A cœurs ouverts

Par Tallia


D'un geste rageur, Duncan replaça son sac sur son épaule et jeta un regard alentour.

Mauvaise connaissance de la topographie des lieux, mauvais transplanage. Il aurait mieux fait de vérifier.

S'il le souvenait bien, il devait suivre le chemin qui contournait la colline, passer sous le vieux chêne et le manoir apparaîtrait au prochain virage.

S'il se souvenait bien.

Ce n'était pas si difficile, pourtant ! Il était déjà venu ! D'accord, ça faisait plus d'un an mais quand même.

Il se mit en route, marchant d'un bon pas. Le soit tombait, et il ne voulait pas se présenter trop tard au manoir des Potter. Non qu'on le refoulerait, mais il y avait un minimum de décence à observer, surtout quand on avait décliné une invitation à deux reprises. Heureusement que James avait compris qu'entre sa quatrième année dans sa prestigieuse école de commerce et les stages dans l'entreprise de Grand-Pa, il ne lui restait que peu de jours à lui. Jours qu'il avait décidé de consacrer à sa petite amie officielle…jusqu'à aujourd'hui, après s'être rendu compte que ses amis lui manquaient.

A la pensée de passer la quinzaine qui venait avec eux, il eut un sourire et accéléra son pas. Il sourit en pensant à la quinzaine qui l'attendait. Deux semaine rien qu'entre eux, sans parents dans le voisinage. Le rêve.

Alors qu'il passait sous les branches noueuses de l'arbre plusieurs fois centenaire et dont les ombres s'étiraient sur la colline en une fresque grimaçante, un craquement se fit entendre au-dessus de sa tête. Il eut à peine le temps de lever les yeux qu'une silhouette fondit sur lui et qu'il se retrouva assis par terre, nez contre nez avec une frimousse pailletée de roux qu'il mit quelques secondes à reconnaître et dont le reste du corps lui écrasait entre autres les genoux.

- Je suis désolée, commença la frimousse. J'ai dérapé, la branche s'est cassée et… Duncan !

- Sam ?

- Oh bonjour ! Qu'est-ce que tu deviens ?

Typique de Sam. Jamais surprise.

- Euh…à cet instant, j'ai mal à différentes parties du corps que mon ego m'empêche de mentionner.

- Oh pardon !

Elle se redressa souplement et lui tendit une main fine qu'il s'empressa de saisir.

- Je ne savais pas que tu devais venir, fit-elle en époussetant ensuite une jupe agréablement courte aux yeux de Duncan.

- Moi non plus. Ça s'est décidé au dernier moment.

Elle leva les yeux sur lui et eut un froncement de sourcil à peine perceptible.

- Ça s'est décidé. Donc tu n'es pas ici de ton plein gré.

S'il arrivait à Duncan de ne pas apprécier quelque chose chez Sam, c'était sa perspicacité qui semblait sans limite.

- C'est juste que j'avais prévu autre chose, répliqua-t-il en haussant les épaules. Et toi, tu peux m'expliquer ce que tu faisais en haut d'un arbre ?

- Pas grand-chose. Je regardais le coucher de soleil.

- Ah. Avec qui ? fit-il en levant les yeux.

- Personne, cette question !

- Je sais pas. C'est le genre de chose qu'on fait à deux, non ?

- Beuh ! dit Sam avec une grimace. J'ai essayé, çe n'était pas concluant.

Ils reprirent le chemin tout en continuant :

- Ah oui ? Et pourquoi ?

- Essaye d'admirer un coucher de soleil alors que l'autre tente de t'embrasser.

- Je pense que le baiser ne devait pas être très réussi, sourit-il.

- Si ce n'était que ça ! Ça a gâché le coucher de soleil.

- C'était avec qui ?

- Oh ! Un gentil Serdaigle que Sirius m'avait fait rencontrer en cinquième année. Mais je suis contente, il a perdu vingt points parce qu'il n'était pas rentré à temps dans son dortoir. Ça m'a fait comprendre qu'il n'était pas pour moi.

- Ah ! Parce que toi, tu ne te fais jamais prendre ?

- Non. Et puis, le prof qui remplace Rogue n'est vraiment pas doué. A se demander comment il est entré à Serpentard.

A cet instant, le manoir fit son entrée dans le paysage, situé un peu en hauteur et projetant sa silhouette allongée sur une autre colline.

- Viens, dit Sam en quittant le chemin, on va suivre le ruisseau, c'est plus sympa.

- Mais euh…je devrais peut-être passer par la porte d'entrée, non ?

- Pourquoi faire ? Tu es avec moi. Et puis, c'est ridicule. Je ne vais pas sonner pour entrer chez moi. De toute façon, ils doivent être en train de jouer.

- Et tu n'es pas avec eux ?

Elle haussa les épaules en s'engageant dans les herbes hautes.

- J'ai arrêté en sixième année.

- Hein ? fit Duncan, abasourdi. Mais pourquoi ?

- Bof, ça ne m'intéressait plus de voler après un ballon rond . Et puis, je préfère regarder.

- Qui est au manoir, cette semaine ?

- Ben, nous quatre et puis Simon, et Ivan et Cybèle.

- C'est tout ? Et les autres ?

- Gédéon est avec sa copine, pareil pour Paul. Ulysse et Hector sont partis en voyage « entre frères », et les autres n'ont pas encore dix-sept ans.

Duncan fit un rapide calcul.

- Vous êtes sept, donc. C'est pour ça que tu ne joues pas ?

- J'ai laissé ma place de très bon cœur.

- Maintenant que je suis là, tu vas devoir jouer.

Ils commencèrent à suivre le ruisseau, contournant peu à peu le manoir, en partie cachés par les arbres qui poussaient sur les berges.

- Alors, tu vas devoir déployer des efforts d'éloquences, argua-t-elle avec un sourire mutin par-dessus son épaule.

- Ça ne sera pas trop difficile, répliqua-t-il, charmeur.

- Tu oublies seulement à qui tu t'adresses !

- Tu crois ?

A cet instant, ils sortirent de l'abri des arbres et le terrain de Quidditch apparut dans leur champ de vision, survolé en tout sens par six silhouettes qui se déplaçaient avec rapidité et dextérité.

Sautant de pierre en pierre, Sam traversa le cours d'eau, sortit sa baguette et se lança un sort de Sonorus avant de crier :

- Ohé, du balai ! Regardez qui je vous amène !

Duncan la rejoignit mais le regretta bien vite lorsqu'il vit une silhouette lui foncer dessus à grande vitesse. Avant qu'il n'ait le temps d'amorcer un mouvement de retraite, elle le percuta de plein fouet et il se retrouva projeté sur l'autre rive, le visage encadré par les deux mains de James.

- Duncan ! s'écria-t-il avec un large sourire. J'y croyais plus !

- Moi aussi je suis content de te voir. Tu me laisses me lever ?

- Ah oui, désolé.

Il se releva et Duncan l'imita tandis que les autres se posaient et que Sam se retrouvait pliée en deux à cause d'un fou rire.

- Te fous pas de moi, Sam ! lui hurla-t-il, sa fierté meurtrie.

Elle s'arrêta net, le regarda, puis un coin de sa bouche trembla et elle repartit de plus belle, son rire amplifié par le Sonorus, jusqu'à ce que Simon annule le sort d'un coup de baguette.

- Désolé, vraiment, fit Sirius d'un air contrit. On essaye bien de le cacher mais…

- …ces temps-ci, c'est plus possible, poursuivit Ivan.

- Elle vire complètement siphonnée, renchérit Cybèle.

- Et c'est pas faute d'essayer de faire comme si de rien n'était, reprit Sirius. Mais toute magie a ses limites…

- …et contre ça, on ne peut rien, soupira Simon. Même à St-Mangouste, ils ne savent pas quoi faire d'elle.

- Je vous emmerde tous ! s'exclama la concernée avec un nouvel éclat de rire.

- Tu vois, tu vois ! fit Ivan. J'en peux plus, j'en peux plus, je vais craquer ! ajouta-t-il en secouant Duncan par les épaules avant d'enfourcher son balai et d'effectuer un huit en poussant un hurlement d'indien.

- Rappelez-moi qui est siphonné, déjà ? demanda Duncan sur un ton faussement perplexe.

- Bonjour quand même, dit Lily pour se manifester.

- Ah, pardon. Salut Lily. Content de te revoir.

- Alors ? le reprit James. Pourquoi t'es venu, finalement ? Je t'ai manqué, c'est ça ?

- Oui, James, fit Duncan en lui tapotant gentiment la tête comme s'il flattait un chien.

- En tous cas, ça fait plaisir, reprit Lily. Tu as de la chance, j'ai fait trois fois trop de réserve pour la nourriture, tu nous aideras à les finir.

- Pas de problème. Et je dors où ?

- Avec nous ! s'exclama James. On a réquisitionné un des salons.

- Et nous, on est dans la bibliothèque, compléta Cybèle.

- Je vois. Sans les parents, c'est l'anarchie.

- Tout de suite les grands mots, dit Sirius. Nous, on dit qu'on a opéré une réorganisation du manoir.

- Mais il est dit qu'on rangera tout après, hum ? remarqua Lily.

- Oui, oui, fit son frère avec un geste désinvolte de la main.

Lily eut une drôle de moue, et Duncan lui trouva une ressemblance frappante avec sa mère. N'étaient ses cheveux noirs et ses yeux verts.

Quant à Sam, il n'arrivait pas à trouver de ressemblance probante avec aucun de ses deux parents. Bien sûr, elle était brune – d'un magnifique brun qui prenait des teintes de terre brûlée selon la lumière – et elle avait des yeux verts délicatement sertis dans un visage semé de roux mais elle était beaucoup plus délicate que le reste de sa famille, plus éthérée aussi, ce qui lui donnait des allures de fée des bois.

Pas étonnant qu'elle aimât les couchers de soleil.

- Viens, entendit-il James dire, l'arrachant à sa comparaison entre les deux sœurs. On va déposer tes affaires.

- Je te suis.

D'un même pas, ils se dirigèrent vers le manoir tandis que les autres restaient ranger leur matériel.

- Alors ? fit James une fois hors de portée d'oreilles. Qu'est-ce qui s'est passé ? Je croyais que tu devais être avec Rosalind.

- Moi aussi.

- Mais alors…

- Elle m'ennuie, lança Duncan pour couper court.

- Je croyais que tu la trouvais drôle.

- Effectivement, tu fais bien d'employer le passé.

Ils pénétrèrent dans le vestibule puis suivirent un enchaînement de couloir sans cesser de parler.

- Ce n'est plus comme avant…tenta Duncan. Ses airs d'ingénue commencent vraiment à m'agacer, sans compter que je dois à chaque fois lui expliquer de quoi il retourne. La taquiner ne m'amuse plus non plus. Bref, je me voyais mal passer deux semaines avec elle, alors j'ai préféré venir.

- Ok, se contenta de dire James.

Voilà le genre de réponse que Duncan appréciait. Claire, concise, James tout craché et comme il l'aimait.

- Mais je me sens un peu coupable, reprit-il alors qu'ils entraient dans le salon, réaménagé en dortoir typiquement masculin et où l'on sentait qu'aucune présence féminine n'était tolérée.

A cette réplique, James le regarda d'un air goguenard.

- Toi, te sentir coupable. On aura tout vu.

- Mais elle est gentille quand même.

- Si la gentillesse était un critère déterminant, ça se saurait.

Duncan dressa les oreilles à cette drôle de sentence.

- James ?

- Oui ? fit ce dernier sur un ton qui se voulait innocent.

- Me prends pas pour un imbécile. Tu ne m'as pas tout dit, toi non plus. J'ai raison ?

James se laissa tomber sur un matelas et poussa un soupir. Duncan écarta avec prudence un paquet qui lui semblait suspect et, dans l'expectative, prit place sur un coussin qui traînait et regarda son ami.

- Je ne suis plus avec Jessamin, finit par dire ce dernier.

Duncan grimaça intérieurement. Il savait combien son ami était attaché à la jolie orientale et, s'il l'avait toujours soutenu en cas de besoin, il n'avait jamais vraiment apprécié sa compagne. Trop sûre d'elle à son goût. Et trop jolie aussi pour ne pas savoir comment en jouer auprès des autres, en particulier les garçons.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-il doucement.

James eut une grimace amère.

- Elle me trouvait trop gentil. Elle voulait que je lui dise non, tu vois. Elle a besoin d'un mec qui a du « caractère ».

Il mima les guillemets avec ses doigts, sarcastique.

- James.

- Quoi ?

- On sait tous les deux que tu as du caractère.

- Pas assez pour elle, apparemment ! Elle voulait des disputes, des gros éclats, de la passion quoi !

Duncan leva les yeux au plafond.

- Les filles…, soupira-t-il.

- J'ai horreur des disputes, continua son ami. Et je lui ai dit que si c'était ça qu'elle voulait, ce n'était pas la peine d'aller plus loin. Elle m'a dit « ok ».

- Et…c'est tout ?

James hocha la tête, l'air malheureux, et Duncan ressentit une brusque bouffée de colère pour cette Jessamin qu'il n'avait jamais aimée, qu'il s'empressa cependant de dissimuler. Le temps n'était pas encore venu pour James d'entendre les quatre vérités sur son ancienne petite amie.

- Bon, fit-il en claquant sa langue. Le mieux est de t'occuper l'esprit. Une petite virée à Londres, ça te dit ?

- De quel côté ?

- Franchement, je m'en fous. C'est comme tu veux.

- Côté moldu alors. J'ai vraiment pas envie de la croiser.

- Nop. Prépare-toi.

James se leva et attrapa un jeans propre. De son côté, Duncan se mit à chercher son portefeuille caché quelque part dans les recoins de son sac avant de s'interrompre, pris d'une inspiration.

- Au fait, ta sœur ?

- Laquelle ?

- Sam. Je me posais la question. A qui elle ressemble le plus ?

- A la mère de mon père. Nous aussi, on s'est posé la question, y a quelques temps. Et on a exhumé quelques vieilles photos. C'était bizarre.

Duncan hocha la tête, le croyant bien volontiers.


Vers deux heures du matin, ils étaient de retour, transplanant directement d'une ruelle derrière le bar où ils avaient été à la terrasse du manoir. James partit directement à la cuisine chercher une potion anti-gueule de bois, mais Duncan préféra faire confiance à la fraîcheur de la nuit pour le dégriser un peu et s'installa sur une chaise longue pour contempler les étoiles.

Au bout de quelques temps, il perçut un bruit de pas sur la pelouse qui se voulait le plus discret possible. Au parfum subtil qu'il saisit un bref instant, il comprit que c'était Samantha.

- Tu n'es pas couchée ? lança-t-il.

- La remarque est déplacée venant de toi.

Malgré la pénombre, il saisit sa silhouette qui venait s'asseoir à côté de lui à même le sol.

- Moi, je suis un adulte.

- Oouh, j'ai peur. Moi aussi, figure-toi. Sinon, je ne serais pas ici.

Ah oui. Ça grandit vite, ces bêtes-là.

- James va mieux ? reprit-elle.

- Pourquoi tu me demandes ça ?

- Ça fait trois jours qu'il laisse brûler son café le matin. Preuve qu'il a l'esprit ailleurs.

- Tu ne peux pas arrêter de tout deviner ?

- Je fais pas exprès.

- T'as fait de la divination ?

- Oui. C'était assez amusant. Mais pas très sérieux. Alors ?

- Disons que je lui ai changé les idées pour ce soir. Demain, il faudra trouver autre chose.

- Ok. Et toi ?

- Quoi ?

- Pourquoi t'es venu ?

- Mêle-toi de ce qui te regarde.

- Ça me regarde.

- Je crois pas, non.

- Bien sûr que si.

- Et pourquoi ?

- Parce que c'est toi, cette question !

Duncan resta saisi, ne sachant pas comment interpréter cette phrase.

Heureusement qu'il faisait nuit !

- Disons que j'ai besoin de faire le point sur certaines choses, finit-il par dire.

Il y eut un silence.

- C'est à cause de Rosalind ?

Bingo !

Comment elle faisait ?

- Tu es legilimens ou quoi ?

- Bien sûr.

- Sérieux ?

- Pff, mais non.

- Samantha Potter, tu es en train de te foutre de moi. Et le respect dû aux aînés ?

- C'est pas à ce genre d'aînés qu'on fait référence. Alors, j'ai raison ?

- Pour une Serpentard, tu n'es pas très subtile.

- C'est une perte de temps.

- Dit comme ça…

Il y eut à nouveau un silence, que Duncan décida cette fois-ci de rompre.

- Donnant-donnant. Et toi, t'as personne dans ta vie ?

- Pas vraiment, non.

- Même pas un copain par-ci, par-là ?

- Si. Par-ci, par-là. Mais ça dure jamais longtemps.

- Pourquoi ?

- Ça ne m'intéresse pas. Je veux pouvoir faire ce que j'ai envie, sans avoir à l'embrasser à chaque fois que je le croise dans un couloir, ou à l'attendre sagement pendant qu'il a un entraînement, pour être toute prête quand il arrive. Je ne veux pas être à sa disposition.

- C'est fini, ça, maintenant. Après Poudlard, c'est différent.

- Ah oui ? Et quand je serai une femme mariée, avec trois enfants à garder et le dîner à préparer, je ne serai pas à sa disposition peut-être ?

- Tu parles comme les femmes moldus.

- Les femmes moldus ont bien raison.

- De toutes façons, si tu ne veux pas que ça t'arrive, ça n'arrivera pas.

- En fait, ça ne me dérange pas de le faire pour quelqu'un que j'aime vraiment. Mais la personne dont je suis amoureuse et que j'ai choisi d'aimer ne me regarde pas vraiment comme je voudrais, alors j'ai laissé tomber.

Duncan reçut un coup dans la poitrine. Si ça, ça ne lui était pas destiné !

Très mal à l'aise, il s'agita dans sa chaise longue, cherchant quelque chose à dire, mais elle lui épargna cette peine.

- Te fatigue pas, dit-elle. Je n'ai aucune illusion.

- J'admire ton courage, murmura-t-il.

- C'est gentil. Bonne nuit, Duncan.

Elle partait.

Elle partait ! La jolie Samantha qu'il avait toujours considérée comme une petite sœur. Est-ce qu'elle pouvait être autre chose ? Est-ce qu'il voulait qu'elle soit autre chose ?

- Sam, attends.

Il pivota et se leva, serrant les poings.

- Tu as été franche, alors je vais essayer de l'être aussi.

- Je ne suis pas sûre de vouloir entendre.

- Toi non plus, tu ne m'as pas laissé le choix.

Elle lui concéda le point d'un hochement de tête.

- Ecoute. Je ne peux pas dire que je n'ai pas…disons…envisagé une relation plus approfondie avec toi. Je te trouvais un peu jeune mais bon, c'était un détail. Mais je me suis aperçu…

Il s'interrompit, cherchant ses mots.

- Je me suis rendu compte…que je n'étais pas capable de te suivre.

- Euh…là, c'est moi qui te suis pas.

- Tu…comment dire ? Dès la première année, tu as montré combien tu pouvais être brillante. Et ça s'est confirmé par la suite. Tu es intelligente, trop même. Suffit de voir tes BUSE et tes ASPIC. Et ça me fait peur, parce que tu n'as pas fini d'apprendre. Encore aujourd'hui, je peux soutenir une conversation avec toi. Mais dans quelques années…je…je crois que ça sera différent.

Il y eut un silence.

- Si ce n'était pas toi, Duncan, je qualifierais ça de tentative désespérée pour me repousser.

- Remarque que je ne repousse rien car tu ne m'as rien proposé. Tu m'as juste dit ce que tu ressentais.

- C'est spécieux comme argument.

- Un peu.

- Tu veux savoir pourquoi c'est toi ?

- Pourquoi ?

- Parce que tu es la seule personne, en dehors de ma famille, à t'en être rendu compte.

- Non, je ne crois pas. Mon père aussi le pense.

- Mais construire une relation avec ton père est difficilement envisageable.

- Tu trouveras quelqu'un d'autre.

- Les autres ne m'intéressent pas.

- Alors, tu finiras vieille fille ?

- Oui.

- Ça ne te fait pas peur ?

- J'ai plus peur de finir avec quelqu'un que je n'aime pas vraiment.

A nouveau, le silence de la nuit se fit entendre quelques instants.

- Pourquoi tu me dis ça maintenant ? murmura Duncan d'une voix désespérée.

- Je ne sais pas. Il fallait que je le dise.

- Ça ne marchera pas, Sam.

- Tu dis ça pour t'en convaincre ou parce que tu le penses vraiment ?

- Je ne sais pas…Je ne sais plus.

- Je ne t'impose rien, vraiment. C'est mon choix, pas le tien.

- Fais donc comme si je n'étais pas concerné, oui, fit-il, ironique et en colère.

- Moi, j'ai dit ce que j'avais à dire. Si ç'a semé le trouble dans ton esprit, ce n'est pas à moi de faire du rangement.

Il poussa un soupir excédé.

- Si tu crois que c'est facile !

- Qu'est-ce que tu crois que j'ai fait, moi ! Ça m'a pris du temps mais maintenant que j'ai une décision, je m'y tiens, c'est tout. Et si toi, tu aimes Rosalind, alors c'est avec elle que tu dois être, c'est tout.

- Tu crois m'aider avec ce que tu dis ? J'aime beaucoup Rosalind, mais il m'est impossible d'envisager de passer ma vie avec elle. C'est pareil pour toi.

- Alors, le sujet est clos. Bonne…

- Ceci dit, la coupa-t-il, je veux bien essayer.

Silence.

- Pardon ?

- Tu m'as très bien compris.

- Mais tu viens de dire…

- Même si ça me paraît impossible, je veux bien essayer. Je ne veux pas avoir de regrets de ne pas avoir su saisir la chance, et penser en te regardant construire ta vie avec un autre, « ça pourrait être moi. »

- Si tu le dis. Bonne nuit. Pour de bon, cette fois.

Elle amorça un mouvement mais il lui saisit le poignet et la rapprocha de lui.

- Donne-moi une preuve que c'est possible, fit-il doucement. Que toi, tu y crois.

Elle libéra lentement son poignet puis glissa ses doigts dans sa nuque, ce qui le tendit comme un ressort. Aussi légère qu'une plume, elle déposa alors un baiser sur ses lèvres et se recula presque aussitôt. Electrisé, Duncan lui enserra la taille et lui donna un baiser autrement plus passionné, auquel il fut ravi de trouver une réponse.

Plus tard, alors qu'il était de retour dans le salon-dortoir, il saisit une silhouette redressée sur son matelas et n'eut aucun mal à reconnaître la crinière hérissée de James.

- Si jamais tu lui fais de la peine, marmonna-t-il d'une voix pâteuse, tu auras tout le clan Potter sur le dos.

- Pas les Weasley ? demanda-t-il moqueur.

- 'Vais pas parler pour eux.

Et il se rallongea.

Tandis que Duncan prenait place sur le matelas resté libre, il entendit James grogner :

- J'ai l'impression que c'est de famille.

- De quoi ?

- Que la dernière sorte avec le meilleur copain de son frère.

Duncan pouffa de rire mais un « chut ! » péremptoire provenant du côté de Ivan mit fin au dialogue.


C'est à ma connaissance le premier texte de Tallia. Alors soyez sympa, si vous avez aimé, prenez 3 minutes pour le lui faire savoir en cliquant sur le petit bouton en bas à gauche.