Auteur : Leviathoune
Bêtalecteur : Major
Résumé : Le procès, l'exécution de Voldemort, se déroulait dans le Grand Hall du Ministère de la Magie. Comme chacun dans le monde sorcier, Harry en attendait beaucoup car ses premiers tressaillements émotionnels, depuis son ultime affrontement avec le Sombre Seigneur, sont suscités par cette unique perspective, et sont l'impatience, et l'espoir de se retrouver entièrement, enfin… Mais cela ne l'empêche pas de bouler Draco et ses tentatives d'approche comme une vieille merde moisie !
NDA : Ceci n'est pas encore la fin de l'histoire, lol. Peut-être que ce n'est même pas l'avant dernier chapitre, moudiou ! Certaines critiques, par rapport à Harry, que beaucoup trouvaient trop - TROP ! - méchant, m'ont donné envie de me creuser la tête pour que le lecteur (parce que moi et Draco, on n'avait aucun problème vis-à-vis de cela, lol) le comprenne un peu plus, et lui pardonne vraiment. La fin que j'imaginais ne changera pas mais l'histoire va être un peu plus développée sur ce point, donc le point final n'est pas encore pour tout de suite.
Bonne lecture !
RAPPELLE-TOI, Chapitre 35
L'échappée du Survivant
Dans le Grand Hall du Ministère de la Magie, le juge flanquait de grands coups sur son pupitre afin de rétablir le calme. En effet, la foule vociférait comme ce n'était pas permis, surtout pas dans une telle cour prestigieuse, lors d'un évènement aussi historique !
« Silence ! » vitupéra-t-il avec force, accompagnant ses dires des « clang clang » sourds de son marteau de bois. « Je vous ordonne de revenir au calme ! Non mais ça par exemple ! »
Les quelques Aurors vêtus de tenues de cérémonie très particulières, et qui étaient partis en transplanant une minute avant, apparurent sur la scène, dans un grand boum collectif. Ils entouraient quelque chose que les spectateurs ne pouvaient voir, mais qu'ils pouvaient entendre. Des hurlements inarticulés retentirent aussitôt dans tout le Grand Hall. La chose que gardaient les hommes, habillés de velours violet et de bordures d'argent, leur échappa en se glissant vivement entre leurs jambes, comme un animal sauvage en fuite. La foule retint un gémissement affolé en voyant un simple gamin se mettre à courir comme un dératé. L'un des Aurors transplana et l'intercepta sans aucune difficulté. Il l'agrippa et le petit se ramassa sur lui-même pour le mettre en difficulté. L'homme n'eut d'autre choix que de se mettre à le traîner sur le sol, en annihilant nonchalamment de sa baguette magique les maigres éclairs qu'il projetait comme seul moyen de défense – ce qui était aussi inefficace que ses coups de pieds, ses griffures et ses morsures.
Arrivé devant le siège bardé de chaînes et de sangles, l'Auror eut quelques difficultés à décrocher le môme qui s'agrippait comme un démon à une marche, au point de s'en faire saigner les ongles des mains. Il le souleva enfin, à bras-le-corps, et le flanqua sur sa chaise sans douceur. Aussitôt, les chaînes s'activèrent autour du petit torse, les sangles se nouèrent autour des maigres membres. Fou de terreur, le petit poussa un vagissement impressionnant qui résonna dans tout le Grand Hall, en projetant des vagues d'énergie tout autour de lui. Il déployait visiblement toute sa puissance, mais en vain… C'était comme s'il était devenu, véritablement… un enfant. Il possédait toujours une force primitive hors du commun, mais il ne bénéficiait plus de l'acquis de nombreuses années de travail. Il ne savait même plus comment rendre mortelle sa magie. Il n'avait plus de pensée cohérente, plus d'âme. Ses cris et sa façon de se débattre n'étaient que des démonstrations désespérés et inutiles. La bête était parfaitement maîtrisée, vulnérable aux yeux de chacun, qui pouvait le détailler tout à son loisir. Il jetait des regards si agrandis de terreur que ses iris bleues disparaissaient presque dans tout le blanc de ses yeux. Ses cheveux noir de jais étaient lisses et retombaient mollement de chaque côté de son visage en une étrange coupe informe. Sa peau était pâle et crasseuse, et son visage rouge d'émotion. Il paraissait maigre, mais en pleine santé. Il était même beau, malgré ses vieilles fripes de prisonnier qui, bien trop grande pour lui, le dénudaient aussi bien qu'elles cachaient son corps.
La foule, d'abord interdite, se remit à murmurer. Le juge ne laissa pas ce vrombissement enfler à nouveau en cacophonie. Il abattit son marteau une fois de plus et tonna :
« Êtes-vous Tom Elvis Jedusor, alias Lord Voldemort, le Seigneur des Ténèbres, rendu coupable de nombre de crimes innommables, tels que la levée d'une armée à l'encontre de notre pays, et dont la plupart des soldats étaient des créatures démoniaques ou des morts-vivants, tels que le meurtre, la torture et l'envoûtement par les trois Impardonnables, tels que la manipulation de la magie la plus noire et la plus malsaine qui soit ? Êtes-vous cet homme ? »
L'enfant ne dut même pas comprendre que l'on venait de s'adresser à lui, il se contentait pour toute réponse d'exhaler une respiration sifflante. Un Auror abattit sa main sur l'accoudoir de son siège pour le forcer à le regarder. Le petit sursauta en dévisageant l'homme de ses grands yeux fous.
« Êtes-vous Lord Voldemort ?! » réitéra le juge, en s'emportant inutilement. « Bon, y a-t-il un moyen de prouver son identité ?! »
« Moi, je le puis ! » s'exclama l'un des juristes en se levant.
Tout était prévu, la mise en scène était parfaitement coordonnée. Le vieux mage, habillé de pourpre et d'or, s'approcha du trône ou siégeait le prisonnier, par derrière.
« C'est Maître Slorn, le grand Cherchomage… » le reconnu Ron. « Je l'ai souvent vu discuter avec mon père, il est plutôt cool. Depuis presque soixante ans, un truc comme ça, il est le Directeur du Département de la Recherche au Ministère. Je me demande ce qu'il va faire… »
Le vieillard déclama des incantations au dessus de la tête de l'enfant durant une bonne minute. Distinctement, on l'entendait prononcer une foultitude de noms, tous des morts connus pour être du fait du Lord. Une fois cela fini, des vapeurs d'argent se mirent à suinter tout autour du siège, à la surface du parquet. Des fantômes sortaient du sol, de plus en plus nombreux. Il y en avait de toute sorte, des hommes, des femmes, des grands, des petits, des gros, des maigres, des vieux, des jeunes… Tous, absolument tous, tournaient leur regard vers l'incriminé puis levaient leur index sur l'enfant pour le pointer du doigt, en disant, criant, murmurant, hurlant, haranguant, gémissant, pestant, maudissant, hululant, pleurant :
« C'est lui qui m'a tué ! C'est lui ! Lui ! Lui qui m'a assassiné ! Lui ! »
« Oh ! C'est la levée des Suppliciés… » souffla Hermione, comme envoûtée. « Cet enchantement ne marche que lorsque l'on est absolument certain de l'identité du meurtrier et de ses victimes. Ce que nous voyons là n'est qu'une infime partie de son œuvre… » acheva-t-elle avec dégoût.
« Ce qui est sûr… » reprit Ron, sombrement. « C'est qu'il ne continuera pas. Il ne pourra même plus y penser... »
Harry ne put qu'acquiescer. L'air absent, il reconnut ses parents au milieu des spectres. Ils se tenaient dans les bras l'un de l'autre et fusillaient l'enfant captif de leur regard fantomatique. Il avait l'impression d'entendre clairement leurs chuchotis, comme s'ils lui étaient particulièrement destinés.
« C'est lui qui nous a assassiné ! Lui qui nous a tué ! Lui ! » déclamaient-ils en cœur. « Nous étions si heureux et il a fauché nos existences ! Il a gâché la vie de nos amis, de notre fils ! Lui ! Notre meurtrier ! »
Le Survivant soupira en plaquant une main sur son ventre qui grondait douloureusement. Des flashes, dans sa tête, lui faisaient revivre la mort de Cédric Diggory, et le combat qui avait suivi, avec bien plus de détails que ce qu'il était parvenu à se rappeler avec le récit de ses amis. La douleur lui vrilla tout à coup le cerveau. La voix de sa mère venait de prononcer son prénom, d'une façon si triste et désespérée que d'autres souvenirs, encore plus douloureux, vinrent se juxtaposer aux précédents. Il se rappela de ce qui lui faisait tant peur lorsqu'il était en présence d'un Détraqueur, de la mort de ses parents. Il se souvint, avec d'autant plus de force, de son amour pour eux, de ses regrets, de sa vie gâchée. Soudain, il en eut le souffle coupé et crut défaillir de souffrance. Hermione le serra dans ses bras, il posa sa tête sur son épaule et se laissa aller tandis que Ron lui caressait le dos, doucement. Quelque part, dans ses pensées, il sentit l'esprit de Draco se demander s'il allait bien. L'idiot… Il l'avait fait souffrir de la façon la plus abjecte qui soit, et lui, il continuait à s'inquiéter pour lui ? Il allait vraiment avoir du mal à passer à autre chose…
Lentement, il réussit à reprendre le dessus. Il perçut diffusément que beaucoup d'autres, dans la foule, avaient reconnu leurs disparus et en entendaient les plaintes. L'effet escompté se produisit. Car s'ils avaient été frappés par l'apparence juvénile de leur bourreau, la vue des fantômes éplorés leur avait ôté toute pitié.
« À mort ! » hurla une femme à la voix stridente, dans un silence tout relatif. « Vengez mon enfant ! Vengez ma Tania ! »
« À mort ! » reprit la foule aussitôt. Plus aucun son ne fut alors bien distinct. « Qu'il meure ! Vengeance ! Rend-moi mon petit-fils, monstre ! Qu'il disparaisse ! Je veux le voir crever, cet enculé de sa race maudite ! Et qu'il souffre bien, d'abord ! Salaud, tu m'as enlevé toute ma famille ! Meurt ! Qu'on le châtie comme il se doit ! L'enfoiré, avec sa gueule d'ange ! S'il croit que ça va le sauver ! Que justice soit rendue ! Fils de pute ! Justice ! À mort ! JUSTICE ! »
Un siège vola et s'écrasa au milieu des fantômes qui disparurent. Aussitôt, toute sorte de choses furent projetées vers l'enfant, mais les Aurors les interceptèrent d'un sort de protection.
« SILENCE ! » hurla le juge en enchantant sa voix pour qu'elle couvre les cris de haine des spectateurs. « Nous ne sommes pas des barbares, que diable ! Reprenez-vous, ou bien je lance un sort qui vous fera taire une bonne fois pour toutes ! À moins que vous préfériez que je fasse évacuer la salle et que l'exécution se déroule à huis clos ? » Le calme revint avec quelque difficulté, mais l'ambiance resta bouillonnante. « Bien… » réitéra le juge. « Que l'on fasse entrer le Détraqueur, que l'on procède à l'exécution… »
« Comment vont-ils faire venir le Détraqueur ? » demanda Ron.
« J'ai lu dans la Gazette qu'il a été amené par Portoloin, il y a quelques jours. » lui répondit Hermione. « Il a été enfermé dans les sous-sols du Ministère. Il doit avoir été libéré, maintenant… Ça va aller, Harry ? Ne t'inquiète pas, les Aurors sont en train de créer une barrière de Patronus. Tu ne ressentiras pas les effluves de la créature, ça ira. »
Harry acquiesça en regardant faire les Aurors. Un lynx, un sanglier et un golden retriever argentés se mirent à arpenter la limite entre les spectateurs et la scène. Un Patronus goéland se posa sur pupitre du juge et quelques autres esprits d'argent se campèrent devant les Aurors et les juristes.
L'attente était intensément palpable. Silencieuse, mais électrique. Chacun guettait le moindre son de raclement sur le sol, mais on n'entendait que les gémissements et le tintement des chaînes de l'enfant prisonnier qui tirait faiblement sur ses entraves.
Enfin, un froid cinglant envahit toute la pièce. L'air glacial était toutefois très tolérable, grâce aux nombreux Patronus en faction. Le Détraqueur entra quelques dizaines de secondes, qui parurent infiniment longues, plus tard. Haute forme maigre et humanoïde, encapuchonnée de loques sombres, la créature glissait sur les marches et montait sur la scène. Le juge s'empressa de lui ordonner l'exécution, mais c'était purement pour la forme. Le Détraqueur n'avait même pas pris le temps de faire la moindre pause que déjà, il fondait sur l'enfant misérable. Dans le berceau de ses mains squelettiques et couvertes de croûtes, il attrapa son petit visage. Vers lui, il pencha lentement sa face, qui devait être abominable. Horrifié, Voldemort hurla de pure panique, comme bien peu d'enfants dans le monde avaient dû le faire. Son cri mourut rapidement dans sa gorge, en un effroyable gargouillis. Il tomba inanimé sur sa chaise tandis qu'une toute petite bulle de lumière scintillante venait de sortir d'entre ses lèvres.
Tout à coup, une pensée venant de Draco percuta Harry. Il n'eut pas le temps de la comprendre, il était trop hypnotisé par la faible lueur. Il avait déjà vécu cet instant, un souvenir l'envahissait. Au bord d'un lac, son parrain à peine retrouvé se faisait aspirer l'âme par une nuée de Détraqueurs. Mais l'âme de Sirius était bien plus grande et lumineuse que celle qu'il voyait, en cet instant. Étrange… Il avait attendu la venue de son père, si ardemment. Et puis il avait compris et il avait envoyé son propre Patronus, son premier Patronus corporel, pour le sauver…
« Expecto Patronum ! » cria Draco en bondissant de son siège. Une louve blanche fusa à travers les gradins, vola par-dessus la scène et sauta à la gorge du Détraqueur, qui tomba en arrière en se débattant. « Ce n'est pas l'âme de Voldemort ! » reprit-il en pointant l'enfant de sa baguette qui tremblait. « C'est un morceau de l'âme de Potter que ce truc veut bouffer ! J'ai vu l'âme du Seigneur des Ténèbres, et elle était noire et dégueulasse, comme de la poix. Et j'ai vu cet enfant récolter des bribes de l'âme de Harry avant que je ne comprenne et que je réagisse ! » Il se tourna vivement vers le trio, en fusillant Harry du regard. « Mais qu'est-ce que tu attends ?! Va récupérer ton âme, abruti ! »
Harry resta interloqué, l'esprit encore embrumé par quelque réminiscence. Hermione le poussa en avant avec férocité :
« Mais grouille, bordel ! »
« C'est trop tard… » souffla-t-il. En effet, la bulle d'âme était déjà en train de retourner dans le corps du gamin affalé, la bouche entrouverte.
« Et bien ordonne au Détraqueur de recommencer son petit manège et tu la récupères à temps, cette fois ! » s'emporta Ron, à son tour.
Harry acquiesça, avec un sourire en coin. Son esprit était redevenu à peu près clair pour qu'une pensée un tant soit peu sensée puisse y fleurir.
Quand il passa près de Draco, il l'apostropha, en poursuivant son chemin, sans daigner le regarder ni attendre de réponse :
« Met fin à ton sortilège ! J'ai besoin du Détraqueur, et ton Patronus va me l'abîmer, si ça continue... »
Quelques secondes plus tard, quand il fut enfin sur la scène, il se tourna vers le juge et le sollicita :
« Votre honneur, me donneriez-vous l'autorisation d'ordonner à nouveau l'exécution, s'il vous plaît ? »
Le juge ne s'était pas attendu à tant de politesse. Il avait cru, en voyant le Survivant approcher, qu'il ferait ses petites affaires sans rien demander à personne, comme sa réputation le prédisait.
« Bien sûr, Harry. » bafouilla-t-il, content. « Vous avez carte blanche, voyons. »
Le jeune homme acquiesça et se pencha vers le jeune corps inanimé, mais qui respirait faiblement. Il lui tapota les joues et le réveilla quelque peu. Quand il le prit dans ses bras, les chaînes et les sangles enchantées se relâchèrent aussitôt, sans récriminer. Le petit garçon agrippa son cou en silence et la foule poussa un soupir surpris, les yeux rivés sur chacun des gestes de leur Sauveur. Celui-ci se plaça devant le Détraqueur qui couinait, misérablement tenu en respect par la louve qui grognait non loin de lui.
« Va-t'en, le loup ! » ordonna Harry.
L'animal le dévisagea férocement et chacun put voir que le Patronus avait des yeux bleus glacés, des babines et une langue légèrement rosée.
« Vous êtes un bel ingrat, jeune homme… » renacla-t-il en montrant les dents, avec une voix veloutée de femme fatale.
« Toi, tu n'es pas comme les autres… » susurra Harry en souriant à la louve de pâle argent, presque blanche. « Je crois bien que j'ai déjà entendu parler de toi, dans un bouquin… Mais je n'ai pas le temps de me laisser envahir par des souvenirs, va-t'en ! » L'animal grogna de mécontentement mais libéra l'espace entre Harry et l'enfant resté inerte dans ses bras, et le Détraqueur. « Redresse-toi… On t'a demandé de nous débarrasser de l'âme de Voldemort, n'as-tu pas faim ? » réitéra Harry d'une voix doucereuse à l'adresse de la créature recouverte de hardes, crasseuses et déchirées. Il posa le gamin devant lui, le forçant à rester debout et à faire face au Détraqueur qui se dressa en se tenant la gorge d'où gouttait un liquide noir et sirupeux. Il poussa un cri plaintif et guttural, comme s'il se doutait d'un piège. Harry poussa les épaules du petit qui fit un pas en avant tel un pantin, les yeux dans le vague. « Débarrasse-nous de l'âme de Voldemort. Fais-le, maintenant. » répéta le Survivant, enjôleur, en plongeant son regard dans les cavités vides sous le capuchon de la créature. Lentement, celle-ci commença à glisser vers eux et le jeune homme se recula d'un pas. Le Détraqueur se pencha légèrement au dessus de sa minuscule proie, semblant la détailler en roucoulant, faisant aller son regard du petit à Harry. La texture glaireuse de son sang tomba sur la joue de l'enfant qui parut se réveiller. Ses yeux se plissèrent, son visage exprima du dégoût puis, soudain, il courut se réfugier derrière le Patronus de Draco. La louve se mit à gronder sourdement en direction du Détraqueur qui, sans s'arrêter de glisser au dessus du sol, braqua toute son attention sur sa nouvelle victime, plus grande, plus appétissante… Plus mauvaise, aussi. Le sourire d'Harry s'agrandit.
« J'en étais sûr… » murmura-t-il tandis que le Détraqueur plaquait ses abominables mains sur ses joues en approchant le gouffre de sa bouche de son visage. Le contact le fit frissonner, la vision de ce qu'il y avait sous le capuchon, la peur et de le désespoir immenses qui le dévastaient lui firent perdre connaissance dans une cacophonie de hurlements qui ne semblaient pas venir de son imagination.
Harry… sanglotait quelqu'un qui l'aimait, qui le serrait dans ses bras. Harry…
Il faisait noir, c'était la nuit. Il voyait les étoiles car ils étaient dans le creux d'une petite chapelle éventrée, dont les murs étaient recouverts de plantes grimpantes qui paraissaient vivantes, où dansaient des lucioles bleu électrique et vert acide.
Voldemort n'était plus, mais son corps d'enfant, fracassé, attaché et gémissant, gisait un peu plus loin sur le sol.
Une sensation horrible l'étreignait, le submergeait, le plongeait dans la terreur la plus pure.
Il n'existait plus. Il était mort. On le pleurait. Il avait tout perdu…
Quelqu'un lui donna une baffe.
« Harry ! » s'écria une voix féminine.
« Vas-y mollo, Hermione. Tu veux l'achever ? »
Le Survivant reconnut Ron. Il ouvrit les yeux et se trouva nez-à-nez avec son amie qui se retourna vivement :
« Donne-moi une Chocogrenouille ! Tu dois bien avoir ça sur toi ? »
Le jeune Weasley se mit à fouiller dans ses poches et dégota une barre chocolatée.
« C'est tout ce que j'ai… » chouina-t-il.
La brunette la lui arracha, ôta l'emballage en quatrième vitesse et la fourra en force dans la bouche d'Harry qui faillit s'étouffer. Il se redressa sur les coudes, croqua un morceau de chocolat et regarda où il se trouvait.
Apparemment, il n'avait pas bougé, il était encore allongé sur la scène mais le procès devait être fini car une espèce d'aura noire voilait les gradins et entrevoyait à peine la foule en colère, derrière, qui s'amassait en hurlant silencieusement tandis que des Aurors tentaient de faire revenir l'ordre.
Il fit voyager son regard tout autour de la scène et remarqua que les juristes étaient en grande conversation avec le juge. Beaucoup d'entre eux le regardaient avec curiosité, et effroi.
D'autres Aurors examinaient avec des moues répugnées une masse noire, en charpie, à leurs pieds. Bon nombre de Patronus grondaient, caquetaient ou hurlaient à l'encontre de la chose morte, comme une meute de charognards qui aurait trouvé une carcasse dans le désert.
Un peu plus loin, le petit qui avait été Voldemort s'était réfugié entre les pattes d'un loup, non, d'un Patronus qui avait l'air juste un peu plus consistant que les autres. La bête, couchée, lui léchait le visage couvert de sueur, de larmes et du sang du Détraqueur en grognant joyeusement, comme si elle voulait le réconforter. Draco Malfoy observait la scène d'un œil morne, les traits encore tirés par l'inquiétude.
« Qu'est-ce qui c'est passé ? » demanda enfin Harry avec une voix rauque. Il avala un autre morceau de chocolat et commença à se sentir un peu mieux.
« Ils leur ordonnent de rentrer chez eux. » expliqua Hermione en désignant les spectateurs ulcérés. « Après que le Détraqueur ait choisi de t'attaquer, avec ce que tu as dit, après ta petite mise en scène… Le procès a été ajourné et ils sont enragés qu'on les empêche de te voir te réveiller. Ils t'aiment, ils s'inquiètent... »
« Et surtout, c'est grâce à eux si tu peux manger mon goûter, maintenant ! » plaisanta Ron. « À mon avis, tu verras ça dans les journaux, demain matin. Peut-être même qu'ils vont faire une Gazette spéciale et la tirer ce soir. C'était fantastique. Le Détraqueur t'avait choisi. Tout le monde avait compris que… »
Harry croqua un autre carré de chocolat et encouragea Ron à poursuivre, mais ce fut Hermione qui prit le relais :
« Je ne sais pas combien de personnes dans la salle ont eu la même idée en même temps, c'est sûrement le Patronus de Draco qui a tout déclenché. Mais soudain, des centaines d'animaux ont fondu sur le Détraqueur. Et pas que des animaux, il y avait aussi des Patronus non corporels, et même des sorts. »
« C'était du grand n'importe quoi, ça c'est sûr… Mais en tout cas, le Détraqueur a été mis en pièces ! »
« De toute l'Histoire de la Magie, c'est la première fois qu'une de ces créatures est tuée. On ne savait même pas que c'était seulement possible. »
« C'est pour ça qu'ils ne nous en débarrassent pas ! » fit Ron en désignant la chose inerte et peu ragoûtante aux pieds des Aurors. « Des chercheurs ont exigé qu'on laisse tout en l'état, ils veulent étudier cette horreur. C'est répugnant, t'as pas l'impression que ça schlingue ? »
Hermione leva les yeux au ciel et demanda à Harry :
« Et toi, ça va ? »
Le brun avala ce qu'il avait dans la bouche, avec difficulté.
« Honnêtement, non, ça ne va pas… Je crois… Je crois que quelque part, j'avais vraiment envie d'en finir... »
Les gémissements du petit garçon les tirèrent de leur silence affligé. La louve était en train de disparaître et il se mettait à pleurer avec force. L'animal devenu transparent se leva, le prit par un pan de son vêtement et s'empressa de le tirer vers le jeune Malfoy qui arborait un air dégoûté. Elle l'apostropha, sa texture continuant à se diluer. Ils étaient trop loin et parlaient trop doucement pour que les autres puissent les entendre, mais Harry ressentit ses paroles.
« Draco, ça ne sert à rien de tenter de me maintenir si longtemps. Garde tes forces et occupe-toi toi-même de ce petit. Tu verras, tu te sentiras bien mieux… » lui avait-elle ordonné, de sa voix doucereuse de grande femme, avant de partir, non sans offrir un dernier baiser louvain à son protégé.
Seul, le petit jeta des regards apeurés en tout sens avant de continuer à se diriger, avec hésitation, vers celui que l'animal lui avait désigné, vers celui qui avait, en lui, quelque chose qui l'attirait.
Les sourcils et le nez de Draco se plissèrent de mécontentement et il essuya la sueur qui perlait sur son front avec un geste rageur. L'enfant s'arrêta aussitôt et voulu trouver un autre refuge. Il se tourna vers les Aurors et déjà l'un d'eux se détachaient du groupe en faisant mine de vouloir l'attraper comme un lapin. Il recula en poussant des gémissements, mais Draco l'appela et le gamin ne fit ni une ni deux, se retourna et se précipita dans ses jambes pour pleurer contre son genou.
En poussant des soupirs exaspérés, Draco l'entraîna vers l'un des bancs. Il s'assit en ôtant sa veste en jean, en entoura les frêles épaules comme s'il s'agissait d'une couverture et le ramena contre lui, comme un petit paquet, entreprenant de le calmer de sa voix et de ses caresses maladroites. Un photographe le flasha et le blond rougit de fureur, mais ne se départit pas de sa nouvelle tâche.
« Ils délibèrent, Harry… Ils ne savent plus quoi faire de lui. » fit Hermione, en tirant son ami de ses pensées. « On a bien compris que ce petit n'était plus Voldemort, mais il a une partie de ton âme ! C'est abominable ! Alors on ne sait pas si on doit appeler un autre Détraqueur et tenter de faire le transfert, de son corps vers le tiens. Car cela signifierait sa mort assurée, et s'il n'est pas Voldemort, le tuer n'a pas de sens… Et ce serait encore plus abominable… Tu aurais pu résoudre ce dilemme en le faisant tout à l'heure, quand on n'était encore sûr de rien, mais tu as choisi une toute autre voix, tu voulais qu'on sache... Harry… »
Le ton d'Hermione montrait qu'elle avait des centaines de questions irrésolues en tête mais qu'elle n'osait les lui demander. Harry baissa le regard du couple que formaient Draco et l'enfant. Le blond lui caressait les cheveux, en essayant d'être tendre. Ça lui faisait mal de voir ça… ce n'était pas de la jalousie, c'était autre chose, de plus complexe et de plus dur encore.
« Je ne veux pas qu'on lui enlève cette petite partie de mon âme. Je ne veux pas qu'on le tue, et la récupérer ne changerai pas grand-chose, de plus… »
Harry venait de percevoir la pensée de Draco et cela lui fit froid dans le dos, il venait de comprendre pourquoi il était resté. C'était pour le lui dire…
Leurs regards se croisèrent et Harry en eut le souffle coupé.
« Quoi, qu'est-ce qu'il y a ? »
« Il y a… Il y a… » bégaya le brun. « Que mon âme a été divisée en plus de parties encore. Malfoy l'a raconté tout à l'heure, mais… Il a tourné sa phrase de façon à ce que ça ne paraisse pas aussi grave que ça l'était. Et lui-même ne pensait pas que ça l'était autant, d'ailleurs. Mais maintenant, il a compris que… »
Hermione et Ron se tournèrent vers Draco, inquisiteurs. Le blond leur renvoya un regard hargneux puis il se leva pour venir vers le trio, en calant sur sa hanche l'enfant, qui reposait sa tête endormie contre son épaule.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » cracha-t-il à leur adresse. « Pourquoi vous me regardez comme ça ?! »
Hermione, avec une expression d'horreur, comprit enfin :
« Tu as toi aussi un peu de l'âme d'Harry. » Draco lui renvoya un regard glacial. « Mais ce n'est pas le pire, toute la chapelle regorge de bribes de l'âme d'Harry ! » Elle porta ses mains à sa bouche, avant de les rabaisser lentement quelque temps plus tard : « Il ne pourra jamais la récupérer en entier… »
La jeune fille glissa au sol, et s'assit, silencieuse, choquée. Ron l'imita un peu plus tard, l'air angoissé.
« Attendez, je ne suis pas sûr de comprendre exactement ce que ça veut dire… »
Personne ne lui répondit, pas même Draco qui n'avait soudain plus l'envie d'être revêche ou sarcastique.
Non loin de là, le photographe, qui devait aussi être journaliste, écrivait à tout allure dans un calepin. Harry tourna les yeux vers le groupe de juristes qui délibéraient avec de grands éclats de voix. Il avisa le vieillard qui avait effectué la levée des Suppliciés. Il tendit la main à Ron et lui demanda :
« Aide moi à me lever, s'il te plaît. »
Son ami lâcha les épaules d'Hermione et s'exécuta. Harry s'accrocha à lui, flageolant.
« Tu veux aller où ? » demanda le rouquin en le soutenant, bien décidé à l'aider aussi à marcher.
« Au milieu de tous ces grands hommes qui discutent de mon avenir. »
Quand les juristes les virent approcher, ils firent silence afin d'écouter ce que le Survivant avait à dire :
« Bon… On se doutait déjà que c'était le cas. » commença-t-il. « Mais maintenant, on en est sûrs : Voldemort n'est pas totalement fini. Sinon, ce petit… » Il désigna le paquet que tenait Draco dans ses bras. « … n'aurait jamais eu la présence d'esprit de récupérer des morceaux de mon âme afin de survivre. Mais ce n'est pas de lui dont viendra la menace, le Détraqueur nous l'a prouvé tout à l'heure... »
« Harry ! » gronda Ron en lui secouant le bras. « Tu ne représentera jamais une menace ! »
Le brun leva les yeux au ciel.
« Tu dis ça parce que tu m'aimes, Ron. Les gens m'aiment, c'est pour ça qu'ils m'ont sauvé la vie, tout à l'heure. Mais il en va de leur responsabilité d'assurer un avenir dans lequel on doit avoir le plus confiance possible... » Il désigna les juristes. « C'est leur responsabilité, et ça devrait être aussi la tienne, Ron… Pour ta famille, pour Hermione, pour les enfants à venir, tu devrais y réfléchir. »
« Ne soyez pas si dramatique, Harry. Nous ne sommes pas… » commença le Juge, mais ce dernier l'interrompit, gravement, d'un ton qui ne souffrait aucune réplique :
« J'aimerais que Monsieur Slorn recommence son sortilège mais à mon encontre, cette fois. »
La salle était silencieuse, mis à part les sons que faisait le crayon du journaliste, qui transcrivait avec ardeur sur papier tout ce qui se disait. Derrière le voile sombre, les gradins ne s'étaient toujours pas vidés et des bannières magiques fleurissaient dans les airs. Elles soutenaient toutes le Survivant par leurs messages lumineux.
Harry n'attendit pas de réponse, il se dirigea vers le siège dans lequel avait été attaché l'enfant prisonnier un peu plus tôt. Il s'y alanguit, très fatigué, et les chaînes et les sangles frémirent mais le laissèrent tranquille.
« Eh bien faites, mon brave… » encouragea le Juge.
« Mais je n'ai jamais… prononcé son nom. » bafouilla le Cherchomage.
« Allons, nous n'en sommes plus à nous inquiéter de cela ! »
Le vieux directeur en robe pourpre s'approcha, inquiet, et réitéra son incantation, ne réussissant à bredouiller qu'un seul nom : Lord Voldemort.
Quelques minutes plus tard, une longue forme spectrale surgit du sol aux pieds d'Harry. Elle s'étira comme un drôle d'arbre fantomatique, devint très grande et domina Harry de toute sa taille. Le jeune homme, le menton dans sa paume, leva les yeux vers le Seigneur des Ténèbres, sans broncher, tandis que tous avaient un mouvement de recul – sauf le photographe, qui mitrailla la scène sous plusieurs angles.
Voldemort leva sa main et pointa Harry du doigt en un sourire carnassier. Sa voix doucereuse s'éleva et certains des juristes se recroquevillèrent en se bouchant les oreilles, fous de terreur. Et pour cause, le fantôme s'adressait à lui en Fourchelangue.
« Sssce gamin, qui m'a sssurvécu… Sssc'est lui qui m'a défait ! » sembla rire le spectre de Voldemort. « Sssc'est mon exissstenssce qui l'a forgé ! Et comme récompenssse, il a détruit mon corps, l'a dénaturé ! Il a anéantis la noirsssceur de mon âme. Je me sssuis disssous en lui et tous mes désirs sssont maintenant sssiens, sssont la ssseule flamme en son cœur ! » Il ria à gorge déployée. « Quel fantassstique véhicule pour mes ambissstions ! Une bête sssi belle, sssi indessstructible ! Et je ssserai aux premières loges, derrière ssses yeux, lové dans ssses entrailles ! Les étinssscelles qui fuseront dans son ssscerveau ! J'asssisssterai au changement ! Et le Monde ne sssera plus jamais le même ! Ssc'est ssce que je voulais… Tout ssce que je voulais… Mon rêve ! Le mien ! »
Le fantôme disparut dans un ricanement et le silence retomba sur la scène. Un craquement interrompit le recueillement général et Dumbledore apparut.
« Harry ! » fit-il en s'approchant pour se pencher à son oreille. Il souffla : « J'ai rendu la chapelle incartable, irrepérable même pour les sorciers. Personne ne pourra plus y entrer sans ton consentement. »
Le brun sortit de ses pensées et dévisagea Dumbledore avec stupéfaction. Il ne lui demanda pas les raisons de son geste – l'amour, évidemment – et se tourna vers les juristes et les Aurors, qui n'osaient plus ni bouger ni parler.
« Même si vous n'avez pas compris, vous avez bien vu qu'il était satisfait, ça devrait vous inquiéter… Si vous ne m'arrêtez pas maintenant tandis que je suis disposé à me laisser faire, vous risquez de laisser passer votre chance. » déclara-t-il sans bouger.
Des Aurors commencèrent à avancer vers lui, hésitants, mais Hermione bondit sur ses pieds et les devança de son pas terriblement décidé.
« Maintenant, ça suffit, les conneries ! » glapit-elle, les cheveux ondoyants comme une crinière furieuse tout autour d'elle, les sourcils froncés de colère. Elle arracha l'enfant des bras de Draco, attrapa Harry et Ron par le bras, et les fit tous disparaître dans un bruit d'explosion, laissant chacun complètement ahuri – sauf le journaliste qui écrivait dans son calepin, à en déchirer les feuilles de la pointe de son crayon.
« Alors ça… » répétait-il avec verve, des étoiles scintillant dans ses yeux. « Alors ça, c'est un scoop ! »
Dans sa main, Draco sentit quelque chose qu'Hermione avait glissé. Perplexe, il tâtonna les bords du petit objet et comprit que c'était une simple pièce de monnaie. Il la mit nonchalamment dans sa poche en regardant les Aurors s'agiter et jeter des sorts de détection pour déterminer où s'était enfui le trio, en vain – Hermione était bien trop douée pour eux. On l'apostropha mais il haussa les épaules, maussade :
« Qu'est-ce que j'en sais… » déclara-t-il. « Vous voyez bien que je ne fais pas partie de leur bande ! Ils sont peut-être allés à Pré-au-Lard, pour se rendre à Poudlard… Ou chez les Weasley, au Terrier. »
Dans sa poche la pièce chauffait et vibrait.
À suivre…
NDA : J'espère que vous avez aimé ce chapitre et que vous n'avez pas trouvé cette petite mise au point sur Harry trop lourde, et qu'elle vous permet de comprendre un peu son attitude. Si ce n'est toujours pas le cas, ben, je compte encore un peu détailler cela dans le chapitre suivant mais faites moi quand même part des précisions que vous espérez y trouver, je verrai si je peux faire votre bonheur ! En attendant, si vous êtes gentils, faites le mien en me laissant une petite review, s'il vous plaît. Dydy vous le rendra !
Bisous !
Levia
PS : Sinon, heu… Si vous voulez savoir comment je vais depuis le dernier chapitre, ben, ça peut aller, sans plus. J'ai tenté de prendre des bonnes résolutions avec le début de la nouvelle année, elles ont tenu un temps, mais maintenant que je suis au chômage, ça me parait difficile de rester joyeuse et optimiste, mais je vais faire des efforts !
J'espère que pour vous ça va !