Bonjour à toutes.

Vos reviews m'ont fait chaud au coeur et m'ont encouragée à donner une fin digne à cette histoire. J'espère qu'elle vous plaira... C'est un cycle qui s'achève pour moi, un moment émouvant car depuis le départ, cette histoire plus que toute autre me tient à coeur. C'était un défi, chargé de doutes et d'épreuves, mais très enrichissant.

Enjoy et merci encore de votre soutien sans lequel rien de tout cela n'aurait été possible.


Ca, c'était il y a trois ans déjà.

Trois putains d'années.

Beaucoup de choses ont changé en peu de temps. Certaines en bien, d'autres en mal. Oh Aioros, si tu voyais ce que notre Sanctuaire est devenu... On ne s'amusait déjà pas tous les jours à l'époque, mais au moins il y régnait une solidarité indéfectible entre tous ses occupants. Maintenant, c'est la dictature. Le Pope est d'une méfiance qui frôle la paranoïa.

Dix ans, dix ans que tu es mort déjà.

Les tags sur ton temple... les insultes proférées à ton encontre...

Aiolia les a effacées la semaine dernière et a tout remis en état, bravant la colère et les interdictions du Pope.

Il m'a confié qu'il avait envie de le faire depuis tellement longtemps, mais qu'il n'osait pas. Enfin, ce n'est pas le mot juste. Tu n'es peut-être pas bien placé pour le savoir, mais comme je te l'ai dit précédemment, Aiolia n'est plus le petit garçon doux et espiègle que tu as élevé. Durant son adolescence, il a eu une période plus rebelle où il n'hésitait pas à défier l'autorité du Pope. En tant que frère de traitre, il a été mis à l'écart tel un pariât, mais son courage et sa détermination l'ont aidé à regagner le respect de presque tous ici, à quelques rares exceptions.

S'il n'a pas nettoyé ton temple plus tôt, ce n'était donc pas par peur de représailles, mais parce qu'il voulait redorer ton blason et prendre ta faute capitale sur ses épaules. Il y avait encore certaines choses tabous. S'il agissait trop tôt, ses efforts seraient réduits à néant. Il a donc fait comme si cette histoire tragique ne l'affectait plus, acceptant en apparence que l'on souille ton nom. Mais à présent que sa place dans la chevalerie est garantie et bien assise, ça a été son premier fait d'arme.

Et le plus glorieux de tous, à mes yeux.

Je me rappelle encore la tête que j'avais faite quand je l'ai vu débarquer un matin dans mon temple tel une tornade. Oh bien-sûr, l'âge l'a un peu calmé, mais il reste énergique et impulsif par moments. Il a réquisitionné tous mes produits d'entretien que je garde d'ordinaire pour la statue d'Athéna qui trône dans mon temple. Tu sais, celle que personne d'autre que moi n'a le droit de toucher.

Tu penses bien que quand j'ai compris quel était le but de cette soudaine envie de propreté, je n'ai pas protesté et je lui ai confié toute la panoplie sans broncher. Je voulais lui donner un coup de main mais... je n'en n'étais pas digne. Mes mains seront pour toujours couvertes de ton sang, mon ange. Et puis Aiolia ne m'a rien demandé, je pense que c'était quelque chose qu'il voulait faire seul. Il se sentait mieux après cela. Moi aussi, peut-être, si je m'y étais efforcé.

Aiolia... si tu le voyais, tu serais si fier de lui, Aioros ! Il est juste, bon, profondément généreux, courageux, déterminé, entêté et les mots me manquent pour décrire la chaleur que je ressens lorsqu'il est près de moi. Cette chaleur qui nous fait nous sentir vivant, cette chaleur qui nous dit que notre coeur n'est pas mort...

Mon Aiolia...

Aiolia et moi ?

Oui, ça a continué.

Ne te met pas en colère. Je sais... que je suis un tueur sanguinaire et un fou dangereux. Je sais que si tu étais encore vivant, tu me collerais une flèche entre les deux yeux pour m'être ainsi approprié ton jeune frère. Je sais aussi que de là où tu es, tu dois me maudire et que tu ne vas certainement pas tarder à m'envoyer une pluie de nouveaux malheurs.

A moins que...

Non, Aioros, ne me dis pas que...

… Ca aussi c'est ton oeuvre ? C'est vraiment diabolique, tu sais. Jouer les apprentis Cupidon depuis le Monde des Morts pour me jeter dans les bras de ton sosie. C'est vraiment une cruelle vengeance, mais après tout je t'ai trahi... Tu as fait cela pour que je vois chaque jour de ma vie le mal que je t'ai fait, pour que jamais je ne puisse oublier ton visage. Tu es vraiment un enfoiré, mon ange. Le pire, c'est que ça marche. Enfin, ça a marché... C'était bien tenté. Qu'est-ce que ça a pu me torturer et entraîner comme prises de têtes et autres séances d'auto-flagellation intensives. Mais tout ça, tu le sais, je te l'ai raconté, mon ange.

Sauf que maintenant, c'est fini.

Aiolia est Aiolia. Un homme formidable. L'homme que j'aime. Je crois qu'il t'a même surpassé, mais ce n'est pas trop difficile. Lui, il est vivant, il a continué à progresser et toi, tu es mort, tu es resté au même point. Tu n'es pas si intouchable, tu ne peux pas te défendre des affronts que l'on continue à te faire alors qu'Aiolia, lui, il peut casser le bras à n'importe lequel de ceux qui continueraient à l'appeler « frère de traitre ». Plus personne ne le fait, d'ailleurs. Simple coïncidence ? Peut-être pas, mais il a vraiment réussi à se détacher de toi. Il n'est plus ton ombre, mais il reste encore simplement dans ton ombre aux yeux du Pope et de ses plus grandes fidèles, parmi lesquels Aphrodite et Deathmask.

Aphro ?

Non, il n'a rien dit de ce jour où il nous a surpris.

Il avait peut-être peur que je joue au sécateur dans son champs de roses, à fauchages d'Excalibur.

De toutes façons, il n'a plus vraiment de temps pour les ragots. Le Pope l'envoie souvent en mission d'assassinat ou d'espionnage et le reste du temps, quand il désire le préserver, il fait faire le sale boulot à Milo ou à Masque de Mort.

Ah, tu veux savoir comment va ton voisin de temple ? Ma foi, il a grandi. Son dard est toujours aussi aiguisé que sa langue, mais maintenant il fréquente moins Aiolia. Surtout depuis que le Pope a décidé de le promouvoir assassin, comme tous ceux de son signe avant lui, et surtout depuis le retour de Camus. Mais si tu sais, Gabriel, l'ancien garçonnet timide et frêle qui le suivait comme un petit chien. Ces deux là sont inséparables, malgré tout ce temps justement, qu'ils ont passé séparés l'un de l'autre...

Dis-moi Aioros, tu crois que toi et moi nous sommes inséparables aussi ? Je veux dire... autrement que comme le tueur et sa victime...

Parfois, je me demande si tout cela n'échappe pas un peu à notre perception et si toute cette mascarade n'a pas obéi à un plan machiavélique de la part du Pope. C'est comme s'il avait cherché à nous arracher l'un à l'autre. Pourquoi m'a t-il choisi moi, ton meilleur ami, pour aller te tuer ? N'a t-il pas eu peur que je le trahisse ? Voulait-il me tester ? Depuis, il ne m'a plus jamais envoyé faire de mission d'assassinat. Peut-être parce que je t'ai laissé filer entre mes doigts coupants ?

Mais tu es mort, il savais très bien que tu ne pourrais te remettre des blessures que je t'avais infligées, alors pourquoi m'aurais-tu puni de la sorte ? Je n'ai jamais rien fait pour le décevoir, j'ai même foncé te trancher en deux pour lui prouver ma fidélité incorruptible et pourtant, il m'a laissé sur le banc des oubliés, seul avec ma culpabilité éternelle. Parfois je me dis que tout cela est trop ironique pour que ce soit hasardeux. Qui sait quels étaient et quels sont encore aujourd'hui les sombres desseins de notre Pope, qui a transformé le Sanctuaire en dictature à sa gloire unique.

Du coup, moi et Aiolia devons faire plus attention. Nous étions déjà tous les deux dans le collimateur du Pope et toutes l'agitation qui s'est créée autour des Saints de Bronze ces derniers mois a rendu notre chef encore plus méfiant et invivable. Circuler dans le Sanctuaire est devenu pratiquement impossible sans autorisations spéciales à tous les niveaux. Il faut agir en cachette. Sauf son précieux Aphrodite et Milo et DM qu'il a à la bonne, évidemment.

Ton frère et moi, nous nous voyons moins souvent, moins longtemps. Ca nous obligeait à aller droit au but, sans détours.

Mais ça s'est calmé depuis quelques temps. Va savoir pourquoi. Notre cher Pope prépare certainement quelque chose de pas très joli. Ne va pas croire que je doute de lui, même si je serai en droit de le faire vu ce qu'il m'a fait te faire dans le passé... Il m'a tout de même permis de protéger notre déesse alors, je lui en suis reconnaissant. Et je ne tiens surtout pas à m'attirer ses foudres ou à faire d'Aiolia un exclu à nouveau par ma faute.

On suit les règles. On s'adapte. On les enfreint. Un peu. Juste ce qu'il faut pour que ce ne soit pas trop grave. Si on ne peut pas se voir le soir, on se croise aux arènes, volontairement et sans que cela paraisse suspicieux, même si honnêtement tu sais que les endroits publics ne sont pas ma tasse de sang... Parfois, on ne se parle même pas. Le simple fait de s'apercevoir en vie et bien portant est un tel soulagement pour nous... et quand l'envie de se toucher devient trop forte, je le provoque en combat d'exhibition.

Il me frappe.

Je le laisse toujours gagner.

Je n'arrive pas à me résoudre à le blesser.

Encore.

Il me fait vraiment mal le bougre. Il n'y va jamais de main morte. Combien de fois mes servantes m'ont-elles réprimandé parce que je revenais dans un état lamentable ? Mes servantes ? Tu as bien entendu. J'en ai à nouveau. Grâce à lui. Elles n'ont plus peur de moi. Elles savent que je n'ai pas eu de « crise » depuis longtemps. Ton mauvais sort commence à se dissiper, mon ange et je le dois à ton propre frère. Encore une ironie, mais nous commençons à en avoir l'habitude n'est-ce pas ?

Si tu le voyais, Aioros...

Avec ses grands gestes et sa cape qui bouge au gré de ses pas inquiets quand il vient me rendre visite et qu'il constate la gravité de mes blessures. Il est tellement... amusant. Il se demande toujours comment il a pu me briser des os dont il ignorait jusqu'alors l'existence et pourquoi je n'ai même pas bronché sous la douleur. Il me dit tout le temps que ce n'est pas normal, que j'aurai du crier et il aurait frappé moins fort. Mais moi...

Je ne veux pas qu'il ne frappe plus fort. Je veux toute sa rage, tout sa hargne, toute sa vigueur.

C'est pour ça que je le laisse souvent avoir le dessus.

Et pas que dans l'arène.

Il n'y a pas que son amour qui me fait me sentir vivant, hélas. La douleur qu'il me procure aussi. On n'efface pas ses travers du jour au lendemain, tu le sais et j'ai toujours été plus maso que sado. Tu dois sûrement m'en vouloir de faire de ton innocent frère le bourreau dans cette histoire, mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de le sentir me déchirer en deux à chaque va et viens. Cette douleur... si pure, si enivrante... elle me galvanise et me permet de tenir face à toute cette folie, me gardant d'une éventuelle rechute.

Car il vaut mieux que ce soit lui qui me fasse mal, plutôt que moi-même, non ? De toutes façons, il en a le droit vu ce que je lui ai fait et même s'il l'ignore, c'est bien qu'il ait cette opportunité de se venger quand même. Ca m'aide à tenir. Ca NOUS aide à tenir, tous les deux. Même s'il ne veut pas l'avouer, il adore ça. C'est un lion, après tout. Un prédateur. Même s'il déteste chasser, il aime par dessus mettre à mort sa proie. Je le sens à chaque coup de ses reins puissants. Je ne mérite que cela et parfois, après le sexe, je me dis que...

Ce n'est pas possible.

Il doit savoir.

Et il me punit.

C'est pour cela qu'il refoule sa violence intérieure et la déverse en moi à chacune de nos étreintes musclées et intoxicantes.

Si tu le voyais dormir... Il n'a strictement pas changé. Il est resté mi nino hermoso... Il paraît si doux, si inoffensif, incapable de sortir les griffes qui ont pourtant tracé des sillons de sang dans mon dos il y a à peine quelques minutes. Il s'endort toujours après l'amour. Il ne parle pas. Ca le vide complètement. Et moi, je le regarde dormir, une clope au bec, pendant des heures sans jamais me lasser de sa fascinante force. C'est vraiment un lion, il est royal, même dans son sommeil. C'est un homme, un vrai, plus un enfant.

Mi nino hermoso.

Tu sais ce qu'il m'a demandé pas plus tard qu'hier soir après notre dernière baise enflammée ?

Que je lui chante une chanson.

« Allez, s'il te plaît ! Tu as une si belle voix ! »

Non mais, tu y crois, toi ? Non seulement, il ne s'est pas assoupi directement, mais en plus, il m'a demandé de pousser la chansonnette. Oh et il a insisté pour qu'elle soit en espagnol. Comme quand il était petit, a t-il ajouté en me lançant un regard à faire se damner une vierge amazone. Monsieur veut des berceuses à présent. Mes cris d'extase ne lui suffisent plus. Il trouve toujours que je ne parle pas assez, c'est peut-être vrai, mais je compense au pieu. Même si on ne peut pas vraiment appeler ça, « parler ». Je suppose que j'ai de la chance qu'il ne m'ait pas demandé de lui cuisiner une paëlla...

Bon, bon d'accord, soyons sérieux. Il me fixait avec insistance, de son regard de braises irrésistible et encore teinté de désir. J'ai pas pu dire non. Je ne pouvais jamais dire non de toutes façons, même quand il me cassait des côtes à l'entraînement. Ca faisait longtemps que je n'étais pas retourné en Espagne, alors mon répertoire musical était plus que limité, mais j'ai fait en sorte de le satisfaire avec les moyens du bord. Me raclant la gorge et me redressant sur le lit, j'ai chanté... Je le faisais souvent quand ton frère était tout petit. Ca l'aidait à s'endormir en attendant ton retour, alors peut-être que...

Tonto el que no entienda
cuenta una leyenda
que una hembra gitana
conjuró a la luna hasta el amanecer
llorando pedía
al llegar el día
desposar un calé
tendrás a tu hombre piel morena
desde el cielo habló la luna llena
pero a cambio quiero
el hijo primero
que le engendres a él
que quien su hijo inmola
para no estar sola
poco le iba a querer

Luna quieres ser madre
y no encuentras querer
que te haga mujer
dime luna de plata
qué pretendes hacer
con un niño de piel
Hijo de la Luna

De padre canela nació un niño
blanco como el lomo de un armiño
con los ojos grises
en vez de aceituna
niño albino de luna
maldita su estampa
este hijo es de un payo
y yo no me lo cayo

Gitano al creerse deshonrado
se fue a su mujer cuchillo en mano
¿de quién es el hijo?
me has engañao fijo
y de muerte la hirió
luego se hizo al monte
con el niño en brazos
y allí le abandonó

Y en las noches que haya luna llena
será porque el niño esté de buenas
y si el niño llora
menguará la luna
para hacerle una cuna
y si el niño llora
menguará la luna
para hacerle una cuna

J'ai chanté du mieux que je le pouvais. Ma voix avait muée par rapport à avant, évidemment. Alors, j'ai plus joué sur l'intonation et j'ai essayé de suivre le rythme lent et hypnotisant de la chanson, mais sans musique, c'est plus difficile. Aiolia est resté silencieux jusqu'au bout.

Je m'attendais à ce qu'il se moque de moi, surtout concernant mon choix de chanson, mais non, il m'a juste pris dans ses bras vigoureux et il m'a serré contre lui avant de m'embrasser avec une infinie douceur.

« Te quiero, Shu'. »

« Y yo a ti, mi nino hermoso... »

Et puis, tout à coup...

Il m'a lâché et a fouillé le tiroir de sa commode avec empressement avant de me tendre ce qu'il en sortit.

« Fais attention, ne va pas te piquer. »

Il souriait. Je pris son cadeau et stupdeur... Mon souffle se bloqua dans ma poitrine.

« Une... rose ? »

« Oui. Mais pas n'importe laquelle. »

« Ne me dis pas que... »

« Si, elle vient du jardin d'Aphrodite. Je ne te raconte même pas la galère pour l'obtenir. Mais tu sais ce qu'on dit. Si on la donne à la personne qu'on aime, cet amour est correspondu et dure pour toujours. »

J'ai contemplé la fleur rouge sang avec étonnement avant d'éclater de rire. Aiolia s'est tendu. Mais je ne me moquais pas de lui, loin de là et malgré les apparences. C'était simplement nerveux, parce que...

« Ne me dis pas que tu crois à cette légende d'amour éternel ? »

« Tu dois me prendre pour une imbécile patenté, pas vrai ? »

Je me suis levé et je suis sorti de la chambre sous son regard ébahi avant de revenir avec...

Une rose écarlate, également.

« Dans ce cas... nous sommes deux imbéciles. »

Il a pris mon présent, recouvrant son adorable sourire et il a humé le parfum de la fleur paisiblement avant de la poser sur sa commode et de me bondir dans les bras, me serrant très fort contre son torse brûlant.

« Shu', je suis si heureux. Tu ne pouvais pas me faire plus plaisir ! Ca a été difficile d'obtenir cette rose, même pour toi, je parie, mais ça en valait le coup. Te quiero tanto, amor... »

Nous avons scellé cette promesse silencieuses d'amour avec un baiser tendre. Nous sommes ridicules, non ? Mais nous sommes tous les deux, alors peu importe.

Nous avons très bien dormi cette nuit, l'un contre l'autre. Il faisait une chaleur épouvantable. Nous transpirions. Je l'ai à peine senti. Pas question de me décoller de lui. Jamais.

Le lendemain, le Pope l'a fait convoquer au Palais. Il a enfilé sa belle armure dorée et il a filé le voir, m'adressant un dernier sourire éclatant. Mon coeur s'était emballé comme celui d'une midinette alors qu'il me donnait rendez-vous cet après-midi à l'arène, après son entretien.

Il n'est pas venu, il a préféré partir en mission directement, par ordre du Pope, apparemment. C'est ce qu'une servante de la Maison du Lion m'a rapporté de sa part. Un sujet important. Quelque chose de grave se passait, je le sentais. Il fallait que j'enquête là-dessus parce que... pour qu'Aiolia parte sans même prendre la peine de me dire aurevoir, ce que quelque chose de capital était en train de se produire. Il l'avait toujours fait jusqu'ici.

Mais quelque chose était différent cette fois.

Heureusement, j'ai aperçu quelqu'un susceptible de me fournir les informations que je cherchais. En effet, Milo venait d'entrer en pestant dans l'arène. Spontanément, je suis allé lui proposer de faire quelques passes avec moi. D'ordinaire, Aiolia était mon seul compagnon d'entraînement, mais j'avais senti le cosmos du Scorpion dans le Palais du Pope, en même temps qu'Aiolia s'y trouvait. Ca voulait donc dire qu'ils s'étaient croisés et que Milo n'était pas sans ignorer ce qui s'était dit en mon absence.

Milo n'était pas un idiot, inutile d'essayer de le tromper, je lui ai demandé sans détour ce que le Pope voulait à Aiolia et le Scorpion était tellement vexé d'avoir été doublé qu'il m'a avoué qu'Aiolia avait accepté une mission pour « laver l'honneur de son frère ».

Horreur.

Je suis certain que j'ai pâli, même si ça n'a pas du être flagrant.

Laver ton honneur ? Mais bon sang ! N'en n'avait-il déjà pas fait assez à ce sujet depuis treize ans ? Si ça se trouve, le Pope voulait se venger du nettoyage de ton temple. Je n'en savais rien, je ne faisais que supposer, mais ça pouvait être beaucoup plus sérieux que ce simple affront.

Je me suis excusé auprès du Scorpion bafoué et j'ai couru vers son temple, espérant que...

Mais qu'est-ce que j'espérai au juste ? Il n'était déjà plus là, les servantes me l'avaient dit. Le temple du Lion était vide. Il y ne restait plus que la rose rouge d'Aphrodite sur la table du salon...

Mais pourquoi étais-je si paniqué ? Il ne s'agissait que de l'assassinat de quelques chevaliers de Bronze bas de gamme.

Peut-être mais... ces chevaliers de Bronze avaient décimé l'ordre des Chevaliers d'Argent et étaient en possession de ton armure. Pourtant, ils ne faisaient pas le poids contre Aiolia. Alors pourquoi avais-je si peur ? Je baissais la tête.

Aiolia... pourquoi lui ? Non... il n'était pas fait pour être un assassin. Milo avait essayé de lui sauver la mise en se proposant à sa place, mais Aiolia avait refusé, prétextant vouloir blanchir sa dette envers le Sanctuaire et allant même jusqu'à menacer Milo de mort s'il s'interposait. Ca ne lui ressemblait pas... mais en même temps, il était tellement sensible quant il s'agissait de toi. Je pensais pourtant qu'il avait accompli des progrès à ce sujet, mais apparemment pas assez.

Oh Aioros ! Pourquoi n-ai-je pas quitté le Sanctuaire immédiatement ce jour-là pour le ramener ? Ca a très mal tourné, très très mal. Tu t'es vengé de lui, mon ange. Mais pourquoi ? Il ne t'avait rien fait... Pourquoi as-tu aidé ce Seiya ? Pourquoi as-tu rejeté ton propre frère ? A cause de moi ?

Il a fini par revenir quelques jours plus tard, avec Shaina de l'Ophiucus. Mais au lieu de s'arrêter chez moi pour me rassurer, il a continué sa route. Je n'étais pas dans mon temple à ce moment là, j'essayais de combattre mon anxiété en collant une bonne correction à DM dans les arènes. Mais j'ai senti son cosmos poursuivre son ascension jusqu'au Palais. Certainement pour y faire son rapport. Non... attend une minute. Son cosmos. Chargé de haine et de colère. Qu'avait-il pu bien se passer au Japon ? Je l'ai senti s'enflammer, se confronter même à celui de l'habituellement paisible Vierge et puis...

Plus rien.

J'ai appris quelques jours plus tard que la mission avait mal tourné, se soldant par un échec. Ton armure s'était rangée du côté des renégats. Aiolia était rentré bredouille.

J'avais pensé qu'il était sûrement vexé, blessé et qu'il ne voulait voir personne, moi y compris. J'aurai certainement fait de même. Mais son cosmos... il paraissait différent.

Troublé...

Violent...

Rouge...

J'ai pris mon courage à deux mains et je suis allé le voir un soir. La rumeur courait que Saori Kido l'imposteur avait envoyé une lettre à notre chef pour l'informer de sa venue imminente au Sanctuaire. Je devais faire vite. Les chevaliers d'or se réunissaient, ceux qui étaient en missions étaient rappelés, revenant des quatre coins du monde. Ca allait vraiment mal pour que l'avant garde soit déployée au complet. Je ne comprenais toujours pas de quoi le Pope se méfiait tant.

Ce n'était que quelques adolescents, aidés d'une armure d'or, certes, mais aucun d'eux n'était digne de la porter et ne savait la maîtriser. C'était presque trop facile et un second coup de chance ne les sauverait pas, cette fois. La tension était cependant palpable et il flottait dans l'air une atmosphère de mort, noire et silencieuse. Le couvre-feu avait été instauré. Les servants, rapatriés dans les villages alentours en attendant la fin des conflits, et chacun était prié de se tenir à son poste en limitant les déplacements nocturnes.

En descendant, j'avais vraiment réalisé que la situation était grave en rencontrant Milo alors qu'il passait par chez moi pour rejoindre le temple de mon voisin Verseau. Je ne m'y étais pas attardé, il était évident que les deux jeunes voulaient profiter de leurs derniers instants de calme ensemble. Le regard désespéré mais digne que Milo m'avait adressé avait résumé à lui seul la situation. Il avait peur. Tout le monde avait peur. Alors... tout le monde essayait de passer le plus de temps avec la personne qu'ils aimaient avant le grand saut dans l'inconnu. Je devais faire pareil.

Aiolia, j'arrive...

Ton temple. Il était vide, bien-sûr. Normalement, j'y aurai passé la nuit. Je le faisais systématiquement à la veille de chaque bataille importante. Mais pas cette fois. Pardonne-moi, Aioros.

Le Temple de Milo était vide également et je repensais à ses yeux, emplis d'incertitude.

Le Temple de la Balance, vide aussi. Son Chevalier était un traître, maître du Chevalier de Bronze du Dragon, alors il n'avait pas répondu à l'appel du Pope.

Le Temple de Shaka. Si calme, si chargé de sérénité. Si la situation n'avait pas été si grave et urgente, je me serai arrêté pour m'y confesser et faire pénitence de mes crimes, à l'aube de la bataille la plus dangereuse que je devrais livrer... Il était si tentant de rester là, seul lieu qui semblait coupé du monde et épargné par le tumulte général.

Shaka était là, en position du Lotus et il méditait dans son armure. Il fallait s'y attendre, avec qui la Vierge pourrait-il avoir envie de passer cette ultime soirée ? Je passais devant lui sans m'en soucier, trop pressé pour lui adresser la parole ou lui demander cérémonieusement l'autorisation de passer, comme il était d'usage. Apparemment, ça n'a pas du lui plaire. Shaka était distant avec tout le monde, sauf ton frère, mais depuis que j'avais passé la nuit dans son temple, il était encore plus froid avec moi.

« Où vas-tu Shura, Chevalier du Capricorne ? Ne sais-tu pas que le Pope a prohibé tout déplacement obsolète ? »

Sa voix s'était élevée comme un coup de tonnerre.

D'habitude, il ne faisait pas d'histoire pour si peu. Mais dernièrement, il devait trouver qu'Aiolia passait un peu trop souvent par son temple pour se rendre dans la partie supérieure du Sanctuaire. Impossible de tromper la vigilance de la Vierge qui avait du comprendre et assister depuis bien longtemps à notre petit manège.

« Je t'ai posé une question. » Il insista.

Serait-il...

Jaloux ?

« Shaka... »

J'ai répondu aussi calmement que possible, fermant les yeux et lui tournant le dos. Je ne portais pas mon armure, je n'avais pas envie de me battre.

« ...je pense que tu devrais aller passer cette nuit en compagnie des personnes qui te sont chères. »

Et me fichant bien d'obtenir une réponse à ce conseil que je savais ne pas concerner Shaka l'ermite, je poursuivais mon inlassable descente.

Enfin le temple de Lion se dressait devant moi. Si majestueux. Pourquoi Aiolia et moi nous retrouvions-nous toujours dans mon temple, si fade et froid à côté du sien ? Ah oui, pour me faire éviter son suspicieux et méprisant voisin. On ne pouvait pas dire qu'on se portait mutuellement dans nos coeurs respectifs. Moi, fidèle à notre déesse et lui, fidèle à son Bouddha.

Il était complètement dans son monde, comme moi avant qui m'étais réfugié à ta mort dans les bras d'Athéna. Pourtant, comme moi également, il semblait assez proche de ton frère, d'une toute autre façon, cela va de soit. Ils semblaient même partager une certaine complicité, dans les limites qu'impliquaient un respect mutuel mêlé de camaraderie. Mais il devait en être tout autrement à présent qu'ils s'étaient légèrement accrochés dans la salle du Pope.

Que s'était-il réellement passé ? Il fallait que je sache et pour tout t'avouer, je le sentais vraiment mal... J'avais peur qu'Aiolia n'ait commis l'irréparable. Comme toi à l'époque.

J'entrais dans sa maison et ce qui me frappa immédiatement fut l'atmosphère de mort qui s'en dégageait. On se serait presque cru chez DM. Mon coeur se serra dans ma poitrine, alors que j'avançais à allure modérée, cherchant l'occupant des lieux. J'ai fini par apercevoir une imposante silhouette dans le noir.

« Aiolia...? »

J'ai plissé des yeux pour m'habituer à l'obscurité, mais n'obtenant aucune réponse, j'ai enflammé légèrement mon cosmos pour annoncer ma présence et également pour mieux voir.

Aiolia était bien là, il se tenait droit comme s'il montait la garde et son regard...

Oh Aioros ! Son regard... d'habitude si brillant, si fougueux et énergique... cette fois il était comme éteint, sombre et terrorisant. Le regard d'un fou, d'un psychopathe, d'un parfait tueur sans scrupules ! Mais qu'est-ce qu'on lui avait fait ! Je me suis vu dans ses yeux et ça m'a renvoyé à tous ces travers que je travaillais à oublier. Tout a volé en éclat ! Je me suis précipité vers lui et je l'a empoigné par le col de sa tunique lacée. J'étais furieux, mais surtout apeuré. Pourvu que je me trompe !

« Aiolia, répond-moi ! »

Il n'a pas réagi alors, je l'ai frappé. Mon poing a heurté son visage, mais l'a à peine fait tituber. Il a juste crâché un peu de sang. Et ça a été suffisant pour le faire péter les plombs, tout comme moi avant. D'un seul coup, il s'est rué vers moi comme un fauve et m'a plaqué au mur, une main serrée autour de mon front et l'autre autour de ma gorge...

Ce silence qui régnait... lugubre et malfaisant... il était en train de me tuer aussi sûrement que ton cher frère et ses grandes mains. Mieux que personne, je savais le mal qu'elles pouvaient faire, aussi bien que le plaisir qu'elles pouvaient apporter selon la volonté d'Aiolia. Cette fois, j'allais m'en tirer avec plus que quelques côtes cassées ! Il fallait que je me sorte de ce mauvais pas !

« Aiolia, c'est moi, tu ne me reconnais pas ? »

Apparemment non, comme il ne semblait pas disposé à relâcher sa prise. Un peu de sang coulait de la commissure de mes lèvres et je sentais son goût cuivré envahir ma bouche.

« Mi nino hermoso... qué estas haciendo ? » Ai-je soufflé...

Un instant j'ai cru lire dans ses yeux une once d'hésitation. Mais elle a été de bien courte durée. Il a simplement rapproché son visage du mien et il a commencé à me renifler, comme un animal. Cette fois, je tremblais. J'étais transi de peur. Il semblait sur le point de me dévorer. J'étais une pauvre chèvre sans défense face au terrible roi de la savane. A quelle sauce allait-il me manger ? Qu'allait-il me faire ? Pourvu que ce soit rapide... mais n'était-ce pas ce que j'avais toujours voulu ? Mourir de sa main... pour laver mes fautes avec mon propre sang. Comme je le sentais long à se décider, mais ne sachant pas s'il m'entendait, j'ai tout de même essayé de le pousser au crime. Je suis un monstre, Aioros.

« Aiolia... j'ai tué ton frère, il y a 13 ans. C'était un accident... il courait si vite alors j'ai pensé viser ses jambes pour le ramener au Sanctuaire avec moi... Mais il l'a compris, alors il s'est jeté sur mon attaque et l'a reçue... de plein fouet... je suis si désolé mi nino... Je ne mérite pas ton pardon, alors tue-moi... profite-en... j'ai avoué mon crime... je ne mérite que la mort... »

J'étais sûr qu'il allait me la donner de toutes façons, alors autant me confesser sur la chaise électrique. Et tu sais quoi, Aioros ?

Putain que ça m'a fait du bien... Je n'en pouvais plus de garder cet horrible secret pour moi... Il fallait que je le partage et qu'il le sache enfin.

S'il pouvait me comprendre, ça allait certainement achever ses dernières hésitations et il allait me filer le coup de grâce que je méritais. Etant donné que je n'aurai plus jamais l'occasion de tout lui avouer, je l'avais fait sans regret et j'avais fermé les yeux, attendant la Mort.

Mais brusquement, j'ai senti une langue humide au coin de mes lèvres, lapant avec appétit le sang.

Aiolia...

« Mi nino... qué... »

Il a serré plus fort. Plus de sang a coulé, mais je n'ai pas crié.

Tout mon courage s'est envolé, je ne tenais plus à l'énerver davantage car, j'étais trop indigne de mourir en ayant lavé mon pécher. Ca ne l'avait même pas atteint. Il n'était plus qu'une bête féroce, prête à me dévorer tout cru. Et les bêtes se soucient-elles de leur frère ? Certainement pas, non. Et c'était la seule chose pour laquelle je voulais qu'il me tue, pour toi. Sans cela, c'était vide de sens alors je préférais me faire oublier et ne pas risquer de l'exciter encore plus.

Malgré cela...

Il a continué à nettoyer le sang qui s'échappait de mon corps. Il me tenait bien pour ne pas que je bouge et je n'ai même pas essayé de m'enfuir. J'étais résigné sur mon sort et je me disais qu'en me faisant oublier il allait peut-être se lasser de moi. A moins qu'il ne soit en train de jouer cruellement avec la nourriture ?

J'avais cessé de trembler et tout à coup, je l'ai sentie.

Sa main droite sur mon torse. Il me tenait toujours par le cou, fermement, prêt à le briser à la moindre protestation, mais son autre main... elle serpentait sur mon corps contracté, allant de plus en plus vers le Sud. Apparemment, ton frère avait prévu de visiter l'Espagne avant de me manger. Et ça, il en était hors de question !

Je préférais encore qu'il me tue sauvagement en me tordant le cou ! Je me suis débattu comme une sainte vierge sacrifiée au lion, mais il me tenait si fermement que mes coups ne semblaient que l'effleurer. Il variait même l'intensité de son étreinte mortelle pour me faire cesser toute tentative de rébellion. Mais pas question pour moi d'arrêter ! Je devais FUIR !

Ce n'était plus Aiolia, mais bien un animal qui n'obéissait plus qu'à la violence et son instinct ! D'un coup de poing bien placé dans mes côtes que j'ai senties craquer, il m'a sonné et j'ai arrêté de me débattre, à bout de souffle. Chaque effort vain à présent me faisait souffrir le martyr, je n'arrivais plus à respirer, mais ce n'était pas suffisant pour me faire mourir, ça aurait été trop facile. Il voulait s'amuser avec moi avant...

Et je ne méritais que cela.

Pas vrai, Aioros ?

Alors, j'ai fermé les yeux quand je l'ai senti soulever mon T-shirt rouge. Quelle idée aussi, la couleur devait l'exciter encore plus... Lentement il a lâché ma gorge et a attrapé mes poignets qu'il a joints avant de les coller au dessus de ma tête, les maintenant fermement dans sa grande main.

Il a griffé sans retenue mon torse sur toute sa longueur, y enfonçant ses ongles courts, puis... il a léché le sang qui sortait des rayures écalartes.

Oh bon sang, Aioros !

J'ai gémi.

J'ai tellement aimé cela ! Et voilà que je retombais dans mes vieilles habitudes à la peau dure...

Mes encouragements l'ont fait continuer son exploration. Sa langue... sa langue si chaude... elle goûté chaque partie de mon torse et de mon abdomen. Comme mon T-shirt le gênait, il me l'a arraché sans délicatesse, jetant le tissu mort derrière lui et il a même griffé légèrement mes aréoles durcies par l'envie. Je feulais à présent comme une lionne. J'en voulais plus... j'avais toujours peur mais... je voulais tout de lui.

Mi nino hermoso...

Il m'a fermement attrapé la hanche gauche, y plantant ses doigts et la faisant rougir avant de la masser fortement. Puis, il a entamé de défaire mon pantalon. Je ne protestais pas, bien au contraire, je pressais mon bassin contre son entrejambe, sans complexe. Et quand j'ai senti que le lion était plus en mode reproduction qu'en mode chasse, je me suis frotté à lui comme jamais. La tête me tournais, j'avais mal partout, mais surtout tout au sud...

C'était bon...

Il m'a finalement libéré de ce pantalon devenu encombrant et étriqué. Je respirai enfin ! J'ai même réclamé un baiser qui n'est jamais venu, évidemment. Mais à quoi pensais-je donc ? Il n'avait même pas gémit quand je m'étais aiguisé contre lui de façon totalement désinhibée... Pas d'amour ici, pas de place pour les sentiments. Juste pour de la baise primaire.

J'aimais bien quand ton frère devenait un peu violent avec moi, comme je te l'ai déjà raconté. Mais jamais il ne l'était complètement. Il se maîtrisait si bien... et il me demandait à chaque fois s'il ne me faisait pas trop mal. Moi, je mentais, bien entendu. Et après, il se lamentait de mon état misérable. Je sais qu'il culpabilisait, qu'il s'en voulait et je me disais que j'étais vraiment un salop de lui infliger ça. Mais c'est comme ça, j'ai toujours été plus à l'aise avec les coups qu'avec les émotions. Alors ce soir... j'allais tout faire pour qu'il me casse en deux !

J'avais envie de me serrer contre lui, qu'il me prenne dans ses bras forts, mais il me tenait toujours immobile, impossible de le toucher. Quelle frustration ! Et elle n'a fait qu'aller crescendo quand je l'ai senti planter ses crocs dans ma nuque, pénétrer tendrement presque ma chair. Son baiser fut vampirique. La blessure n'était pas très profonde, mais assez pour faire un mal de chien et surtout pour libérer un mince filet de sang, qu'il s'est empressé de boire. Bon, il n'avait peut-être pas totalement renoncé à me dévorer, après s'être repu de moi d'une autre façon d'abord...

Il me forçait à me cambrer pour lui offrir une meilleure prise sur ma nuque et il plaqua bien son corps au mien. Nous dansions, bassin contre bassin, abdomen contre abdomen, torse contre torse. C'était enivrant, délicieux, mais douloureux. Surtout quand il m'a étalé sur le carrelage d'un coup de poing dans la mâchoire, jugeant sans doute qu'il serait préférable d'être couchés pour la suite de la dégustation. Sa bouche flirtait à nouveau avec ma jugulaire, comme il mimait ce geste ancestral qu'effectuaient les félins pour étouffer leur proie.

Je n'en pouvais plus. Il me le fallait, maintenant alors j'ai profité de sa grande concentration sur mon cou pour faire glisser son pantalon. Il s'est subitement redressé en sentant mes mains sur lui et il a tout arrêté. Il me fixait de ses pupilles sanglantes, sans expression. Un nouveau sursaut de peur s'est emparé de moi. Qu'allait-il me faire, cette fois ? Il était indéniable que son corps répondait mécaniquement à mes appels peu discrets, mais en avait-il seulement conscience ?

Mi nino... que t'a t-il fait ? Le Pope, c'est lui, n'est-ce pas ? Imbécile... je me suis laissé aveugler par par ma libido. Mais faire ? Comment te libérer ?

« Aiolia... No quiero hacerte dano... »

Je l'ai pris dans mes bras. Il ne m'a pas rejeté. Il tremblait... alors j'ai voulu l'embrasser.

Je n'aurai peut-être pas du.

Il m'a bondi dessus et je me suis une fois encore retrouvé prisonnier sous son corps nerveux. Il pèse lourd l'animal, pas évident de se tirer de ses griffes, mais je n'en n'avais aucune envie de toutes façons.

Je voulais qu'il me mange, alors j'ai recommencé mon manège. J'ai glissé ma main entre ses cuisses et avec l'autre, j'ai déchiré sans difficulté sa tunique. Excalibur peut être bien utile dans ce genre de situations. Je l'ai massé chaudement, espérant réveiller quelque chose chez lui, à l'intérieur et pas seulement à l'extérieur. Mais le lion n'a pas rugit. Je voulais absolument le soulager et tant pis si...

Ma main l'a sorti de sa cachette satinée et elle a cajolé amoureusement cette douce hampe de chair. Je me suis collé à lui pour qu'il me sente mieux et qu'il puisse profiter de cela, s'il en était encore capable. Il devait avoir atrocement mal à en juger par l'état de sa réceptivité à mes caresses débridées, mais son visage ne trahissait en rien son envie.

Même en y allant plus vite, plus fort, comme j'avais vu faire les hommes de mon village avec les pis des vaches trop gonflés de lait, rien n'y faisait. Il restait impassible, mais au moins il semblait avoir abandonné l'idée de faire de moi son dîner. Tant pis, je me contenterai de cela. Dans son état, il ne pouvait pas faire grand chose apparemment.

Je l'ai serré fort contre ma poitrine avec mon bras libre, pendant que ma main poursuivait infatigablement son office. Mais il est resté muet. Il ne pouvait plus parler. Heureusement, je pouvais sentir son coeur tambouriner contre le mien, comme s'il essayait de défoncer la cage thoracique le retenant captif, pour aller le rejoindre. Il frappait si fort qu'il semblait sur le point d'éclater. Je souris légèrement, rassuré par cette manifestation physique. Aiolia était toujours Aiolia, mais tout au fond... retenu par des chaînes qu'il ne pouvait briser. Il fallait absolument que je trouve les clés de cet infernal cadenas.

Soudainement, j'ai senti ses spasmes et un voile de fatigue est passé dans ses yeux alors que ma mains venait de récolter le chaud fruit de son labeur. Il est resté totalement silencieux, à ma grande déception. Dire que c'est lui qui se plaint quand je ne parle pas assez, pour une fois nos rôles étaient inversés. Mais je l'ai senti tomber contre moi et j'ai compris qu'il venait de s'endormir, comme d'habitude après le sexe et c'est certainement stupide, mais j'ai lâché un soupir de soulagement.

Mi nino était de retour, même si ce ne fut qu'un court instant.

Je l'ai veillé toute la nuit, n'osant pas le bouger de peur de troubler son repos.

Mais au petit matin, je l'ai abandonné temporairement. Il avait l'air si fragile, plus la bête féroce de hier.

Il fallait que je parle au Pope. Il fallait que je sache.

Et si...? Il y a treize ans, Aioros... comment étais-je ? Toi seul le sais. Toi et lui. Et si le Pope m'avait fait la même chose ? Non, je ne voulais pas y penser.

Et si...

Il fallait que j'en ai le coeur net. J'ai revêtu mon armure et ma cape blanche en passant par chez moi. Un genoux à terre, à j'ai salué le Pope, n'osant poser les yeux sur son masque monolithique et effrayant.

« Shura du Capricorne, pour vous servir Majesté. »

« Qu'est-ce qui t'amène, chevalier du Capricorne ? »

Sa voix était profonde, rauque, caverne et elle me fit frissonner sans que je puisse le réprimer.

« Aiolia du Lion agit de façon étrange. »

Voilà, c'était dit.

Il n'a pas semblé le moins du monde surpris par ma déclaration et s'est servi une coupe de vin rouge odorant.

« Que veux-tu dire ? Parle, chevalier. »

« Quelque chose semble troubler son cosmos. »

« Sans doute la bataille qui approche. Les Saints de Bronze et leur fausse déesse doivent arriver d'une minute à l'autre. Je te conseille de regagner ton temple, Saint du Capricorne. »

Je me suis relevé soudainement, fronçant des sourcils. Pas question que je parte sans des explications un peu plus fournies ! Je savais ce que j'avais vu !

« Que lui avez-vous fait ? »

Il m'a regardé et il est resté silencieux, remuant son vin dans sa coupe dorée. Il n'a pas nié.

« Comment fait-on pour le libérer de ce sortilège ? »

« Il n'y a qu'une seule façon. Il doit voir quelqu'un mourir sous ses yeux. »

Oh par Athéna ! Tu as entendu ça, Aioros ? J'ai serré les dents et le poing si fort que j'ai senti Excalibur me trancher légèrement les tendons.

« Toute rébellion mérite un châtiment exemplaire, n'es-tu pas d'accord, Shura ? Aiolia comptait s'allier à ces renégats et l'odieuse jeune fille qui se fait passer pour notre bien-aimée déesse. Pouvais-je les laisser salir son nom ? Qui mieux que toi, le porteur d'Excalibur, l'élu de la déesse qui n'a pas hésité à lever le bras de la Justice sur le traître Aioros, ton meilleur ami, il y a treize ans, peut comprendre ma sanction ? L'ordre doit régner au Sanctuaire et Aiolia ne vaut pas mieux que son frère. Le sang de la traitrise coule aussi dans ses veines. »

Quoi ? Comment était-ce possible ? Aiolia aussi était devenu notre ennemi ? Je l'avais senti très en colère en rentrant de mission et je savais qu'il s'était battu contre Shaka... Avait-il essayé de tuer le Pope ? C'était un sacrilège...

J'étais complètement désemparé, ne sachant plus qui croire. J'avais du mal à respirer, à déglutir. Comment Aiolia avait-il pu... après toutes ses promesses de laver ton honneur et... non... je voulais tellement le sauver, lui. Puisque j'en avais été incapable avec toi...

Le Pope s'est rapproché de moi dans sa longue robe qui traînait sur le sol. Il m'a murmuré amoureusement à l'oreille, sa voix se faisant douce et hypnotique.

« Shura... je devais faire d'Aiolia un être obéissant, sinon il aurait fait du mal à notre chère Athéna. »

Il a alors caressé tendrement mon bras porteur de l'Excalibur.

« As-tu déjà oublié tout ce que la Déesse a fait pour toi ? Elle t'a rendu l'usage de ton bras. Elle a sauvé ta misérable existence vide de sens et lui a donné un but. Tu as juré de la protéger et de lui rester fidèle pour toujours, comme en témoigne la statue qui trône dans ton temple. Mais si tu veux mériter ta place de favori, il faut que tu continues à la servir sans douter de mes décisions. Car je suis l'autorité suprême, l'incarnation de ses désirs lorsqu'elle n'est pas sur Terre. »

Malgré son masque, je pouvais sentir son souffle chaud contre ma joue, comme il s'accroupissait derrière moi.

« Tu sais que vous m'êtes tous très précieux, Shura. Je vous aime tous. C'est pourquoi j'ai consenti à accorder une seconde chance au frère du traitre. Mais Aiolia mérite une punition à la hauteur de sa trahison et si ses idées de mutinerie ne lui passent pas, il faudra le tuer. Tu t'en chargeras, bien-sûr. »

Je me suis mis à trembler comme une feuille. Non, c'était impossible ! Je ne pouvais pas ! Il... Il ne... fallait pas... Pas Aiolia aussi !

« Il est temps de regagner ton temple, Shura. Ne sens-tu pas leur nauséabonde présence en bas du Sanctuaire ? Va, Capricorne. Sers ta déesse. »

Il est retourné s'asseoir sur son trône avec sa coupe, non sans m'avoir caressé la joue avec sa main glacée...

Tétanisé, j'étais incapable de protester alors... je suis sorti... et j'ai sagement regagné ma maison, prêt à en découdre, essayant de ne plus penser ni à toi ni à Aiolia.

Et là pendant que je te parle, j'attends.

La nuit est en train de tomber.

Je les sens approcher.

Ils ont vaincu Aiolia.

Son cosmos est redevenu celui de mi nino hermoso.

Je vais devoir le tuer...

Ou me laisser tuer avant pour éviter de devoir le faire.

J'aurai voulu croire que si je t'ai tué il y a treize ans c'était parce qu'à moi aussi le Pope avait fait un lavage de cerveau. J'aurai voulu croire que si tu t'étais sacrifié, te suicidant littéralement sur la lame de mon épée de Justice, c'était parce que tu avais voulu défaire son envoûtement, comme Cassios l'avait fait pour Aiolia.

J'aurai voulu croire que mon histoire avec Aiolia pourrait marcher. Que nous cesserions d'entretenir cette relation malsaine et ambigüe.

J'ai contemplé une dernière fois la rose rouge qu'il avait cueillie pour moi.

Et je suis allé accueillir mes hôtes...

J'arrive Aioros... mon ange...

Mi nino hermoso... te esperaré en el otro mundo...


Et voilà, c'est la fin !

J'ai préféré terminer l'histoire sur une question ouverte. Shura était-il possédé par Saga quand il a tué Aioros ? Le manga et l'anime ne donnent pas la même théorie à ce sujet alors, j'ai décidé d'y aller de mon petit grain de sel aussi en supposant que si Shura était possédé, il est alors possible que la mort d'Aioros ait en fait été un suicide, dans le but de sauver le Capricorne. Aioros est déjà un saint, alors il n'est plus à ça près, je suppose !

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, personnellement.

Merci encore de votre aide précieuse, de votre patience et de votre fidélité sans faille malgré une longue période sans update.