Yurei
Par Tsubaki Hime
Bonsoir à tous! Et oui, vous avez sous les yeux l'épilogue d'une fic qui aura pris plus de cinq mois de ma vie. En espérant que tout cela vous ait plu, je vous remercie pour toutes les reviews que vous m'avez envoyé et qui m'ont encouragé à finir cette histoire, merci à tous et à toutes, çam'a fait énormément plaisir . Au passage, les zones d'ombre ne sont toutes éclaircies à la fin de cette histoire mais c'est tout à fait normal, ne vous inquiétez pas.
Bonne lecture à tous, et merci encore d'avoir lu cette fanfic,
Tsubaki Himé
Epilogue
Nous n'y pouvons rien, nous ne pouvons rien y faire…
Oh mon Dieu, pourquoi ne sommes-nous que des monstres?
Le soleil brillait dans l'immensité du ciel bleu, sans aucun nuage ne perçant à l'horizon. Calme, et frais, l'air passait entre les branches des cerisiers en fleur, secouées doucement, ridant la face de l'eau du fleuve séparant les deux rives.
Quel magnifique spectacle en ce jour perpétuellement figé. Malheureusement, le cœur du chef du service des Assignations n'en était pas ravi. Le visage maussade, il contemplait ce chef d'œuvre éternel de la nature, par sa grande baie vitrée, ne voulant plus relire le rapport que son secrétaire aux yeux bleus lui avait apporté. Toute cette affaire laissait un goût amer dans la bouche, terriblement triste.
« Aucune chance de retrouver une parcelle… Même un débris de ce qu'il reste d'elle… Tout simplement disparu… »
Konoé soupira, s'avachant dans son fauteuil de cuir qu'il fit tourner vers Tatsumi, le visage impassible, mais où pourtant une lueur inquiète se lisait dans son regard de glace. Le silence du bureau, presque oppressant, pesait aux deux hommes, se toisant, sans mot dire.
Ce fut Konoé qui brisa le premier le temps de silence, se raclant la gorge, comme pour se donner une douloureuse contenance. Il avait l'impression d'avoir une pierre au niveau de l'estomac et bien qu'il savait qu'à cette heure-ci le scientifique blond allait lui apporter un encas, une nausée de plus en plus forte l'étreignait, coupant net à toute vague d'appétit.
- Il n'y a donc rien à faire, n'est-ce pas Tatsumi?
- Comme vous avez pu le constater, les chances sont égale à 0,001, répondit le maître des ombres sur un ton qu'il voulait détaché, sans pour autant y parvenir. Il faut bien se rendre à l'évidence: Helen Stayle n'existe plus, autant dans le Monde des Vivants que dans l'Au-Delà…
Konoé eut un regard sombre.
- Son âme…
- … a été détruite, acheva le secrétaire d'une voix douce et triste malgré lui.
Konoé soupira une nouvelle fois, plus fort, espérant faire disparaître la pierre au fond de ses entrailles, l'étouffant à moitié.
- Je n'ose imaginer les sentiments de Tsuzuki en cet instant, déclara-t-il sur un ton sincèrement peiné. Toute la douleur que je peux éprouver moi-même à son égard n'est rien à celle qu'il doit ressentir…
Dans un grondement accablé, il se prit le front entre ses mains carrées et calleuses, un sifflement lui brisant intérieurement la conscience. Il n'avait pas voulu ça, il n'avait jamais voulu que ça recommence, que ce désespoir, cette disparition se reproduise, dans pratiquement les mêmes schémas sordides. Et ce regard d'améthystes, complètement désemparé, en proie à une terrible folie, il le revoyait, encore maintenant, quand il fermait ses propres yeux, quand il y repensait. Tsuzuki, il y avait plus de 70 ans, avait irrémédiablement changé. Cette cassure, cet « incident » avait eu raison de lui.
« Chef, regardez-moi! Que voyez-vous dans mes yeux? Allez-y, dites-moi! Est-ce que vous voyez un véritable sentiment humain? Je ne suis qu'une monstre, un monstre horrible, hideux! Ne tournez la pas tête, patron, regardez-moi! REGARDEZ-MOI! »
Konoé tressaillit, en repensant à tout ça, surtout à cette entrevue datant de cette époque. Les yeux de Tsuzuki l'avaient brûlé, moralement, au plus profond de son cœur, fouillant dedans, pour qu'il lui dise tout ce qu'il éprouvait. Il avait voulu savoir ce qu'on pensait de lui, ce qu'on éprouvait en le regardant dans ses yeux à la couleur maudite, symbole des démons.
Konoé sentit comme une larme perler à son œil droit. De la main, il l'enleva, sans que la lourdeur de la pierre ne s'atténue. Il redressa la tête, observant son secrétaire qui faisait de même. Toute la peine se reflétait dans les prunelles claires de Tatsumi, ayant connu tout cela depuis longtemps. Rien n'avait pu changer et la douleur, la terrible douleur de Tsuzuki, malgré l'amour d'Hisoka ne pourrait jamais disparaître. C'était comme une plaie qui, malgré les bandages et les soins, s'infectait, toujours et encore, laissait couler la pourriture dans toute la chair encore intacte.
A cet instant, coupant court aux sentiments maussades, on frappa la porte.
- Entrez, dit Konoé d'un ton las.
Le regard doré de Watari lui répondit, amenant avec lui cette lumière particulière, cet entrain simple et quotidien. Et, même si de tristesse se voyait dans ses yeux, il la voilait, souriant doucement à son chef qui remerciait le ciel de lui avoir offert un employé si compréhensif.
Le scientifique entra, ne portant pourtant pas le plateau de gâteaux. Il avait l'air un peu gêné, voire même très mal à l'aise. Évitant les yeux de Tatsumi, il laissa la porte ouverte, se mettant sur le côté.
- On désire vous voir, patron, fit Watari sur un ton un peu tendu.
Konoé acquiesça à peine. Le bureau supérieur l'avait déjà réprimandé pour son manque de tact lors de la mission à Las Vegas. Le fait que des êtres vivants eurent été mêlés à tout ça, concernant la mort d'Helen Stayle, avait été quelque chose de pratiquement inqualifiable. Il avait fallu l'intervention du roi Enma pour empêcher les juges du Tribunal de suspendre momentanément Konoé de sa fonction. Alors, un supérieur de plus ou de moins allant le critiquer sur ses faits et gestes, il y était habitué.
Ce furent deux hommes qui entrèrent dans le bureau, à la suite de Watari qui avait toujours l'air très mal à l'aise, à l'étonnement de Tatsumi qui cherchait par des froncements de sourcils à capter le regard doré de son collègue vers lui.
Le premier devait avoir dans les cinquante ans, si ce n'était plus. De taille moyenne, mais de corpulence forte, son regard d'acier scrutait intensément le chef du service, tandis que ses lèvres se serraient étrangement, comme s'il se retenait de dire quelque chose de cinglant. Il avait des cheveux poivre et sel, et un bouc bien taillé, qui n'arrivait pas néanmoins à cacher un menton plutôt proéminent et très en avant, presque prêt à chuter. Habillé à la manière d'un directeur de banque, costume bien coupé noir trois-pièces, avec les boutons prêts à craquer sur la chair du ventre, il portait une mallette métallique d'une main ferme et carrée, la main d'un véritable homme d'affaires.
Une petite silhouette, restée en retrait, se fit voir des Shinigami qui eurent un léger haussement de sourcils. C'était un jeune garçon, très jeune même, ne devant pas avoir plus de treize ans, bien que son visage, aux traits très réguliers, très fins alliant une douceur féminine à une candeur juvénile, lui donnait dans les quatorze ans. Ses yeux étaient grands, pleins d'expressions, aux éclats bruns dorés. Ses cheveux d'un noir aux reflets cuivrés, étaient lisses, tombant en mèches éparses sur sa nuque, coupés dans un carré approximatif mais soignés. Ses vêtements dégageaient une touche d'originalité, au jean troué aux genoux, rapiécé de tissu de couleurs vives, la veste noire dont le dessin dans le dos représentait un grand papillon aux ailes déchirées, et recousues de manière barbare, les baskets délacées. Watari essaya d'imaginer le jeune Shinigami aux yeux d'émeraude porter de tels vêtements et fut surpris de penser que cela lui irait parfaitement.
Il y eut un silence pesant qui ne dura qu'une seconde, ou deux, tout au plus. Konoé, apercevant l'homme au bouc, devint très pâle, la bouche entrouverte, les yeux écarquillés. Puis, presque aussitôt, ses joues s'empourprèrent d'une violente couleur rouge et il se redressa vivement, fou de rage.
- Jo… Johnson!
L'homme sourit.
- Tu as l'air très content de me voir, vieille branche, rétorqua-t-il sur un ton grinçant.
Le garçon eut un léger ricanement. Konoé s'écarta de son bureau, toisant Johnson avec une telle fureur que Tatsumi tressaillit. Watari, quant à lui, semblait particulièrement intéressé par la plante verte au coin de la porte. Il y avait à présent dans la pièce une impression lourde de colère.
- Qu'est-ce que tu es venu faire ici, vieux croûton! Cracha Konoé, le visage si rouge qu'il émanait de la chaleur. Oh, c'est un honneur de savoir que tu as laissé de côté tes précieuses affaires pour venir me voir.
- Pas vraiment, fit Johnson dans un japonais parfait, avec un très léger accent. J'ai ouï-dire que tes supérieurs t'avaient un peu tiré les oreilles concernant l'affaire du yurei… J'avais espéré que tu sois suspendu, mais je suis déçu de voir que finalement non.
Konoé eut un affreux rictus qui déforma davantage la ride qu'il avait au coin de la bouche.
- Tu n'as jamais encaissé le fait que j'ai été nommé Chef du Service des Assignations, n'est-ce pas?
- Tu n'as que 250 ans de moins que moi, répliqua violemment Johnson, devenant aussi écarlate que son interlocuteur, touché à un point sensible. J'avais été meilleur que toi lors de la formation! Et c'est toi qu'on a choisi, un misérable bleu à qui on laisse tout un service, l'un des plus importants du Juo-Cho!
- Misérable bleu? répéta Konoé, indigné. Retire ce que tu as dis! Ne me fais pas croire que tu as tout perdu à cause de ça! Tu es maintenant le chef du Service 2 des Etats-Unis, tu as eu une promotion!
Johnson eut un terrible sourire, un sourire, féroce, hargneux, celui d'un chien qui est prêt à tout pour garder son os auprès de lui. Le garçon détourna ses yeux vers l'ordinateur portable laissé sur le bureau, visiblement intéressé. Tatsumi, sans mot dire, abasourdi par l'échange, observait les deux chefs. Watari ne disait rien, évitant tout regard du secrétaire qui ne comprenait rien à ce qui se passait.
« Mais enfin, de qui s'agit-il? », songea-t-il, ne se rappelant pas l'avoir vu quelque part depuis le temps qu'il travaillait au Juo-Cho.
- En effet, approuva l'américain sur un ton dangereusement doucereux. Être le chef du Service 2 a de nombreux avantages, comme par exemple… faire tout en œuvre pour privilégier une affaire.
- Privilégier…, fit Konoé, surpris.
Il demeura muet une demi-seconde, avant de comprendre.
- C'est toi qui a fait en sorte que nos données soient piratées! Tout ça pour recueillir tout le mérite, et me descendre aux regards du bureau supérieur! Johnson, tu est d'une telle immaturité, faire tout ça pour m'humilier!
- Et toi, ne m'as-tu pas humilié il y a bien longtemps, en prenant la place qui me revenait de droit?
- Tu délires complètement, mon pauvre vieux! On m'a nommé à ce poste car j'avais plus de qualités que toi pour. Si pour une rancœur datant de je ne sais plus combien de siècles tu as fait tout ça, va te plaindre au Roi, bien que tu ne le ferais jamais. Tu es bien trop petit, mesquin et fourbe pour une telle démarche administrative.
Konoé croisa ses bras sur sa poitrine, inspirant profondément pour tenter de se calmer. Heureusement qu'il était mort, son cœur, par toute cette colère, aurait lâché. Fichue faiblesse cardiaque… Il eut un sourire en coin, dévisageant le garçon silencieux.
- Et hormis essayé de me jeter en pâture aux juges, que me vaut ta visite que je n'apprécie pas le moins du monde? Si tu me présentais ce jeune homme avec toi, au lieu de venir grogner comme un chien galeux?
Le menton proéminent de Johnson eut comme un tremblement. Tatsumi comprit alors qu'il riait d'un air goguenard. Entendant qu'on l'interpellait, le garçon releva la tête, dévoilant deux agates franches et insolentes, semblant creuser l'âme du chef du Service des Assignations. Watari serra le poing, évitant obstinément le regard de Tatsumi qui ne comprenait toujours pas.
Johnson tendit une main fière vers le garçon qui eut un léger sourire moqueur.
- Je te présente Love, l'un de mes meilleurs éléments. Love est comment dire… celui qui a réussi à pirater tout votre système, et a récupéré toutes vos données.
Watari pâlit. Tatsumi tressaillit. Konoé demeura le bouche ouverte comme un poisson hors de lui.
« Ce… gamin? », pensèrent-ils en même temps.
Love sourit davantage, ironiquement, jetant un bref coup d'œil au scientifique qui semblait complètement se morfondre. Il sortit d'une poche rafistolée de sa veste noire une disquette qu'il agita sous le nez de Konoé.
- Voici toutes les données que je vous ai prises, dit-il sur un ton désinvolte. Bien qu'il n'est pas difficile de penser que vous ayez des sauvegardes, je vous rends quand même les originales. C'est inutile sur mon ordinateur et ça encombre. Je n'ai pas besoin d'un truc aussi nul.
Sa voix était douce, juvénile, celle q'un jeune garçon qui ne grandirait plus. Elle était semblable à du velours, basse et grondante comme un chat, mais étonnamment fluide, et claire. Elle illustrait parfaitement l'impression de maturité en lui, mêlée à cette candeur qui ne disparaîtrait jamais.
Konoé sembla retrouver enfin la parole. Détaillant des pieds à la tête le garçon qu'il dépassait d'une bonne dizaine de centimètres, il prit la disquette simple et sans étiquette entre ses mains, la considérant comme une bombe à retardement.
- Et… C'est toi qui as fait tout ça? Reprit-il, n'arrivant pas à y croire.
- C'est bien moi, répondit doucement Love en détachant bien les syllabes, comme s'il s'adressait à un handicapé mental. Oh ce n'était pas dur, il y a une énorme faille dans vos barrières, et ça n'a pas été difficile de désactiver les codes d'accès. D'ailleurs, si vous le désirez, je peux m'occuper de tout rebâtir et faire de nouveaux systèmes de protection… en échange d'une certaine rémunération, acheva-il en souriant toujours d'un air moqueur.
Johnson eut un rictus goguenard qui mit plus en avant son menton.
- Tu entends ça, Konoé? Grâce à mon cher Exécuteur, tes données sans intérêt seraient bien protégées.
- Je refuse de payer un morveux, surtout s'il travaille pour toi, enflure! Cria Konoé, fou de colère.
Love cessa aussitôt de sourire. Ses yeux d'agate se durcirent, au point de ne plus laisser passer aucun sentiment. Ses pupilles à cet instant, eurent une étrange lueur dorée, comme une étincelle électrique. Une aura se dégagea de son corps et, dans une atmosphère étouffante, le portable de Konoé, bien sage sur le bureau, fut parcouru d'éclairs vivaces comme des serpents.
KZLIING! KZLIIING!
Dans un gargouillis électronique, l'ordinateur se mit à vibrer, à émettre de la fumée étouffante, âcre et noire. Puis, à son tour, la cafetière se mit à bouillonner, à gesticuler parcourue par des éclairs dorés et brûlants, renversant du café sur une pille de dossiers. Le ventilateur se mit en marche, faisant souffler des centaines de feuilles à travers toute la pièce.
Fou de rage, Konoé tenta d'attraper les feuilles tout autour de lui, alors que l'ordinateur avait commencé à prendre feu, rongé par les étincelles électriques. Abasourdi, Tatsumi observait le jeune garçon qui ne bougeait pas, les lèvres ourlant un petit sourire satisfait, tandis que ses pupilles étaient à présent deux sphères lumineuses, où brillait une puissance maligne.
- JOHNSON, FAIS ARRÊTER CA TOUT DE SUITE! Hurla Konoé, à deux doigts d'étrangler l'américain qui n'en pouvait plus de rire.
- C'est toi qui as cherché Love, rétorqua Johnson en souriant à son employé, les yeux toujours parcourus d'étincelles. Ne le traite jamais de « morveux », de « gamin » ou je ne sais quoi d'autre, car tu le paieras amèrement. Il est très rancunier, comme tu peux le constater.
Konoé ne constatait rien à cet instant, essayant de débrancher la prise du ventilateur, alors que son ordinateur se réduisait à un petit tas de plastique fondu dont l'odeur était tout simplement horrible. Dans les bureaux, on avait cessé de travailler et écoutait toutes les insultes que Konoé balançait à la tête de Johnson, en même que les restes de son ordinateur fumant, tandis que Watari et Tatsumi tentaient de le calmer avec plus ou moins de difficultés.
- SORS D'ICI, JE NE VEUX PLUS JAMAIS TE VOIR! DISPARAIS DE MON SERVICE OU JE TE JURE QUE TU LE REGRETTERAS!
- Chef, non, pas le bureau!
- Patron, posez cette chaise tout de suite!
- Hahaha, il n'a pas changé, rit l'américain, s'adossant à la plaque métallique de l'ascenseur, alors que le jeune garçon souriait, bien qu'une ombre passait dans ses yeux.
Il avait fallu que Tatsumi ordonne aux deux hommes de sortir pour que Konoé se calme et arrête de lancer divers objets à travers la pièce, au risque de blesser le pauvre scientifique qui avait jugé de bon de se cacher derrière la plante verte. Watari avait été mis au courant à propos de l'identité du hacker et avait éprouvé une honte infantile, mortellement jaloux de ce gamin qui avait réussi à le surpasser au niveau informatique. Honteux de son ignorance vis-à-vis de Love, il avait essayé de se faire tout petit aux yeux de son collègue et de son chef.
On ne pouvait pas être bon en tout.
Il y eut bref silence dans l'ascenseur, avant que Johnson ne se tourne vers son employé.
- J'ai appris pour ta mutation à Honshu, déclara-t-il sur un ton neutre. La nouvelle section va être bientôt ouverte à ce que j'ai compris.
Love soupira.
- Ils ont besoin de quelqu'un de calé en informatique dans leur section. On va essayer de me trouver un partenaire bien que j'en ai pas besoin.
- Tu verras en temps voulu, acquiesça l'américain d'un ton paisible.
Love sourit gentiment à son supérieur, croisant les bras sur son torse, jouant avec la chaîne à grosses mailles qu'il avait autour du cou. Il soupira.
- Même si vous ne le dites pas, boss, je sais bien que vous êtes en colère contre moi.
Johnson resta silencieux, observant les chiffres rouges qui continuaient à descendre. Love lui jeta un regard en coin, plein de franchise, de cette expression pure et jeune, la jeunesse qui ne sait pas se contrôler.
- Vous vouliez que je leur dise que quelqu'un avait piraté leurs données et pourtant je ne l'ai pas fait…
- J'ignore si tu avais de bonnes raisons de leur cacher cette information, fit Johnson sèchement. Meifu est un endroit convoité, la puissance de « La Porte » également.
- Je sais, approuva Love d'un léger signe de tête. Mais je n'ai pas pu, je n'ai pas pu leur dire…
Johnson se tourna vers lui, le dévisageant froidement, son large menton en avant.
- Et pourquoi donc?
Love eut un sourire étrangement triste, ourlé d'amertume. Il rit, de ce rire dépité et fataliste, passant une main vague dans ses cheveux. Ses yeux, assombris par on ne savait quelle ombre, se perdirent dans des pensées houleuses. Il regarda son employé ainsi, comme un joueur qui vient de perdre gros.
- Et même si je leur avais dis, qu'est-ce qu'ils auraient fait? Dit-il sombrement. Cet homme… Malgré tout, nous ne pouvons rien y faire… nous n'y pouvons rien… Il a compris qu'on ne peut rien… c'est pour ça qu'il a fait tout cela…
Johnson ne dit rien, allumant une cigarette malgré l'interdiction marquée sur une plaque dans le coin de l'ascenseur. Il exhala une bouffée aux tons bleus.
Que pouvait-il répondre à ça?
- … C'est donc à eux de se battre contre lui… Nous ne pouvons rien y faire…, renchérit sur un ton bas.
Qu'y avait-il donc, que s'était-il donc passé pour que les mots de cet homme brisent la volonté du plus enhardi?
Il faisait beau aujourd'hui, un ciel pur et clair, en parfaite harmonie avec l'eau douce du ruisseau à ses pieds, le courant glissant sur les pierres rondes et lisses, et dont l'odeur fraîche se mêlait à l'herbe verte.
L'homme eut un pauvre sourire, sourire de défaite, sourire de tristesse, agenouillé contre la rive, accomplissant la tâche qu'il s'était confié à lui-même. Ses mains, grandes et douces, caressantes, tressaient les brins parfaitement, prenant garde à ne pas froisser les pétales clairs. Il avait presque fini ce présent, cet hommage qu'il comptait offrir à la jeune fille fragiles. Il espérait tant lui faire plaisir…
« Athio… »
Il tressaillit et son sourire paisible se brisa, avant de se rétablir maladroitement sur ses lèvres, tandis que ses doigts continuaient leur tressage, leur création. Près de lui, des branches de fleur de cerisier s'amoncelaient en un tas soigné, mettant de côté les brins cassés, tout ce qui avait un défaut. Son regard d'améthyste, assombri, éclaté en de multiples lueurs de chaos, baissait vers son travail minutieux, ne pouvait voir la silhouette mince et silencieuse, debout à quelques mètres de lui, cachée par l'ombre des arbres en fleurs.
Un adolescent, le cœur serré, observait celui qu'il aimait, contemplait son dos voûté, ses épaules tombantes, sa nuque baissée vers l'ouvrage entre ses mains. Ses yeux d'émeraude eurent une lueur de peine, contemplant cet homme si beau mais si triste. Il fronça les sourcils, attendant la fin du travail de son partenaire et amant.
« Tsuzuki… »
Avec presque tendresse, les doigts pâles tressèrent la dernière lanière de la couronne de fleurs, petite mais belle, faite avec habilité et de temps. Les fleurs de cerisier éclataient de couleurs, de tons roses ou foncés, comme des ailes de fées. La comparaison fit sourire l'homme qui, satisfait de son présent, se redressa, observant son reflet à la face ridée de l'eau limpide, voire transparente. Il se vit, droit, aux épaules larges, grand, beau avec son regarde mauve et ses cheveux bruns en bataille mais ravagé par un désespoir qu'il avait de plus en plus de mal à dissimuler.
- Helen…, murmura-t-il affectueusement.
Il mordit dans le doux prénom de cette jeune femme qui sous une fragilité frappante, était pourvue d'une force mentale peu commune, d'un courage d'héroïne de tragédie grecque. Son sourire, sa voix, ses yeux étaient à présent des souvenirs gravés dans la mémoire du Dieu de la Mort, douloureux comme une plaie, mais indispensable comme un cœur qui bat. Elle avait accepté la mort comme un avenir impossible à changer, même si elle avait dû mourir des mains de la personne qu'elle aimait le plus au monde. Toute la haine que son amant avait témoigné à son égard n'avait pas étouffé tout l'amour qu'elle portait pour lui. Malgré les meurtres, malgré la peur qui l'avait étreinte lorsqu'elle avait été seule, dans la froideur de son lit, malgré la tristesse ne plus être aimée, elle avait tout accepté, tout, juste pour se faire pardonner d'une faute qui n'en était pas vraiment une. Certains auraient appelé ça de la lâcheté, lui nommait ça le courage. Helen avait été courageuse à sa manière frêle et délicate. Elle était devenue une véritable déesse à part entière.
- Pardonnez-moi de ne pas avoir pu vous sauver, continua l'homme aux yeux d'améthystes, s'exprimant presque à son reflet pâle. Pardonnez-moi de ne pouvoir qu'à cet instant, vous exprimer toute la tendresse que j'éprouve pour vous… J'aurais voulu que tout cela finisse autrement mais… ce n'était pas possible, n'est-ce pas? On ne pouvait changer ce destin…
Les mains qui le frappaient… les cris terrifiés… et la silhouette toute de rouge vêtue, affalée contre le sol caillé de sang…
- Je suis désolé, Helen…, ajouta-il d'une voix tremblante. Et je ne peux plus faire que cela, être désolé… Désolé pour vous, désolé pour toutes ces personnes qui n'ont pas pu être sauvées par ma faute… Pourquoi…? Mon Dieu, est-ce que je ne suis qu'un monstre, tout compte fait?
Il avait mal au cœur, une bile acide qui remontait dans ses entrailles. Il porta une main à son visage, tentant de masquer les larmes qui ruisselaient sur son visage, sur ses joues pâles. Il se sentait fatigué, fatigué d'exister en ce monde et ne pouvoir rien faire pour sauver quiconque. C'était comme tenter d'attraper l'air entre ses doigts. Peu importait tous ses efforts, les personnes chères à son cœur mourraient, un jour ou l'autre. Helen…, « elle »…
Ne pouvant plus lutter contre les larmes qui embrouillaient son regard, il sourit tristement à son reflet pleurant tout comme lui, tenant la couronne de fleurs entre ses mains.
- Reposez-vous bien Helen, où que vous soyez… avec Pâris… J'espère que vous avez trouvé le bonheur, dans ce monde ou dans un autre…
Et sur ces mots, il laissa tomber le présent fait avec tendresse, glisser sur l'eau limpide, émettre une onde paisible. Puis, doucement, les fleurs se détachèrent progressivement des brins tressés ensemble, emportés par le courant, au loin, pour ne plus revenir. Muet, les larmes coulant toujours, l'homme observa les pétales clairs se gorger d'eau, couler doucement, tourbillonner dans le courant, se mêler à cet élément…
Des pas derrière lui…
- Tsuzuki…
Une main chaude sur son épaule… Depuis l'adolescent avait-il les mains aussi chaudes que cela? Il avait tellement mal en lui…
- Tsuzuki, regarde-moi, je t'en prie…
« Athio… »
Il se tourna, pour rencontrer deux émeraudes étincelantes d'inquiétude, d'amour, de tendresse, le contempler dans toute sa douleur. Un visage pâle, si fin, si délicat, aux lèvres fines faites pour le baiser, à la peau douce…
- Hisoka, souffla-t-il, le cœur serré.
L'adolescent observa son amant, perdu dans sa douleur que lui-même ne pouvait consoler. Combien de fois l'empathe avait-il pleuré, avait-il souffert, et que son partenaire ne vienne le consoler comme il savait si bien le faire, avec délicatesse et pudeur? Il comprit que c'était maintenant à son tour de le consoler, de le protéger du chaos qui grandissait dans son cœur, dans toute son âme tourmentée. Il avait mal pour lui. Tous les sentiments désespérés qu'éprouvait le Shinigami en cet instant étaient une souffrance à accepter, pour aider Tsuzuki. Sans mot dire, Hisoka, tendrement, recueillit du bout des doigts les larmes intactes continuant de couler sur ce magnifique visage.
« Je ne veux plus que tu souffres… Je ne veux plus voir le noir dans tes yeux… »
Tsuzuki frissonna à ce toucher, tel un rêve. Il posa sa paume sur la main d'Hisoka, pour la frotter contre sa joue, pour éprouver une chaleur bienfaitrice. Mais la douleur était toujours là, toujours. Depuis si longtemps…
D'un geste presque violent, Tsuzuki enroula ses bras autour du corps de son amant et posa son front dans le creux du cou de ce dernier, laissant échapper toutes les larmes gardées trop longtemps en lui. Faible en cet instant comme un enfant, les épaules tremblantes, le corps tout entier secoué de spasmes. Hisoka, silencieux, lui caressa la nuque, tendrement, amoureusement, sentant sa propre vue se brouiller.
« Même si je dois ne plus faire que ça, ne plus que panser tes plaies… Je ne veux plus que tu souffres… »
Ne tenant plus sur ses jambes, Tsuzuki se laissa tomber à genoux sur le sol, enfouissant son visage contre le ventre de son partenaire, contre le tissu de son pull, écouter battre l'intérieur de son corps, comme on écoute un cœur battre, ses bras enroulés autour de sa taille. Bien que masqués, les gémissements, les sanglots de Tsuzuki se faisaient entendre et déchiraient l'âme d'Hisoka qui mordit la lèvre mais rien n'y fit, des larmes à leur tour, coulèrent sur les joues pâles de l'adolescent, silencieusement.
« Ne sommes-nous que des monstres pour prendre la vie des gens? »
Ils ne surent combien de temps ils restèrent ainsi, enlacés dans leur douleur, dans leur chagrin, avant que le soleil, dans des teintes de sang, ne disparaisse, avalé par la nuit. Ils ne surent combien de temps ils demeurèrent dans les bras l'un de l'autre, espérant trouver réconfort.
Mais le temps pour eux, qu'est-ce que c'était? Quel était donc le temps, dans le sablier de la vie?
Le temps ne comptait plus pour eux, ceux qui tiraient les ficelles de ce monde…
And the darkness closed the door for eternity… or not?
Owari
Voilà. Yurei est fini, mais pas la saga Yami no Matsuei. Prochaine fic suivant pratiquement et directement celle-ci : « La Porte des Ténèbres ». Action, magie, démons, où des souvenirs des précédentes fics refont surface (sisi, tout a un lien avec moi).
Il se peut également que j'écrive une OS sur Tatsumi et Tsuzuki (il y a quelques allusions à leur passé dans Yurei, si vous faites attention) mais j'ai tellement de projets. Armez-vous de patience pour mes prochaines fics et n'oubliez pas de cliquer sur le lien « homepage » dans mon profil pour accéder à mon site (un petit message sur le livre d'or, ça fait pas de mal). Faites attention au fandom de YnM et de Count Cain, on ne sait jamais.
Blood Kiss,
Tsubaki Himé.