Titre: Pirates

Auteur: bah moi, évidemment, quelle question!

Source: Pirates des Caraïbes, je pense que tout le monde s'en doutait.

Genre: je ne dirais rien, vous verrez bien. na!

Que dire d'autre? pas grand chose.

En passant, je la dédicace à ma 'tite Mel, qui m'a montré comment me servir de cette chose qu'est mon ordinateur pour que vous puissiez lire cette histoire. j'la dédicace aussi à Ana et aux autres si je veux pas me faire taper dessus...(je tiens à ma pauvre petite caboche avec son pois chiche dedans).

N'hésitez pas à me rewiewer ou à me mailer pour me dire ce que vous en pensez (c'est important pour moi, comme pour toutes les personnes qui publient leurs histoires ici, je pense), ça serait sympa.

Ah oui, j'utilise des termes de marine et comme les personnes qui l'ont déjà lue m'ont dit qu'elles savaient pas ce que c'était, je vais faire un 'tit lexique en bas du chapitre...

Chapitre 1:

L'attaque

Au loin, les nuages s'amoncelaient. Le ciel, du gris pluvieux avait viré au gris acier marbré de traits plus sombres et prenait un aspect menaçant. Le vent avait forci et faisait claquer les voiles. Les marins parcouraient les haubans et les vergues pour réduire la voilure comme une multitude de fourmis tandis que d'autres parcouraient le pont pour resserrer les nœuds de certains cordages ou vaquer à d'autres tâches, tous concentrés sur un même but : préparer le navire pour faire face à la tempête qui s'annonçait.

Indifférente à l'agitation qui l'entourait, une enfant d'une douzaine d'années se tenait accoudée au bastingage et regardait l'horizon. Ses robes volaient autour d'elle et quelques mèches blanches s'échappaient de sa coiffure. Elle contemplait les vagues de plus en plus houleuses, l'écume qui les bordait sans vraiment les voir, rêvassant et imaginant des aventures plus palpitantes que sa vie. Elle venait d'une noble famille de l'ancienne aristocratie française, encore aisée mais franchement sur le déclin. Elle avait pris la mer, accompagnée de sa gouvernante et de son oncle pour renouer avec des membres de leur famille qui avaient émigré depuis quelques générations déjà dans les lointaines Antilles françaises. Enfin, c'était la raison qu'on lui avait donnée. Mais elle savait que ce n'était pas la véritable cause pour laquelle elle avait du quitter sa famille et sa chère campagne française. Son père et son oncle (celui-là même qui discutait d'une voix forte avec le capitaine du navire) avaient décidé qu'un mariage avec le fils cadet de leur lointain cousin (fort riche, faut-il le préciser) serait un excellent remède à la situation financière assez critique de la famille. C'est donc pour cela qu'ils avaient entretenu une étroite correspondance ces deux dernières années avec leur cousin antillais pour mettre au point ce "sauvetage" de la famille.

Sauvetage. Tu parles! La jeune fille se renfrogna. Elle avait découvert ce complot familial alors qu'elle écoutait aux portes, comme à son habitude, pour connaître les nouvelles et les différents commérages. Ce qu'elle avait entendu ce soir là avait été comme un coup de poignard en plein cœur. Elle savait que la situation de sa famille allait mal et que son père et son oncle faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour y remédier, mais jamais elle n'avait imaginé qu'ils puissent la vendre à un cousin pour sauver leur famille. Les larmes lui montèrent aux yeux mais elle serra les dents et ravala ses larmes. Elle frissonna soudain sous le vent qui soufflait maintenant par brusques bourrasques. Elle hésita à retourner dans ses quartiers pour se mettre au chaud, mais se détourner de la contemplation de l'océan l'attristait. Elle jeta un coup d'œil à son oncle qui parlait toujours avec le capitaine. Il avait l'air passablement inquiet. Elle sourit, se moquant intérieurement de son oncle Pierre. Et ça a peur d'un orage alors que même une gamine de treize ans ne bronche pas? peuh! Si encore le capitaine montrait un signe d'inquiétude, je dis pas, mais là… pathétique.

Elle n'avait jamais autant haï son oncle depuis qu'elle avait compris que c'était de son cerveau fourbe et vicieux qu'avait jailli la brillante idée de l'abandonner aux délices du mariage avec un parfait inconnu. Elle se cala de nouveau contre le bastingage et laissa ses pensées dériver sur les sensations que lui procuraient le navire et l'océan.

Les vagues se faisaient de plus en plus hautes et le lourd bâtiment plongeait dans les creux pour repartir à l'attaque sur le mur liquide suivant. Il se dressait sur les cimes et retombait en une gerbe d'écume. Elle ferma les yeux et respira à pleins poumons les embruns du large. Elle ne s'était jamais sentie aussi bien, aussi vivante, même lors de ses longues et solitaires promenades à cheval. Mais elle ne put profiter bien longtemps de ce que l'océan faisait naître chez elle.

"- Mademoiselle! "

Je suis maudite.

"- Vous allez attraper la mort si vous ne rentrez pas! Venez vous mettre au chaud.

- Non, ma chère Berthe. Je suis bien ici.

- Votre oncle va vous faire la leçon s'il vous voie ainsi, sans même une cape.

Surtout que tu ne veux pas te retrouver devant sa fureur s'il me retrouve alitée et non présentable à mon fiancé lors de notre arrivée à Port-au-Prince (Haïti).

La jeune fille se résigna tout de même à rentrer, non pour obéir au souhait de sa gouvernante, mais pour ne plus entendre ses jérémiades. Mais au moment où elle ouvrait la porte menant à leur cabine, la vigie postée en haut du grand mât s'écria:

"- Capitaine! Galion derrière nous!

- Voyez-vous le pavillon?" hurla le capitaine pour couvrir le rugissement du vent.

- Non capitaine. Il est trop loin.

- Quelle route suit-il?

- Je dirais qu'il suit la même que nous, mais j'suis pas sûr…

- Pensez-vous que ce puisse être des pirates?"demanda l'oncle Pierre.

"- Je ne saurais dire, répondit le capitaine d'une voix rude. Cela peut être un navire marchand comme cela peut être des pirates. Ils sont nombreux à voguer dans ses eaux… De toute façon, nous avons d'autres chats à fouetter. Et eux aussi. Le grain qui s'annonce n'a pas l'air commode.

- Ah? dit Pierre d'une petite voix.

- Vous feriez mieux de descendre dans votre cabine. Vous risquez de gêner les manœuvres de mes hommes si vous restez sur le pont.

- Bien."

Trop content d'avoir une excuse pour aller s'enfermer dans ses quartiers, il quitta la poupe pour rejoindre la jeune fille et la gouvernante et tous trois rejoignirent leur cabine, assez spacieuse et meublée avec goût. Berthe jacassait comme une pie, débitait des flots de paroles qui, d'après le peu que la jeune fille écoutait, se rapportait au fait que ce voyage était insensé, dangereux et qu'on n'aurait jamais du y entraîner sa petite protégée, etc etc, ce qui montrait clairement sa terreur. Pierre marchait de long en large d'un pas mal assuré. Toujours pas habitué au pied marin… tandis que la jeune fille s'était assise sur sa couchette. Elle commença à jouer avec les mèches de cheveux blancs échappées de sa coiffure sophistiquée. Son étrange couleur de cheveux en avait intrigué plus d'un. Sa mère l'avait emmenée voir un grand médecin, réputé pour sa sagesse et son savoir, qui n'avait rien trouvé à dire devant ce phénomène. Puis finalement, tout le monde s'y était fait. Toujours est-il qu'elle triturait ses cheveux, adossée au mur et assise en tailleur sur sa couchette, pas du tout comme une femme du monde le devrait cela dit en passant, quand elle sursauta brusquement, manquant de tomber quand son oncle la sortit brutalement de ses pensées:

"- AMBRE!"

Ca aussi, c'était une de ses particularités. Ses yeux. De grands yeux couleur de miel dans un visage long et fin. C'était ce qui lui avait donné son nom. Un nom étrange pour une fillette étrange. Ambre leva donc les yeux vers son oncle, une fois remise de sa surprise.

"- Oui! C'est à toi que je parle Mademoiselle Ambre Kristel Gabrielle de La Tour!"

Et comme Ambre était un nom peu courant et que les gens de la noblesse avaient tendance (du moins dans cette famille) à rester classique, ses parents lui avaient donné un second et un troisième prénoms qui ne sont pas si "classiques" que ça.

"- Oui mon oncle?

- N'as-tu pas honte de te promener ainsi sur le pont, à vagabonder parmi ces malotrus, toute décoiffée et te comportant comme une vulgaire fille de marchand? Tu es une grande dame alors comporte toi comme tel!

- Oui mon oncle, répondit-elle d'une voix morne.

- Et ne me répond pas sur ce ton! rugit-il.

- Monsieur, ne vous énerver pas ainsi sur cette pauvre enfant, elle…

- Oh, vous Berthe, cela suffit! Je vous rappelle que vous êtes sensée la surveiller et vous assurer qu'elle tienne son rang."

La pauvre gouvernante rougit, bafouilla puis, les yeux baissés, s'en fut le plus rapidement possible s'asseoir sur une chaise. L'oncle Pierre reprit, légèrement calmé mais toujours aussi rouge.

"- Est-ce assez clair?

- Oui mon oncle.

- Bien."

Il alla se caler dans un grand fauteuil solidement arrimé au plancher et entreprit de bourrer sa pipe tout en gardant sa nièce à l'œil. Ambre, ne le connaissant que trop bien, arrangea rapidement ses cheveux, lissa ses robes et sortit son attirail de couture. Satisfait, son oncle prit son livre de compte et s'y plongea corps et âme. C'était l'impression qu'il voulait donner mais Ambre devinait à ses mains tremblantes qu'il était plus qu'inquiet à l'idée de traverser une tempête et qu'il essayait de penser à autre chose en réfléchissant à ses précieux comptes. Elle jeta un coup d'œil à Berthe, raidie sur sa chaise et qui essayait de broder. Mais ses mains tremblaient tellement qu'elle n'arrivait pas à faire un point correctement. Ambre secoua imperceptiblement la tête, un léger sourire aux lèvres. Sa rondouillarde et pas très finaude gouvernante avait été consternée de savoir que sa petite protégée allait la quitter puis elle avait été complètement terrifiée quand elle avait appris qu'elle l'accompagnait dans son voyage. Mais au fond d'elle, elle était heureuse de partir. Pour rien au monde elle n'aurait voulu abandonner Ambre, qu'elle considérait presque comme sa propre fille. Ambre aussi était heureuse de sa présence. Elle ne savait pas ce qu'elle serait devenue sans sa chère Berthe, abandonnée à un destin qu'on lui avait choisi. Toujours souriante, elle se remit à son ouvrage.

La tempête était à son paroxysme. Le navire montait à l'assaut des vagues pour redescendre dans un creux plus profond que le précédent. Le vent hurlait et le faisait presque se coucher. Toutes les voiles avaient été ferlées mais le grand trois-mâts avançait pourtant à une vitesse folle. Des déferlantes inondaient le pont à intervalles réguliers et menaçaient à chaque fois d'emmener les marins qui couraient sur le pont et dans le gréement pendant que le capitaine tenait fermement la barre et hurlait ses ordres.

Dans la cabine, Berthe poussait de petits cris hystériques à chaque fois qu'elle entendait un bruit qui, d'après elle, n'était pas normal (environ toutes les deux minutes)et Pierre était allongé sur sa couchette, les mains agrippées sur le rebord, les phalanges tellement serrées qu'elles en étaient blanches. Ambre, quant à elle, essayait de dormir mais la peur lui nouait l'estomac et l'en empêchait. Elle fermait les yeux à chaque fois que le bateau grinçait et essayait de se rassurer. Les marins sont compétents, ils ont sûrement vu pire, le bateau est solide, c'est bientôt fini, tu paniques pour rien… Une nouvelle déferlante fit se coucher le bateau sur le flan et envoya rouler Ambre sur le sol. C'était rien. Absolument rien…ce n'est pas de l'auto persuasion…du tout du tout Elle s'accrocha à la table et entreprit de se remettre debout, mais une nouvelle secousse la renvoya par terre où elle fut rejointe par sa gouvernante et son oncle. Celui-ce jura, se remit debout tant bien que mal et aida sa nièce à faire de même. Ambre regagna sa couchette et s'y cramponna fermement pendant que Pierre aidait la gouvernante à se remettre sur ses jambes. Tâche plutôt ardue quand on voit la carrure de la gouvernante. Ils n'eurent donc pas le temps de rejoindre leurs couchettes avant qu'un nouveau tangage les fasse rouler une fois de plus. Ambre entendit un cri étouffé qui devait provenir de Berthe. Elle la chercha vivement des yeux pour voir si elle n'était pas blessée et elle les découvrit dans une position peu orthodoxe.

"- Ca va Berthe? demanda Pierre du ton (et l'air) de celui que ça n'intéresse qu'à moitié.

- Vous m'avez mis le pied dans l'œil, mais à part ça je crois que ça va.

- Tant mieux, dit-il d'un ton froid. Dieu que j'ai hâte que cette tempête se termine! Je n'en peux…"

Il ne put finir sa phrase à cause d'une terrible bourrasque de vent qui fit trembler le bateau et qui envoya l'oncle Pierre à l'autre bout de la cabine.

Quelques heures plus tard, une aube grise et brumeuse se levait. Les eaux s'étaient calmées et quelques nuages sombres s'étiraient sur le ciel pâle, témoins de ce qui s'était passé durant la nuit. L'équipage était épuisé mais aucune perte n'était à déplorer. Ambre avait fini par s'endormir quand la tempête avait commencé à diminuer d'intensité mais ni Berthe ni Pierre n'avaient pu fermer l'œil avant qu'elle ne soit complètement apaisée. Elle se réveilla donc la première, s'habilla seule le plus silencieusement possible, se coiffa et sortit sur le pont.

La tempête avait laissé ses marques. Sur le pont régnait un désordre indescriptible, de multiples débris gisaient un peu partout, des tonneaux et des caisses s'étaient éparpillé lorsque leurs attaches avaient cédé, certains cordages avaient rompu et se balançaient tristement dans le vent et une des voiles du mât de misaine s'était déchirée et pendait mollement au-dessus du pont. La nuit avait été rude et il ne restait que peu de marins sur le pont et dans les cordages, la plupart étant en train de se reposer ou bien d'être soignés. Ceux qui restaient commençaient à ranger et à réparer ce qui était réparable. Ambre s'avança vers un marin d'une quarantaine d'années, trapu et tout en muscles, le corps recouvert de tatouages et couturé de cicatrices. D'une petite voix, elle demanda:

"- Excusez-moi…"

Il se retourna vers elle et la toisa de haut en bas. Ambre se sentit rougir. Un large sourire fendit le visage du marin.

"- Oui, Mam'selle?

- Je… heu…

- Oui?

- Ca n'a pas été trop dur cette nuit?

- Tu veux dire… Si on a déjà vu pire?"

Elle acquiesça d'un faible signe de tête.

"- Non. Ca a été une des pires que j'ai jamais vu." Il se tut un instant avant de reprendre. "Ce n'était pas ça que tu voulais me demander, nan?

- Vous avez raison, mais…

- Mais?"

Ambre le regarda dans les yeux un bref instant. Il n'y vit que de la gentillesse et un léger amusement. Elle hésita une seconde puis prit une inspiration et déballa tout d'un coup.

- Je voulais vous proposer mon aide mais si jamais mon oncle l'apprend, il va faire une scène inimaginable et je ne voudrais pas vous causer d'ennuis ni m'attirer les foudres de mon oncle alors…

- Oh la! oh la! On se calme.

Il va se moquer de moi… ça m'apprendra à me taire…

- Si ce n'est que ça le problème, tu n'as que me tenir compagnie pendant que je range. Ca ferait passer le temps plus agréablement et comme ça, ajouta-t-il avec un clin d'œil, ton oncle ne pourra pas dire que tu ne comportes pas comme il faut. Faut croire que la plupart des marins ont entendu au moins une scène que m'a faite mon oncle…

Ambre lui fit un grand sourire, découvrant toutes ses dents blanches et alla s'asseoir sur une caisse pas trop humide pendant que le marin reprenait son travail. Ambre resta d'abord silencieuse puis, prenant son courage à deux mains, elle interrogea le marin.

"- Cela fait longtemps que vous naviguez?

Il eut un petit rire et lui fit son plus beau sourire. Légèrement gâché par le fait qu'il lui manquait une dent de devant et par quelques chicos.

- Depuis que j'ai quinze ans. L'océan m'a toujours attiré alors un jour, j'ai quitté ma famille pour m'engager sur le premier bateau venu et prendre le large."

De là, leur conversation démarra vraiment. Ambre lui posait de multiples questions, quasiment toutes sur la navigation, et il y répondait gaiement du mieux qu'il pouvait. Ils discutèrent ainsi pendant une heure puis ils retombèrent dans le silence. Ambre ne savait plus quoi dire et maintenant, elle n'osait plus déranger le marin qui suait à grosses gouttes en déplaçant de lourdes caisses. Elle risqua une dernière question avant de le laisser travailler seul.

"- Et le navire que l'on a aperçu hier soir, il est toujours derrière?"

Le matelot la regarda un instant, et lui dit:

"- Je ne sais pas. Tu peux aller voir à l'arrière si tu vois quelque chose, mais il est fort possible qu'il ait changé de route ou qu'il ait dérivé cette nuit…

- Vous pensez qu'il a pu couler?"

Ce n'était pas réellement une question. Le marin le sentit et eut un air triste.

"- Oui, il est possible qu'il ait pu couler."

Ambre le dévisagea un instant avant de se détourner et de gagner le poste de navigation. Elle n'eut pas à scruter longtemps les flots avant d'apercevoir ce qu'elle cherchait. Elle distingua non pas un, mais deux bâtiments qui se profilaient à l'horizon. Soulagée de constater que le navire qui les suivait n'avait pas été entraîné au fond de l'eau, elle essaya de distinguer les pavillons. Le plus près était, d'après ce qu'elle pouvait voir, un navire marchand originaire d'Espagne. Le second, elle plissa les yeux pour mieux voir, était noir. Elle passa en revue dans son esprit les drapeaux des différents pays qu'elle connaissait mais aucun n'était noir. Puis soudain, elle comprit. L'illumination. Des pirates.

Elle resta quelques instants interloquée, ne sachant quoi faire. Des pirates! De vrais pirates! Là, derrière! Mais qu'est-ce qu'on va faire?… minute… qu'est-ce que je dois faire?… Prévenir les autres, ce serait déjà un début… Ambre fit volte-face, descendit les escaliers en trombe, ses multiples robes voletant autour d'elle, et traversa le pont aussi vite que ses petites jambes (et ses robes légèrement encombrantes) le lui permettaient et arriva en haletant devant le grand tatoué qui la regarda arriver un peu surpris.

"- On se calme. C'est pas très digne d'une dame tout ça!

- On s'en fiche! Y'a…, elle prit une grande goulée d'air, deux bateaux derrière. Et si j'ai… (inspiration bruyante) bien vu, y'a un espagnol et l'autre, ce sont des pirates.

- Tu es sûre?" demanda-t-il, inquiet.

"- Ils ont un… (re-inspiration) pavillon noir.

- Nom de nom de…" jura-t-il avant de s'élancer à l'arrière.

Ses pas résonnèrent sur le pont en faisant un boucan du diable. Mais ce ne fut rien devant le juron extrêmement grossier qu'il proféra d'une voix plus que forte, attirant l'attention de ses camarades qui le rejoignirent bientôt. Il y eut alors des chapelets de jurons et d'injures, qui rendaient le premier plus que plat, dont certains mettaient en doute la réputation de la mère de certains pirates…

Il y eut un branle bas de combat, des cris et des ordres fusaient d'un peu partout et Ambre se sentait un peu perdue. Puis le capitaine sortit, avec des cernes énormes suivi des marins partis se reposer après cette dure nuit de tempête. Il commença à donner ses ordres d'une voix bourrue pour que le navire soit en état de mener une course pour échapper à des pirates. Les matelots nouvellement sortis se mirent vivement au travail, débarrassant le pont de tous les objets inutiles et attachant les caisses. Un nouveau hunier volant fut sorti pour remplacer la voile qui s'était déchirée. Ambre essaya de se faire la plus petite possible pour ne pas gêner leurs actions.

Le capitaine appela le mousse et lui demanda d'aller chercher celui qui avait repéré les deux navires. Le jeune garçon, tout fluet, partit chercher le marin tatoué. Il le trouva en train de soulever une lourde caisse d'armes.

"- Eh Aliaume! Le capitaine veut te parler.

- Qu'est-ce qui m'veut?

- Pas la moindre idée. Peut-être pour te féliciter d'avoir aperçu les pirates en premier.

- Il a que ça à foutre?

- Faut croire…"

Résigné, Aliaume déposa sa caisse et rejoignit son capitaine. Il le salua d'un signe de tête respectueux.

"- Vous m'avez demandé mon cap'taine?

- C'est bien vous qui avez repéré les pirates en premier?

- Oui.

- Donc c'est bien vous que je cherchais. Je voulais vous remercier. Sans vous, nous les aurions peut-être vu trop tard et…

- Mon cap'taine! C'est pas la peine de me remercier, je ne fais que mon devoir. En plus, ce n'est pas moi qui les ai aperçus le premier.

- Ah? Et qui est-ce?

- C'est la jeune fille aux cheveux blancs.

- Ah. Bien. Je … dirais à son oncle que c'est une bonne petite."

Aliaume dressa un sourcil.

"- Quoi? Vous voulez pas que je lui remette une médaille d'honneur non plus? En plus, son oncle va me tuer si je l'approche.

- Bwaha… hum

- Que dites-vous?

- Rien, mon cap'taine.

- Tant mieux pour vous. Retournez à votre tâche et veillez à ce que tous les marins soient armés si ces bâtards viennent à nous rattraper.

- Bien mon cap'taine."

Sur ce, il descendit du poste de pilotage et rejoignit ses camarades qui continuaient à ranger.

Midi était depuis longtemps passé et le bateau était en état de tenir la route mais certainement pas à mener une course de vitesse. Le trois-mâts était lourdement chargé et de l'eau était rentrée dans les cales, ce qui faisait que sa ligne de flottaison était beaucoup trop haute. De plus il n'était pas taillé pour la course et encore moins pour la bataille. Il ne contenait aucun canon et la plupart des marins ne savaient pas se battre.

Le bateau pirate se rapprochait inexorablement. Il les aurait rattrapé avant la fin du jour. La tension était à son comble et Ambre, Berthe et son oncle étaient cloîtrés dans leur cabine. Ils passaient le temps comme ils le pouvaient, c'est-à-dire en brodant pour Berthe et Ambre et en relisant les comptes de la famille pour Pierre. Soudain, ils entendirent des cris, mais ce n'étaient pas des cris de terreur ni ce genre de cris que l'on pousse quand la bataille est sur le point de commencer. Intrigués, Pierre sortit, suivi d'Ambre. Mais Berthe, trop terrorisée, préféra rester à l'intérieur. Quand ils arrivèrent sur le pont, ils découvrirent la cause de tout ce remue ménage : le galion espagnol était à leur côté, toutes voiles dehors pour fuir les pirates. Les deux capitaines se lançaient des informations. Enfin, plus exactement, le capitaine du bateau d'Ambre posait des question et l'autre tâchaient d'y répondre dans un français assez lamentable. Puis le galion espagnol, trop pressé de fuir les lieux de futurs combats, mit rapidement de la distance entre eux deux.

L'oncle Pierre rejoignit le capitaine, toujours suivi de sa nièce.

"- Qu'avez-vous appris?

- Rien de bon, j'en ai peur. Leur bâtiment est un grand trois-mâts taillé pour la vitesse et il n'a pas l'air d'avoir beaucoup souffert. D'après ce que j'ai cru comprendre de ce baragouinage de français, il est lourdement armé : deux rangées de canons sur chaque côté et ils sont assez nombreux. En tout cas plus nombreux que nous.

- Mais nous allons nous en sortir, n'est-ce pas?

- Dieu seul le sait.

- Mais… mais que pouvons nous faire? Il doit bien y avoir un moyen?" continua Pierre de plus en plus paniqué.

"- Prier pour un miracle, répliqua sèchement le capitaine. Maintenant si vous le voulez bien, je vous prierais de descendre dans votre cabine et de nous laissez préparer ce navire pour recevoir ces pirates.

- Je … heu…

- Vous voulez ajouter quelque chose?

- Je… voulais savoir si mon bras serait le bienvenu dans la bataille qui s'annonce.

- Vous ne serez pas de trop quand le moment sera venu. Maintenant, si vous le voulez bien…" ajouta-t-il avec un signe de tête.

"- Oui oui, nous redescendons."

Pierre fit demi-tour et commença à descendre les marches menant du poste de pilotage au pont. Ambre resta immobile un instant avant de le suivre. Elle eut à peine le temps de faire un pas quand elle sentit une main ferme se resserrer sur son épaule. Elle se retourna vivement vers le capitaine. Celui-ci lui adressa un sourire triste.

"- Merci fillette."

Puis il la lâcha. Elle lui fit un grand sourire qui illumina son visage fin et enfantin. Puis elle rejoignit prestement son oncle qui l'attendait en bas des marches.

"- Que te voulait-il?

- Me dire de me mettre à l'abri.

- Ne t'en fais pas. Aucun pirate n'arrivera jusqu'à toi tant que je serais vivant.

Vachement rassurant.

Ils regagnèrent leur cabine en silence. Celle-ci, qui avait paru accueillante et chaleureuse la première fois où Ambre l'avait vu, lui paraissait désormais froide et sinistre. Ambre gagna sa couchette en silence, s'y assit en tailleur et se cala contre le mur. Son oncle le regarda un bref instant mais ne dit rien. Il n'en avait pas le cœur. Il s'enfonça profondément dans le lourd fauteuil de cuir, mais n'ouvrit pas ses livres de comptes. Il se contenta d'allumer sa pipe et de remplir la pièce d'une épaisse fumée jaunâtre. Berthe restait silencieuse, contrairement à son habitude. Elle ne brodait pas. Elle se contentait d'attendre en se rongeant les sangs le moment où les canons commenceraient à cracher.

Ils ne dirent rien jusqu'au moment où le capitaine vint les chercher. La porte s'ouvrit brutalement, et son visage rond et légèrement rougeaud apparu dans l'ouverture.

"- Monsieur, c'est le moment. Ils ne vont pas tarder à nous rattraper. Si vous voulez monter…"

Pierre acquiesça, se leva et suivit le capitaine. Ambre hésita puis les suivit avant que sa gouvernante n'ai pu esquisser le moindre geste. Elle rejoignit son oncle qui attendait, droit comme un i, avec le capitaine sur le poste de pilotage. Elle vint se placer à ses côtés et suivit son regard. Berthe arriva en marchant à petits pas rapides et crispés qui lui accordaient toute la grâce d'un éléphant dans une baignoire. Elle s'accouda lourdement au bastingage et ne put retenir un hoquet de terreur. Derrière le 'Fortuné' (le nom du navire), à quelques encablures, se profilait la sombre silhouette du trois-mâts pirate. Au fond d'elle, Ambre ne put s'empêcher de l'admirer. Il était magnifique avec ses voiles blanches gonflées par le vent. Sur le grand perroquet était brodé un superbe dragon rouge dessiné de profil et crachant du feu. Sous le beaupré s'accrochait la figure de proue, représentant elle aussi un dragon, gueule béante, toutes griffes dehors, les ailes déployées le long de la coque.

Elle détacha son regard du navire pour examiner le regard des membres de l'équipage. Ils avaient tous une mine grave et sombre et la peur se lisait dans leurs yeux. Elle en vit même plusieurs se signer. Elle leva le nez vers son oncle qui l'observait et l'interrogea du regard. Pierre se tourna vers le capitaine.

"- Capitaine. Vos hommes ont l'air littéralement terrifiés, chuchota-t-il. Y a-t-il quelque chose que nous ne savons pas?

- Le navire que vous voyez là est celui du terrible pirate Roberts. Celui qui ne laisse jamais de survivants.

- Nan! S'écria Pierre, devenu blanc comme la mort.

- Si si...

Franz.

- ... C'est bien lui. Si nous nous en sortons, je donne la moitié de mes économies à l'Eglise.

- …

- Vous avez fait votre testament? plaisanta assez platement le capitaine.

- Non. Mais, n'ayant pas d'héritier et un seul frère, je n'ai pas ce genre de problème. Et vous?

- Il est fait depuis le premier jour où j'ai pris la mer…"

Le vent trouva peut-être que c'était le meilleur moment pour se remettre à souffler par brusques rafales glaciales ou peut-être que c'était la malchance qui s'acharnait sur le Fortuné et son équipage. Toujours est-il que Berthe ne put réprimer un frisson sous la dure caresse du vent et qu'elle se dit que son maître Pierre se battrait mieux avec un chandail ou quelque chose de plus chaud que la chemise de flanelle qu'il portait à ce moment là. Elle fit demi-tour et gagna la cabine.

Le navire du terrible pirate Roberts approchait et tous pouvaient voir les dangereux canons qui pointaient leur nez par les sabords. Les cris des pirates emplissaient l'air ce qui faisait un contraste oppressant avec le silence de mort qui régnait sur leur propre bâtiment. Le capitaine se raidit et sa main se porta sur la poignée de son épée. Il dégaina brusquement, imité par ses hommes.

Ambre entendit son oncle déglutir. Sans se retourner, il s'écria à l'intention de la gouvernante:

"- Qu'on m'apporte ma grande épée!"

Ambre reporta son attention sur les pirates. Ils se tenaient, penchés par dessus bord ou debout sur la rambarde, impatients d'aborder. Les grappins et les cordes étaient prêts à être lancés et tous avaient leurs armes à la main. Certains en tenaient qu'Ambre n'aurait jamais imaginées : des sortes de griffes, qui luisaient et semblaient avides de mordre dans la chair, des haches aux formes biscornues pour trancher les membres ou fracasser les crânes, des poignards plus ou moins compliqués dans leur fabrication. Même certaines épées n'avaient rien de commun. Des pointes effilées se dressaient sur le revers de la lame ou les lames étaient doubles ou triples. Les visages des pirates étaient, pour la plupart, recouverts de cicatrices, et les membres qu'ils laissaient voir l'étaient encore plus. Dans leurs yeux brillaient l'excitation, l'envie de faire couler le sang et l'espoir du butin. Ambre eut alors réellement peur. Pas peur de mourir, mais peur de souffrir et de servir de jouet à ces barbares frustres et violents. Elle eut un mouvement de recul. Son oncle sembla alors réaliser le danger que courrait sa nièce si elle restait sur le pont. Sèchement, il lui ordonna:

"- Ambre! Descend dans la cabine! Tu ne risqueras pas de prendre une balle perdue ou un coup d'épée. On peut espérer qu'ils auront pitié d'une gamine…

- Oui mon oncle" chuchota-t-elle, d'une voix atone, mortifiée par sa prise de conscience. De façon mécanique, elle prit la direction de sa cabine à reculons, sans quitter des yeux le vaisseau pirate qui s'apprêtait à les balayer. Elle ne fit pas attention à Berthe, qui sortit en courant, avec un gilet pour son maître.

"- Mademoiselle. Rentrez vite! Je vous rejoins dans un instant!" dit-elle sans s'arrêter. Ambre mit le pied sur la première marche.

L'air fut soudain emplit par le rugissement de canons. Les grappins volèrent et retombèrent avec fracas sur le pont, y laissant de profondes empreintes. Les pirates hurlèrent en s'élançant sur les marins du Fortuné. Ceux-ci répondirent, avec des cris teintés de rage et de peur. Les coups de feu commencèrent à pleuvoir, puis quand les premiers pirates eurent atteint le pont, les combats s'engagèrent férocement. Ca ferraillait de tous côtés et le sang commençait à couler. Des cris de douleur remplacèrent ceux de défis. Ambre entendit le bruit caractéristique de quelque chose qui tombe dans l'eau. Elle ne voulut pas savoir si c'était un forban ou bien un des marins de son bateau. Elle descendit deux autres marches avant de se retourner vers le poste de pilotage qu'elle venait de quitter. Berthe venait de rejoindre son oncle et lui tendit le vêtement. Celui-ci le prit violemment, croyant que c'était son épée.

"- Venez racailles, je vous attend! Venez tâter de mon fer!" s'écria-t-il.

- Mais non Pierre, c'est un gilet!"

Ambre ne put s'empêcher de sourire. Elle se retourna pour descendre dans le bon sens les quelques marches restantes. Elle arriva en bas, sur le pont et constata alors que les marins qui se tenaient pour accueillir les pirates avaient été débordés et que le combats s'avançaient sur le pont et sur le gaillard d'avant. Elle se fit la plus petite possible pour atteindre la porte menant à sa cabine quand elle entendit un coup de feu immédiatement suivi d'un cri de douleur. Ambre s'arrêta net. Si ça avait été un coup de feu comme les autres suivis d'un cri comme les autres, elle aurait continué son chemin. Mais la personne qui avait crié n'était pas un de ces marins inconnus qui se battaient pour défendre leur navire. C'était Berthe. Sa Berthe.

Elle fit demi-tour, oubliant totalement les combats qui se déroulaient tout autour, et se précipita dans l'escalier qu'elle venait de descendre pour remonter au poste de pilotage. Là, Berthe gisait dans une mare de sang. La balle l'avait touchée à la gorge, lui explosant la carotide. Son corps s'agitait des derniers soubresauts de l'agonie mais ses yeux restaient les mêmes, bien que teintés de souffrance. Quand Berthe reconnu sa chère petite Ambre, elle eut un sourire triste. Puis ses yeux se fermèrent et un dernier soupir presque inaudible franchit la barrière de ses lèvres.

"- Nan! Nan, ce n'est pas possible… pas toi… pas toi.

- Ambre! Mais que fais-tu là? Je t'avais dit de descendre dans…"

Il laissa sa phrase en suspens, comme s'il venait de se rendre compte que Berthe gisait morte. Comment ne s'est-il pas aperçu que Berthe avait été touchée? Elle était derrière lui…Elle…

"- Tu ne peux rien faire Ambre! Elle est morte!"

Morte. Ce mot ne résonnait que trop fort dans sa tête. Ambre se releva rigidement, sans quitter des yeux le corps de sa nourrice.

"- AMBRE!"

Elle réalisa péniblement qu'il fallait qu'elle se mette à l'abri. Berthe n'aurait pas voulu qu'elle meure assassinée par des pirates. En en prenant conscience, sa détermination s'affermit. Elle ne devait pas mourir. Pas aujourd'hui. Elle le lui devait. Elle dévala l'escalier et se retrouva sur le pont. Mais il était trop tard pour rejoindre sa cabine. Des corsaires avaient enfoncé la porte et commençaient à piller. Les combats faisaient rage partout sur le pont. Elle évita de justesse une épée déviée, suivie de peu par le cadavre d'un pirate. Elle sentit brusquement une main puissante qui la tirait en arrière. Ambre leva son visage et reconnu le marin tatoué. Aliaume para un coup d'estoc venant d'un nouvel adversaire, feinta et planta sa lame dans le ventre du forban. Il retira sa lame d'un coup sec qui entraîna avec elle une quantité étonnante de viscères. L'homme serra son ventre de ses gros bras velus qui furent immédiatement recouvert de sang visqueux et s'écroula avec un gargouillis. Aliaume plaça la fillette dans son dos, combattit deux autres pirates qu'il tua rapidement. Il jeta par dessus son épaule:

"- On va vers les cales. Tu restes bien derrière moi et quand je te le dis, tu y descend en courant."

Ambre acquiesça d'un signe de tête qu'il ne put voir et lentement, ils se déplacèrent vers le centre du pont. Aliaume repoussait ses adversaires l'un après l'autre, tenant d'une main Ambre dans son dos. Tout autour d'eux, les combats se faisaient de plus en plus violents mais surtout de plus en plus inégaux. Les matelots du Fortuné étaient cernés, dépassés par le nombre. Ils tombaient l'un après l'autre et le pont fut bientôt recouvert de sang. Les pirates criaient déjà victoire. Aliaume et Ambre avançaient toujours vers les cales. Ils ne leur restaient plus que deux mètres à parcourir. Mais Aliaume était épuisé, et ses ennemis étaient de plus en plus nombreux. Il avait déjà de multiples entailles sur les bras et sur le torse qui gênaient ses mouvements. Ils continuèrent néanmoins à avancer pas par pas sur le sol glissant et gluant. Soudain, elle buta sur quelque chose de mou. Instinctivement, elle baissa les yeux. Un cadavre la regardait de ses yeux vides de toutes expression, une expression de peur figée sur son visage recouvert de sang et à moitié défoncé. Elle eut un hoquet de dégoût et réprima un vertige, prémices de l'évanouissement. Elle enjamba le corps flasque, tandis qu'Aliaume tenait les pirates à l'écart d'un grand mouvement circulaire de son épée, accompagné d'un rugissement furieux. Ils continuèrent à avancer lentement. Le marin suait à grosses gouttes et soufflait comme un bœuf. Le pied d'Ambre rencontra une épée tâchée de sang. Pendant qu'Aliaume se battait férocement, elle glissa son escarpin sous la lame et envoya la lame en l'air d'un sec coup de pied. Elle la rattrapa habilement. C'est sûr que ça va beaucoup me servir… Moi qui sait manier l'épée depuis ma plus tendre enfance… Mais que je peux être stupide des fois! Soudain, Aliaume la poussa brutalement sur le côté.

"- Vas-y!"

Elle bondit en avant sous l'œil médusé des adversaires d'Aliaume qui ne l'avaient pas encore vue, masquée comme elle l'était derrière la carrure imposante du marin. Il restait moins d'un mètre. Elle fit le tour de la trappe, dévala les premières marches et se retrouva nez à nez avec un immense forban qui portait un sac sur son épaule. Ils restèrent un instant immobiles face à face, Ambre trop terrifiée pour bouger et l'autre trop ahuri pour réaliser tout de suite ce qui lui arrivait dessus. Puis un sourire mauvais fendit son visage. Il lâcha son sac, attrapa le bas de sa robe d'un geste aussi vif qu'un serpent et la tira à lui. Déséquilibrée, Ambre tomba en arrière et se retrouva assise sur l'escalier.

"- Alors? On s'est perdue?" dit-il d'une voix mielleuse.

Ambre reprit ses esprits et resserra sa prise sur la garde de l'épée trop lourde pour elle.

"- Elle a aussi perdu sa langue la petite souris blanche?"

L'épée siffla. Le pirate lâcha la robe et porta la main à sa pommette. Le sang coulait abondamment. Il resta interloqué une seconde devant une Ambre qui venait de réaliser ce qu'elle venait de faire.

"- Espèce de sale petite garce! Tu vas me…" grogna-t-il.

L'épée siffla à nouveau et traça un nouveau sillon sur la joue du forban. Elle se releva aussi vite qu'elle le put et remonta sur le pont. Elle fit un bond de côté pour éviter un cadavre qui se tenait devant la trappe Mais il n'était pas là y'a deux minutes… et bondit sur le gaillard d'avant, le pirate juste derrière elle. Aliaume… Elle retint ses sanglots et continua à courir. Mais le pont n'était pas infini et elle se retrouva bloquée. Elle fit volte face pour affronter le nouvellement balafré. Celui-ci ne courrait plus et approchait lentement, son épée à la main.

"- Alors elle ne court plus la petite souris?"

Ambre ne répondit rien. Son visage ne montrait aucune expression.

"- Elle fait sa grande dame la petite souris? Elle devrait pas…"

Ambre recula et buta contre le bastingage. Elle tenait son épée d'une main tremblante. Le pirate sembla le remarquer.

"- Elle a peur la petite souris?" Ambre lui jeta un regard noir, mais qui ne masquait pas la terreur profonde qu'elle ressentait. "Elle a raison d'avoir peur. On ne frappe pas les grandes personnes. Surtout quand on ne fait qu'un mètre vingt et même pas trente de largeur."

Ambre regarda derrière le pirate. Ses compères avaient pris possession du navire et le pillaient sans scrupule. Elle chercha son oncle du regard mais ne le trouva pas. Elle regarda désespérément autour d'elle en cherchant un visage connu mais n'en trouva aucun. Le capitaine gisait mort à côté de sa chère Berthe. La grande majorité des marins étaient morts mais elle en découvrit une dizaine qui avaient préféré la mort par noyade et qui s'éloignait à la nage le plus vite possible. Le forban continua sur le même ton:

"- Quoi? La petite souris a perdu ses parents? Elle cherche quelqu'un de vivant? Elle devrait savoir la petite souris que le terrible pirate Roberts ne laisse jamais de survivants… pas même les petites souris blanches…

- Et vous espérez me tuer?"

Il acquiesça de plusieurs vigoureux coups de tête qui envoyait du sang un peu partout autour de lui.

"- Je ne voudrais pas vous privez de ce petit plaisir, mais en fait… si."

Sur ce, elle grimpa lestement sur la rambarde et avança agilement sur le mât de beaupré. Arrivée à son extrémité, elle se retourna vers le corsaire rouge de fureur et lui fit son plus beau sourire ironique. Il dévisagea cette petite personne droite et fière qui se découpait nettement sur le soir naissant, qui tenait une épée bien trop grande pour elle, et, il faut bien le dire, il se sentit un peu con. Mais avant qu'il ait pu ne serait-ce que lever un de ses énormes pieds pour monter sur le bastingage, Ambre plongea dans les eaux froides et écumantes de l'océan.

Le forban se précipita du côté où elle avait plongé en même temps que ses compagnons qui avaient suivi l'échange. Ils scrutèrent la surface de l'eau plusieurs minutes mais Ambre ne réapparut pas.

"- Elle doit pas savoir nager la bougresse. Les français ne savent pas nager." Dit le pirate.

- Pourquoi tu dis ça?

- T'es français?

- Non.

- Ben alors? de quoi tu te plains?

- …

- J'ai pas vu le rapport" intervint un troisième.

- C'est que y'en avait aucun.

- Ah.

- Enfin bref," continua le forban en portant un mouchoir à sa joue. Il le retira, l'essora au-dessus de l'eau et épongea de nouveau sa pommette douloureuse. "Tout ça pour dire qu'elle a du se noyer. Entraînée au fond par le poids de ses robes." ricana-t-il.

- C'est vrai que c'est un truc qui m'épate. Comment elle arrive à marcher avec autant de trucs?

- Pas la moindre idée. Mais le pire, c'est pas les robes. C'est les corsets. Je ne sais vraiment pas comment elles font pour respirer.

- Au moins l'avantage avec ces "grandes dames", c'est qu'elles courent pas bien loin: elles sont faciles à rattraper.

- Hiek! Hiek!

- Bon. C'est pas le tout, mais faut qu'on ramène le butin sur l'Ecumeur."

- Y'a pas à dire, elle t'a bien ridiculisé la gamine.

- Peuh.

- Allez avoue qu'elle t'a impressionné.

- … Oui. Mais juste un peu.

- Ouais ouais. Faut moi croire ça.

Ils se détournèrent de la contemplation des flots et s'en furent se mettre à piller allègrement le Fortuné. Qui d'ailleurs n'était pas si fortuné que ça. Le malfortuné à la rigueur…

Ambre plongea à pic. Elle ne voulait pas qu'il la voie revenir à la surface. Elle ne voulait plus les voir ni les entendre. Mais elle faillit bien ne jamais remonter à la surface. Une fois ses multiples robes, jupons et autres froufrous imbibés d'eau, leurs poids l'empêcha de remonter. Elle défit le plus rapidement possible les lacets de ses robes, se débarrassa d'un coup de pied de ses jupons et, vêtue uniquement de ses sous-vêtements (à l'époque, c'était une sorte de chemise de nuit) elle entreprit de remonter. Heureusement qu'elle avait appris à nager avec ses frères dans la rivière qui coulait près de leur manoir, quand le temps était trop chaud.

En quelques battements de pieds, elle réussit à atteindre la coque du bateau. Elle décida d'atteindre la surface du côté opposé duquel elle avait plongé. Et d'après ce qu'elle pouvait en juger dans ces eaux de plus en plus sombres, c'était sur sa droite. Au bord de l'asphyxie, elle émergea à la surface de l'eau. Elle resta une dizaine de minutes à reprendre son souffle, accrochée à la coque du Fortuné. Ses yeux la piquaient à cause de l'eau de mer et elle mit du temps à arrêter de pleurer. Puis elle leva la tête et vit que les pirates avaient installés des planches entre les deux navires et emmenaient leur butin sur leur vaisseau. Elle se recroquevilla un peu plus dans l'ombre de la coque de peur d'être vue. Elle tourna son visage vers le soleil qui finissait de disparaître et vit le galion espagnol. Dans la lumière déclinante du jour, elle eut l'impression qu'il revenait, mais non droit sur eux, mais en faisant une vaste courbe. Elle se prit alors à espérer qu'il revienne sur ses pas pour voir s'il pouvait récupérer des survivants ou bien faire le vautour et voir s'il n'y a rien à grappiller sur les restes des pirates.

La nuit était maintenant bien avancée. C'était une nuit qui n'offrait qu'un mince croissant de lune pour toute lumière et Ambre grelottait de froid. Elle était épuisée à force de s'accrocher aux petites inégalités de la coque et luttait de toutes ses forces contre le sommeil qui menaçait de l'emporter. Les pirates avaient fini de fouiller le navire de fond en comble et s'apprêtait à rejoindre leur bâtiment. Ambre n'attendait que ce moment pour remonter sur le Fortuné. Elle savait qu'elle ne pourrait le diriger toute seule mais un bateau est bien mieux visible sur l'horizon qu'un naufragé au raz de l'eau. Elle chercha une position plus confortable, n'en trouva pas et se remit comme elle était avant. Elle entendit soudain une voix forte provenant de son trois-mâts qui ordonnait:

"- Aller me chercher les cartes! C'est certainement le bien le plus précieux qu'on puisse trouver sur ce rafiot.

- Ah vos ordres mon capitaine," répondit une voix d'adolescent.

Puis la voix du capitaine pirate qui ne pouvait être autre que le terrible pirate Roberts résonna de nouveau:

"- Et aller chercher les barils de poudre. On va faire un beau feu de joie ce soir."

Les forbans hurlèrent leur approbation. Puis une voix s'éleva de leurs rangs.

"- Capitaine! Que fait-on des bâtards qui se sont sauvés à la nage?

- Les requins s'en chargeront."

Des rires fusèrent alors qu'Ambre se raidissait. Des requins? môman…

Le vent se remit à souffler, la faisant trembler de froid et d'épuisement. Un juron particulièrement grossier se fit entendre (encore pire que ceux que proféraient l'équipage du Fortuné qui pourtant étaient déjà assez familiers.) bientôt suivi d'un :

"- Ca vole, mon cap'taine! C'est d'la merde!" lorsque s'écria le forban qui courait après les cartes envolées. De nouveaux rires agitèrent les pirates.

"- Bon alors ça vient ces barils de poudre?" s'énerva le terrible pirate Roberts.

- Ca vient ça vient!"

En effet, les barils furent rapidement roulés sur les planches d'un bateau à l'autre et entassés dans la cale. Tous les forbans se précipitèrent sur leur navire et mirent les voiles (au sens propre). Ambre s'écarta vivement de la coque du Fortuné qui s'apprêtait à aller rendre visite aux plaines abyssales (ou une fosse si on est au dessus d'une zone de subduction ou sur une dorsale ou…). Elle força ses bras fatigués à la pousser le plus vite possible, loin de ce navire condamné et vers les autres survivants du carnage.

La lune semblait vouloir jouer à cache-cache derrière les nuages, ce qui fait qu'Ambre était dans une pénombre quasi-totale. La mer était assez calme et en haut d'une vague, lorsque la lune daignait se montrer, elle devinait parfois un parfois deux navires et même de temps à autre les derniers naufragés du Fortuné. Derrière elle subsistaient quelques flammes qui léchaient les derniers morceaux du Fortuné restés en surface.

La lune, timide, disparut derrière un nouveau nuage. Ambre frissonna. Il lui semblait entendre des bruits autre que le bruit des vagues. Elle espérait de tout cœur que ce soit son imagination et non des requins. Elle continua à nager, la fatigue rendant chacun de ses mouvements plus difficiles que le dernier. Elle avait l'impression de nager depuis des heures quand, au sommet d'une vague, elle aperçut la forme du galion espagnol plus près que jamais. Elle changea de direction et nagea vers lui, un maigre espoir renaissant dans son cœur.

Les minutes passaient et son imagination lui jouait de plus en plus de tours. Elle avait cru apercevoir un aileron mais s'était persuadée que ce n'était morceau de bois provenant de l'épave. Quand elle sentit quelque chose lui frôler la jambe, elle se retint de hurler, mais ça ne devait être qu'un petit poisson. Un tout petit. Une autre vague et elle aperçut les autres rescapés, loin derrière et encore plus loin sur sa droite. Et devant, le galion espagnol. Elle crut aussi apercevoir l'ombre du vaisseau pirate mais la lune décida à ce moment précis de se replonger dans l'épaisse couche nuageuse. Elle continua à nager, avec les dernières forces qui lui restait droit devant elle, vers le galion espagnol.

Un nouveau frôlement contre sa jambe l'empêcha de sombrer dans les bras de Morphée. Il y a beaucoup de poissons. Que des petits poissons. A ce moment là, elle entendit un cri déchirant. Elle se retourna mais dans la pénombre, elle ne vit rien. Ce n'était pas un requin… ce n'était pas un requin… ce n'était Un nouveau cri, aussi abominable et presque inhumain retentit dans l'air froid de la nuit. Elle entendit les hurlements des autres.

Des requins! Des requins! Nagez! Et restez groupez! Les espagnols ne sont plus loin!

Ce ne sont pas des requins, ce ne sont toujours pas des requins, ce n'est pas de l'auto persuasion, ce ne sont pas des requins… Elle accéléra un peu avant de retomber dans le rythme lent qu'elle avait adopté depuis un moment, la fatigue ayant raison de ses muscles. La lune apparut un bref instant, juste pour lui révéler un navire à quelques mètres devant elle. Le navire. Celui qui venait la sauver. Je vais apprendre l'espagnol en plus! Il avançait rapidement et droit sur elle. Elle essaya de hurler pour qu'on la remarque mais elle ne produisit qu'un faible son. Il passait à deux mètres d'elle et Ambre, dans un dernier effort, parvint à nager assez vite et à glisser le long de la coque. Ses doigts engourdis rencontrèrent la petite échelle incrustée dans la coque et permettant de grimper à bord. Elle se hissa péniblement sur les premiers degrés et s'assit précairement pour reprendre son souffle. Elle devina plus qu'elle ne vit un aileron qui fendait l'eau à l'endroit où elle se trouvait quelques minutes auparavant. Il fut bientôt suivi par un deuxième puis un troisième. Quand un disparaissait, un autre prenait sa place. Ne me dites pas que je nage depuis tout à l'heure au-dessus d'un banc de ces choses? Ambre ne s'attarda pas plus longtemps les pieds dans l'eauet entreprit de grimper. Au bout d'un temps qui lui parut des heures, ses mains s'agrippèrent sur le rebord du bastingage. Elle se hissa avec ce qui lui restait de muscles et se laissa tomber lourdement sur le pont. La lune trouva certainement ce moment tout à fait opportun pour réapparaître et montrer à Ambre le visage de ses sauveurs.

"- Oh non…"

L'Ecumeur s'était écarté rapidement puis avait réduit sa voilure pour admirer le feu de joie sur les vagues. Les pirates n'avaient pas vu la silhouette sombre d'Ambre qui s'éloignait rapidement du navire abandonné dans la pénombre naissante. Ils s'étaient tous accoudés au bastingage et attendaient le spectacle, qui ne tarda pas. Une magnifique explosion fit voler l'infortuné Fortuné en éclats. Ils restèrent là à le regarder brûler quelques minutes avant que leur capitaine, le terrible pirate Roberts, ne leur ordonnassent de se remettre au boulot. Ils avaient une longue route à faire s'il voulait attendre rapidement un port où ils pourraient revendre les marchandises les plus périssables. D'autant plus longue qu'ils devaient remonter contre le vent. L'Ecumeur pouvait filer à une vitesse folle, mais même ce vaisseau mettait du temps à parcourir une faible distance lorsque le vent soufflait de face. Ils avancèrent donc assez péniblement dans la noirceur de la nuit. Tout était calme. Les marins ronchonnaient un peu car leur capitaine leur avaient interdit de toucher au rhum avant d'être les seuls à des lieues à la ronde. Car ce galion espagnol bien armé l'inquiétait un peu. Roberts ne voulait pas le croiser avec un équipage à moitié saoul. Et en plus, il avait une réputation à tenir. N'est pas le terrible pirate Roberts qui veut.

Roberts était donc dans sa cabine en train d'examiner les cartes trouvées dans la cabine du capitaine du Fortuné, avec un verre de rhum à moitié plein lorsque la vigie cria à plein poumons:

"- Le galion espagnol! Il a fait demi-tour!"

Roberts sortit précipitamment après avoir vidé son verre d'un trait, tenant sa longue-vue dans une main.

"- Où est-il?

- A tribord capitaine. Il nous a contourné quand la nuit est tombée…"

Le capitaine gagna à grands pas le côté tribord du bateau et chercha des yeux la silhouette du galion éclairé par la lune. Quand il l'eut repéré, il l'observa attentivement avec sa lorgnette. Il resta un moment silencieux puis murmura pour lui-même.

"- Alors comme ça, tu veux aller voir s'il y a des survivants? Bien… tu veux jouer? On va jouer alors… Messieurs," interpella-t-il ses hommes," nous partons en chasse!"

Des cris de joie et des rires un rien sadiques vinrent saluer cette déclaration. Le terrible pirate Roberts gagna le poste de pilotage.

"- Demi-tour. Cap sur le galion." dit-il à l'homme de barre.

"- Bien cap'taine."

L'Ecumeur volait sur les eaux calmes, les voiles gonflées par le vent. Ceux qui ne s'occupaient pas des manœuvres avaient repris leurs armes encore tâchées de sang et attendaient sur le pont.

En moins d'une heure, le galion ne les devançait plus que de quelques encablures et l'Ecumeur se rapprochait toujours à une vitesse effarante. Roberts se tenait droit, un pied sur le beaupré, et scrutait les flots. Une esquisse de sourire se dessina bientôt sur ses lèvres.

"- Monsieur Korp. Je crois avoir repéré les naufragés."

Son second s'avança. Il avait le côté gauche du visage recouvert d'un linge imbibé de sang.

"- Où cela mon capitaine?

- Deux degré nord.

- DEUX DEGRE NORD !" hurla son second à l'homme de barre.

Le navire vira alors que les matelots s'activaient dans le gréement pour régler les voiles. La lune s'était de nouveau cachée quand il se retrouva bientôt derrière le galion. Quand celui-ci le vit, quelques minutes plus tard, il s'écarta un peu pour capter le plus de vent. Ce faisant, il se dirigea droit sur les naufragés et non plus vers Ambre. Mais dans la nuit noire, le capitaine Roberts ne devina pas qu'il avait viré de bord. Deux cris déchirants, à une minute d'intervalle résonnèrent à la surface de l'océan. Bien. Au moins deux de morts, pensa-t-il.

Le navire continuait à fendre les eaux mais il ne rattrapait toujours pas le galion alors qu'il devrait l'avoir fait depuis un moment déjà. Le terrible pirate Roberts sentit que quelque chose n'allait pas et quitta le gaillard d'avant pour se rendre au poste de pilotage. Il y eut alors un bruit sourd sur sa droite et il s'arrêta net, la main sur la garde de son épée. C'est ce moment que la lune choisit pour montrer le bout de son croissant…

Le terrible pirate Roberts se trouvait devant une forme vaguement humaine, complètement trempée et dégoûtant sur son pont. Deux grands yeux couleur de miel le fixèrent un instant avant de balayer l'espace. Il entendit clairement un:

"- Oh non…" désespéré.

"- Mais qu'est-ce que c'est que ça?" demanda-t-il, franchement surpris de trouver une gamine de treize ans dégoulinante d'eau de mer sur son pont. "Korp!" aboya-t-il. Le gigantesque second arriva d'un pas allègre. Ambre le reconnut tout de suite et se releva immédiatement. Elle se sentait acculée.

"- Tiens, tiens, tiens. Mais qui voilà donc? Mais c'est ma petite souris blanche!

Oh mais quelle poisse! Roh mais quelle poisse! Ca devrait pas être permis d'être si malchanceuse!

"- Tu t'es pas noyée finalement.

- Vachement observateur, dites-moi!" cracha-t-elle.

Le dénommé Korp se renfrogna immédiatement. Et y boude en plus! Il s'avança, menaçant. Ambre se colla contre la rambarde. L'idée de retourner nager avec les requins ne la tentait guère. Ne sachant que faire, elle jeta un regard alarmé autour d'elle et avisa l'épée de l'homme qui se tenait le plus près d'elle. Korp avançait toujours. Alors Ambre fit une chose qu'elle savait stupide et inutile. Dans une détente fulgurante, elle se saisit de l'épée et fit, comme elle l'avait vu faire le pauvre Aliaume, un grand geste circulaire. Tous les marins qui s'étaient rassemblés autour firent un bond en arrière mais le bras de Korp se trouvait trop près et reçu une entaille assez profonde.

"- 'cré nom d'un chien! La garce!" il baissa vers elle un regard furieux et fit un pas dans sa direction. " Tu vas me payer ce que tu m'as fait" gronda-t-il.

Autour d'eux, les forbans se rassemblaient en un cercle compact mais à distance respectueuse de l'épée de la jeune fille pour suivre l'altercation.

Ambre le dévisagea d'un air terrifié mais affermit sa prise sur son épée et pointa de sa lame l'immense poitrine poilue de Korp.

"- N'avancez pas!" cria-t-elle au bord des larmes "ou je…"

"- Ou tu…? Tu n'oserais pas me tuer, n'est-ce pas? Une petite souris telle que toi est trop gentille pour tuer quelqu'un de sang froid…

- …

- Bien. Maintenant tu vas être une gentille fifille et tu vas te laisser assassiner bien gentiment."

Les marins autour d'eux ricanèrent tandis que Roberts observait la jeune fille avec attention. Korp, dont la pointe de l'épée d'Ambre menaçait toujours son torse, commença à la baisser du bout des doigts. Ambre avait l'air d'une enfant totalement perdue et sur le point de craquer. Korp se réjouit d'avoir vaincu si vite. Oh d'accord, ce n'était pas une victoire très honorifique. Faire craquer une fillette de treize ans. Mais c'était jouissif. Ambre leva les yeux vers la brute qui la dominait de toute sa haute taille. Son courage se raffermit d'un coup. Elle fronça les sourcils et dégagea sa lame pour la placer juste sous la gorge du second.

"- Et qu'est-ce qui vous fait croire que je n'ai pas les tripes pour vous assassiner là, froidement, comme on égorge un porc?"

Le cercle de marins frémit. Une gamine haute comme trois pommes tenaient tête au second du terrible pirate Roberts. Voilà qui avait de quoi surprendre.

"- Tu es sûre de ça? Que tu peux me trancher la gorge, comme ça?

- Je n'ai pas dit que j'en était sûre. Je fait seulement remarquer que c'est vous qui doutez de mes aptitudes à vous trancher la gorge." répliqua-t-elle froidement.

Le second ne trouva rien à répondre. Il recula de deux pas et dégaina son sabre.

"- J'en ai assez. On va en finir une bonne fois pour toute."

Il avança d'un pas vers sa victime, menaçant. Ambre hésita un instant et abaissa son arme, connaissant l'inutilité de se battre et se tint droite, attendant l'instant où le métal froid mordrait sa chair. Elle regarda son bourreau dans les yeux alors qu'il leva son arme. Elle le vit l'abaisser. Elle ne put s'empêcher de fermer les yeux. Mais au lieu d'entendre un bruit de succion ou quelque chose d'approchant, il y eut un fracas de métal. Elle rouvrit les yeux et vit une lame devant ses yeux qui retenait le sabre de Korp. Et au bout de cette épée se tenait un homme grand et mince d'une quarantaine d'années. Il avait un visage fin et osseux et une fine moustache. Un foulard bleu retenait ses cheveux qui se terminaient à l'arrière par une natte de guerrier. Il brisa le premier le silence.

"- Monsieur Korp. Vous ne devez pas tuer les … naufragés issus d'un de nos récents carnages sans mon autorisation.

- Pardonnez moi mon capitaine." Il marqua un temps de silence avant de reprendre. "Et je l'ai?

- Pardon?

- Votre autorisation?

- Ah… non.

- Bien." dit-il, visiblement déçu.

"- Je vous la refuse car je me demande si…

- Si?

- Si cette gamine, ayant montré son courage, ou sa stupidité, comme vous préférez, ne mérite pas un jugement, même minime, de notre part?

- Vous êtes le capitaine.

- Certes. Donc, emmenez cette gamine dans ma cabine et attachez la. Je m'occuperais de son cas plus tard.

- Bien, mon capitaine."

Ambre suivit l'échange sans oser croire ce qui arrivait. Elle s'appuya lourdement au bastingage et sentit sa tête tourner. Elle n'avait rien mangé depuis le matin, trop absorbé par ses pensées pour penser à sa faim. De plus nager pendant un long moment dans une eau glaciale pour se retrouver sur le vaisseau pirate lui avait sapé ses dernières forces. Au moment où elle comprit qu'elle ne serait pas tuée, du moins pas tout de suite, la barrière qu'il l'empêchait de sombrer dans l'inconscient céda. Ses genoux fléchirent et elle s'écroula sur le pont. L'épée qu'elle tenait fermement roula à côté d'elle et ses mains portaient les empreintes de la garde.

"- Ah bah, c'est malin." dit Roberts en riant. "Bon, c'est pas le tout, mais on n'était pas la pour ça. Retrouvez moi ce satané galion pendant que je m'occupe de cette jeune demoiselle. Aller! Au boulot! Et monsieur Korp. Ne faites pas cette tête là, ça ne vous va pas du tout.

- Bien mon capitaine.

- Occupez-vous de donner les ordres pendant dix minutes et ne chaumez pas. Si on ne retrouve pas ces espagnols, je serais vraiment, mais vraiment, énervé.

- Bien mon capitaine.

- Et arrêtez de me servir du"bien mon capitaine" tout le temps, ça m'énerve.

- Bien mon capitaine.

- Voilà. Je préfère ça."

Le terrible pirate Roberts s'abaissa pour récupérer son épée que cette impétueuse gamine lui avait ravi, la rengaina et passa ses bras sous les aisselles et les jambes de la jeune Ambre. Il poussa un "gnourph" pas très élégant en se relevant et prit le chemin de sa cabine. Il ouvrit la porte brusquement, la referma d'un coup de pied et se dirigea vers sa couchette. Il y déposa doucement son paquet et étendit une couverture de laine sur son corps d'enfant. Puis il ressortit silencieusement et reprit la chasse aux espagnols avec ardeur.

voili voilou, le premier chapitre de cette histoire tordue issue de mon imagination tordue. vous en avez pensé quoi? dites? n'hésitez pas à laisser des rewiews (l'avis des autres compte bcp, même si on dirait pas comme ça...)

comme vous avez sans doute remarquer ça ne parle pas tout à fait du film, mais je pense rataacher un peu plus cette histoire avec. Je sens que je vais rigoler.

Lexique:

comme voiles, y'a les hunier, les perroquets et les cacatois.

les mâts (d'avant en arrière): le beaupré, la misaine, le grand mât et le mât d'artimon.

le gréement c'est en gros tous les cordages, ce qui tient les voiles et le bordel du même genre.

l'espèce de maison à la poupe du bateau s'appelle le chateau.

la cambuse la cuisine

le navire le bâtiment le raffiot espèce de truc en bois qui flotte sur l'eau et qui... camille, camille? oui ma chère conscience? tu t'emballes. ah. désolée.