Le blabla du goupil : Encore une fic pour Trente Baisers. Mais qui n'a aucun, mais alors vraiment aucun rapport avec un drabble... Hem. /songe à ses 56 feuilles de classeur bien remplies.../ (Oui, la fic est finie, donc non, il n'y aura pas trop de retard, pour une fois. n.n)

Disclaimer : Non, personne n'est à moi... A part... l'Autre... (Non, je n'en suis pas fière, non...)

Warning : (shonen-aï, mais bon, là, vous savez à quoi vous attendre) Non, en fait, ce que je voulais dire : tout ça se passe après que Léolio ait obtenu son diplôme de médecine, donc en gros dans trois ou quatre ans... Seulement, attendez vous à ce que Gon et Kirua n'aient pas vraiment grandis... Ils ont toujours leur aspect de gamins de douze ans. (De toute façon, ils semblent avoir un problème de croissance dans le manga - si vous trouvez qu'ils ont évolués physiquement, dîtes-le moi - alors mettons que je respecte. n.n)


Kurapika était quelqu'un qui haïssait beaucoup de choses.

Il haïssait, pour l'essentiel, une certaine période de son passé, un groupe d'assassins sans foi ni loi ni morale ni comportement à peu près compréhensible et, d'une manière extrêmement générale, les araignées.

Mais en cet instant précis, il existait certaines choses qu'il haïssait encore plus que tout cela.

Il haïssait les lanternes en carton.

Il haïssait l'alcool.

Il haïssait les confettis.

Il haïssait la compagnie humaine.

Il haïssait les gâteaux au chocolat.

Il haïssait les appartements bourrés de monde.

Il haïssait les concours de faculté.

Il haïssait les étudiants en médecine.

Et, par dessus tout, il haïssait Léolio.

Non mais quelle idée avait eut cet imbécile d'abruti d'idiot de baka lobotomisé de tenir absolument à le forcer, lui, Kurapika, à assister à sa fête de réussite au concours ?

Il était content pour lui.

Bien sûr.

Mais il avait quant même autre chose à faire que de s'ennuyer royalement pendant toute une soirée, vautré au fond du canapé, en se faisant draguer par la moitié des camarades diplômé de Léolio.

Par la moitié masculine.

Pour la énième fois de l'heure, un jeune homme au teint rougi par l'alcool et un chapeau pointu en carton coiffant glorieusement le haut de son crâne, le prenant pour une petite demoiselle effarouchée ne demandant qu'à être dépucelée, s'affala à côté de lui et le gratifia d'un large sourire de conquérant sûr de sa victoire.

Kurapika lui appuya négligemment sur la jugulaire.

Puis, ignorant le râle douloureux du pauvre étudiant, il observa d'un regard fataliste son meilleur ami qui, assis au buffet, semblait plongé dans un bonheur des plus parfait.

Ceci expliquant cela, il était submergé d'étudiantes.

Kurapika soupira et piqua du nez dans son verre d'eau – il n'avait rien contre l'alcool, mais il préférait les vins raffinés aux grossiers breuvages qu'on trouve en général dans les cannettes de bière.

Il haïssait les cannettes de bière.

Ah, il y avait autre chose, qu'il haïssait, aussi.

Les vibrations sourdes et soutenues qui s'échappait de l'espèce de chose monstrueusement noire, métallique et imposante qui trônait dans un coin.

Ce que Léolio persistait à qualifier de musique lui vrillait, quant à lui, douloureusement les tympans.

Ce fut en tentant de trouver une mélodie à ce qui était « très à la mode, Kurapika, je t'assure ! C'est un véritable hit, les critiques sont unanimes, on ne peut qu'aimer ! C'est un grand pas qui vient d'être fait dans le monde de la musique ! » qu'il perçut un léger tintement dans le vacarme environnant.

Quelqu'un sonnait à la porte.

Oh mon dieu.

Il avait une excuse pour s'éclipser discrètement.

Il existait donc une divinité pour les adolescents blonds et allergiques à la bière.

Il se rua brutalement hors du canapé jusque dans le vestibule, avant que quelqu'un n'ait la désastreuse idée d'aller voir avant lui.

C'était le facteur.

« Monsieur... Un recommandé urgent... Je devais vous l'apporter immédiatement... Signez ici... Il est tard... Je sais... Mais apparemment je ne vous dérange pas... »

« Mais, je ne suis p... »

« Aucune importance signez ici s'il-vous-plaît. »

L'homme, renfrogné, ne semblait pas être ravi de se retrouver debout à une heure du matin.

Kurapika le comprenait tout à fait. (Et il était assez satisfait du qualificatif de « Monsieur ».)

Il signa, bien décidé à abandonner la missive aux mains du premier qui viendrait à sa rencontre, avec l'obligation expresse de la remettre immédiatement à Léolio, pour pouvoir se faufiler en toute discrétion par la porte d'entrée.

Il changea d'avis du tout au tout lorsqu'il vit l'adresse de l'expéditeur.


« Sérieusement, les filles, si jamais un jour vous vous retrouvez dans ce genre de situation, n'oubliez pas qu'il existe peut-être des centaines d'autres solutions, avant d'avaler votre shampoing ! »

Les filles gloussèrent, se poussant du coude.

Elles adoraient Léolio.

Il avait tellement d'anecdotes amusantes à raconter.

Que leur pourcentage de véracité soit proche du néant n'avait aucune espèce d'importance.

L'une des jeunes femmes se pendit langoureusement au cou du nouvellement-promu-jeune-médecin.

« Diiiiis... Léoliooooo... Quant est ce que tu te décideras à me demander en mariage, heiiiiin ? »

« Aaah, je suis navré, mais pour ça il faut d'abord que j'ai l'autorisation de mon tuteur... »

« Mais t'es mazeuuuuur... »

« Oui, mais il est très à cheval sur ce genre de choses. Ah ! D'ailleurs, le voilà... »

« Ouoooooh ! T'es qu'un zale blagueur, Léolio... Z'est une fille, za... »

« Alors, Kurapika, tu t'amuses ? Je t'avais dis, que c'était sympathique, ce genre de soirée ! Et toi qui ne voulais pas ven... C'est quoi ? »

(« Z'sais r'connaître une fille quant z'en vois une, mouâh. »)

« Le facteur vient de passer. C'est pour toi... »

« A cette heure de la nuit ? Et tu penses sincèrement que je vais te croire ? Aha, ça te réussit, ces petites fêtes, tu deviens aussitôt d'humeur farceuse ! »

(« Moi ze parie zur une lettre d'amûr. Z'avec des petits cœurs partout. »)

« Pour proférer ce genre de stupidités, tu dois vraiment avoir bu plus que de raison. »

« Mais non mais non ! Avoue qu'au plus profond de toi, tu es un petit farceur qui adore faire des blagues çà tout le monde ! Hein ? J'ai pas raison ? »

(« Ze parie que t'es fou amoureux d'elle. Et z'est rezopri... rezapro... Elle éprouve la même ssoze de zon côté de zon cœur. Tu vois sse que ze veux dire ? Ssale petit cassa... casso... casssot... menteur. »)

« Exactement, un petit blagueur qui a plus d'un tour dans son sac ! Et qui aime rigoler à tout bout de champ ! Si si ! »

(« Léooooo... Elle fait peur, ta copiiiine... Pourquoi elle me regarde comme zaaaa ? Z'ai peeeur... »)

« Qui aime faire rire les gens ! Le genre de type qui sort plein de blagues dans les banquets de mariage et que tout le monde trouve sympathique ! Mouaip. Sûr et certain ! Aaah, heureusement que j'ai un tuteur comme ça, parce que j'aurais vraiment pas aimé qu'il soit désagréable, froid et renfermé et ma mère souffre d'un cancer elle n'en a plus que pour six mois et elle veut me voir immédiatement... »

(« ... »)

« ... »


« Vous n'étiez pas obligez de m'accompagner, vous savez... »

« Mais si, Léolio. »

« Mais si, Léolio ! »

« Mais si, Léolio ! »

« Non. Sérieusement. Vous deux, vous n'étiez pas obligés de m'accompagner ! C'est un hôpital, pas un terrain de jeu... »

Kirua eut une petite moue offensée.

« Attend, tu penses vraiment qu'on ne sait pas se tenir quant les circonstances l'exigent ? »

« ... »

« On sera sages, Léolio ! Promis ! » ajouta Gon.

Le jeune médecin soupira lamentablement. Actuellement, la présence des deux jeunes hunters lui portait un peu sur les nerfs.

Il fallait dire qu'il n'avait que moyennement apprécié leur entrée fracassante dans son appartement et la manière dont ils l'avaient félicité à plein poumons, le couvrant de confettis et de bonbons en lui sautant dessus, au moment même où son cerveau embrumé commençait à intégrer le contenu de la lettre.

Ils s'en étaient voulus par la suite, c'était vrai.

Mais quant même.

Kurapika, avisant la mine renfrognée de son ami, lui posa une main apaisante sur l'épaule.

« Elle t'attend, » murmura t-il en le tirant gentiment vers le hall de l'hôpital..

« Dis, Léolio, » intervint Kirua dans leur dos, « A quoi elle ressemble, ta mère ? »


Un visage noble, lisse, d'une élégance grecque et raffinée ; un nez gentiment busqué, des pommettes hautes, une bouche carmin aux lèvres pleines et agréables... De longs cheveux d'une noirceur d'ébène, tranchant avec la blancheur de l'oreiller... Les seuls signes distinctifs transcendant l'apparente jeunesse de la personne étendue sur le lit étaient les minuscules petites rides qui soulignaient le coin de ses yeux.

La patiente bougea légèrement dans son sommeil.

Kirua cligna des yeux en silence avant de se tourner vers l'infirmière.

« Vous vous êtes trompé de chambre, » affirma t-il d'un ton sans réplique. « C'est la mère de ce type-là, qu'on cherche. »

« Kirua. C'est ma mère. »

« Je t'assure que non. Tu peux me croire. »

« Kirua. »

« Elle est bien trop belle pour avoir un quelconque gène de commun avec toi. »

« Je... ÇA VEUT DIRE QUOI, ÇA ? »

« Léolio... C'est toi... Léolio ? »

L'interpellé abandonna aussitôt le jeune assassin à ses dénégations pour s'asseoir sur le bord du lit et saisir la main de la patiente, la couvrant d'un regard de tendre amour filial.

« Maman ? »

Elle sortait tout juste des profondeurs embrumées du sommeil, le teint pâle et légèrement tiré, se frottant lentement les yeux.

Elle écarta sa main longue et fine de son beau regard et, clignant des paupières, elle finit par poser deux prunelles d'une douce couleur noisette tirant sur le doré, cristallines, emplies d'innocence, sur son fils. De par sa fragilité et sa douceur, on aurait dit une poupée de porcelaine.

« Léolio... » murmura t-elle tendrement, ses lèvres esquissant un sourire fatigué mais irradiant néanmoins d'un merveilleux bonheur. « Tu aurais quant même pu te dépêcher de venir un peu plus tôt, tu as vu l'heure qu'il est ? »

« ... »

« ... »

« ... »

« ... Hem. Oui, maman. Excuse-moi. Je me suis seulement dit que l'hôpital serait fermé au beau milieu de la nuit. »

« Mais bien sûr, qu'il serait fermé, qu'est-ce que tu me chantes ? Mais j'ai pensé que comme tu étais hunter, ça ne te poserait pas de problème. Qu'est-ce qu'un hôpital fermé pour un hunter ? Ingrat de fils, » ajouta t-elle en grimaçant.

« ...Oui, Maman. Je te demande pardon. »

La figure maternelle étouffa un profond bâillement.

Rouvrant les yeux, elle posa un regard énergique sur les deux jeunes garçons qui, un peu en retrait dans la chambre d'hôpital, accompagnaient son fils. Pour une raison qu'elle ne chercha pas à approfondir, ils semblaient assez interloqués.

Elle les gratifia d'un large sourire.

« Bonjour ! Vous avez l'air d'être de très mignons petits garçons, tous les deux ! Cela dit, comme je ne vous connais absolument pas, pourriez-vous avoir l'extrême obligeance de m'expliquer ce que vous traficotez dans ma chambre ? »

« Ce sont mes amis, Maman. »

Maman braqua un regard peiné sur son fiston. Elle leva une main et lui tapota gentiment le haut du crâne.

« Oooh. Mon pauvre chéri. Comme tu n'as pas réussit à te faire d'amis à la fac, tu t'en ai fait à la sortie du collège... »

« Maman... »

« Nous nous sommes rencontrés durant l'examen de hunter, Madame. Heu... Je suis ravi de voir que vous avez l'air en pleine forme. »

Maman cligna des yeux.

Une fois.

Deux fois.

Trois fois.

La voix, à la fois posée et distinguée, d'un timbre pur, légèrement grave et pourtant indiscutablement féminin, venait de résonner à sa droite.

Elle tourna lentement la tête.

Deux grands yeux verts d'eau, des cheveux dorés, un teint pâle, un gentil sourire...

« OH ! LEOLIO ! CACHOTTIER ! TU NE M'AVAIS PAS DIS QUE TA PETITE AMIE ÉTAIT AUSSI JOLIE ! »


« S'il-te-plaît. »

« NON. Hors de question. »

Kurapika croisa les bras et s'adossa au mur du couloir, foudroyant son ami d'un regard définitif.

« Il n'y en a que pour six mois... »

« C'est à dire la moitié d'une année. »

« Mais... Elle a l'air tellement heureuse de savoir que j'ai une petite amie... Je ne veux pas lui faire de la peine... »

« Je crois que tu ne réalises pas ce que tu es en train de me demander, Léolio : non seulement tu veux que je me fasse passer pour une femme, ce que je ne suis absolument PAS, nous sommes d'accord, mais EN PLUS, tu veux que je fasse semblant d'être ta petite amie ! Et ce pendant six mois ! Elle va bien, la tête ? »

Le jeune médecin soupira lentement, fixant le bout de ses chaussures.

« C'est vrai... Je sais bien... Mais... Ça lui fait tellement plaisir... Je me souviens... Quant je lui ai écrit... Pourtant, je n'avais fait qu'évoquer ma petite amie de l'époque... »

« Tu as eu une petite amie ? »

« Le coup de fil qu'elle m'avait passé... Elle était tellement, tellement enthousiaste... »

« Tu as eu une petite amie ? »

« Tu sais, je suis fils unique, alors... »

« Tu as eu une petite amie ? »

« Elle réfléchissait déjà aux invités du mariage... à la couleur de la robe... Je n'ai pas eu le courage de le lui avouer, quant on a rompu... »

« Répond-moi, tu as eu une petite amie ? »

Silence.

« Heu... Oui... J... »

« Quant ? »

« En deuxième année de méd... »

« Qui c'était ? »

« Heu... Bah... Une fille... Elle a démén... »

« Pourquoi tu ne m'en a pas parlé ? »

« Ben... Je t'avais pas vu depuis plusieurs mois... »

« HAH ! Ben voyons ! »

« Heu... Kurapika... Ça te vexe tant que ça ? »

« Oui ! »

« P... Pourquoi ? »

« Je... »

« ... »

« ... On s'est écarté du sujet. C'est hors de question ! »

« Kurapika... »

« NON ! »

« Elle va mourir. »

La douceur accablée de la voix du jeune homme lui fit relever la tête. Il avait rarement vu le visage de son ami exprimer un tel sentiment de douloureuse tristesse.

« S'il-te-plaît ! »

Le blondinet hésita à s'arracher les cheveux.

« Mais comment j'ai pu me retrouver dans une situation pareille... » soupira t-il.


Lorsqu'ils rentrèrent dans la chambre, Gon et Kirua se tournèrent naturellement vers eux. Ce qui fut moins naturel, ce fut quant Kirua explosa de rire en glissant sur le sol et que Gon se détourna en se mordant les lèvres pour essayer de s'empêcher d'imiter son ami.

Maman observa intensivement ses ongles.

« Maman. Qu'est-ce que tu leur as raconté ? »

« Mais rien, mon chéri. Rien du tout. Juste... des... souvenirs d'enfance... »

« Maman. »

« Rien de méchant, rassure-toi. »

(Kirua tapa le sol à grands coups de poings.)

« Maman... »

« Tu te souviens de l'épisode des confitures de châtaignes ? »

« MAMAN ! »

« Quoi ? C'était très drôle ! Regarde les petits, comme ça les amuse ! »

Le sol, près de Kirua, donnait l'impression de n'être plus qu'un conglomérat de dalles réduites en poussière et le visage de Gon, qui tentait toujours de s'empêcher d'éclater de rire, était désormais semblable à une grosse prune bien mûre.

Kurapika soupira.

Ce qui attira l'attention de Maman sur lui.

« Alors, c'est fini, ce petit potin d'amoureux, oui ? Qu'est-ce que vous m'avez caché, encore ? »

« Heu... Rien, Madame, je... Je... suis vraiment... Heureu... se... de faire votre connaissance... et... »

« Oh, allons, je t'en pire ! Pas de ce ton cérémonieux avec moi ! Appelle-moi Linda, c'est mon prénom. Ça fera très bien l'affaire. »

« Heu... Non... Je ne me sentirais pas très à l'aise... »

« Mais si, mais si ! Je t'assure que tu peux m'appeler Linda ! Il n'y a aucun problème ! »

« Mais... Je préfère vraiment... »

« Linda. »

« Non... Je... »

« Linda. »

« Linda. »

« Voilà. Tu vois qu'il n'y a pas de problème ! »

La tête ébouriffée d'un Kirua à bout de souffle émergea du bord du lit.

« Dis, Linda, tu pourrais raconter à Kurapika... »

« Par contre je ne me souviens pas d'avoir autorisé à quiconque de me tutoyer. »

« ... »

« Maman. »

« Quoi ? C'est vrai, non ? »

« ... Oui, Maman. »

« Très bien. Bon ; j'ai fait mon sac avant que tu n'arrives, il est dans un coin, là-bas. Ce ne sera pas trop lourd pour toi, mon biquet, tu es hunter. Et, au fait, dis-moi, tu sais cond... Mais je ne connais même pas ton nom, ma jolie ! »

« ... Kurapika. »

« Mmh. Tiré par les cheveux, comme nom. Tu sais conduire ? »

« ... Oui. »

« Très bien, comme je n'ai aucune confiance en mon fils dans ce cas de figure, c'est toi qui prendras le volant. Les gosses, à l'arrière avec moi, et Léolio à tes côtés. Ne séparons pas les amoureux. »

« Merci, Maman. »

« La chambre à l'étage, près de la salle de bain, ce sera pour vous deux. Moi, je garde la mienne. Et les gosses dormiront sur le canapé-pliant dans le salon. Où sont vos bagages, à tous ? »

Elle s'arrêta, notant soudainement les regards interloqués – voire effarés, des quatre amis.

Sa future belle-fille, en particulier, était décidément bien pâle.

« (Tu devrais prendre du fer, ma petite, tu m'as l'air bien fragile.) Qu'est-ce qu'il y a ? »

« Maman... Tu... Tu... veux vraiment qu'on emménage tous à la maison ? »

« Et bien, les gosses, je ne sais, pas, mais vous, oui. Il y a intérêt. »

« Mais... Maman... Je... Je vais devoir pratiquer... Et Kurapika... a un travail... aussi... »

Un sourire d'intense satisfaction naquit sur les lèvres de Maman.

« En ce qui te concerne, j'ai tout prévu. Le médecin local est parti voir ailleurs si j'y étais, tu vas pouvoir prendre sa place. Après ma mort, bien sûr. Je veux profiter de toi au maximum. Quant à ta copine... Dis-moi, ma petite, c'est quoi, ton boulot ? »

« Serveuse dans un café. »

Un long silence, d'une lourdeur à vous plomber la poitrine et d'une intensité à couper au couteau, suivit la réplique de Léolio.

Les yeux de Kurapika se déplacèrent posément vers le jeune homme, la flamme glaciale qui dansaient au fond d'eux indiquant plus clairement qu'une sentence de jury l'arrêt d'une mort certaine et douloureuse.

Maman grimaça.

« Ce n'est pas génial, comme situation, ça, ma petite... Il faut faire des études, dans la vie... »

« ... Oui, Madame. »

« Linda. »

« Linda. »

« Et bien, tu n'as qu'à donner ta démission et ne pas travailler pendant six mois. Ne t'inquiète pas, je te trouverais quelque chose de plus intéressant, moi.

« ... Ah. »

« ... Ne vous inquiétez pas, les enfants. La chambre est insonorisée. »

« ... »

« ... »

« ... »

« ... »


« Léolio. »

« Oui ? »

« Ta mère est-elle réellement malade ? »

« Mais oui. Seulement elle a toujours été comme ça. Tu verras qu'à son dernier souffle elle le sera encore... Ma petite Maman... »

Un léger voile de tristesse mêlée d'amertume tomba sur le visage du jeune homme. Il s'assit sur le lit, fixant sans la voir la silhouette du Kuruta qui se découpait sur le paysage crépusculaire de la fenêtre.

« Et c'est vraiment irréversible ? » murmura doucement le blondinet.

« Oui. D'après les analyses des médecins, elle en est à un stade trop avancé pour qu'on puisse tenter quoi que ce soit. »

« Mais... Ça ne se voit pas... trop... »

« Il faudrait un miracle pour qu'elle s'en sorte. »


Alors ça, c'était vraiment très embêtant.

Maman reposa le combinet d'un air songeur, fronçant légèrement les sourcils. Elle regrettait presque d'avoir répondu à ce coup de fil.

« Mon dieu que c'est embêtant... » murmura t-elle machinalement, pianotant des doigts sur le meuble en chêne lustré du téléphone.

« C'est clair, c'est embêtant... »

Maman baissa lentement les yeux sur le gamin à la touffe de cheveux argentés qui, debout près d'elle, s'empressa de raccrocher l'oreillette qu'il tenait un instant plus tôt à la main.

Les sourcils de Maman se refroncèrent derechef, une mauvaise humeur exacerbée baignant l'étendue de on visage.

« Tu es au courant que c'est extrêmement impoli, d'écouter les conversations des gens de cette manière-là ? »

« Bah, oui, je sais. »

Maman éclata d'un grand rire joyeux et fourragea dans les cheveux du petit voyeur.

« Je t'adore, toi ! »

« Moi aussi, je vous adore, Linda ! »

« C'est bien. »

Ses yeux se perdirent dans le vague.

« N'empêche que c'est drôlement embêtant... »

« Oui, c'est sûr. »

Leurs regards se croisèrent.

« Enfin, en même temps, » s'empressa de corriger Kirua, « Pour vous, c'est drôlement super. »

« Oui, oui... »

Elle balaya l'argument d'un geste négligeant de la main.

« Mais ça m'embête ! Je n'ai plus de moyen de pression sur mon fiston, moi ! »

« Ouais... C'est drôlement embêtant... »

Maman se mordilla un ongle.

« Tu comprends... Elle est bien, sa copine... Je comptais les forcer à se marier dans quelques semaines, moi... histoire que je puisse assister à l'union de mon fils avant de mourir... Sinon je sais que ça va encore traîner pendant des années... Je visualise déjà la robe qu'elle portera... Ça lui ira très bien... Avec un joli décolleté... »

L'expression de Kirua donnait l'exacte impression de ce que pouvait être la plus intense des jouissances spirituelles.

« Mais mais mais mais mais, » s'empressa t-il d'intervenir, « on n'est pas obligé de leur dire, hein ? »

Silence.

« C'est vrai. Il n'y a aucune obligation à ça. »

« Bah non. »

« Et puis ça ne changerait rien que je leur dise. Parce qu'il est grand temps que je reprenne la vie de mon petit Léo en main, moi. Il serait capable de faire vraiment n'importe quoi, si on ne s'occupait pas un peu de lui. »

« C'est sûr. »

« Alors à quoi bon leur dire. »

« Bah ouais. »

« Autant éviter les complications. »

« C'est clair. »

Silence.

Maman saisit Kirua à la gorge et le plaqua contre le mur.

« Avise-toi d'évoquer un seul mot de cette conversation devant quelqu'un et je t'étripe. »

Elle le lâcha, le laissant s'écrouler sur le sol, et s'éloigna en lui faisant un gentil petit signe de la main.

Kirua se massa la gorge en la fixant avec inquiétude.

« C'est clair qu'elle est pas à l'agonie... »


« Bon, évidemment, c'est vrai que si on suivait la logique, elle devrait être étendue sur un lit d'hôpital à éviter tout effort... Mais... comment dire... C'est ma mère... »

Le jeune homme s'allongea sur le lit, fixant le plafond d'un regard perplexe. C'était sa mère. Même à l'agonie, même suspendue au dessus d'un précipice, même plongée dans un chaudron d'huile bouillante, il était impossible qu'elle ne se comporte pas comme elle s'était toujours comportée.

Parce qu'alors elle ne serait plus Maman Linda.

« C'est normal qu'elle semble aussi en forme, » continua t-il, plus pour lui même que pour sa pseudo fiancée, « elle a toujours été comme ça... Et puis franchement, qu'est-ce que tu veux qu'elle ait pu faire ? Elle n'aurait quant même pas soudoyer les méd... »

Léolio cligna des yeux.

« Nan, » reprit-il plus fermement, « elle ne serait pas allé jusque là. »

Ignorant Léolio et son abyme de réflexion, Kurapika, toujours à la fenêtre, laissait son regard errer sur la campagne bruissante du bruit des grillons, calfeutrée dans les ombres apaisantes de la nuit qui venait de glisser sur elle.

Il se sentait bien.

Aussi incroyable que cela puisse paraître.

Car après tout, quant on y réfléchissait, il ne pouvait que se sentir bien : la seule chose à laquelle il allait devoir payer un tant soit peu d'attention, dans les prochains mois, serait de ne pas parler de lui-même au masculin.

Il avait connu pire. (Pas aussi dégradant, mais pire.)

Il ferma les yeux, inspirant calmement la fraîcheur piquante de l'air nocturne.

Ils étaient arrivés ici en fin d'après-midi, après plusieurs heures de route ponctuées par les ronflements de Léolio et les bavardages incessants des trois gam... De Gon, de Kirua et de Maman à l'arrière. En ce qui le concernait, il avait habilement évincé l'interrogatoire soupçonneux de Linda en prétextant la nécessité d'une concentration absolue pour conduire.

L'endroit lui avait immédiatement plu. Evidemment. Le plus proche voisin résidait à quarante-cinq kilomètres de là.

C'était une fermette à l'ancienne, restaurée une trentaine d'années auparavant, égarée au cœur de champs en friche et de bois fourmillants de vie animale et végétale. Un régal pour quiconque aimait la tranquillité.

Et c'était son cas. Il aurait adoré venir ici. Seul avec Léolio, rien que tous les deux, en amoureux...

Il se persuada mentalement de n'avoir pas pensé la fin de sa phase.

« Cela dit, je ne comprend pas les médecins ; elle est malade, et ils la renvoient chez elle alors que l'hôpital se trouve à 120 kilomètres ! Ce n'est pas prudent, ils auraient dû au moins lui administrer une garde malade ! »

« Léolio. Tu es médecin. »

« ... Oui. C'est vrai. Mais quant même. »

Le blondinet, sentant sa bouffée d'optimiste l'abandonner peu à peu, préféra changer de sujet.

« Tu as... toujours habité ici ? »

« Oh ? Heu. Oui. J'y suis né. »

« C'est très beau. »

« C'est très calme. Quant j'étais gosse, ça m'arrivait de m'ennuyer à mourir. Mais, heu, je suis content que ça te plaise. »

« Oui... chez moi aussi... c'était un peu ce genre de paysages... »

« Oh. »

« Je peux te poser une question ? »

« Oui ? »

« C'est quoi, cette histoire de confiture de châtaignes ? »

« J'AVAIS HUIT ANS ! J'ÉTAIS JEUNE ET INNOCENT, D'ACCORD ? »

Et le jeune homme de se tourner vers la lampe de chevet et d'éteindre la lumière.

« Heu... D'accord... » murmura le Kuruta dans le noir qui venait de s'abattre sur la pièce.