Disclaimer : les personnages ne sont toujours pas à moi.

Genre : faut-il encore le préciser à ce stade de l'histoire ;p

Ndla : c'est avec une certaine émotion que je publie ce dernier chapitre clôturant ainsi cette « petite » fanfiction.

Après presque six ans d'écritures et de prises de tête, je ne peux que remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont pris le temps de suivre cette histoire et qui m'ont encouragé à travers leurs reviews.

A toutes et à tous MERCI !

Ndla2 : cet ultime chapitre est dédié à Bubul, Caramelon, Florinoir et Shinie qui ont dû supporter mes doutes et mes angoisses de fanfikeuse pendant six ans. Tour à tour, bêta-lectrices, pompom-girls et psy personnelles, elles m'ont été d'une aide précieuse dans l'achèvement de cette histoire.

Bonne lecture !


Les Chevaliers-Dragons : Livre III

Chapitre XXXII : En mémoire des héros (partie II)

Aube

Assis dans l'herbe, Wufei observait d'un air songeur le courant de la rivière. Son dos le faisait encore souffrir mais, appuyé contre l'écorce de l'arbre, la douleur était supportable. Nul doute que son organisme aurait besoin de plusieurs mois avant d'être totalement rétabli. Cependant, le chevalier ne s'en plaignait pas car cela demeurait peu cher payé si l'on considérait à quel point il avait frôlé la mort.

A quel point, ils avaient tous frôlé la mort.

« C'est donc ici que tu te cachais. » dit une voix familière à l'égard du jeune seigneur.

Face à cette remarque, l'interpellé releva son visage, un sourire satisfait naissant sur ses traits.

Debout à ses côtés, la main appuyée sur le tronc et le visage penché dans sa direction, se tenait Zechs Merquise. Dans cette position, le soldat paraissait l'observer avec son calme coutumier. Wufei eut un pincement au cœur en constatant que son ami ne faisait que « paraître » l'observer.

Le chevalier avait toujours secrètement espéré, qu'une fois Treize vaincu, Zechs aurait peut-être recouvré l'usage de sa vue. Mais ça n'était pas le cas. Comme l'avait dit Sandrock, quelques années plus tôt, certaines séquelles ne pouvaient pas être effacées, surtout lorsqu'il s'agissait de magie noire.

« Tu es rentré depuis quand ? » demanda Wufei d'une voix devenue rauque par l'énergie qu'il avait dû déployer pour vaincre Treize.

Zechs eut un léger froncement de sourcils face à ce changement mais ne fit aucune remarque dans ce sens. Il se contenta de prendre place auprès du seigneur de l'ouest allongeant ses longues jambes fourbues par les trop nombreuses heures de voyages.

« Je suis au palais depuis quelques heures seulement. Je suis rentré dès ma mission achevée. », répondit-il avant d'aborder le seul sujet, qui de son point de vue, avait de l'importance. « Comment te sens-tu Wu ? »

« Physiquement, je ne m'en sors pas trop mal. »

« Et mentalement ? », poursuivit Zechs. « Je me suis entretenu avec notre roi. Il m'a expliqué ce qu'il s'était passé après l'invocation des dragons. »

Wufei ne répondit pas tout de suite. Il sembla reporter son attention sur la rivière, qui doucement, s'écoulait quelques mètres plus bas. Il fallut attendre plusieurs minutes avant que le chevalier ne reprenne la parole. Mais Zechs patienta car il savait que ce sujet serait délicat à aborder.

« Je crois que je suis juste un peu… perdu. », expliqua-t-il. « A mon réveil, lorsque Mei Lan m'a expliqué ce qu'elle avait entrepris à l'aide des autres prêtres et prêtresses pour nous sauver la vie, je crois que le seul sentiment que j'ai pu éprouver à ce moment-là a été de la colère. Pas de surprise ou de gratitude mais juste une violente colère. »

« Ils ne voulaient pas vous laisser mourir sans tout entreprendre pour vous aider. »

« C'était un trop gros risque ! Ils n'auraient jamais dû tenter une telle folie ! »

« Ne dis pas ça. », intervint calmement Zechs en voyant son ami commençait à s'agiter. « Ils l'ont fait par affection pour vous. C'était un très bel acte de foi et d'amitié. »

« Mais ça aurait pu très mal tourner et au lieu de cinq cadavres vous en auriez retrouvé dix. »

Wufei passa une main lasse sur son visage avant de poursuivre.

« J'ai toujours refusé que Mei Lan utilise ses pouvoirs. Je craignais, à juste titre d'ailleurs, que trop aveuglée par ses sentiments, elle n'en vienne à tenter une telle folie. Cependant, durant toutes ces années, je dois avouer n'avoir jamais imaginé qu'elle entraînerait les autres avec elle. »

« Elle n'est pourtant pas à l'origine de votre survie. », fit très justement remarquer Zechs. « Sa Majesté m'a confié que Réléna en fut la première instigatrice. »

« C'est exact. En fait, tout est parti d'une de ses visions. Elle l'a eue peu après notre départ pour les Plaines Saintes. Nous ne savons toujours pas si c'est notre éloignement de la capitale ou simplement le fait que le destin était en marche de manière inéluctable, qui lui a fait retrouver la pleine maîtrise de ses pouvoirs. »

« Et elle a vu votre mort. »

« Comme l'avaient dit les dragons, nos corps de mortel n'étaient pas fait pour supporter toute leur puissance. Notre trépas était inéluctable. »

« Mais Réléna a souhaité changer cela. »

« Elle a immédiatement raconté sa vision à Sally, Odin et Mei Lan qui étaient restés à l'abri au palais. Elle leurs a demandé leur aide pour trouver une échappatoire. »

« C'est là que Mei Lan est intervenue. »

« Elle leurs a suggéré d'utiliser ses dons. Par le passé, elle avait déjà sauvé notre roi grâce à ses pouvoirs. Elle lui avait transféré une partie de son énergie vitale, lui offrant un morceau de sa propre existence. Mais contrairement au don de guérison de Quatre, cette énergie ne se renouvèle pas. C'est une partie de sa longévité qu'elle perd à chaque fois.»

« Malgré ça, elle n'a pas hésité… et les autres non plus. »

« Il y avait pourtant peu de chance que cela marche. Mei Lan ne pouvait pas tous nous sauver. Elle n'en aurait jamais eu la force. Elle a donc tenté de jouer les catalyseurs. Lorsqu'ils nous ont trouvé inconscients, nous étions plus morts que vifs. Au début, ils ont craint d'être arrivés trop tard. Mais ils ne sont pas arrêtés à cette première impression. Ils se sont mis à chercher avec entêtement la moindre étincelle de vie dans nos corps brisés, la plus petite parcelle d'aura encore présente dans nos esprits fatigués. »

Wufei fit une pause avant de reprendre. Il tentait de rassembler au mieux les souvenirs et les renseignements qu'on lui avait fournis à son réveil.

« Duo était celui d'entre nous qui était le plus en danger. Mei Lan a donc commencé par lui. Elle a pris chez Sally le souffle de vie qui lui manquait pour survivre. »

« C'est un très beau geste de la part de la prêtresse de Shinigami. »

« C'était surtout totalement déraisonnable ! », s'exclama le chevalier. « Les évènements auraient pu mal tourner, sans parler de la souffrance que cet acte a engendré. »

« Mais malgré tout ça, ils ont poursuivi leur plan. Odin pour Heero, Réléna pour notre roi et Mei Lan pour toi. », en déduisit l'ancien soldat avec justesse. « Mais qui est intervenu pour Trowa ? »

« Catherine. »

« Elle n'était pourtant pas au palais au moment de la vision de Réléna. »

« Non, elle nous accompagnait. Quatre avait préféré l'avoir à nos côtés lors de l'éveil de Shinigami. Après son intervention, Trowa l'avait mise à l'abri à l'entrée de la vallée. C'est là qu'elle a vu arriver les autres prêtres et prêtresses et qu'elle a pu les rejoindre. Lorsqu'elle a eu connaissance de ce qu'ils s'apprêtaient à faire, elle n'a pas éprouvé l'ombre d'un doute. Elle était prête à tout sauver son frère. »

« Tu ne peux pas leurs en vouloir d'avoir agi ainsi. », les défendit Zechs. « Toi-même, tu as bien accepté de mettre ta vie en jeu. »

« Les circonstances étaient différentes. En tant que chevaliers-dragons, cette tâche nous était dévolue. Personne d'autre n'en possédait les capacités. Après la disparition de Treize, tout danger était écarté. Il n'était pas nécessaire de mettre d'autres vies dans la balance. »

« Là, tu parles en tant que soldat mais pas en tant qu'homme. Aurais-tu été capable de détourner le visage et de passer ton chemin en voyant un ami, un frère ou un être cher agoniser à tes pieds ? »

« Nous ne méritions pas un tel cadeau. », dit le jeune seigneur de l'ouest dans un murmure.

Avec fermeté mais sans violence, Zechs posa sa main sur l'avant-bras de son compagnon.

« Wufei, vous méritiez cela. Personne d'autre ici bas n'en était plus digne que vous cinq. Alors je t'en prie, je t'en supplie, ne nourris pas une colère qui n'a pas lieu d'être. »

« Sincèrement, je ne suis plus en colère. », le rassura le chevalier. « Je ne te cacherai pas que c'était le cas à mon réveil. Malgré la douleur physique, mon esprit meurtri ne pouvait s'empêcher de ressentir cette émotion. Mais maintenant… maintenant je suis simplement triste. Nous leurs avons tant pris. »

« Vous ne leurs avez rien volé Wu. Ils vous ont offert cette deuxième chance. Interpréter cela de manière différente serait leurs manquer de respect. »

« Mais le résultat demeure le même. Au vue de notre état avant leur intervention, ce sont certainement des années entières qu'ils ont sacrifiées. »

« Ca, personne ne peut le savoir. Comme le commun des mortels, ils ignorent de quoi demain sera fait. Peut-être vivront-ils encore pendant un an, dix ans ou peut-être nous survivront-ils tous. Nous ne pouvons pas le savoir de manière certaine. La seule chose que nous puissions faire c'est de profiter du moment présent sans craindre l'avenir. »

Wufei savait que son ami était dans le vrai. Cependant, il n'arrivait pas à s'empêcher de culpabiliser. Il aurait de loin préféré que Mei Lan, qu'il considérait comme sa propre sœur, puisse jouir d'une longue vie, même si cela aurait dû signifier qu'elle la continue sans lui. Cette idée le rendait d'autant plus triste lorsqu'il pensait à Shun.

Le geste des prêtres et prêtresses à leur encontre était certes très beau mais si lourd de conséquences.

« Cesse de te torturer l'esprit. », intervint Zechs en sentant l'humeur maussade de son compagnon grandir d'un cran. « Après toutes ces épreuves et ces années de guerre, nous sommes tous en vie ! Alors je t'interdis formellement de t'apitoyer sur ton sort ! »

Le ton solennel du soldat eut au moins le mérite d'arracher un début de sourire à Wufei. Zechs avait au moins raison sur un point : ils étaient en vie et rien que ce prodige méritait un effort de sa part.

« Je veux bien arrêter de broyer du noir si tu acceptent de me parler de ta mission. »

« Notre souverain ne t'en a rien dit ? », demanda l'ancien chef d'armée avec une sincère surprise.

« Apparemment il tenait à conserver le secret jusqu'à ton retour. Il m'a juste informé que Réléna, Trowa et toi étiez les seuls dans la confidence. »

« Et bien puisque ma mission a été menée à bien, je pense pouvoir t'éclairer un peu sur ce sujet. »

« Devais-tu rapporter des informations ? »

« Rapporter… oui. Mais des informations… pas vraiment. », répondit le soldat de manière énigmatique, chose qui rendit Wufei encore plus perplexe.


Lorsque Trowa frappa à la porte des appartements privés de Quatre, le soleil de midi brillait haut dans le ciel. Ce fut le majordome personnel du roi qui vint lui ouvrir.

L'homme, âgé d'une soixantaine d'années, possédait dans son maintient toute la solennité qu'on pouvait attendre de sa position au sein du personnel privé du monarque. Cependant, son visage avenant et la douceur des ses traits lui octroyaient un côté bon enfant qui avait toujours plu à Trowa.

« Seigneur Barton. Permettez-moi de vous dire que c'est un plaisir de vous voir enfin remis de vos blessures. »

« Pas tout à fait. », précisa le chevalier en mettant en évidence la canne qui lui servait d'appui. « Ma jambe se montre plutôt récalcitrante. »

« Nuls doutes que votre état s'améliorera très rapidement. »

« Je ne vous cacherez pas que j'attends cela avec impatience. Je dois avouer que l'inactivité me pèse. »

« Je crois pouvoir dire que vous n'êtes pas le seul dans ce cas-là. », répondit le vieil homme avec une expression amusée. « Mais je pense que les prochaines semaines ne manqueront pas d'intérêt. »

Trowa eut juste le temps d'afficher une mine interrogative avant que le serviteur ne s'efface pour le laisser entrer.

« Sa Majesté est dans son bureau. Il vous attend. »

Le seigneur de l'est acquiesça avant de se diriger vers l'accès privé qui lui était désigné.

Il n'avait pas revu Quatre depuis la veille et lorsqu'il était passé plus tôt dans la journée, le secrétaire personnel du roi l'avait informé que ce dernier était en audience privée et qu'il ne pouvait pas être dérangé.

Quelle ne fut donc pas sa surprise, en entrant dans le bureau royal, de voir son ami debout au centre de la pièce en train d'observer ce qui avait tout l'air d'être un berceau.

« Quatre ? », l'interpella-t-il avec hésitation.

Ce dernier se tourna vers lui, une expression sereine sur son visage. Malgré les nombreuses ecchymoses encore bien visibles sur ses traits, le jeune monarque n'avait rien perdu de son charme.

« Approche. », répondit le blond avant de préciser non sans une trace d'humour dans la voix. « Il ne mord pas. »

Son ami accéda à sa demande et franchit les quelques mètres qui les séparaient.

Pendant un instant, Trowa observa, non sans curiosité, le petit être blond qui dormait à poing fermé dans son couffin. Bien que très jeune, la ressemblance entre le bébé et Quatre était plus que frappante.

« Depuis quand est-il au palais ? » finit-il par demander en reportant son attention sur son ami.

« Depuis très tôt ce matin. »

« Zechs est donc revenu. »

« Oui et il a accompli la mission que je lui avais confiée avant notre départ pour les Plaines Saintes. »

« De toute évidence, les renseignements que Dororthy t'avait confié étaient exacts. »

« Ils l'étaient. L'enfant avait bel et bien séjourné dans le village qu'elle m'avait indiqué. Cependant, lorsque Zechs s'y est rendu, les hommes de Treize avaient déjà quitté les lieux. »

« Quelqu'un les aurait avertis ? »

« Cela me parait peu probable. Je pense plutôt qu'ils avaient reçu des consignes précises pour ne pas s'attarder trop longtemps au même endroit. Zechs s'est vu contraint de les pister durant plusieurs semaines avant de les intercepter. »

« Malgré sa cécité, il n'a rien perdu de ses talents. », fit très justement remarquer le chevalier avec une note d'admiration non feinte. « Tu as bien fait de lui confier cette tâche. »

« Mis à part les Hauts Seigneurs de Sanc, il était la seule personne de confiance qui pouvait exécuter un tel ordre. », répondit Quatre avec gravité. « Si quelqu'un de malveillant envers le Royaume avait appris son existence, je n'ose imaginer ce qu'il serait advenu de cet enfant. »

« Ton enfant. », le corrigea Trowa.

« Effectivement. », concéda Quatre avec un sourire penaud. « J'avoue avoir encore un peu de peine à réaliser cela. »

Le seigneur de l'est ne le contredit pas sur ce point. Nul doute que lui aussi aurait besoin d'un peu de temps pour assimiler ce changement des plus important dans la vie du jeune roi… et par conséquent dans la sienne.

Ils avaient pourtant eu le temps de s'y préparer. Cela faisait des mois maintenant que Quatre lui avait confié le secret de l'existence de son enfant. Trowa se souvenait encore dans les moindres détails de cette journée et des paroles prononcées par son compagnon. (1)

Jusqu'à la veille de leur départ pour les Plaines Saintes, ils n'avaient été que trois dans la confidence : Quatre qui avait su de la bouche même de Dorothy qu'il avait un enfant, lui-même et Réléna.

La prêtresse l'avait découvert dans l'une de ses visions, quelques jours seulement avant le mariage royal. Elle avait pu entrevoir une partie des conséquences que l'union de Dorothy et Quatre allait entraîner ; l'arrivée de l'héritier mâle tant désiré mais aussi la trahison de la jeune reine. Réléna avait immédiatement quitté le sanctuaire de Sandrock afin de prévenir son cousin du complot qui se tramait à son insu. Mais Treize, bien conscient du pouvoir de la jeune femme et du danger qu'elle pouvait représenter pour ses plans, avait envoyé des hommes pour l'intercepter. Il l'avait emprisonnée juste le temps de permettre à Dorothy d'effectuer sa tentative d'assassinat. Puis, face à l'échec de la jeune reine, il avait fait main basse sur les autres prêtres et prêtresses afin d'obtenir les âmes des dragons en échange de leur vie. (2)

A cette époque-là, Quatre ne s'était douté de rien. Sans les aveux de Dorothy, jamais il n'aurait eu connaissance de l'existence de son fils. (3)

« Je dois encore en informer mes sœurs, sans oublier Duo, Heero et Wufei. Bien que je subodore que ce dernier soit maintenant au courant. »

« Et la population ? »

« Une annonce officielle sera faite lors des festivités prévues pour la fin de la guerre. Après la tentative d'assassinat contre moi, nous avions sciemment tenu secret le rôle de Dorothy dans ce complot. », expliqua-t-il. « Tout le monde se doutait qu'un de mes proches en avait été l'instigateur mais sans savoir lequel. Lorsqu'elle a donné sa vie pour me sauver, tous les soupçons se sont définitivement détournés d'elle. »

Quatre observa le bambin remuer dans son sommeil avant de poursuivre.

« Lors de la présentation de l'enfant à la population, nous expliquerons que Dorothy avait quitté le palais pour protéger l'héritier du trône. »

« Tu vas en faire une sainte. », rétorqua Trowa avec cynisme.

« Elle n'était pas si mauvaise. Je pense que si les circonstances avaient été différentes, elle aurait peut-être pu choisir une autre voix. De plus, une fois son enfant né, elle n'a pas hésité à braver Treize pour tenter de revenir au palais. Ce que je compte annoncer n'est donc pas totalement dénué de véracité. »

« Tu es le seul à pouvoir en juger. », lui accorda son ami. « Nous ne la connaissions pas suffisamment pour cela. »

« Je ne désire pas la juger. Je souhaite simplement que cet enfant puisse grandir sans avoir une image totalement négative de sa mère. Car elle aussi a donné sa vie pour protéger Sanc. »

Le chevalier d'Heavyarms acquiesça en silence. Il avait conscience que Quatre était dans le vrai mais il y avait certains sujets sur lesquels Trowa demeurerait toujours très partial dans ses opinions.

« Est-ce que tu lui as choisi un nom ? »

« J'aurais aimé lui donner celui de père. »

« C'est une excellente idée. Ca lui portera chance. »

« Je pense plutôt que c'est cet enfant qui nous portera chance. Après tout, rien que sa présence ici relève presque du miracle. »

« En tout cas, cela amènera pas mal de changements au palais. », dit Trowa en imaginant la réaction des princesses royales.

« Certaines choses évolues. », rétorqua Quatre en observant son fils.

Puis, il tourna son visage vers son compagnon.

« Tandis que d'autres demeureront éternellement intactes. »

Il y avait une telle dose d'affection dans son regard que Trowa se laissa submerger. Et pour la première fois de toute son existence, il sut avec une certitude absolue que sa vie se ferait dorénavant auprès de Quatre et de son fils.


Duo observait les ouvriers du haut de la tour sud du palais. La journée touchait lentement à sa fin, baignant le ciel de Sanc d'une douce couleur orangée. Malgré l'heure tardive, les travailleurs ne semblaient pas enclins à stopper leur activité. Bien au contraire. Mais il fallait avouer que la tâche, qui leurs incombait, était quelque peu particulière et tous prenaient leur participation à l'ouvrage comme un honneur.

En fait, la seule personne, qui ne partageait pas cette allégresse générale, était Duo. Toute sa bonne humeur avait subitement disparue lorsque quelques heures plus tôt, il s'était retrouvé nez à nez avec un immense bloc de granit noir, déposé dans la cour extérieure du château selon les ordres de Quatre.

La surprise du chevalier fut telle qu'il avait immédiatement disparu pour trouver refuge sur son « perchoir ».

« Est-ce ta capacité à voler qui te manque ou as-tu juste décidé de faire bande à part ? », l'interpella la voix quelque peu moqueuse de Heero.

Duo ne répondit pas mais il se tourna tout de même vers le nouveau venu.

« Pourquoi te caches-tu ? »

« Je ne me caches pas », lui assura le seigneur du sud. « J'observe. »

D'un mouvement de la tête, il désigna la scène qui se jouait à leurs pieds.

Intrigué, Heero se rapprocha de lui et, malgré les bandages qu'il portait encore au bras, il vint s'accouder au parapet de pierre.

« Tu n'aimes pas l'idée de Quatre ? », lui demanda le représentant de Wing. « Je trouve, personnellement, que rendre hommage aux hommes et aux femmes de Sanc tombés au combat en inscrivant leurs noms dans la pierre, est un très bel hommage. »

« Je suis d'accord avec toi. »

« Alors où se trouve le problème ? », insista Heero en sentant que quelque chose ne tournait pas rond.

« Te souviens-tu de ce que je t'ai raconté après mon réveil ? »

« Tu parles de ton rêve ? »

Duo ne savait pas si le terme rêve était réellement approprié. Cependant, il ne releva pas ce détail.

« Je t'ai parlé d'une stèle… d'un tombeau pour être plus précis. »

« Effectivement, je m'en souviens. »

« Et bien… tu l'as devant les yeux. »

Heero afficha une mine perplexe avant de poser son regard sur l'énorme bloc de granit sombre.

« Tu en es sûr ? »

« Je peux t'assurer que je ne nourris aucun doute là-dessus. Mis à part les inscriptions, ils sont parfaitement identiques. »

A ce souvenir, Duo sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine. Il pouvait encore se représenter les noms de ses compagnons sur la surface lisse de la stèle. Il arrivait même à percevoir, avec une netteté dérangeante, le contact rugueux du nom gravé de Heero sous ses doigts.

« C'est… bizarre. », dit le chevalier du nord.

« A qui le dis-tu ! »

« Que crois-tu que cela signifie ? »

« Pour être franc, je n'en ai aucune idée. Jusqu'à présent, je pensais que tout ce que j'avais cru voir lorsque j'étais inconscient relevait simplement du mirage. Toutefois, entre l'impression de déjà-vu que j'ai ressenti en voyant la princesse Iria à mon chevet et maintenant cette stèle… j'avoue être un peu dépassé. Si nous étions toujours en symbiose avec les âmes des dragons, j'aurais sans hésitation mis tout cela sur le compte de leurs pouvoirs. Mais leurs esprits se sont endormis et ont quitté nos corps, il n'y a donc aucune chance que ces évènements puissent venir d'eux. »

« Je n'en suis pas aussi sûr que toi. », intervint Heero avec un tel sérieux que cela alarma immédiatement Duo.

« Que veux-tu dire ? »

« Et bien… nous t'avons caché quelque chose. Un… détail. »

« Un détail ? Quel détail ? »

« Comme tu le sais, nous avons tous repris conscience bien avant toi. Durant notre convalescence, les cinq âmes des dragons ont été mises sous bonne garde par la princesse Iria. Lucrézia et Rashid se sont même personnellement relayés pour commander les troupes en charge de la protection des joyaux. Ils avaient ainsi, à tout moment, un œil sur les pierres sacrées. »

Duo écoutait les paroles de Heero avec un mélange de curiosité et d'appréhension. Il craignait plus que tout d'apprendre une mauvaise nouvelle qui sonnerait le début de nouveaux ennuis.

Mais cela ne fut pas tout à fait le cas.

« Lucrézia et Rashid sont formels. », poursuivit le représentant de Wing. « Quatre des cinq pierres se sont mises à luire quelques heures avant ton réveil. Elles ont toutes brillé excepté celle de Shinigami. »

« Comment est-ce possible ? Les âmes des dragons ne sont censées se réveiller qu'en cas de danger. »

« Ca n'est qu'une supposition mais nous croyons que les dragons ont tenté de t'aider. »

Duo ouvrit la bouche pour rétorquer mais se ravisa. Quelques minutes passèrent avant que le jeune seigneur du sud finisse par parler.

« Tu crois que c'est possible ? »

« Je pense qu'après tout ce que nous avons vécu et expérimenté, cette théorie et celle qui semble la plus probable. De plus, les pierres se sont définitivement éteintes à ton réveil. »

Le représentant de Shinigami demeura songeur quelques instants. Il tentait d'analyser toutes ces informations avec le plus d'impartialité possible.

« Pourquoi ne pas m'en avoir parlé plus tôt ? »

« Aucun d'entre nous n'a fait immédiatement le lien avec ton rêve. Nous pensions que les dragons réclamaient leurs chevaliers. Mais à présent, cette explication me semble de plus en plus bancale. », lui avoua Heero. « De plus, j'aime à penser que les dieux ont voulu veiller sur nous d'une certaine manière. »

« Pas tous. », releva Duo en faisant référence à Shinigami.

« Le contraire aurait été étonnant. »

Le chevalier du sud acquiesça avant de reposer son regard sur l'agitation qui régnait à leurs pieds.

Heero et lui restèrent ainsi en tête-à-tête jusqu'à ce que le soleil ait complètement disparu derrière les hautes chaînes rocheuses de Sanc.

« Et maintenant qu'allons-nous faire ? », finit par demander Duo lorsque les premiers flambeaux furent allumés dans l'enceinte extérieure du palais.

« Il nous reste une dernière tâche à accomplir. », répondit son compagnon au moment même où la lune faisait son apparition.


Les cinq chevaliers observaient l'entrée du sanctuaire dans un silence quasi religieux.

Malgré toutes ces années au service des dragons, une légère appréhension était née à la vue des imposantes portes dorées qui en scellaient l'accès. Cela faisait si longtemps maintenant qu'ils n'en avaient pas franchi le seuil. La dernière fois remontait au soir de leur rencontre avec Duo... une éternité en soit.

Après cette nuit, ils laisseront derrière eux leur rôle de chevalier-dragon pour n'être plus que Quatre, Trowa, Wufei, Heero et Duo. Cinq guerrier au parcours atypique mais au courage sans borne.

« Vous êtes prêts ? » finit par demander Quatre à ses compagnons.

Tous acquiescèrent comme un seul homme.

« Alors allons-y. » déclara le jeune souverain avant de s'avancer et de poser sa main sur le scellé à l'effigie d'une tête de dragon.

A peine l'eut-il effleurée, que les yeux de la statue, constitués de deux rubis, se mirent à luire intensément. Puis, un grondement sourd se fit entendre, semblable au rugissement d'une bête énorme. Les lourds battants commencèrent lentement à s'ouvrir, poussés par un vent invisible.

Tous contemplèrent ce phénomène sans sourciller. Ils connaissaient la magie protectrice qui habitait ce lieu pour l'avoir affrontée bien des années auparavant. Ils attendirent donc patiemment que le chemin se dévoile à eux, chose qui ne tarda pas. Lorsque les portes stoppèrent leur avancée, de légères lueurs apparurent à l'intérieure de la salle sacrée, comme si quelqu'un avait allumé des torches à leur intention.

Quatre fut le premier à bouger, mais au lieu de s'engouffrer directement vers l'entrée du sanctuaire, il préféra lui tourner le dos et se diriger d'un pas décidé vers Zechs.

L'ancien soldat, qui avait souhaité les escorter, tenait dans ses mains un très beau coffret de bois sombre. Lorsqu'il perçut la présence du jeune souverain face à lui, il ouvrit le couvercle et dévoila cinq pierres.

Quatre tendit la main afin de se saisir de l'âme endormie de Sandrock. La gemme, si étincelante par le passé, demeura totalement inerte au contact du chevalier. Le plus sage des dragons avait, semble-t-il, définitivement rempli son rôle de protecteur de Sanc. Rassuré par cela, le monarque prit, sans plus d'hésitation, le chemin du sanctuaire. Sa silhouette disparut peu à peu dans la pénombre de ce lieu unique.

Trowa et Heero furent les seconds Hauts Seigneurs à prendre possession de l'esprit assoupi d'un ancien dieu. A l'instar de Quatre, ils lui emboîtèrent le pas afin de mettre l'essence d'Heavyarms et de Wing en sécurité.

Puis, arriva le tour de Wufei.

Le chevalier de l'ouest vint se placer près de Zechs, scrutant les traits éternellement sereins de son ami. Il aurait aimé lui demander de l'accompagner dans ce moment si particulier de son existence mais il savait que cela lui était interdit. Seuls les élus étaient autorisés à franchir le seuil du sanctuaire.

« Je ne serai pas long. » dit le représentant de Nataku d'une voix basse pour n'être entendu que par son compagnon.

« Je ne bouge pas d'ici. » lui assura Zechs avec un sourire rassurant.

Wufei lui rendit son geste.

Bien qu'il sache que son ami ne le verrait pas, il avait tout de même la certitude qu'il le sentirait.

Puis, le seigneur de l'ouest se détourna de lui pour plonger dans l'étrange obscurité qui lui faisait face.

Duo observa ses frères d'armes disparaître tour à tour. Il eut la fugace impression de les voir se faire avaler par les ténèbres. Mais il chassa bien vite cette idée saugrenue de son esprit et vint rejoindre Zechs.

Toutefois, contrairement à ses amis, il sembla éprouver une réelle réticence à toucher l'améthyste sagement posée dans le coffret. Malgré sa certitude que l'âme de Shinigami soit endormie, le jeune seigneur du sud ne pouvait empêcher une petite voix dans sa tête de lui murmurer une mise en garde funèbre. Une partie de son être craignait de voir s'éveiller le dragon si ses doigts effleuraient la surface lisse de la gemme.

Loin de s'inquiéter de l'attitude de Duo, Zechs attendit patiemment que le chevalier se sente enfin prêt à mettre un terme définitif à un pan important de sa vie.

Il fallut encore quelques instants au jeune seigneur pour se ressaisir. Il finit tout de même par prendre une profonde inspiration avant de tendre la main en direction du coffret. Ce fut avec un mélange de prudence et de dévotion que ses doigts se refermèrent sur l'améthyste.

Contrairement à ce que ses craintes lui avaient suggérées, l'esprit de Shinigami demeura assoupi.

Face à cela, Duo éprouva une certaine satisfaction à savoir le dragon soigneusement emprisonné dans son étrange prison. Il s'étonna même qu'un objet à l'apparence aussi fragile soit capable de contenir un être aussi terrifiant. Mais pour être tout à fait certain qu'aucun mortel n'accèderait à l'âme de l'ancien dieu sans y être élu, il restait à Duo une dernière tâche à exécuter. Il se dirigea donc vers le sanctuaire afin de mettre un terme à son pacte avec le dragon.

A peine en avait-il franchi le seuil que les lourdes portes de métal se refermèrent derrière lui. Sans s'inquiéter de cela, le chevalier poursuivit son avancée et put ainsi voir que chacun de ses compagnons avaient pris position devant l'autel de la divinité qu'ils avaient juré de servir.

Sans plus attendre, Duo les imita.

Une fois devant la pyrée, le jeune seigneur prit le temps d'observer l'imposante fresque illustrant Shinigami et qui, à l'instar des autres portraits présents dans la salle, était éclairée par deux torches.

Dire que tant d'années avaient passé depuis son accession au titre de chevalier-dragon. Et que dire de toutes les épreuves que ses amis et lui avaient franchi, non sans mal il faut bien l'avouer. Jamais il n'aurait cru parcourir un tel chemin, jamais il n'aurait pensé avoir une telle destinée.

Le regard de Duo passa de la fresque suspendue au mur à l'améthyste qu'il tenait dans sa main. D'un geste assuré, le seigneur du sud déposa la gemme au centre de l'autel, entérinant ainsi la suite de son existence.

La pierre en avait à peine effleurée la surface immaculée qu'elle s'éleva lentement dans les airs avant de s'immobiliser de manière définitive à quelques centimètres de distance. Elle demeura ainsi en suspension comme figée pour l'éternité.


« C'est étrange. », dit Duo lorsque ses amis et lui refermèrent les portes du sanctuaire, scellant ainsi l'accès aux âmes des dragons. « Je me sens... comment dire... »

« Dépouillé ? », suggéra Trowa.

« Exactement. », lui confirma le seigneur du sud. « Moi qui pensais éprouver du soulagement une fois l'esprit de Shinigami mis sous bonne garde, je dois avouer être surpris que ça ne soit pas vraiment le cas. »

« Nous avons partagé notre corps avec une autre âme durant plusieurs années, il est logique d'éprouver une sorte de sentiment d'abandon. », rétorqua Quatre avant de poser une main sur l'épaule de Duo et de poursuivre sur un ton nettement plus léger. « Mais je pense que cette impression disparaîtra très vite puisqu'à présent nous sommes à nouveau libres. »

« Libre. »

Duo avait répété ce mot avec une sorte de vénération avant de laisser un sourire sincère naître sur ses traits.

« En voilà une bien belle perspective ! Je me demande ce que je vais bien pouvoir entreprendre maintenant que je n'ai plus à m'inquiéter en permanence de ma santé mentale. »

« Et bien si vous le permettez, je souhaiterais vous présenter quelqu'un d'un peu particulier pour le Royaume de Sanc. », proposa Quatre de manière énigmatique.

« Qui donc ? », demanda Duo piqué par la curiosité.

« Je vous en laisse la surprise. », lâcha le monarque en s'éloignant sans plus de détail.

« Hey ! Quatre ! Reviens ici ! », s'exclama Duo avant de s'élancer à la poursuite de son ami avec la même insouciance qu'un enfant de dix ans. « Quatre ! Quatre !!! »


Cette histoire que je vais vous conter retrace la vie de cinq jeunes gens. Cinq valeureux guerriers qui devront faire face à un destin douloureux, rempli d'épreuves et de sang.

Seul rempart contre l'avancée du Mal, ils seront choisis par les Dieux-Dragons pour recevoir leur force et protéger le peuple de Sanc.

Ils représentent le dernier espoir des âmes innocentes.

FIN !

(1) Chapitre 18 Livre III

(2) Chapitres 1 à 10 Livre III

(3) Chapitre 13 Livre III

PS : si vous avez des questions ... n'hésitez pas à me les poser. J'y répondrai avec plaisir.