Titre : Réputation
Auteur : Naomi (site de l'auteur à visiter absolument… si vous avez
envie que je traduise certaines autres fics n'hésitez pas à me le dire)
Traducteur : Séraphin
Genre : UA sur Gundam Wing, shounen-ai
Couples : 2/x1
Disclaimer : Pas à moi, etc...
Site, duoxheero comRéputations
Chapitre 1 :
La mine sombre, Duo regardait au dehors par la fenêtre de la voiture.
Il leva les yeux sur le grand bâtiment qui lui faisait face. Celui-ci était entouré d'un vaste jardin. Une douzaine de filles et de garçons se dirigeaient vers le complexe, bavardant gaiement.
Il déglutit avec difficulté et détourna le regard de ce triste spectacle.
— Dois-je vraiment y aller ?
— Ne recommence pas avec ça, Duo ! lui reprocha sa "mère" d'un ton ennuyé. Nous avons déjà parlé de cela. Tu dois terminer l'année scolaire.
— Mais j'ai déjà obtenu mon diplôme !
— Duo ! le réprimanda la femme, énervée. Ne m'oblige pas à me répéter !
— Oui, maman, marmonna-t-il en baissant le regard vers son uniforme, un air de profond dégoût peint sur le visage.
— Bien, je viendrai te chercher après l'école. Donc, tu ne traînes pas en sortant, compris ?
— Message reçu cinq sur cinq ! grogna-t-il en s'extirpant de l'habitacle.
Il jeta un rapide coup d'œil à la fillette assise sur la banquette arrière du véhicule et lui fit un petit sourire :
— Au revoir Tracy ! lança-t-il à sa demi-sœur d'un ton enjoué.
La fillette de huit ans se contenta de lui répondre par un vague au-revoir prononcé du bout des lèvres.
Duo leva les yeux au ciel en claquant la portière.
— Sale gosse trop gâtée…, maugréa-t-il, mécontent.
Il tira la langue en direction de la voiture qui s'éloignait déjà. Il pouvait encore voir sa mère dans le rétroviseur. Fixant ses cheveux, il éructa :
— Espèce de salope !
Soupirant une nouvelle fois, Duo balança son sac sur son épaule et se dirigea vers son école.
Il était écoeuré de se retrouver dans ce trou. Ayant toujours vécu dans une grande ville, Duo trouvait qu'il était particulèrement difficile d'emmenager dans ce qu'il considérait, au mieux, comme un bled de seconde zone… Surtout en compagnie de sa mère adoptive et de sa demi-sœur.
Si, aujourd'hui, il en était rendu là, c'était parce que sa mère adoptive, Joanna, avait divorcé de son père adoptif et qu'ils avaient été obligés de quitter leur anciene maison. Comme si cela ne suffisait pas qu'il ait été adopté ! Il fallait aussi que ses « parents » aient l'idée judicieuse de divorcer !
La vie n'était rien d'autre qu'une putain de tragédie à la con !
Duo était âgé de dix-sept ans et il n'avait vécu que huit ans dans cette famille, mais, déjà, il n'avait qu'une envie : s'en débarrasser au plus vite ! Il était plus heureux à l'orphelinat. Au moins, là-bas, il ne se sentait pas coupable de diviser les familles !
Car il était pleinement conscient d'être responsable de ce désastre…
Les divergences d'opinions entre son père adoptif, Nathan, et Joanna tournaient toutes, sans exception, autour de lui. Il savait qu'il s'était comporté comme une peste depuis leur toute première rencontre. Cela avait été vraiment très difficile, pour eux, de s'occuper de lui. Au début, il le faisait intentionnellement, voulant ainsi les évaluer et voir s'il était vraiment considéré comme un membre de la famille à part entière. Cependant, au bout d'un an, il a avait dépassé ce cap. Tout ce qu'il avait fait ensuite… il ne s'en expliquait pas vraiment la raison. Joanna disait toujours que c'était un garçon élégant. Qu'il avait un grand potentiel. Elle ne comprenait pas comment il pouvait le gaspiller avec de stupides gangs et de minables petites rapines…
… Et elle ne pourrait jamais comprendre…
S'il n'avait pas fait partie du gang, s'il n'avait pas été l'un d'eux, il n'aurait plus été personne. Il n'aurait plus rien été. Toute sa petite enfance, il l'avait passée dans les rues, volant pour survivre, et maintenant qu'il avait une famille... ils ne pouvaient pas lui demander de changer ce qui il était !
Mais, bien sûr, ils avaient essayé. Joanna avait décidé de prendre les choses en main. Elle ne s'était pas contentée de le forcer à venir s'enterrer dans le « trou-du-cul-du-monde » (alors que tout ce qu'il souhaitait, c'était de rester avec Nathan, qui, au moins, lui fichait la paix), elle l'avait aussi obligé à changer de lycée (pour qu'il refasse son année de terminale et repasse son bac à la fin de l'année afin qu'il obtienne de meilleures notes) et, surtout, elle l'avait fait cesser tout contact avec Solo, son meilleur ami, qui était aussi le chef de son gang. "Le provocateur-en-chef" comme elle l'appelait souvent.
Duo soupira tout en gravissant l'escalier menant au bureau du proviseur, dans lequel il était attendu. La dernière chose dont il avait besoin, c'était que quelqu'un prenne ainsi des décisions sur sa vie. Putain de merde, la vie ne pouvait pas être seulement qu'un bordel sans fin ! Pourquoi le destin se montrait-il si cruel envers lui !
Perdu dans ses sombres pensées, Duo ne remarqua pas qu'il allait rentrer dans quelqu'un avant de le heurter de plein fouet. Grommelant quelques jurons choisis alors que son sac tombait par terre, Duo lança un regard courroucé à la personne qu'il avait renversé. C'était un jeune homme, de son âge apparemment, qui semblait un peu, hum... étrange. Ce n'était pas qu'il était moche ; au contraire, il n'était pas mal du tout, mais il y avait quelque chose en lui qui était... étrange. Par exemple, il portait un uniforme d'hiver alors qu'on était encore en été. Ses cheveux semblaient sales et gras et Duo aurait pu jurer qu'il sentait... Son nez se plissa et il se releva en lançant un regard furieux à l'adolescent silencieux.
— Dé... désolé, marmonna ce dernier au bout d'un long moment.
Duo nota un léger accent dans la voix du jeune homme. Maintenant, il en était sûr : c'était un japonais. Le regard vissé au sol, il refusait de le regarder dans les yeux. Ses mains tremblaient, comme s'il était nerveux.
Duo fronça les sourcils.
— Bah ! C'est pas de ta faute. Je ne regardais pas où j'allais.
À ces mots, la tête de l'adolescent se releva brusquement et il plongea son regard cobalt dans celui de Duo, l'air profondément étonné.
De nouveau, Duo fronça les sourcils en voyant la surprise se peindre sur le visage de l'autre. Quelque part dans sa tête, une petite voix lui chuchotta que ce jeune homme avait de beaux yeux d'un bleu profond... Il repoussa cette voix dans un petit coin sombre de son esprit. Pour une raison inconnue, il se retrouva à sourire gentiment à son vis-à-vis.
— T'inquiète pas ! Comme je le disais, tout est de ma faute.
Le jeune homme sembla un peu décontenancé, mais il finit par hocher légèrement sa tête brune. Paraissant toujours très troublé, il passa devant Duo et s'éloigna dans le corridor.
Duo se retourna soudain et tendit une main dans la direction du japonais, comme s'il voulait le retenir.
— Eh ! lui lança-t-il. Je suis Du...
Sa voix mourut dans sa gorge alors qu'il voyait le jeune homme tourner à un embranchement et disparaître dans un autre couloir.
— ... uo, finit-il à voix basse, abaissant la main.
Une fois de plus, il fronça les sourcils. Il leva ensuite les yeux au ciel.
— Hn ! On n'est pas très sociable, on dirait ? marmonna-t-il avant de continuer son chemin vers le bureau de la proviseure.
Son entretien avec la proviseure fut plutôt rapide. Il pouvait dire avec certitude qu'elle ne l'avait pas aimé dès le début. Il savait qu'elle l'avait vu comme tous les autres enseignants de son ancienne école l'avait toujours vu - un fauteur de troubles, un voleur, une menace pour la société. Il était sûr que, dès qu'elle avait lu son dossier scolaire, elle avait immédiatement prévenu le personnel du lycée de l'arrivée de ce nouveau voyou. Bien sûr, il avait un peu fichu le bordel dans son ancien lycée, mais rien de trop grave. En tout cas, il lui avait donné sa parole qu'il allait s'améliorer et donner le meillleur de lui-même... Bref, toutes les conneries habituelles nécessaires à faire taire tout bon proviseur qui se respecte. Pour toute réponse, elle s'était contentée de lui sourire poliment (froidement serait l'adjectif le mieux adapté) et l'avait tranquillement informé que si elle entendait parler en mal de lui, ne serait-ce qu'une fois, que ce soit pour un manquement à la règle ou à cause de mauvaises notes, elle le renverrait sur-le-champs du lycée, sans l'ombre d'une hésitation.
Quelle pétasse ! Ce n'était pas étonnant que Joanna l'aime tant... Elles avaient probablement fait un traité ensemble ; elles avaient dû se mettre d'accord pour le "remettre dans le droit chemin". Salopes !
Après cette entrevue, on le conduisit jusqu'à sa classe. En arrivant ainsi en plein milieu du cours, il déclencha un joyeux tohu-bohu. Bien involontairement, il venait de donner à ses nouveaux camarades une bonne excuse pour commencer à faire du bruit en le regardant fixement et en se mettant à parler de lui. Une fois que la prof eut réussi à les faire taire, elle se retourna vers lui en souriant et lui demanda de se présenter.
Il promena son regard sur la classe. Un petit sourire ironique se peignit sur ses lèvres lorsqu'une partie de la conversation de deux filles qui remarquait qu'il avait des cheveux splendides lui parvint...
Il dégagea sa gorge d'un raclement discret et laissa éclore sur son visage un sourire insouciant.
(— He runs... he hides... but he never ever lies - Duo Maxwell !)
— Il court... Il se cache... Mais il ne ment jamais - Duo maxwell ! lança-t-il en souriant toujours largement.
Il vit quelques figures s'éclairer d'un sourire. Puis, il entendit les rires étouffés de deux ou trois élèves. Alors, ce fut la classe entière qui se mit à applaudir et à scander un air bruyant. Il exécuta une série de révérences outrancières avant de se relever, souriant jusqu'aux oreilles.
Mais son sourire se fâna rapidement lorsqu'il aperçut un visage, au fond de la classe. Le jeune homme à qui il appartenait n'applaudissait pas et ne chantait pas non plus. Duo le reconnut comme étant le japonais qu'il avait rencontré dans le couloir, quelques instants plus tôt. Il fronça les sourcils en voyant que le garçon frottait son bras et qu'il grimmaçait dès qu'il frôlait son poignet. Il se demanda si le garçon allait bien, mais la prof coupa le fil de ses pensées en s'adressant à lui :
— C'était très bien, Duo. Et si tu allais t'asseoir, maintenant?
— Tu peux venir t'asseoir ici ! lui lança une voix provenant du fond de la classe, du côté de la fenêtre.
Duo leva les yeux et vit que c'était un garçon qu'il identifia immédiatement comme le plaisantin de la classe. Il hocha la tête, prit son sac à dos et alla s'asseoir à côté de lui.
— B'jour ! le salua-t-il en tirant la chaise pour s'asseoir.
Puis il jeta un regard par-dessus son épaule, dans la direction du japonais. Leur deux regards se croisèrent. L'autre eut une hésitation avant de détourner rapidement les yeux. Duo haussa les épaules et fit face à son nouveau voisin, le "plaisantin".
— Hey, mec ! Comment ça va? Je m'appelle Jack.
Ils se serrèrent la main et Duo s'assit.
— Tu nous a bluffé avec ton petit show, là ! dit Jack avec un sourire, les yeux étincelants de malice. J'ai trouvé ça cool !
— Merci, répondit distraitement Duo en jetant encore un coup d'œil à ce jeune homme au regard si bleu assis seulement à quelques places d'eux.
Sans qu'il puisse s'en expliquer la raison, il était très intéressé par ce garçon. Il y avait quelque chose en lui... quelque chose de pitoyable... il semblait très solitaire ... très triste... il était comme lui.
— Dis, tu voudrais venir avec moi pendant l'intercours ? Je te présenterai aux gars !
— Ce serait cool..., réussit à répondre Duo, essayant de détourner le regard du mystérieux japonais.
Mais il était fasciné par la façon dont il tenait son stylo quand il écrivait, s'intéressant particulièrement à ses longs doigts, si pâles et si menus. Il lui fallut quelques instants pour se rendre compte que les doigts de l'adolescents étaient meurtris au niveau des articulations. Duo fronça de nouveau les sourcils en se demandant ce qui avait bien pu provoquer ces étranges blessures.
— Hé, ne fais pas attention à lui, chuchota subitement Jack en se penchant vers Duo. Il est juste bizarre, c'est tout. Ne t'embête donc pas à chercher à le comprendre...
Duo se retourna vers son nouvel ami, un peu désorienté.
— Que veux-tu dire ? Qui est-il ?
— Bof... Je crois que son nom est Hippo... ou quelque chose comme ça. Un japonais, un phénomène de foire si tu veux mon avis. Il parle rarement, donc j'oublie toujours son nom...
— Quelle est son histoire ?
Jack haussa les épaules, ébouriffant sa courte chevelure rouge d'une main.
— Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Il a toujours été ce monstre que tu vois. Je veux dire, matte moi un peu ce bouffon ! Pff ! Quel crétin ! Et, sans mentir, je peux sentir son odeur fétide d'ici...
Duo ne savait pas pourquoi, mais il se sentit offensé par cette remarque. Pour quelle raison absurde cela lui faisait-il du mal ? Cela ne le concernait en aucun cas... Pourquoi s'en souciait-il ?
— Il y a plein d'étudiants qui se sont déjà plaints de ce type, mais la proviseure ne les écoutent pas. En fait, ils le gardent dans le lycée juste parce que c'est un putain de lèche-cul... En plus, son oncle est un type important.
Jack haussa les épaules, et, en se retournant vers le tableau, grogna :
— Pfff ! Putain ! J'comprends rien à ces sciences de merde. Trop chiant...
— Ouais, t'as raison, parvint à répondre Duo en baissant le regard sur le stylo qu'il tenait dans sa main.
La page de son cahier restait désespérément vierge. Il essayait de lutter contre l'envie irrépressible qui le tenaillait de regarder Heero encore une fois, même de façon très brève, juste pour entrevoir de nouveau ses yeux bleus.
Il se reprochait d'avoir de telles pensées.
Au prix d'un effort surhumain, il réussit à se retenir de se tourner vers le japonais, ne voulant pas faire mauvaise impression sur son nouvel ami. Il se doutait bien que Jack, ainsi que les "gars" auxquels celui-ci avait fait allusion, étaient son genre de copains. Ils étaient du même monde, contrairement à ce jeune homme, ce jeune homme qui le fascinait tant. Duo appartenait à une classe sociale plus basse que Heero et il savait donc qu'il devait l'ignorer. Il espérait seulement qu'il en serait capable ou, du moins, qu'il parviendrait à le laisser tranquille car il savait que les gens de la haute n'aimaient pas les classes plus populaires. Les gamins comme Heero étaient souvent les souffre-douleurs des gens comme lui. Cela ne l'avait jamais tracassé auparavant... bon, peut-être un petit peu, parfois, mais il avait une réputation à assurer et il ne pouvait donc pas trop réfléchir à ce genre de choses. Cependant, pour une raison étrange, cela le dérangeait, maintenant. Cela le dérangeait BEAUCOUP. Il sentait que le japonais avait déjà suffisamment souffert. Il ne voulait pas lui faire plus de chagrin... Il savait trop bien ce que l'on ressentait lorsqu'on était malheureux pour vouloir faire de la peine à d'autres.
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Cela faisait seulement trois semaines que Duo était dans son nouveau lycée et, déjà, il avait réussi à devenir l'un des mecs les plus populaires de l'établissement. Désormais, il était le meilleur ami de Jack. Celui-ci était le joueur vedette de l'équipe de basket-ball, le charmeur de toutes les filles et on aurait même pu le comparer à un dieu marchant au milieu de ses disciples — les autres garçons de la classes. Duo était, en quelque sorte, son "bras droit", passant tout son temps avec lui et sa bande, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du lycée. Il était devenu très populaire auprès des filles, mais il leur trouvait peu d'intérêt. Bien sûr, certaines étaient jolies et sexy, mais il ne s'était jamais vraiment senti attiré par elles. Cependant, pour assurer sa réputation, il était sorti avec quelques unes d'entre elles, en particulier celles que lui avait recommandées Jack (ou, plus exactement, celles avec lesquelles il voulait que Duo sorte). En général, ces flirts ne dépassaient pas le stade du roulage intensif de patin. Évidemment, il faisait croire qu'il était allé plus loin avec certaines pour donner le change à Jack et aux autres membres de la bande. En fait, il ne leur avait jamais menti, mais il ne leur avait pas dit non plus toute la vérité.
Pendant ces trois semaines, Duo avait réussi à en apprendre un peu plus à propos du "petit" objet de sa curiosité - Heero. Il savait désormais qu'il était lui aussi orphelin et qu'il vivait avec son oncle, un grand scientifique ou quelque chose de ce genre. Il avait essayé de parler avec lui quelques fois, sans que Jack l'apprenne (sous peine de ruiner sa réputation), mais Heero s'était montré très réservé et très réticent avec lui. En fait, sa réaction s'expliquait plus par la peur que par la timidité et Duo ne pouvait pas vraiment l'en blâmer. Après l'avoir surveillé durant des semaines, Duo savait que Heero était rétif à tout contact humain. Il ne ressemblait pas aux gens qui s'approchaient de lui le plus souvent à cause de son statut de monstre et de petit snob puant et odieux, néanmoins, chaque fois que quelqu'un s'approchait de lui, Heero s'éloignait sans un mot. L'enfer ! Même les enseignants semblaient simplement le supporter et rien de plus. Et pour une raison quelconque, cela rendait fou Duo. Fou et triste en même temps. Il plaignait le garçon... mais il ne pouvait rien y faire. Il ne voulait pas que les "gars" croient qu'il était quelqu'un de mou ou de trop gentil. Il n'avait pas besoin d'être vu en compagnie d'un "monstre", pas alors qu'il venait juste d'arriver dans ce lycée !
Les seuls moments pendant lesquels il était vraiment près de Heero, à sa grande consternation, c'était quand Jack ou l'un des "gars" décidaient qu'il était temps d'aller l'emmerder. Ils le harcelaient sans arrêt et, quelques fois, cela en arrivait même à des violences physiques. Ils imaginaient toujours de nouvelles façons d'humilier le pauvre garçon. S'il était d'humeur, ou bien s'il savait qu'il n'avait pas le choix, Duo participait à ce " petit moment de détente entre gens de bonne compagnie ". Mais, la plupart du temps, il se contentait de se tenir légèrement à l'écart, prétextant comme excuse qu'il montait la garde au cas où un prof s'approcherait. En réalité, il voulait surtout éviter d'avoir à regarder le visage d'Heero pendant que les "gars" le bousculaient et le frappaient dans les toilettes des garçons. Il ne pouvait pas rester à regarder ces yeux bleus emplis de larmes, dans lesquels se refétait tant de peine, et qui, se levant vers lui, semblaient le supplier de l'aider. Alors, il se détournait de Heero, essayant d'oublier le son des coups qui pleuvaient sur le corps délicat du garçon.
De temps en temps, une fois que le "jeu" s'était achevé et que les "gars" étaient partis, Duo restait en arrière et, avant de s'éloigner à son tour, jetait un regard affligé au corps meurtri affalé sur le sol des toilettes. Généralement, Heero regardait alors au loin, se battant pour se relever et retrouver le peu de dignité qu'il lui restait. Duo comprenait le message et le laissait tranquille. Au fond de lui, il se demandait toujours comment un garçon qui semblait si fragile pouvait résister avec tant de courage à ce genre de traitements, jour après jour... Il ne se battait jamais, ne faisait jamais mine de se défendre ou de leur répondre insolemment lorsqu'ils l'insultaient. Il endurait en silence tout ce que lui faisaient subir ses tortionnaires et, ensuite, s'efforçait de ne pas trop boiter en rentrant en cours, faisant comme si rien ne s'était passé. Jamais il ne les avait dénoncé, cependant, Duo était bien conscient que tous les profs étaient au courant de ce qui lui était infligé, même si, par lâcheté ou, plus certainement, par indifférence, ils faisaient semblant de ne se rendre compte de rien. Cette façon d'agir le révulsait, l'écoeurait. Dans son ancien lycée, la bande de Jack aurait été expulsée un certain temps de l'établissement ou même purement et simplement renvoyée définitivement.
Duo et les "gars" entrèrent en trombe dans les vestiaires après le cours d'EPS. Ils venaient tout juste de finir un match de basket-ball et, comme c'était une chaude journée d'été, ils étaient tous trempés de sueur. Mais l'après-midi touchait à sa fin et, la plupart des "gars" n'étant pas vraiment motivés pour prendre une douche, la majorité des garçons se contentèrent de se changer avant de s'en aller. Cependant, Duo n'était pas de ceux-là. Il pensait qu'il était important de se laver, d'autant plus lorsque l'on était couvert de sueur, que l'on puait et que les cheveux étaient sales. Le jeune homme prenait toujours grand soin de sa longue chevelure. Aussi, lorsque Jack lui proposa de venir traîner avec la bande, il déclina poliment l'invitation.
— Je vous rejoindrai plus tard, lança-t-il lorsque Jack le prévint que lui et les "gars" partaient, retenant d'une main la porte des vestiaires.
— J'ai entendu dire que Stephan faisait une petite fête cette nuit. Tu viendras ?
— Oui, bien sûr, répondit distraitement Duo en levant les yeux sur Heero, qui venait d'entrer dans les vestiaires, vêtu d'un jogging et d'un sweat épais.
Il était trempé de sueur et Duo se demanda pour la seconde fois ce jour-là pour quelle obscure raison il avait décidé de porter des vêtements aussi chauds alors qu'on était en plein mois d'août !
— Enculé de monstre ! grogna Jack en hochant la tête. Je parie qu'il en fait exprès de nous niquer les narines avec sa putain de sueur qui sent la merde ! gloussa-t-il encore, plissant le nez et agitant la main comme pour chasser une odeur particulièrement désagréable. Wahooouuu... IL SCHLINGUE !
Il se retourna ensuite vers Heero et lui lança :
— Bonne chose que t'aies décidé de prendre une douche, mec !
Malheureusement, il n'avait pas vraiment tort, pensa Duo en baissant la tête, honteux. Il n'avait encore JAMAIS vu Heero prendre une douche après l'EPS. Il supposait que s'il agissait ainsi, c'était parce qu'il était intimidé au milieu des autres garçons, ou peut-être effrayé par eux, mais tout de même, ce n'était pas une raison pour sentir aussi mauvais. Pourquoi ne se douchait-il pas une fois rentré chez lui ?
— Eh ! T'es sûr que tu te souviens de comment on fait pour ouvrir un robinet ? lui jeta Jack en ricanant.
Heero l'ignora superbement.
— Fichez-lui la paix..., marmonna Duo dans sa barbe.
— Hein ?
— Oh ? Euh, rien. Il vaudrait mieux que j'aille prendre ma douche, maintenant, répondit-il en fixant du regard l'endroit où Heero avait disparu.
— Ouais, d'accord, fit Jack en donnant une tape dans le dos de Duo. À c'soir ! lui lança-t-il avant de s'éloigner.
— Ouais... C'est ça... À ce soir..., réussit à répondre Duo, sentant subitement qu'il y avait quelque chose de surnaturel au fait de se retrouver dans les douches, seul... en compagnie de Heero.
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Duo prit son temps dans la douche, appréciant en silence l'agréable sensation de l'eau chaude crépitant sur son corps nu. Il avait défait sa longue tresse et lavait maintenant avec soin son épaisse chevelure châtain en chantonnant. Il supposait que cela devait faire au moins une demi-heure qu'il était là et que son "compagnon" devait être parti depuis un bon moment. Les vestiaires étaient plongés dans un silence de mort et seulement une demi-obscurité y régnait car un néon était cassé et l'autre ne s'allumait que par intermittence. Les seuls bruits que l'on entendait étaient ceux de l'eau tombant goutte à goutte des pommeaux de douche et du grésillement des néons.
Sachant qu'il était seul, Duo sortit de la douche avec seulement sa serviette autour de la taille. D'habitude, il s'habillait à l'intérieur de la pièce, mais, maintenant, il avait envie de partir. Il essora ses cheveux tout en avançant sur le carrelage blanc, se dirigeant vers les bancs du vestiaire. Il enleva ensuite sa serviette. Quand il releva les yeux, il eut la surprise de découvrir qu'il s'était trompé... Il n'était pas seul.
Assis sur un des bancs, Heero, torse nu, lui tournait le dos. Il pliait quelque chose que Duo reconnut comme étant son uniforme scolaire. Il était trempé et Duo se demanda si Heero venait de les laver ici-même, dans les douches. Il concentra son regard sur les doigts menus de Heero remarquant les plis qu'ils faisaient sur l'étoffe mouillée et sentit alors un long frisson lui parcourir l'échine. Il y avait quelques choses dans ces longues mains fines qui émerveillait Duo et qui lui donnait envie de les sentir sur sa propre peau...
Duo déglutit tout en faisant glisser son regard jusqu'au torse nu d'Heero. Il pouvait voir les multiples contusions qui constellait son dos et aussi... il remarqua de longues cicatrices significatives. Il grimaça, essayant de se souvenir si Jack et les "gars" avaient déjà utilisé un fouet ou un instrument de ce genre, mais il était certain que non.
Il secoua brusquement la tête pour reprendre ses esprits et releva les yeux. Il vit alors que Heero avait mis de côté ses habits mouillés et se penchait maintenant pour enfiler une chaussure. Duo constata que les mouvements du jeune homme étaient lents et prudents, presque pénibles. Il grimaça lorsqu'il entendit Heero pousser un petit gémissement et se mettre ensuite à haleter de douleur. Sa chaussure retomba sur le sol dans un claquement sonore qui résonna dans les vestiaires silencieux.
Duo s'avança d'un pas prudent, s'approchant lentement de Heero. Il vit le japonais se pencher pour ramasser sa chaussure, étouffant à nouveau un petit cri de souffrance, mais, apparemment, c'était trop douloureux à faire pour lui. Frustré, il donna un coup de pied dans sa chaussure qui alla valdinguer au loin.
— Laisse-moi donc t'aider, lui proposa doucement Duo en allant ramasser la chaussure là où elle avait atterri.
Haletant toujours, Heero lança un regard incrédule à Duo.
Pour toute réponse, Duo marcha jusqu'à lui et lui rendit sa chaussure. Il lui sourit alors avec gentillesse et eut l'impression de se noyer dans le regard cobalt lorsqu'il le croisa. Il se secoua intérieurement en voyant la peur et l'incertitude se refléter dans ces bea... dans ces yeux.
— Ce n'est pas une blague, le rassura-t-il d'une voix douce en s'approchant de Heero. Jack n'est pas ici. Je suis seul.
Heero regarda au loin, déglutissant difficilement.
— Je veux seulement t'aider, essaya de nouveau Duo en se mettant à genoux devant Heero.
— Je n'ai pas besoin de ton aide, répliqua enfin Heero, parlant ainsi pour la première fois de la journée.
Il baissa les yeux et lança un regard furieux à Duo avant de lui arracher sa chaussure des mains. Puis il se pencha, essayant encore d'enfiler sa chaussure de sport.
Duo leva les yeux au ciel.
— C'est la troisième fois que tu essaies de la mettre, je t'ai vu ! Laisse-moi donc t'aider !
Heero émit un grognement puis lança un regard furieux à Duo.
— Ouais, je savais déjà que tu aimais regarder. Mais je ne savais pas que tu aimais aider, aussi, marmonna-t-il en regardant par terre.
Il serra les dents, comme si le seul fait de se pencher en avant réveillait la douleur provoquée par les coups de fouets qu'il avait reçu dans le dos.
Duo mordit sa lèvre infèrieure, ne sachant que faire. Il était toujours à genoux devant Heero et regardait celui-ci essayer de ramener son pied vers lui afin de ne pas avoir à trop se pencher puis se battre pour enfiler sa chaussure. Quelque part dans sa tête, une petite voix lui murmura que Heero sentait vraiment très bon. Il ferma les yeux et inspira profondément. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres alors qu'il reconnaissait les senteurs mêlées d'un shampoing à la vanille et d'un savon à la rose... Ces douces fragrances excitaient ses sens. Il rouvrit les yeux et découvrit que Heero avait réussi à mettre une chaussure et se préparait maintenant à enfiler la seconde.
Il eut l'impression que quelque chose se brisait en lui. Il ne pouvait plus supporter de voir le visage de Heero se contracter de douleur pendant qu'il battaillait avec l'autre chaussure. C'est pourquoi, sans demander sa permission au jeune homme, il se saisit de la chaussure et continua à sa place de l'enfiler à son pied.
— Qu'est-ce que tu fais ! s'écria Heero.
Bien qu'il ait essayé de crier, sa voix était encore faible et contenue, comme s'il avait eu peur d'élever la voix.
— Je suis en train de t'aider, répliqua Duo en nouant les lacets.
Heero ouvrit la bouche pour répondre, mais il ne trouva rien à dire et se contenta finalement de sceller de nouveau ses lèvres. Il baissa les yeux vers Duo et regarda les mains de celui-ci travailler rapidement pour attacher ses lacets. Puis il contempla, fasciné, la longue et souple chevelure châtain de Duo. Pour une fois, l'épaisse masse de cheveux était détachée et cascadait avec grâce sur son corps finement musclé. C'était seulement la deuxième fois que Heero le voyait ainsi. Il sourit intérieurement, trouvant que Duo était vraiment très beau ainsi.
"Qu'est-ce qui me prends de penser un truc pareil ?" se réprimanda Heero en secouant la tête, esssayant de se débarrasser de ces pensées coupables. Duo était l'un d'entre Eux ! Il ne pouvait pas penser de bonnes choses de lui ! Il était l'un d'entre Eux !
Oui, mais, il l'avait aidé... lui avait parlé... ce que personne ne faisait jamais...
— Et voilà, c'est fini ! s'exclama Duo en se redressant. Tu vois, ce n'était pas un si mauvais moment à passer, n'est-ce pas !
Heero lui fit une moitié de sourire.
— Mer... Merci.
Duo fut surpris de voir que les traits de Heero s'étaient adoucis. Et il était même en train de lui sourire ! Enfin, presque. Mais Heero n'avait encore jamais souri ! Et maintenant, il le faisait... il lui souriait... Il était si beau quand il souriait, la façon dont ses yeux brillaient était si... NON ! C'étaient quoi ces putains de réflexions ?
Duo dégagea sa gorge et se releva.
Heero le regardait en silence, se sentant de plus en plus troublé alors qu'il se demandait pour quelle raison il était toujours là.
— Nous sommes partis du mauvais pied, tu ne crois pas ? lui demanda doucement Duo.
Il lui tendit alors la main en souriant et lança :
— Salut. Je suis Duo Maxwell.
Heero resta bouche bée, contemplant la main de Duo d'un air profondément incrédule.
— J'ai voulu te dire mon nom quand nous nous sommes heurtés dans le couloir, le jour de mon arrivée, mais tu es parti en courant.
Mal à l'aise, Heero évita le regard de son vis-à-vis.
— Personne ne veut jamais parler avec moi dans les couloirs, expliqua-t-il.
Il se retourna ensuite pour faire face à Duo et, lui rendant timidement son sourire, tendit la main à son tour.
— Heero Yuy.
Il se serrèrent la main et le sourire de Duo s'élargit encore, heureux de pouvoir toucher la main du jeune homme. La peau de Heero était si douce au creux de sa paume rugueuse. Et sa main... elle était si chaude dans la sienne... Non ! Non ! NON ! Il ne devrait pas penser de telles choses ! Ce n'était pas bien...
— Duo, murmura Heero après un long moment de silence. Ne parle de ça à personne, s'il te plait.
Duo arqua un sourcil interrogateur.
— Qu'est ce que tu viens de dire ?
Heero détourna le regard une fois de plus, honteux.
Duo baissa alors le regard sur la main qu'il tenait encore dans la sienne et le remonta ensuite lentement jusqu'à l'épaule délicate de Heero. Ses yeux s'élargirent et il émit quelques grognements en voyant les marques bleues et rouges sur le bras du jeune homme. Il y avait même, çà et là, quelques cicatrices de brûlures de cigarettes dont la blancheur tranchait sur sa peau délicatement dorée. Il concentra de nouveau son attention sur la petite main douce qu'il retenait prisonnière entre ses doigts et son coeur se serra douloureusement en voyant les hématomes qui s'étalaient autour du poignet fin, comme s'il avaient été fermement serrés avec des cordes ou quelque chose de ce genre. Haletant, Heero retira sa main tremblante de celle de Duo.
— S'il te plait, ne dis rien...
— Est-ce... Est-ce q... Est-ce que c'est Jack et les "gars" qui...
Il s'interrompit. Heero avait plongé son regard dans le sien. Ses yeux bleus étaient emplis de larmes. Il secoua très légèrement la tête et inspira profondément, comme pour s'empêcher de crier.
— Ne le dis à personne, chuchota-t-il finallement, les lèvres tremblantes... Je t'en prie...
Duo déglutit avec difficulté mais réussit à hocher la tête.
— Je te promets que je ne dirais rien.
Avec un petit sourire, Heero hocha la tête à son tour en signe de remerciement. Puis, lentement, précautionneusement, il se leva. Duo le regarda enfiler son uniforme encore trempé. Il regarda autour de lui et vit qu'Heero n'avait pas d'autres vêtements que ceux-là. Il ne savait pas pourquoi Heero tenait tellement à porter un uniforme mouillé, mais il était décidé à ne pas le laisser faire. Il se pencha et sortit l'un de ses T-shirt de son sac.
— Tiens, mets-ça, plutôt.
Heero se retourna vers lui en lui lançant un regard interrogateur. Puis il baissa les yeux sur le T-shirt que lui tendait Duo.
— Je... Je ne peux pas, chuchota-t-il en secouant la tête.
Duo soupira et approcha encore le T-shirt de Heero.
— Bien sûr que si tu peux ! Je te l'offre. En fait, non, ce n'est pas tout à fait ça... J'exige que tu le portes.
Heero dégluttit avec difficulté, contemplant le T-shirt avec une étrange lueur dans les yeux. Duo eut l'impression que le jeune homme était sur le point de se mettre à pleurer. À moins qu'il ait eu peur. Ou bien qu'il fut hésitant... C'était très difficile de déterminer ce que signifiait réellement cette lueur car les yeux de Heero étaient toujours emplis d'une quantité incroyable d'émotions aussi diverses que variées. C'était une tâche aussi ardue que d'essayer de voir au milieu d'un ouragan.
— S'il te plait, Heero. Tu ne peux pas rentrer chez toi avec des vêtements mouillés.
De nouveau, Heero déglutit, semblant très mal à l'aise.
— Ils... Ils vont sécher... Je ne peux pas accepter...
Sur ces mots, Heero se pencha et ramassa son sac. Il se retourna ensuite vers Duo.
— Merci de m'avoir aider, chuchota-t-il timidement en évitant soigneusement son regard.
Puis, sans un adieu, sans un mot de plus, il tourna le dos à Duo et sortit des vestiaires.
Duo ne parvint pas à lui répondre. Tout ce à quoi il arrivait à penser à ce moment-là, c'était : quels étaient les secrets de ce pauvre garçon ? Qui lui infligeait tant de soufrances ? Et, avant tout : que pouvait-il faire pour l'aider ?
Réponse dans les prochains chapitres...