaines années. D'abord, parce que je veux passer le restant de mes jours avec toi. Tous mes jours. Ensuite, parce que ça fait MAL de mourir et que je ne suis pas pressé de revoir la sale gueule de Rhada. Et enfin, parce qu'il est hors de question que je fasse un truc aussi tordu qu'un duel à mort contre Jabu et que je laisse ce looser avoir mon armure avant mes soixante balais ! »

« Tu ne comprends pas, Milo... ce jour-là j'ai eu tellement peur d'être abandonné à nouveau... que tu me laisses pour toujours... et aujourd'hui, c'est exactement la même chose. Et je ne te parle pas d'une hypothétique mort cette fois... je te parle de nous, de notre situation actuelle. »

« Mais Adonis... »

« Laisse Adonis où il est. Cela ne concerne que toi et moi. C'est toi que j'ai face à moi en ce moment même et ce n'est pas un hasard. Je sais que tu peux reprendre le contrôle sur Adonis quand tu le souhaites et la preuve en est ta présence devant moi... Alors pourquoi continues-tu à te cacher derrière lui et m'éviter ? »

« C'est parce que je suis plus fort ainsi. L'esprit sans la limitation du corps. C'est ça l'Arayashiki dont parlait Shaka. Le huitième sens. C'est grâce à cela que j'ai pu intervenir pour t'aider à vaincre Hypnos. Tu pensais que je n'étais que le fruit de ton imagination. Mais j'étais vraiment là... j'étais mon propre cosmos, seulement mon cosmos. De l'énergie pure et tout cela parce que j'ai pu me libérer des chaînes que m'imposent mon propre corps, grâce à Adonis... Au début, je me sentais prisonnier de lui, trop faible pour reprendre les rênes, mais j'ai vite compris comment tirer parti de la situation à mon avantage. »

« Mais c'est impossible Milo... je croyais que c'était en mourant qu'on libérait le huitième sens... »

« Je le pensais aussi. Mais apparemment, détacher l'esprit du corps, c'est déjà une forme de mort. Et donc, le moyen d'atteindre le cosmos ultime. »

Le verseau sembla pensif et il recula un peu.

« Mais tout de même... je n'ai pas rêvé, je sais que tu m'évites. Tu l'as toi-même avoué et cela remonte à avant ta possession par Adonis... »

Le scorpion ferma les yeux et frissonna en sentant le Verseau s'éloigner.

« Si tu veux vraiment le savoir... c'est parce que... lorsque nous sommes tous revenus à la vie... tout le monde est allé chercher la personne la plus chère à son coeur. Regarde Aiolia, il était le premier arrivé au Sanctuaire et la première chose qu'il a faite, a été de foncer au temple de Shura pour voir s'il était là, alors que merde, Shura a quand même tué son frère et fait de sa vie un enfer ! Aiolia ne l'a pas trouvé mais comme si ce geste de pardon ne suffisait pas, il s'est précipité à sa recherche, sans réfléchir, sans se retourner, il a remué ciel et terre pour retrouver Shura, l'homme qu'il aime. Et ça, tu vois, pour moi, c'est plus significatif que de se laisser crever pour rejoindre son amant. Aiolia a eu des couilles. Mourir, c'est facile. Il n'y a aucun mérite là-dedans. Mais vivre, c'est difficile et tellement plus compliqué... »

« Je ne comprends toujours pas où tu veux en venir... »

« Que tu t'es focalisé sur la mort de nos maîtres comme preuve d'amour ultime. Alors que moi, je suis passé à autre chose, j'ai trouvé un autre idéal. Et c'était que tu bouges ton cul pour venir me chercher avec la même intensité qu'Aiolia l'a fait pour Shura, Mü pour Saga et DM pour Aphro... Je ne te demandait que cela... Juste cela... que tu t'inquiètes pour moi. Tu es arrivé en même temps qu'Aiolia quasiment et tu l'as vu repartir pour retrouver son âme soeur. Sauf que toi... tu n'as rien fait. Tu es resté passif, tu as attendu que je rentre tout simplement et ça m'a blessé. J'ai compris que je ne comptais pas assez pour toi. Parce que moi, je t'ai cherché... ça a même été mon premier réflexe... »

« Tu aurais du rentrer au Sanctuaire pour me retrouver ! »

« Ne joue pas les victimes Camus. Je ne voulais pas rentrer... je me suis senti abandonné, je ne savais pas que tu étais là-bas. Je voulais recommencer une nouvelle vie sans guerre. Une vie normale... Mais tu ne voulais de toute évidence pas en faire partie... »

Le verseau ne savait que répondre à d'aussi graves accusations. Au fond de lui, il savait qu'il n'avait aucune excuse. Mais Milo avait tort de penser cela. Bien-sûr que Camus voulait de lui dans sa vie. Bien-sûr que le Verseau n'imaginait pas sa vie sans le Scorpion. De quelles preuves avait besoin Milo ? Et ce voyage... il ne signifiait rien aux yeux du Grec ? Camus l'avait entrepris pour le sauver et pour se racheter de sa lâcheté. Le silence du Verseau commençait à devenir pesant et Milo soupira.

« Camus, je suis désolé, je ne voulais pas... je m'excuse... je ne voulais pas te blesser... »

Il était sincère. Mais Camus avait voulu qu'il vide son sac et il l'avait fait.

Mais alors qu'il s'attendait à une rafale rageuse de Poussière de Diamants dans la tronche, ce fut un tout autre accueil que Camus lui réserva...

Le frêle Verseau lui bondit dans les bras et l'embrassa amoureusement, passionnément avec une spontanéité et une énergie que Milo ne lui avait jamais connues. Un peu décontenancé au départ, le scorpion succomba rapidement au naturel de Camus. C'était aussi inattendu que délicieux et il lui caressa les hanches pour l'apaiser.

Le passé était le passé effectivement.

Milo avait raison.

Leurs maîtres avaient tragiquement péris.

Camus avait abandonné le scorpion, terrorisé par la profondeur de ses sentiments pour Milo.

Mais c'était le passé.

Il avait fait la paix avec lui-même, mais plus important, il avait fait la paix avec Milo. Quand il se réveilla, main dans la main avec Milo, Camus compris que c'était le présent.

Et que leur avenir ensemble s'annonçait radieux.