Notes : Eh bien ! Ca y est. Finalement, après un an de galère, Le Kit est arrivé à maturité. Est-ce que vous pouvez imaginer que c'était censé être une fic courte ? Personnellement, ma propension extraordinaire a transformé n'importe quoi en un pavé m'étonnera toujours. Parce que, bien entendu, cet épilogue ne s'est pas montré plus coopératif que le reste de l'histoire, oh non ! Il fait en réalité la même taille qu'à peu près n'importe lequel des chapitres précédents (et je ne parle pas forcément des premiers, il s'agissait des plus courts), ce qui fait que son appellation d' "épilogue" peut sembler vaguement outrancière. Mais tant pis ! Il se trouve que 11 chapitres ne me convient pas du tout, et que je préfère largement dire "10 chapitres et 1 épilogue". Allez savoir pourquoi, ça paraît tout de suite plus rond ! XD J'ai passé le cap des dix chapitres, ce qui me paraissait déjà trop au tout début de cette fanfic, et pire encore, j'ai dépassé celui de 100 000 mots. 100 000 mots ! Plus de 100 pages Word ! Mon Dieu, si j'avais imaginé ça… T.T Mon bébé a tant grandi ! Et pourtant, je la trouve encore relativement courte, cette fic… Il y a définitivement des habitudes qui ont la vie dure !

- Faites attention, non-amateurs de shonen-aï, les derniers scènes de cet 'épilogue' (kof, kof ! . ) contiennent certains passages qui pourraient vous offenser. C'est loin d'être excessif, ça reste tout de même très léger, et pour moi ce n'est rien d'autre que de l'affection qui n'a pas forcément à être traduit par de l'amour (d'ailleurs, les intéressés eux-mêmes ne le voient que comme une profonde marque d'amitié), mais nous n'avons pas tous le même point de vue sur la question et je préfère donc prévenir.

- Quant au sujet d'une éventuelle suite, que j'ai déjà abordé à plusieurs reprises, sachez que j'ignore toujours si j'en viendrais un jour à l'écrire, même si elle est déjà fermement établie dans mon esprit. Si cela venait à être le cas, j'ose espérer que je m'y mettrais après ma fic sur Harry Potter, sans quoi je vais finir guillotinée… Ou morte d'épuisement avant. Deux fics de cette taille-là à gérer en même temps, je ne suis pas sûre que je pourrais… Enfin, il est très possible dans ce cas de figure que je déciderai de publier une sorte de bande-annonce de cette séquelle, à la suite du Kit (en tant que 12ème chapitre, selon ff. net, donc). Gardez les yeux ouverts, on ne sait jamais ! ;)

- Aux éventuels lecteurs qui auraient lu cette fanfiction après sa diffusion complète, tout d'abord, je tiens à dire "chapeau !". Si vous en êtes arrivés là, c'est que vous venez de vous farcir le fruit d'innombrables heures de prises de tête avec des persos non coopératifs, des muses hyperactives ou complètement raplaplas, et des chapitres qui n'en ont jamais fait qu'à leurs têtes. Et ensuite, je voudrais signaler que si vous avez tenu tout ce temps, vous pouvez bien me consacrer quelques secondes (voire minutes, on peut toujours espérer) de plus, le temps de m'envoyer une review, hum ? D'un autre côté, si vous venez de tout lire d'une traire, oubliez ce que je viens de dire et pensez d'abord à la santé de vos pauvres neurones épuisés. Et si vous vous y êtes mis à minuit et avez refusé de lâcher avant la fin, malgré les menaces répétées de votre mère et / ou de votre colocataire et / ou de votre chat, contentez-vous d'aller vous coucher. ;)

- Un dernier point : je pense que n'importe qui aura lu ces notes aura compris exactement à quel point j'étais fière (sans doute à la limite de l'arrogance, d'ailleurs) d'avoir fini cette fic. Je tiens à remercier infiniment tous ceux qui m'ont suivie jusque-là et ont eu la patience de supporter mes délais d'update !

RAR : Une dernière fois, je remercie donc sincèrement Yue Hime, ShadowSaphir, Thealie, Flore Risa, Maeve Fantaisie, onarluca, coralie, henna-himitsu, Wynzar, okaina, Neo-Alphonse Elric, luluFlo4, Jamesie-cass, yune-chan66, Twin Sun Leader, Blackangel, Elenos R.J. Lupin, LECONTE Raphaèle (une 'happy end' ? Faut voir… Comparer Le Kit avec Yamata no Orochi ? Woh, là ça me fait vraiment bizarre ! XD) et Sasuke Sarutobi, ainsi que tous ceux qui ont pu reviewer cette fic et la reviewerons peut-être encore. Vous m'avez fait rire, vous m'avez fait rougir, vous m'avez aidé à améliorer cette fic par vos questions ou vos commentaires, alors merci :)

A présent, assez de blablatages. Je vous souhaite une bonne lecture !


Epilogue : Serment

Un faible bruissement se fit un instant entendre, puis le moineau pointa sa tête curieuse à travers le feuillage. Quelques coups d'œil nerveux à gauche, à droite, et il s'avança finalement, émergeant du buisson d'un pas sautillant. Il fut salué par les trilles moqueuses de ses congénères, là-haut, dans les arbres. Les ignorant avec fierté et panache, il atteignit la rue sans marquer d'hésitations et se pencha sur la première trace de nourriture qu'il trouva. Il avait à peine eut le temps d'entamer son repas que quelque chose de Très Grand s'approcha à grande vitesse, et de quelques battements d'ailes affolés, il dut sonner précipitamment la retraite à l'ombre protectrice de la végétation.

Indifférent à l'émoi qu'il venait de provoquer chez le petit peuple de Konoha, Kiyoshi continua sa course sur le chemin de terre battue, un sourire de bonne humeur illuminant ses traits.

Il bifurqua dans l'une des rues principales du village et jeta au passage un salut retentissant à la vieille poissonnière, qui répondit de bon gré à son sourire et à son signe de la main. Contournant sans s'arrêter le boulanger qui lui jetait un regard noir depuis le milieu du passage, il alla jusqu'à se retourner un bref instant pour lui tirer ouvertement la langue. Le corpulent bonhomme print une teinte écarlate fort peu seyante, et parut brièvement suffoquer. Sans se donner la peine d'attendre les beuglements d'indignation qui n'allaient sûrement pas tarder à venir, Kiyoshi tourna le coin de la rue avec un éclat de rire enjoué.

Il ne lui fallut que quelques minutes de plus pour atteindre finalement sa destination. Il s'immobilisa brièvement sur le parvis de l'imposant bâtiment, le temps de reprendre un semblant de respiration, penché en deux pour appuyer ses mains sur ses cuisses. Devant lui, l'hôpital de Konoha se tenait là avec une majesté solennelle, les multiples fenêtres sur sa haute façade renvoyant les rayons d'un soleil radieux.

Se faufiler à l'intérieur se révéla ardu, mais Kiyoshi commençait à avoir l'habitude, depuis trois jours qu'il venait ici à la moindre occasion. Passer le bureau de l'accueil et éviter les infirmières dans les couloirs devenait un jeu auquel il finissait par exceller, avec la complicité bienveillante de quelques medic-nins qui s'étaient d'hors et déjà attachées à lui, distrayant leurs collègues plus mal lunées à son égard dès que cela devenait nécessaire.

Tout le monde dans le bâtiment, du médecin porté sur la bouteille du cinquième à l'infortunée patiente du premier, victime d'une attaque de grenouilles enragées, savait à présent qui occupait la chambre 313. La rumeur avait à vrai dire fait le tour de Konoha en un temps record : le porteur du Kyûbi était de retour.

Et non content de sa réapparition impromptue après plus de sept ans de silence radio, on racontait également que c'était lui qui, dans un combat terrible et dévastateur, avait enfin mis un point d'arrêt aux attaques des démons qui harcelaient le village depuis plusieurs mois, et même aux agissements du responsable de ces combats incessants. Autant dire que les pires commères du village avaient de quoi alimenter leurs réunions à l'heure du thé, surtout sachant que le responsable en question avait lui-même été un ninja de Konoha ! Les mauvaises langues disaient que le Kyûbi et le Traître étaient tous deux de la même trempe et que le meurtre d'un monstre ne rachèterait jamais l'un de ses congénères, mais bien souvent, seul un silence gêné suivait ses déclarations.

A l'intérieur de l'hôpital, cependant, la rumeur était légèrement différente… On ne parlait pas de l'occupant de la chambre 313, mais bien de ses occupants.

Kiyoshi abaissa la poignée avec précaution, veillant de quelques coups d'œil rapides à ce que personne dans le couloir ne le voie. Apercevant une infirmière qui tournait justement le coin, le nez plongé dans ses dossiers, il s'empressa de pousser la porte et de se faufiler par l'entrebâillement, silencieux comme une ombre. Malgré sa discrétion, la silhouette assise sur la chaise près du lit releva immédiatement la tête à son entrée.

La fenêtre de la petite chambre était ouverte, et une brise tiède faisait voleter les fins rideaux blancs. Dans l'unique lit de la pièce, une forme était recroquevillée sur le flanc, enveloppée si profondément dans les draps immaculés que seuls en dépassaient une masse de cheveux blonds désordonnés et deux yeux fermés dégageant une impression paisible. Le second homme présent dans la chambre, et qui en avait si peu bougé au cours des derniers jours qu'il aurait tout aussi bien pu être un patient de l'hôpital, lui aussi, était assis dos à la porte.

Sasuke se renversa contre le dossier de sa chaise et leva une main pour dégager ses longues mèches noir corbeau de ses yeux, souriant à son fils.

« Bonjour, Kiyoshi » dit-il d'une voix calme.

« Bonjour, papa ! » répondit l'enfant avec enthousiasme, s'avançant aussitôt vers son père.

Sasuke posa le rouleau qu'il avait été en train de lire sur la table de chevet, juste à côté de lui, avant de se tourner à nouveau vers son héritier.

« Il s'est encore mis sur le côté… » remarqua Kiyoshi avec un gloussement.

Sasuke émit un grognement d'assentiment amusé.

« Sakura est passée il y a une demi-heure, ça l'a rendue folle de rage. Elle a dit qu'elle allait chercher quelque chose pour l'attacher à son lit, histoire qu'il reste une bonne fois pour toutes sur le dos. »

Les ricanements de Kiyoshi redoublèrent.

« Et toi, papa ? Pourquoi tu ne le remets pas sur le dos lorsqu'il bouge ? » demanda-t-il finalement, curieux. « Tante Sakura dit qu'il guérirait plus vite s'il évitait de se crisper comme ça… »

Sasuke lui jeta un coup d'œil nonchalant avant de retourner son regard à la fenêtre.

« Ca m'arrange qu'il soit sur le côté » décréta-t-il.

A l'expression perdue de son fils, il consentit à ajouter, comme si cela expliquait tous les mystères du monde :

« Sur le dos, il ronfle. »

Comme pour lui donner raison, l'intéressé choisit ce moment pour émettre une sorte d'onomatopée rauque et remua légèrement pour s'enfouir un peu plus sous les draps, ne laissant plus cette fois dépasser que ses cheveux.

Kiyoshi ne put pas rester très longtemps dans la chambre 313, fait dont il s'était copieusement lamenté ces trois derniers jours et se lamentait d'ailleurs toujours. Mais Sasuke, inflexible, refusait absolument qu'il sèche un jour de plus à l'Académie alors qu'il l'avait déjà laissé assister à la fête du 27. Ironique, lorsqu'on y pensait, car si Kiyoshi n'avait pas été là ce jour-là, l'Anbu ne passerait pas ses journées à l'hôpital… et lui ne l'implorerait pas de pouvoir rater ses cours pour rester avec lui.

Malgré tout, grognant et râlant, l'apprenti-ninja finit par consentir à quitter la chambre, une moue boudeuse sur le visage. Puérilement, il ne put résister à la tentation de claquer la porte plus fort que nécessaire, ce qui était particulièrement stupide dans ces circonstances.

Avec un sourire ironique, Sasuke perçut les exclamations indignées de l'infirmière qui fondait sur son fils telle le faucon sur sa proie. Il envisagea brièvement d'aller délivrer son rejeton des serres de la matrone, mais finit par se renfoncer dans son siège avec nonchalance alors que, sans tenir compte des protestations de l'enfant, la femme entreprenait de le traîner par l'oreille en direction de l'accueil, débitant tout du long le registre entier des règles de savoir-vivre au sein d'un hôpital.

Un Uchiwa ne râlait pas.

Toute cette agitation dans le couloir finit cependant par provoquer une réponse de la dernière source qu'il pensait possible : un faible froissement de draps émergea du lit derrière lui.

« Hum… M'ya l'feu ? » marmonna une voix endormie.

Les yeux noirs de Sasuke croisèrent deux orbes bleus encore voilés de sommeil. Un bras replié contre sa poitrine, gardant le drap enveloppé autour de lui en un cocon serré, Naruto frottait sa main libre contre ses paupières d'un geste somnolent, fixant son meilleur ami d'un air faiblement interrogatif.

Sasuke garda le silence, immobile, et le jeune ninja blond, ne recevant pas de réponse, se détourna finalement pour rouler sur le dos, avec un bâillement impressionnant qui amena des larmes de fatigue au coin de ses yeux.

« Mhrm… 'L'est quelle heure, là ? » marmotta-t-il en se hissant sur les coudes pour jeter un coup d'œil torve par la fenêtre.

« … 9 heures du matin » consentit finalement à dire Sasuke. « Et nous sommes le 2 mai. »

Le cerveau de Naruto, tournant encore au ralenti, prit plusieurs secondes pour digérer ces données et en tirer la conclusion qui s'imposait.

« Trois jours ? Noooon, mon précieux rythme de sommeeeeil ! » se lamenta-t-il, s'effondrant sur le lit pour plaquer théâtralement ses paumes sur son visage.

Une légère inclinaison du matelas le força à cesser ses pitreries et à relever les yeux, surpris. Maintenant assis au bord du lit, Sasuke laissa échapper un soupir inaudible.

« Usuratonkachi. »

Une lueur d'agacement traversa brièvement les yeux de Naruto, assez rapide pour qu'elle en soit à peine perceptible, et le jeune homme releva le menton avec une expression hautaine, bras croisés sur sa poitrine.

« Inutile d'insister, Naruto Uzumaki ne cède pas à la flatterie. »

Il y eut un court instant de silence méditatif, comme Naruto s'obstinait à fixer le plafond d'un air profondément snob pour ne pas faire face au regard fixe que l'autre pointait sur lui avec insistance.

« Dobe. »

« Aaaaargh ! Je te hais, Sasukeeee ! » fusa aussitôt le hurlement d'outrage, accompagné d'un tourbillon de draps blancs.

Sasuke Uchiwa atterrit rudement sur le sol dallé de la chambre d'hôpital, un rictus d'intense satisfaction ancré à ses lèvres, alors que l'oreiller partait faire connaissance avec les jardins en un gracieux vol plané qui lui fit traverser le pays de la Fenêtre et les vertes contrées d'Une Chute de Trois Etages — Emouvants voyages d'initiation… Adieu, Mr Oreiller ! —, et qu'un poids relativement conséquent s'affalait sur lui — Sasuke, pas Mr Oreiller.

Naruto émit quelque chose qui se rapprochait vaguement d'un bêlement de douleur stoïque (« Aaaaïeuuuuh… »), avachi à plat ventre sur l'Anbu qu'il avait aussi cavalièrement tenté de mettre à mort, et, avec une sérénité solennelle, le drap retomba paisiblement sur sa tête, faisant de lui un parfait petit fantôme de carnaval. Ne pouvant s'empêcher d'émettre un ricanement, Sasuke repoussa l'étoffe d'un revers de la main et jeta un coup d'œil moqueur à la tête blonde qui, roulé en boule, semblait émettre des ondes de misère douloureuse.

« Tu es vraiment un crétin, Naruto » renouvella-t-il.

Un œil bleu se manifesta sous quelques mèches blondes pour lui adresser un furieux regard de reproche.

Un bruit détourna leur attention vers la porte qui s'ouvrit pour livrer passage à une jeune femme bien connue, une lueur menaçante extrêmement familière dans le regard.

« Sa-Sa-Sakura-chan ! » balbutia Naruto, sévèrement refroidi. « Que-que-qu'est-ce que tu fais avec ces chaînes… ? »


Lorsque Kiyoshi atteignit l'hôpital, hors d'haleine et le visage écarlate, la moitié du village était au courant du réveil du garçon au Kyûbi et ne parlait déjà plus que de ça. Aussi ne fut-il pas spécialement étonné d'apercevoir Neji-san, gravissant justement les marches devant le bâtiment. Exécutant une dernière pointe de vitesse, le jeune garçon rattrapa l'Anbu au moment même où il passait les portes et s'aligna aussitôt sur son pas.

« Bonjour, Neji-san » dit-il poliment, maintien et ton aussi impeccable que ce que quelqu'un atteignant la teinte fort seyante d'une écrevisse et soufflant comme un moulin à vent pouvait se permettre.

Le jeune homme lui adressa un regard amusé et retourna son salut d'un hochement de tête. Kiyoshi veilla à garder une distance de très exactement deux pieds entre lui et l'adulte alors qu'ils continuaient leur route à l'intérieur du bâtiment, assez pour ne pas se montrer envahissant, mais assez peu pour laisser clairement sous-entendre aux vieilles peaux de l'accueil qu'il était accompagné, cette fois. Comme ça, il avait le droit d'entrer, na !

Si Neji avait remarqué son manège, il n'en dit rien, mais Kiyoshi se réjouit tout de même nettement moins lorsqu'il choisit de prendre les escaliers. Les marches étant plus grandes pour ses petites jambes que pour celles de l'adulte, suivre le rythme des larges enjambées élégantes de son aîné se trouva être un exercice ardu qui le laissa d'autant plus pantelant à leur arrivée bénie au troisième étage.

Ne sous-estimez jamais un Hyûga : s'il vous tourne le dos, lui pourra vous voir, mais vous, vous ne verrez jamais son sourire narquois…

Des éclats de voix retentirent bien avant leur arrivée à la chambre 313. Intrigué par ce raffut, Neji s'immobilisa un instant au croisement pour jeter un coup d'œil dans le couloir adjacent, puis bifurqua soudainement. Kiyoshi le suivit tant bien que mal, soufflant comme une locomotive, jusqu'à ce qu'ils atteignent la salle de repos des medic-nins. A la demande de Sakura, les infirmières l'avaient manifestement désertée au profit de la bonne dizaine de personnes qui se massaient à présent autour du patient le plus demandé de l'étage… La petite chambre n'aurait définitivement pas pu tous les contenir.

Assis à la table au centre de la salle, Naruto Uzumaki riait aux éclats, des larmes d'allégresse au coin des yeux. Kiba Inuzuka, rouge de honte, tentait vainement de le faire taire à grand renfort de bravades écervelées, mais la présence de l'imposant Akamaru sanglé dans son dos comme un gigantesque bébé ne faisait que renforcer le fou rire de son interlocuteur — La peste soit des infirmières et de leurs règles d'hygiène ! Akamaru était parfaitement propre, il avait pris son bain cinq jours plus tôt ! —. Debout près du ninja blond, Hinata semblait avoir renoncé à calmer son mari et se contentait d'esquisser un sourire désolé au-dessus de ses joues colorées par un délicat rougissement.

Le célèbre Ninja Copieur était posté près de la fenêtre et paraissait plongé dans son bouquin pervers, regard libidineux fermement en place. Iruka-sensei essayait avec acharnement de l'en arracher "au nom des bonnes mœurs", probablement pour la quinzième fois depuis qu'ils s'étaient retrouvés dans la même pièce.

Excité comme une puce, le petit-fils du Sandaime, Konohamaru, sautillait sur place et joignait son hilarité à celle de son grand-frère adoptif, ignorant tout à fait Sakura qui s'efforçait de le faire tenir tranquille de peur qu'il ne casse quelque chose. Ino se moquait de sa meilleure amie et de son manque d'autorité — à ce rythme, quelqu'un n'allait pas tarder à passer par la fenêtre pour rejoindre Mr Oreiller, et ce quelqu'un avait des cheveux en brosse et trop d'énergie à dépenser pour que le résultat en soit positif — tandis que Shikamaru, derrière elle, semblait s'être assoupi debout contre le mur, si cela était seulement physiquement possible…

Lee surveillait la scène de chaos total avec un sourire de fierté paternelle qui n'avait pas grand-chose à faire là, mais qui oserait aller lui demander pourquoi il souriait ? Enfin, posté dans un coin où il s'était nonchalamment appuyé contre le mur, Sasuke ne semblait pour l'instant pas avoir d'autre but que d'avoir l'air "cool" et de décorer. Etonnamment, Kiyoshi remarqua que, événement exceptionnel s'il en est, Ino et son père se trouvaient dans la même pièce et — tenez-vous bien — à plus de deux mètres de distance. La quatrième dimension s'était-elle ouverte sans que personne ne prenne la peine de l'avertir ?

Naruto finit par remarquer le Hyûga solitaire qui s'avançait dans la salle et jaugeait les dégâts avec une expression de neutralité perfectionnée.

« Salut, Neji ! » salua-t-il jovialement, essuyant ses larmes de rire sans se donner la peine de décrocher son large sourire.

Le jeune homme lui adressa un micro-rictus vaguement narquois avant de faire sciemment un pas sur le côté, dévoilant Kiyoshi qui, indécis, était resté planté sur le pas de la porte. Le garçon rougit d'être ainsi découvert, mais se ressaissit bien vite et s'avança avec un sourire.

« Bonjour, Ki… Naruto-san » dit-il timidement.

Sans vraiment pouvoir se l'expliquer, le jeune garçon était intimidé par l'homme blond devant lui, largement avachi dans sa chaise et toujours habillé du pyjama de l'hôpital. Il avait toujours été ouvertement impressionné par tout ce que son père avait pu lui raconter sur Naruto Uzumaki : même si Sasuke lui avait à peu près autant parlé de la stupidité congénitale de son coéquipier que de sa volonté de combattre et d'attendre ses buts, Kiyoshi ne pouvait qu'apercevoir son sourire presque imperceptible lorsqu'il évoquait ces souvenirs, et il lui serait éternellement reconnaissant d'avoir ramené son père à Konoha.

Maintenant qu'il se trouvait face au ninja en chair et en os, cependant, il ne savait plus quelle attitude adopter. Savoir que durant tout ce temps, il n'avait été nul autre que le shinobi que la plupart des civils considéreraient encore longtemps comme un héros, qu'il avait lui-même pu lui parler, se disputer avec lui, le narguer, sans jamais se douter de quoique ce soit… Tout cela ne faisait que décupler son trouble et multiplier les innombrables questions qui dansaient déjà une folle sarabande dans son esprit.

"Pourquoi êtes-vous parti ? Ne pouviez-vous pas au moins nous dire que vous étiez vivant ? Pourquoi n'êtes-vous pas revenu plus tôt ? Pourquoi avez-vous laissé mon père s'inquiéter de cette manière pour vous ? Et pourquoi n'avez-vous pas retiré votre masque, pourquoi l'avoir gardé tout ce temps où vous étiez à Konoha sans que nous le sachions ?" Toutes ces questions qu'il brûlait d'envie de poser, mais dont il savait qu'il ne comprendrait probablement pas les réponses…

Mais Naruto lui sourit et se redressa dans sa chaise.

« Eh, si ce n'est pas le microbe ! Bonjour, gamin ! »

« Ne m'appelez pas 'gamin' ! »

Et juste comme ça, par un réflexe de pure indignation et le gloussement moqueur qui en résulta, Kiyoshi put à nouveau croiser les bras et bouder tout son soûl.

Il releva la tête lorsque l'homme se pencha par-dessus la table et passa sa main dans ses cheveux pour les ébouriffer. Au lieu de pousser de hauts cris, cependant, il croisa les yeux impossiblement bleus qui le fixaient, taquins. Par-dessus l'épaule du ninja, il aperçut son père. Malgré les paupières à demi-baissées de l'Uchiwa, il lui était facile de deviner où se posait ce regard si soigneusement dissimulé sous un voile d'ennui et de désintérêt. Un faible sourire naquit sur les lèvres du jeune garçon, et il décida finalement qu'après tout, si son père se considérait satisfait, il ne pouvait que l'être, lui aussi.

Il leva à nouveau les yeux vers Naruto, qui avait penché la tête sur le côté et le fixait d'un air interrogatif, intrigué de ne pas entendre de protestations indignées. Le sourire de Kiyoshi s'agrandit encore un peu, à la surprise de son aîné, et il décida que, oui, il pouvait être satisfait.

Pourtant, avant même qu'il ne s'en aperçoive, cinq mots avaient franchi ses lèvres, cinq minuscules mots.

« Vous allez rester, pas vrai ? »

Et ces cinq petits mots semblèrent soudain jeter un froid sur l'assistance.

Près de la fenêtre, Kakashi et Iruka relevèrent la tête, brutalement silencieux. Sakura, qui venait de hisser un Konohamaru gesticulant sur son épaule et se dirigeait vers la fenêtre, s'arrêta net, le laissant glisser de sa prise. Neji parut se raidir, ne serait-ce qu'infimement. Sasuke ferma tout à fait les yeux, parfaitement immobile. Les autres interrompirent leurs conversations, surpris par le silence qui venait d'abattre sa chape de plomb sur la salle, faisant tout à coup mourir leurs mots sur le seuil de leurs lèvres. Et le sourire de Naruto s'évanouit tout à fait, comme la flamme d'une bougie soufflée par le vent.

Avec un soupir, il laissa retomber sa main et baissa les yeux pour ne pas voir l'expression d'incompréhension de Kiyoshi.

« C'est ce que j'aimerais aussi savoir » intervint une nouvelle voix, tranchant dans l'atmosphère soudain lourde.

Tsunade s'avança dans la petite salle, impérieuse, son regard sévère fixé sur le jeune ninja. Dans son sillage, Chouji entra à son tour et traversa silencieusement la salle pour aller rejoindre son meilleur ami, lequel avait été jusqu'à ouvrir un œil pour assister à la scène.

Pris par surprise, Kiyoshi sursauta en avisant le regard noir que Naruto fixait à présent sur l'Hokage, et recula précipitamment pour ne pas se trouver entre eux.

« Ne reviens pas là-dessus, baa-chan » gronda-t-il. « Nous en avons déjà discuté. »

« Précisément ! » rétorqua-t-elle en s'arrêtant de l'autre côté de la table, levant le menton pour le regarder de haut. « Nous n'avons discuté de rien du tout ! Tu m'as fait part de ton désir de t'entraîner pour être digne du titre d'Hokage, et j'ai accepté, malgré mes réticences. Mais la donne a changé, Naruto ! Je refuse de te laisser continuer sur cette voie, c'est totalement ridicule ! Quoique tu sembles en penser, face à Kyûbi, tu es à présent totalement… »

« Tu vas me dire que je n'ai plus rien à craindre de lui ? » vint soudain le rugissement qui les fit tous sursauter.

La chaise de Naruto tomba au sol avec fracas alors qu'il se levait d'un mouvement vif. Maintenant à hauteur d'yeux avec Tsunade, il ne put que lui adresser un regard incrédule, ses traits déformés par un rictus presque hystérique.

« Tu vas me dire que j'ai le niveau pour le contenir, que je n'ai plus besoin de m'en faire, que tout ira bien ? C'est ça que tu vas me dire ! »

Si Tsunade avait été un court instant prise de court, elle n'en laissa rien paraître lorsqu'elle reprit la parole d'une voix assurée.

« Tu nous l'as prouvé à tous, Naruto, tu es parfaitement capable de réguler la puissance du Kyûbi sans pour autant perdre le contrôle ! Tu as atteint ton but, pourquoi t'acharner de cette manière ? »

« Tu ne sais rien, Tsunade ! Tu ne sais rien du tout ! »

« Naruto, s'il te plaît, calme-toi » intervint Neji, toujours calme et posé. « Je pense que tu devrais écouter Tsunade-sama… »

« Tais-toi ! » lui cria-t-il, pivotant sur ses talons avec une vivacité qui fit à nouveau sursauter le Hyûga. « Taisez-vous tous, bon sang ! Vous ne comprenez donc pas ? Il s'en est fallu d'un cheveu que je ne perde le contrôle ! Vous comprenez ce que ça veut dire ? Un cheveu, autant dire absolument rien ! A l'heure qu'il est, Konoha pourrait très bien être rasée, et ses environs ne seraient plus qu'un cratère fumant ! Ce n'était rien d'autre qu'un putain de coup de chance ! »

Le jeune homme, encore convalescent, haletait déjà de son éclat de voix, mais il les fusillait tous du regard, poings serrés, souhaitant de tout cœur que quelqu'un, au moins une personne dans cette salle, soit capable de comprendre.

« Naruto… » fit Sakura d'une voix douce, et il tourna la tête vers elle, espérant avec ferveur qu'elle, au moins… « Je ne sais pas ce que tu crois vouloir faire en essayant de nous faire peur de cette manière… Nous savons tous ce qu'est le Kyûbi, et nous avons confiance en toi ! Il est inutile de tenter de nous effrayer. Tu ne me fais pas peur, Naruto, tu es toujours mon ami ! »

Son regard était plein de détermination et de confiance alors qu'elle disait cela, et elle avait porté la main à son cœur, le regardant droit dans les yeux. Pourtant, à sa grande surprise, la lueur d'espoir dans les yeux bleus de son ancien coéquipier mourut brutalement. Alors qu'elle s'attendait à ce qu'il soit ému et, peut-être, reconnaissant, son regard s'emplit amertume… Naruto baissa la tête, cachant derrière ses mèches blondes la solitude qui le poignardait soudain en plein cœur. Vidé de toute colère et de toute agressivité, il ne put que laisser échapper un rire qui sonnait affreusement faux.

« Finalement, c'était bien moi qui avait raison, pas vrai ? » dit-il, presque comme s'il se parlait à lui-même. « Vous demandez tous 'pourquoi', mais en définitive, aucun de vous n'est vraiment capable de comprendre la réponse… »

Un silence étrange s'installa à ces mots, jusqu'à ce qu'il relève finalement la tête. Droit et fier, il se tourna à nouveau vers Tsunade et croisa son regard.

« Ecoutez-moi bien, maintenant, tous autant que vous êtes » exigea-t-il d'une voix claire, alors même qu'il n'avait d'yeux que pour son Hokage. « Je vais quitter ce village, dès que je le pourrai. Je le quitterai, et vous n'avez tout simplement pas votre mot à dire sur la question. Un jour, lorsque je saurai être assez fort, je reviendrai, mais en attendant je m'éloignerai de Konoha. Je partirai, même si je dois tous vous assommer l'un après l'autre, et batailler contre la moitié de tes Anbus pour y arriver, Tsunade. Je préfère quelques morts à la possibilité d'une hécatombe, je le ferai sans hésitations. »

Tsunade se raidit infimement, et découvrit que quelque chose dans sa gorge l'empêchait de respirer confortablement. Elle déglutit difficilement. Les yeux bleus refusèrent de la lâcher.

« Tu sais que je le ferais, Tsunade. Je quitterai ce village, de gré ou de force. Il ne tient qu'à toi que cela se fasse sans sang versé. »

Il y eut un très long silence tendu, chacun dans la salle digérant ces mots, jaugeant l'homme qui les prononçait, comprenant soudain qu'il y avait là quelque chose qu'ils n'avaient pas vu ou n'avaient pas voulu voir. Il y avait quelque chose de différent, dans cet homme qui se tenait là, debout très droit, ses deux mains posées à plat sur la surface de la table devant lui, vêtu d'un pyjama qui paraissait à présent ridicule.

Les lèvres de Tsunade tremblèrent un bref moment, mais elle se reprit vite, et un sourire vacillant naquit tant bien que mal sur son visage.

« Je suppose que tu avais raison, Uchiwa » dit-elle finalement dans un soupir, luttant pour que sa voix reste égale.

Naruto sembla brutalement se figer à ces mots, et ses yeux s'écarquillèrent, incrédules. Il pivota vivement sur les talons, manquant basculer en arrière lorsqu'il découvrit l'homme qu'il cherchait des yeux à quelques centimètres de lui. Sasuke fixa sur lui un long regard indéchiffrable. Plus par réflexe qu'autre chose, Naruto prit l'objet qu'il lui tendait. C'était le masque de l'Anbu, rouge et blanc, et à présent agrémenté d'un symbole rouge sombre sur sa face intérieure. Ironiquement, ou peut-être par la volonté de son propriétaire — à cet instant précis, Naruto n'aurait su le dire, ne sachant plus que penser — le visage de céramique se voulait évocateur d'un renard.

« Nous disons donc… » vint la voix de Tsunade, dans son dos. « Le ninja Naruto Uzumaki est à présent affecté à l'unité Anbu, section spéciale longues missions. »

Si Naruto avait eu un dentier, il l'aurait recraché.

« Pardon ? » s'exclama-t-il, se tournant vers elle si vite qu'il faillit en trébucher sur ses propres pieds.

Tsunade avait sorti un rouleau de papier de nulle part et le considérait d'un air qu'elle s'efforçait de ne pas rendre trop morose.

« Cette affectation implique de longs voyages dans différentes parties du monde connu, pour y remplir des missions impliquant souvent plusieurs mois de travail. J'espère que tu te sens à la hauteur, parce que cette décision prend effet dès ta sortie de l'hôpital. »

« Quoi ? » put-il seulement répéter, abasourdi. « Mais, Tsunade-baba, pour devenir Anbu, il faut… »

« … avoir d'hors et déjà le niveau de Jounin, déposer une demande écrite à l'Hokage, et obtenir l'approbation d'un moins un capitaine Anbu » récita-t-elle sans se laisser troubler pour si peu. « Tu n'as toujours pas passé les examens de Jounin, mais étant donné les circonstances, on devrait pouvoir s'en passer. Je préciserai "avec l'accord spécial de l'Hokage" et "pour services extraordinaires rendus à Konoha", ça ira. Et pour le reste, Uchiwa s'est chargé de faire la demande à ta place pendant que tu récupérais. Il va sans dire qu'en tant que capitaine, il donne également son accord. »

Impassible, Sasuke s'était contenté de croiser les bras et fixait le mur en face de lui d'un air peu concerné, malgré les nombreux regards incrédules qui s'étaient portés sur sa personne, à commencer par ceux de son fils et de Sakura. N'importe qui sachant à quel point la disparition de Naruto l'avait affectée toutes ces années ne pouvait que le fixer dans l'espoir vain d'obtenir une quelconque réponse à pareille question : pourquoi aurait-il favorisé de lui-même le départ de son ami ? Il aurait dû être l'un des premiers à protester contre son désir de quitter à nouveau Konoha, et, qui sait, peut-être aurait-il réussi là où eux avaient échoué ?

Pourtant, bien avant le réveil de Naruto, il avait prédit son acharnement à poursuivre sa quête, aussi insensée puisse-t-elle paraître. Pire encore, il lui avait offert sa porte de sortie. Et aucun d'entre eux, pas même Sakura qui les connaissait tous deux mieux que quiconque, ne pouvait se targuer de comprendre pourquoi.

Sonné, Naruto se contentait de se tenir là, muet de stupeur, le masque pendant inutilement dans sa main droite, son regard dirigé vers Tsunade, mais ne semblant même pas se rendre compte qu'elle était encore là. La Godaime referma son rouleau d'un air professionnel, le rangea avec soin, puis se pencha brutalement au-dessus de la table pour empoigner le jeune ninja blond par le devant de son pyjama, le tirant de sa transe avec un pittoresque gargouillement étranglé.

« Et maintenant, c'est toi qui va m'écouter, gamin ! » gronda-t-elle, une lueur menaçante dans les yeux, alors qu'elle le tirait en avant jusqu'à ce que leurs visages ne soient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. « Je cède à ton caprice, d'accord, mais tu as tout intérêt à m'envoyer des rapports très réguliers ! Si tu oublies de me tenir au courant au moins toutes les semaines, je jure que je te classerai si haut dans les ninjas déserteurs que tes arrière-petits-enfants auront encore des Anbus aux trousses dans un siècle ! Est-ce que je me fais bien comprendre ? »

« Oui, oui, j'ai compris, baa-chan ! » baragouina-t-il en essayant de la forcer à lâcher prise sur ses vêtements, commençant déjà à prendre une teinte un peu trop foncée pour qu'elle soit naturelle. « Mais lâche-moi, espèce de vieille folle, je suis blessé ! »

« Ecoutez-moi qui parle ! Rappelle-moi qui gesticulait comme un forcené il y a à peine quelques minutes ? »

Roulant faiblement des yeux, Sasuke recula et s'adossa à nouveau au mur, agissant comme si rien ne s'était passé.

Neji le fixait d'un air faiblement troublé, sans paraître vraiment comprendre ce qui l'avait poussé à agir de cette manière. Malgré tout, il se détourna avec un regard vaguement amer, comprenant que si lui n'avait pas de plaintes à émettre, il serait égoïste de sa part d'insister. Iruka, commençant finalement à accepter le fait que son élève préféré cherche encore à les quitter, baissa la tête avec un sourire triste. Si Naruto le voulait tant que ça, c'est que cela devait être vraiment important pour lui, n'est-ce pas ? Près de lui, Kakashi feuilletait Le Paradis du Batifolage d'un air distrait.

Kiba passa un bras autour d'Hinata et l'attira contre lui, espérant faire disparaître cette expression de déception de son si jolie visage. Reconnaissante, elle leva la tête pour lui adresser un faible sourire auquel il répondit maladroitement. Konohamaru, les épaules basses, fixait son grand-frère adoptif d'un air presque blessé, sans vraiment comprendre. Sakura s'était appuyée contre Lee, qui lui caressait le dos d'un air inquiet, et cherchait désespérément à comprendre, une lueur mélancolique dans les yeux.

Kiyoshi, lui, ne comprenait vraiment pas. Son regard incrédule allait de son père, si désinvolte alors que l'autre allait bientôt partir à nouveau, à Uzumaki, qui paraissait si soulagé à l'idée de quitter Konoha et tout ceux qu'il laisserait derrière lui, encore une fois. Il cherchait et il cherchait, mais il ne comprenait pas. Si son père tenait à Naruto, et que Naruto tenait à toutes ces personnes rassemblées ici, alors pourquoi fallait-il qu'il parte ? Et pourquoi Sasuke l'y aidait-il ? Il avait beau essayer, il ne comprenait pas…


Tandis que Chouji se lamentait à l'idée de ne pas retrouver son compagnon de boustifaille à Ichiraku, Shikamaru ne lui prêtait qu'une oreille distraite et un semblant d'attention. Sous ses paupières à demi-baissées, son regard suivait attentivement la jeune femme blonde qui s'éloignait d'eux. Bien que son expression d'ennui ne changea pas d'un pouce, une lueur d'amertume traversa ses prunelles lorsqu'Ino aborda l'Uchiwa, sourire faussement timide aux lèvres.

Surpris, Chouji tourna la tête vers lui lorsqu'il s'éloigna finalement du mur d'un coup de rein.

« Allons-y, Chouji » murmura Shikamaru, fourrant ses mains dans ses poches avec nonchalance.

Pas dupe pour deux sous, son ami scanna automatiquement la salle du regard. Ses yeux s'adoucirent lorsqu'ils se posèrent sur leur coéquipière, parlant avec animation à un Sasuke impassible.

« Comme tu voudras » répondit-il simplement au jeune génie, cachant la compassion que l'autre ne voudrait pas voir en lui.

Les deux hommes quittèrent la salle en silence, passant presque inaperçus dans le chaos ambiant.

Deux yeux noirs les suivirent pourtant dans leur retraite, avant de se poser sur la jeune femme. Ino parut se raidir légèrement sous son regard scrutateur, peu habituée à ce qu'il lui prête tant d'attention, et sa nervosité sembla encore redoubler.

L'héritière des Yamanaka était généralement très sûre d'elle et se donnait toujours les moyens d'atteindre ses buts, à coups d'œillades qui se voulaient séductrices, de rires de gorge et de sourires éblouissants. C'est pourquoi, aujourd'hui, ces petits rires qui cherchaient vainement à cacher sa gêne, et ce rougissement révélateur, tout disait à Sasuke que quelque chose avait changé. Et il n'était pas assez stupide pour ne pas comprendre quoi.

« Ino. »

La jeune femme s'arrêta net dans sa diatribe, incrédule. A quand remontait la dernière fois que Sasuke l'avait appelée par son prénom ?

« O… Oui ? » répondit-elle, avec un sourire qu'elle espérait ne pas être trop troublé.

« Il vient de partir. »

Et, comme elle ne paraissait pas comprendre ce qu'il voulait dire, il renversa la tête en arrière, contre le mur, avec un petit soupir agacé.

« Shikamaru et Chouji viennent de partir » répéta-t-il de sa voix grave.

Ino écarquilla brièvement les yeux, avant de jeter un coup d'œil frénétique au reste de la salle. Ne trouvant pas ce qu'elle cherchait, elle se mordit vivement la lèvre inférieure et baissa la tête. Pour la première fois depuis très longtemps, elle se sentait indécise. Un court moment, l'image du visage de Shikamaru alors qu'il la serrait dans ses bras dans le Monde Spirituel lui revint en mémoire, suivie de son regard, ouvertement fier d'elle, lorsqu'elle avait su tous les tirer d'affaire à leur retour dans le monde matériel.

Par réflexe, elle leva un regard hésitant sur Sasuke, ce Sasuke qu'elle avait poursuivi toutes ces années, cet homme qui n'avait jamais rien fait d'autre que lui renvoyer ses pauvres tentatives, comme la surface d'une statue de glace réfléchirait les rayons du soleil qui tenterait présomptueusement de la faire fondre. Quelques mots prononcés par sa meilleure amie, il y avait de cela déjà plusieurs mois, résonnèrent brièvement dans son esprit.

"Tu sais, Ino, tu n'arriveras à rien de cette manière. Tant que tu t'acharneras contre lui, Sasuke se contentera de t'ignorer : il ne te repoussera pas, mais il ne t'acceptera pas non plus. Ce genre d'attentions, il n'en veut pas et ça l'indiffère totalement ! Mais si tu apprends à te contenter de ce que tu as, il y a encore une chance qu'il puisse te laisser l'approcher et devenir une amie."

Elle l'avait ignorée, bien sûr. Sasuke finirait par lui céder et ils vivraient une vie de contes de fées, tous les deux jusqu'à la fin des temps, elle en était convaincue ! Mais en fin de compte, toutes ces années, est-ce qu'elle ne s'était pas simplement voilée la face ?

Comme pour donner raison à la voix de Sakura qui tournait encore dans son esprit, Sasuke choisit ce moment pour apercevoir ses yeux posés sur sa personne, et releva la tête pour lui adresser un regard agacé.

« Qu'est-ce que tu attends ? Ma bénédiction ? »

Ino sursauta, prise de court. L'irritation dans les yeux de son Prince Charmant était réelle, et plus sincère que tout ce qu'il avait jamais pu diriger vers elle toutes ces années. La jeune femme se redressa imperceptiblement et carra les épaules. Puis elle s'inclina d'un mouvement vif devant lui.

« Merci, Sasuke-kun ! » souffla-t-elle simplement.

Elle tourna les talons, ses longs cheveux blonds fouettant l'air derrière elle, et en quelques foulées de ses longues jambes, elle avait disparu dans le couloir.


Lorsque Shikamaru et Ino refirent leur apparition dans la petite chambre de Naruto, le jour suivant, ce fut ensemble, et Ino arborait un faible rougissement et une mine boudeuse. Le micro-sourire de Shikamaru paraissait au contraire bien plus satisfait que son habituel rictus d'ennui, ce qui généra à leur intention plus d'une pique hilare de la part du ninja blond encore convalescent.

Lorsque le jeune couple sortit finalement, Sasuke partit avec eux, ce qui attrista vaguement Naruto. Depuis la veille, une étrange gêne semblait s'être installée entre eux. Pour la première fois depuis trois jours, Sasuke était retourné dormir chez lui, soustrayant Kiyoshi à la garde de Sakura puisque ce n'était plus nécessaire. Il était arrivé à l'hôpital en même temps qu'Iruka et Kurenaï, qui avaient bientôt été relayés par Ino et Shikamaru, et en définitive les deux ninjas ne s'étaient jamais retrouvés seuls. Naruto nourrissait le vague soupçon que ce n'était pas tout à fait involontaire de la part de l'Uchiwa. Malgré son apparente acceptation, se pouvait-il qu'il lui en veuille tout de même de vouloir repartir ?

L'arrivée de Kiba, Hinata, et l'intenable boule d'énergie qui leur servait de fils ne tarda cependant pas à chasser ses idées noires, et il se plongea avec bonheur dans une nouvelle conversation étayée d'éclats de voix, d'aboiements enthousiastes, et de quelques balbutiements embarrassés lorsqu'Hinata tentait de signaler aux deux hommes plongés dans un échange fraternel d'insultes qu'ils faisaient trop de bruit. La journée passa très vite, parsemée d'innombrables visites, chicanes, règlements de compte amicaux et échanges des derniers potins de Konoha, mais lorsque vint le soir et que les lumières de l'hôpital s'éteignirent les unes après les autres, Naruto s'avisa qu'il n'avait revu ni son meilleur ami, ni le fils de celui-ci.

Le lendemain suivit sur le même modèle, agrémenté de la batterie de tests que Tsunade lui fit subir en fin de matinée malgré ses protestations geignardes. La medic-nin avait annoncé avec un sourire de satisfaction qu'il serait très bientôt à nouveau sur pieds, et était repartie après lui avoir affectueusement ébouriffé les cheveux, ce qui n'avait amené qu'une grimace boudeuse à son visage. Puis Konohamaru était entré avec fracas, Moegi et Udon sur les talons, et s'était jeté sur son lit sans faire de manières.

Presque comme autrefois, sauf qu'il mesurait quarante bons centimètres de plus qu'à ses douze ans et que Moegi avait plus de poitrine… Et plus de punch lorsqu'il le faisait remarquer, aussi.


Sasuke écarta le rideau de la fenêtre de sa chambre et plongea son regard dans les ténèbres s'étendant de l'autre côté de la vitre. La nuit avait à nouveau enveloppé Konoha de son écrin, laissant sa sœur la lune jouer à cache-cache avec les nuages au-dessus du village endormi.

« Je ne comprends toujours pas, papa. »

Sasuke jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. Près de la porte, l'enfant fixait le sol d'un air misérable, ses petits poings serrés sur la couture du bas de son pyjama. Délaissant la fenêtre, Sasuke s'approcha de son fils et posa une main sur son épaule, le forçant à relever la tête.

« Je suis désolé, Kiyoshi » souffla-t-il d'un ton doux. « Je ne m'attends pas à ce que tu comprennes… A vrai dire je ne suis pas sûr de le comprendre moi-même. Je ne peux pas l'expliquer, mais… Fais-moi confiance, d'accord ? Tout ira bien… »

« Mais moi, je ne veux pas ! » s'écria Kiyoshi, les premières traces de larmes humectant le coin de ses yeux. « S'il part, tu vas encore être triste, papa ! Je ne veux pas te voir triste ! Pourquoi est-ce qu'il ne peut pas rester ? »

Sasuke poussa un faible soupir et se redressa, laissant retomber sa main. Il pourrait passer toute la nuit à lui assurer que tout irait bien, il savait que l'enfant ne le croirait pas.

« Il se fait tard, Kiyoshi. Tu as cours demain, tu devrais aller te coucher » dit-il à la place.

Le jeune garçon lui adressa un regard de reproche, mais essuya ses yeux humides sur sa manche et tourna les talons sans un mot. Sasuke le regarda sortir et refermer la porte derrière lui avec un sourire doux-amer. Sans aucun doute, son fils était un Uchiwa… Et quelle que soit la gravité de l'affront, les rancunes étaient tenaces, dans la famille.

L'homme demeura un long instant immobile, debout au milieu de sa chambre sur un coin de parquet que la lune éclairait par intermittence, entre les rideaux. Une expression pensive et presque mélancolique avait pris place sur son visage, tandis qu'il se fondait tour à tour dans l'ombre de la nuit ou la clarté blafarde de la lune, au gré des vagabondages célestes.

Et puis brutalement, sans signe annonciateur, sans qu'il ne fasse d'autre geste que de tourner les yeux, son attention se porta à nouveau sur la fenêtre. L'instant d'immobilité se poursuivit dans la chambre silencieuse, contrastant avec l'étrange sarabande que les ombres des nuages dansaient sur le parquet, la peau pâle de son bras et le tissu de son pantalon.

Finalement, d'un pas souple et feutré, il s'avança et posa la main sur la poignée de la porte-fenêtre. Les battants émirent un léger cliquetis lorsqu'il les ouvrit. L'homme assis sur la rambarde du balcon l'accueillit d'un sourire calme. Sasuke le fixa un long moment, détaillant d'un regard impassible son équipement d'Anbu, plastron et protège-bras compris. Un masque était posé sur ses genoux, un sac à dos appuyé contre la balustrade à ses pieds. L'Uchiwa fit un pas en avant, sortant de sa chambre et s'offrant au vent tiède de la nuit.

« Tu pars ? »

Naruto baissa la tête et son sourire se fit plus mélancolique.

« Je pense que ça vaut mieux pour tout le monde » répondit-il. « Ca évitera les adieux larmoyants… »

Le regard de Sasuke glissa sur l'épaule nue de l'homme en face de lui.

« C'est Tsunade-sama qui te l'as fait ? »

Naruto porta par réflexe la main au symbole des Anbus qui trônait à présent là.

« La vieille ? » fit-il avec un petit rire de dérision. « Non, c'est Kakashi. Il est venu me voir aujourd'hui pendant que personne ne faisait attention, il disait que si j'attendais qu'elle se décide, elle se débrouillerait pour retarder ça indéfiniment. Je crois qu'il se doutait de ce que j'avais l'intention de faire… »

Sasuke fit quelques pas et s'arrêta juste devant lui, de sorte que Naruto dût lever la tête pour le regarder dans les yeux.

« Tsunade-hime ne sait donc pas que tu t'en vas ? »

Naruto leva un sourcil interrogateur.

« Non. Je te l'ai dit, je veux éviter les au revoir interminables… »

« Mais tu es quand même venu ici ? »

Le jeune homme détourna les yeux avec une étrange pudeur, mais ne répondit pas. Sasuke consentit finalement à reculer légèrement.

« De toute façon, même si tu étais allé la voir, tu aurais dû passer ici. »

Naruto releva les yeux, curieux, et les posa sur le rouleau que son ami avait sorti.

« C'est… Non » fit-il, incrédule.

« Si » répondit Sasuke, lançant nonchalamment le rouleau en l'air et le rattrapant avec dextérité, sa main libre fourrée dans sa poche. « Les informations sur ta première mission d'Anbu. »

« Mais… Tsunade te l'a donné comme ça ? »

« Donné ? Non, je l'ai pris. »

Naruto resta quelques instants muet, ne songeant même pas à persuader sa mâchoire inférieure de cesser de traîner par terre pour regagner sa place légitime. Finalement, il fit la seule chose à peu près moyennement intelligente que lui dictait actuellement son cerveau encore sous le choc : il bondit pour attraper le rouleau s'élevant paresseusement dans les airs. Bien entendu, Sasuke eut tôt faire de récupérer l'objet et de faire un pas sur le côté pour l'éviter, esquissant dans le même temps un croche-pied qui faillit l'envoyer embrasser d'un peu trop près les battants de la fenêtre.

Naruto sautilla sur un pied de manière fort pittoresque dans l'espoir incertain de regagner son équilibre, et adressa un regard de reproche à son coéquipier. Sasuke lui retourna un rictus moqueur, rouleau bien en vue.

« Qu'est-ce que tu veux ? » grogna l'Anbu nouvellement promu, s'accroupissant déjà dans le but évident de se jeter à nouveau sur lui.

Sasuke fit tourner l'objet entre ses doigts avec nonchalance et son sourire augmenta.

« Je veux que tu t'entraînes avec moi. »

Pour le coup, Naruto en oublia de suivre les moindres mouvements de sa cible — le rouleau, en l'occurrence — et releva sur lui des yeux ronds. Sasuke croisa les bras et s'appuya à la balustrade, le fixant d'un air de patience vaguement narquoise. L'expression d'incompréhension de Naruto finit par laisser place à un sourire d'assurance et il se redressa spontanément.

« Tu vas mordre la poussière, Uchiwa ! »

« Hn. »


Les mouvements de Naruto étaient plus lents qu'ils n'auraient dû l'être, ce qui n'était dû qu'à sa longue hospitalisation et à ses muscles encore récalcitrants, mais il était conscient qu'il s'en tirait à très bon compte. Si un autre homme avait été dans le même état que lui une semaine plus tôt, il aurait probablement encore été plongé dans un coma léger à l'heure qu'il était, aussi n'allait-il pas se plaindre.

Malgré tout, suivre le rythme infernal de Sasuke en était d'autant plus difficile et il se sentait vaguement vexé, d'autant plus que l'Uchiwa avait apparemment décidé pour cette raison précise de ne pas utiliser le Sharingan. Alors que Naruto était parfaitement conscient qu'il aurait dans des circonstances normales pu sans problèmes offrir un combat décent à son ami, même s'il avait enclenché sa technique héréditaire, il se sentait frustré de devoir se montrer faible au point que son adversaire se limite volontairement.

Il ne pouvait cependant pas protester, sachant que c'était un réflexe normal de la part de Sasuke, et que si les rôles avaient été inversés il aurait été le premier à agir de cette façon. De plus, s'il était tout à fait honnête avec lui-même, soutenir honorablement ce genre de séances d'entraînement aussi peu de temps après son dernier combat était déjà relativement flatteur quant à ses performances réelles… Il n'en restait pas moins qu'il trouvait cela incroyablement frustrant.

Pourtant, il n'aurait voulu manquer ça pour rien au monde.

Si les deux shinobis s'étaient muettement entendu sur un combat de strict Taijutsu, identiques à leurs entraînements passés, leurs styles à tous deux avaient tellement évolué qu'ils devaient constamment ajuster leur rythme à celui de l'autre. Là où l'un aurait attendu un coup de pied latéral, le second choisissait de reculer pour attaquer à distance, ou glissait à terre pour lui faire perdre l'équilibre… Malgré tout, les bases de leurs mouvements restaient les mêmes, et Naruto apprit très vite à ne pas se fier aux habitudes qu'il avait acquis des années auparavant, mais bien plutôt à ce qui se passait dans la tête de son adversaire. Sasuke avait apparemment lui aussi saisi le truc, car il ne fallut pas longtemps avant que leurs mouvements, péniblement, chaotiquement, mais sûrement, ne recommencent à se synchroniser.

Bientôt, un bras se levait pour parer avant même que l'autre n'ait esquissé une attaque, ou un coup anticipait l'ouverture alors qu'elle n'était pas encore apparue dans sa garde. C'était à qui devinerait le mieux, saurait voir le plus loin, comprendrait le plus vite.

Naruto sentait une allégresse jusqu'à maintenant inconnue grandir dans sa poitrine, et à en juger par la lueur intense dans le regard de Sasuke, il n'était pas le seul. Douze ans auparavant, ils n'avaient pas cherché à savoir, s'étaient contenté d'apprendre les meilleurs moyens de dominer l'autre. Ils n'avaient cherché à anticiper que pour pouvoir mieux riposter, n'avaient jamais vu ou tenté de voir l'harmonie inachevée qui émanait constamment de leurs affrontements. Mais il était là, cet équilibre parfait, juste au-delà de leur portée, et c'est par réflexe qu'ils cherchaient à présent à l'atteindre, par un instinct qu'ils ne comprenaient pas tout à fait mais qu'ils savaient être deux à ressentir. Et cela suffisait.

Mais toutes bonnes choses ont une fin, et la résistance du corps humain fait partie de celles-là.

Epuisées, ils finirent par s'écrouler à terre d'un commun accord, hors d'haleine et couverts de sueur. Le ciel commençait tout juste à pâlir à l'est, au-dessus des frondaisons des arbres bordant leur ancien terrain d'entraînement. Naruto réalisa avec surprise, allongé au sol dans la posture grotesque d'une marionnette dont on aurait coupé les fils, qu'il s'était déjà écoulé la majeure partie de la nuit alors qu'ils échangeaient coups et jets de shurikens.

Il tourna la tête vers son compagnon, allongé sur le flanc près de lui, les yeux fermés.

« Tu sais que ce n'était pas la peine d'en venir au chantage, que j'aurais accepté quand même, pas vrai ? » dit-il enfin d'une voix basse, mais rendue rauque par sa respiration précipitée.

C'était les premiers mots qui passaient entre eux depuis plusieurs heures. Sasuke n'ouvrit pas les yeux, mais au bout de quelques secondes, émit un vague son d'assentiment. Le silence retomba entre eux, confortable, et Naruto le laissa s'installer. Quelques minutes plus tard, ce fut Sasuke qui, étonnamment, reprit la parole.

« Je n'étais pas sûr que tu viendrais. »

La confession avait été apportée dans un murmure, offrant au bout du compte la véritable réponse à sa question. Naruto tourna à nouveau les yeux vers lui, un sourire doux que l'autre ne pouvait pas voir aux lèvres. Finalement, il se hissa sur un coude et se pencha sur son compagnon. Sasuke ouvrit les yeux en le sentant approcher, et lui adressa un regard agacé lorsque le jeune homme blond se mit à fouiller sa poche gauche sans faire de manières, mais ne bougea pas. Naruto retira rapidement ce qu'il cherchait et rangea le rouleau dans sa pochette d'armes, puis entreprit de se relever.

Avec un soupir de réticence à peine perceptible, Sasuke se résigna à l'imiter tant bien que mal. D'entre eux deux, Naruto était de toute évidence toujours celui qui récupérait le plus vite. Il était hors de question qu'il se montre plus faible que l'usuratonkachi, cependant, et il se redressa aussi vite que son corps épuisé le lui permettait encore.

Naruto finissait déjà de s'épousseter et ne tarda pas à amorcer quelques pas pour quitter la clairière. Avec une acuité effrayante, Sasuke sentit très distinctement le pincement de cœur aigu qui le poignarda alors que son meilleur ami lui tournait ainsi le dos pour s'éloigner. "Tout ira bien" avait-il dit à Kiyoshi. Tout irait bien, vraiment ? Alors pourquoi ce doute qui hurlait soudain dans son esprit ? Pourquoi cette angoisse, lui qui s'était targué de rester calme malgré les circonstances ?

Naruto s'arrêta brutalement et tourna la tête pour lui jeter un coup d'œil surpris, et Sasuke réalisa qu'il s'était jeté en avant pour l'attraper par le bras. Il avait beau lutter pour demeurer impassible, il savait que l'autre pouvait voir dans ses yeux toutes ces émotions qu'il cherchait vainement à contenir, en ce rare instant de vulnérabilité. Plus que tout, il savait qu'il pouvait clairement voir la peur qui essayait de s'imposer à son esprit, ébranlant ses convictions, le forçant à douter de ces décisions qu'il avait lui-même prises.

Il réalisa qu'inconsciemment, c'était ce qu'il avait cherché à éviter en ne retournant pas le voir à l'hôpital.

La peur.

Le doute.

L'agonie de l'incertitude.

Il resserra légèrement sa prise sur le bras du jeune Anbu et plongea ses yeux dans les siens, demandant, exigeant.

« Promets-moi que tu reviendras » dit-il enfin d'une voix sourde.

Cela ne résumait pas la moitié de ce qu'il voulait dire en cet instant, mais il savait qu'il ne serait jamais capable d'exprimer tout cela. Il voulait juste un ancre, un point de stabilité, quelque chose auquel se raccrocher…

Naruto resta un instant figé, immobile. Puis son regard s'adoucit et un faible sourire naquit sur son visage. Il se retourna complètement et fit un pas vers lui, les plaçant à seulement quelques centimètres de distance. Silencieusement, Sasuke le regarda lever une main pour saisir le pendentif de cristal qui pendait encore à son cou, puis se pencher pour y déposer ses lèvres. Gardant l'amulette dans sa main droite, Naruto leva l'autre bras pour enserrer les épaules de l'Uchiwa. Par un réflexe qu'il ne se connaissait pas, Sasuke passa en réponse ses bras autour de la forme de son ami. Naruto appuya son front contre son épaule et, resserrant férocement sa prise sur lui, murmura :

« Je te le jure, Sasuke. »

Puis il desserra son étreinte et Sasuke le laissa s'éloigner légèrement, amorphe. Une dernière fois, ses yeux noirs parcoururent avec avidité le sourire doux-amer du jeune homme, jusqu'à ce qu'il disparaisse brutalement de son champ de vision. Une fraction de seconde plus tard, Sasuke sentit le tranchant d'une main percuter l'arrière de sa nuque et s'effondra. A travers l'obscurité qui se refermait sur son esprit, il sentit les bras qui le rattrapèrent avant qu'il ne tombe à terre, protecteurs.

Avec ironie, il songea faiblement à Sakura et se dit qu'il n'était vraiment pas le mieux placé pour protester contre ce genre de traitement.


Naruto déposa précautionneusement son précieux fardeau sur le lit de l'immense chambre. En silence, il retira ses sandales au shinobi inconscient, puis ramena les draps sur sa forme immobile. Finalement, il se redressa et resta là, debout près du grand lit, son regard fixé sur le visage paisible de son meilleur ami. Une lueur d'affection traversa ses yeux et il se pencha, remettant doucement en place une mèche de cheveux noir corbeau. Ses doigts glissèrent jusqu'à la poitrine du ninja, caressèrent brièvement le cristal du pendentif qui reposait là.

Et puis, il n'y eut plus rien d'autre que le faible bruit du vent passant par la fenêtre ouverte pour jouer dans les rideaux, et la lumière de la lune jouant sur le parquet de la chambre déserte.

Plus rien d'autre que la respiration paisible de l'homme allongé là, plongé dans un sommeil sans rêves.

Lui, qui avait vu l'enfant seul qui se noyait dans les ténèbres, près la bête aux yeux rouges et aux crocs luisants, prête à mordre quiconque approcherait. Lui, qui avait compris que tendre une main n'aiderait pas l'enfant.

Lui, qui avait simplement choisi de lui lancer une torche.


Le Kit, Dragonwing, 9 avril 2005 – 17 avril 2006


(« Une torche ? Franchement, je préfèrerais qu'on m'envoie un bol de ramen… »)

(« Tais-toi, dobe, tu gâches l'effet mélodramatique ! »)

(« Ah bon ? Aaaah, je suis désolé, Mr Effet Mélo-Machin ! »)

(« … »)