Written in the Sand

Ecrit dans le sable

Auteur : Shadowphoenix

Avertissement : Rien ne m'appartient, tout est à JK Rowlings et l'histoire à Shadowphoenix. (Si vous voulez la contacter ou lire la fic en vo, allez voir dans ma bio)

Rating : R

4e partie de Embers and Ashes (voir 1 chapitre de Fine Lines pour le plan)

Suite de Fine Lines (Harry a tout oublié du monde sorcier et vit à New York. Severus est envoyé le chercher. Il doit l'aider à retrouver la mémoire et le protéger de Lucius Malfoy), Shades of Grey (Harry et Severus sont de retour à Poudlard) et One Moment (les moldus apprennent l'existence du monde sorcier).

Résumé: Les moldus ont attaqué Poudlard. Seuls Hermione, Drago et Severus ont survécu. Ils décident de retourner dans le passé pour changer les chose

Correctrice: AnthaRosa

Chapitre 1 : le territoire de Potter.

Le grincement d'une botte raclant la pierre résonna dans le silence et Drago s'arrêta net au bout du chemin. Dans son envol sauvage jusqu'au château, il n'avait pas pu respirer. Il avait concentré toute son attention sur le simple acte de courir. Maintenant qu'il était là, il ne retrouva pas son souffle : il ne put que regarder avec horreur le paysage qui s'étalait devant lui.

Il n'avait pas reconnu l'endroit où il se trouvait, pas tout de suite, en tout cas. Drago aurait continué à courir, déterminé à atteindre les limites, mais le carnage ne lui avait pas échappé et il s'étendait aussi loin que ses yeux le portaient. Il réalisa qu'il était à Poudlard. Au moins c'était le Poudlard qu'il avait connu autrefois, avant que le château ne soit détruit et que le sol ne soit recouvert des corps des attaquants et des défenseurs. Par tous les dieux…

Les yeux écarquillés, il ne put que regarder la désolation avec un étonnement irréel.

Le sol était noirci et nu, les arbres et les arbustes qui quadrillaient les environs étaient brûlés et sans feuilles comme si un vent de feu avait ravagé le paysage, brûlant tout sur son passage. Le lac était recouvert de saleté et de débris, sa surface était opaque et immobile. Et la Forêt Interdite…Drago n'en croyait pas ses yeux. La Forêt Interdite était partie, disparue, comme si elle n'avait jamais été.

Quelque part au-dessus de lui, retentit le cri mélancolique du phœnix.

Mon dieu, que s'est-il passé ici ? Qu'a-t-il bien pu se passer pour que tout soit ainsi flétri ? Qu'a-t-il bien pu se passer pour que la Forêt Interdite disparaisse complètement alors que le reste de la végétation avait brûlé ? Qu'a-t-il bien pu se passer pour que le monde soit ainsi détruit ?

« C'est parti. »

Drago ne se retourna pas pour faire face à Hermione quand elle s'arrêta à côté de lui. Il n'avait pas remarqué qu'elle s'était approchée. Il ne savait même pas qu'elle l'avait suivi.

« Tout est parti, » Répéta-t-elle essoufflée et sans y croire.

« Pensais-tu qu'il s'agissait d'une blague ? » Répondit Drago. Sa voix était cassante même à ses propres oreilles. « quand il a dit qu'il allait détruire le château ? »

« Peux-tu le sentir ? » Lui demanda Hermione brusquement.

Je ne peux rien sentir. Drago refoula la pensée. « De quoi parles-tu ? »

« Tout est mort. »

Drago la contourna furieusement. En colère, il voulut lui reprocher son inhumanité, mais les mots moururent quand ses paroles pénétrèrent le voile d'horreur et de choc qui avait étouffé ses sens. L'air était toujours dénué de la moindre brise. La colline elle-même était desséchée, silencieuse et vide. Et toute la magie était partie. La magie était partie.

Drago sentit ses yeux s'écarquiller davantage quand il chercha en lui, les bribes d'une réponse. Mais ce n'est pas possible ! La magie ne peut pas simplement disparaître ! C'est magique ! Elle ne peut pas s'en aller. Elle ne peut absolument pas partir ! Seulement, apparemment, c'est ce qu'elle avait fait. Et comme elle l'avait fait dans le monde, elle avait effacé tout ce qui était lié à elle pour survivre. Ce n'est tout simplement pas possible. Bon sang, que se passe-t-il ?

« Nous devrions partir, Malfoy. »

Drago cligna des yeux et sortit de ses songes. « Nous ne pouvons pas. » Les mots glissèrent de leur propre volonté. Je ne peux pas partir. Pas encore. Pas avant de savoir si… Une vague d'un froid engourdissant l'envahit et noya son incrédulité.

« Les barrières sont tombées. » Persista-t-elle. Ses paroles semblaient trop fausses et trop forcées pour être normales. « Nous pouvons transplaner. »

« Nous devons aller voir, Hermione. »

« Ils sont morts ! » Siffla Hermione d'une voix cassée pleine de peur et de chagrin. « Tout ceux qui ont pu partir l'ont fait. Il n'y a plus âme qui vive ici. »

« Nous n'en savons rien ! »

« Merde, Malfoy -»

« Reste là, alors ! » Grogna Drago. Ses tumultes émotions trouvèrent finalement une sortie dans la colère. « Attends-moi ici, si tu as si peur ! » Il tourna les talons et se mit en marche sans prononcer un autre mot. Il prit le chemin qui menait aux terrains.

Il avait à peine avancé qu'il entendit des pas derrière lui et il sentit une main lui attraper le bras et l'obliger à s'arrêter.

« Attends. »

Drago ne se tourna pas. Il resta, rigide, où elle l'avait obligé à s'arrêter : ses yeux se focalisèrent aveuglement sur un point devant lui. « Je dois savoir, Hermione, » Lui dit-il doucement. Il se força à dire ces mots derrière ses dents serrées. « Je sais que…Il n'y a aucune chance que… Je ne peux simplement pas partir. Si je n'ai pas vu par moi-même, le 'et si' me hantera tout le reste de ma vie si je ne le fais pas. Et si j'avais regardé ? Et si j'étais arrivé plus tôt ? » Drago secoua la tête. « Je ne veux pas voir. Je ne le veux pas. Mais je le dois. »

« Je sais » L'entendit-il murmurer. « Je …Je ne sais pas si je peux le supporter. »

Il pencha sa tête sur le côté et la regarda du coin de l'œil. « Tu peux le supporter. »

« Comment le sais-tu ? »

« Parce qu'il n'y a pas d'autre choix. » Parce que j'ai perdu autant que toi.

Après quelques instants, Drago sentit la main le lâcher lentement. « Je viens avec toi, » Murmura-t-elle d'une voix douce. « Je ne veux pas rester ici toute seule. »

D'une légère inclination de la tête, il acquiesça puis ils se remirent à marcher. Il n'y avait plus d'ennemis cachés, tout était trop dévasté pour qu'il y ait encore un endroit sûr où se cacher. Et il avait beau chercher la plus petite étincelle de vie, tout ce que Drago ressentait était l'écho de la mort. Il n'y avait rien à craindre, il ne restait rien, sauf des places vides remplies de fantômes du passé.

Je me demande si elle a un jour imaginé trouver du réconfort en ma présence ? Songea Drago en longeant les morts. C'était plus facile, s'il pensait à autre chose, à n'importe quoi d'autre, plutôt qu'à les chercher parmi les visages anonymes des corps des moldus. Qui aurait pensé que nous nous retrouverions un jour tous les deux du même côté ? C'est drôle, ce qui lie les gens ensemble, Drago souhaitait pouvoir rire de cette ironie. Son jeune moi, l'aurait fait, s'il n'avait pas été trop préoccupé à être complètement malade à l'idée de ce qu'il avait fallu pour lier un sang de bourbe et un sang pur ensemble. Drago regarda attentivement le paysage devant lui. Les puissants sont tombés, effectivement.

« Malfoy ! » Murmura Hermione avec urgence. Elle agrippa son bras et le fit sortir de ses pensées.

Toujours très lentement, incapable de respirer, Drago tourna la tête pour voir ce que son doigt tremblant lui désignait. Son souffle quitta ses poumons de soulagement et d'horreur.

« Nous devons être prêts des serres, » Murmura Drago un instant après, en regardant le corps criblé de balles du professeur Chourave. « Allons. Nous ne pouvons rien faire pour elle. »

Drago avança avec impatience, son anxiété grandissait. Elle griffait son esprit, lui criait de se dépêcher, se dépêcher avant qu'il ne soit trop tard. Il allongea ses pas Toujours agrippée à son bras, Hermione n'avait pas d'autre choix que de le suivre en chancelant. Drago ne fit pas attention.

Ils trouvèrent d'autres corps en parcourant le terrain : Flitwick, Sinistra, Bibine, Vector. Même Trelawney. Mais ils ne trouvèrent aucun signe de Albus Dumbledore ou de Minerva MacGonagall. Drago n'avait besoin que de regarder par-dessus son épaule et de regarder la terre brûlée et craquée de ce qui avait autrefois été l'école pour savoir qu'ils ne seraient jamais retrouvés.

« Je resterai moi-même derrière, pour occuper l'armée jusqu'à ce que les enfants aient réussi à partir, et pour détruire le château. »

« Albus ne sera pas seul. Je resterai moi-aussi derrière. »

L'inquiétude grandissait, ils passèrent devant la Forêt Interdite, et s'approchèrent du lac. C'était le seul endroit où ils n'avaient pas encore cherché. S'ils ne trouvaient rien… Ils sont morts, se dit sévèrement Drago en coupant brusquement son train de pensées. Tu ne peux pas te permettre d'espérer. Ils sont partis. Maintenant tu devrais pourtant le savoir. Il n'y a pas de fins heureuses.

C'est en franchissant une crête que Drago regarda sur sa droite et vit à peu de distance, une forme affaissée étendue sur le sol où elle était tombée. Quand il n'entendit pas Hermione hurler, il risqua un coup d'œil dans sa direction. Elle regardait sur sa gauche, elle ne l'avait pas vu.

Drago tourna et s'arrêta devant elle. Elle tournait le dos au corps que lui seul avait vu. « Hermione, »commença-t-il en attirant son attention. « Nous perdons trop de temps. Pourquoi ne nous séparons-nous pas ? Nous couvrirons plus de terrain ainsi. Et peut-être… » Il secoua la tête, énervé contre lui parce qu'il faiblissait, parce qu'il espérait. « Ecoute, pourquoi ne vas-tu pas chercher par-là -» Drago lui désigna la direction qu'elle était en train d'observer. « et moi je prendrai l'autre chemin. »

« Es-tu sûr que tu ne veux… » Elle ne continua pas, elle jetait des coups d'œil méfiants, la peur et l'appréhension étaient pleinement inscrites sur son visage.

« Prends Fumfseck, » Lui suggéra Drago doucement. « Ainsi, tu ne seras pas toute seule. »

Fais-le simplement. Pour une fois dans ta foutue vie, ne discute pas avec moi. Hermione chercha ses yeux attentivement. Après un temps, il lui rendit son regard, la Gryffondor acquiesça.

« Fumfseck ! » L'appela Hermione avec un geste de la main pour attirer l'attention de l'oiseau et l'attirer près d'elle. Ses yeux revinrent sur Drago. « Si je trouve… »

« Cri. Je t'entendrai, » Drago lui fit un petit sourire, un sourire sans joie. « Et je ferai de même. »

Hermione acquiesça à nouveau et se dirigea dans la direction que Drago lui avait désignée sans un autre mot ou un autre regard. Drago resta où il était et la regarda disparaître de l'autre côté de la colline. Alors seulement, quand il fut certain qu'elle ne changerait pas d'avis et ne revienne pas, Drago fit demi-tour, inspira profondément et se dirigea d'un pas rapide vers la forme brisée et battue qui avait été autrefois Rubeus Hagrid.

Au premier coup d'œil, le demi-géant était mort. Personne ne pouvait être couvert de tant de sang et criblé par autant de balles et être encore en vie. Il ne s'était pas attendu à ce que le géant soit vivant. Mais il voulait s'en assurer.

« Il n'y a rien de personnel, » Dit Drago doucement au gardien en se levant pour regarder le corps. « Mais je ne pouvais pas perdre le temps qu'elle aurait pris pour vous pleurer. Après, quand je saurais, je l'emmènerai pour qu'elle puisse vous dire adieu. Mais pour l'instant… » Il leva les yeux vers le ciel puis regarda à nouveau l'homme qu'il avait autrefois méprisé. Un sourire amer étira ses lèvres. « Vos créatures magiques sont parties, Hagrid. Je suis content que vous ne soyez pas ici pour le voir »

« Drago ! »

Drago se figea, il écarquilla les yeux quand le cri d'Hermione atteignit ses oreilles. Non. Oh mon dieu, non…Pas cela. Il n'était pas conscient d'avoir cligné des yeux. Il n'avait pas remarqué qu'il retenait son souffle. Il ne fut pas conscient qu'il courait pour raccourcir la distance qui les séparait. Il n'était conscient de rien sauf que son esprit était engourdi, froid, il niait avec horreur le cri qui avait surgi des profondeurs de son esprit et qui ne s'arrêterait pas. Il lui fallut une éternité pour atteindre Hermione. Il ne lui fallut pas plus d'un battement de cœur.

« Ils sont morts, » Murmura Hermione avant de se mettre à sangloter. « Il est mort ! Oh mon dieu… Il est mort ! Harry ! »

Drago l'entendait à peine. Le cri de son esprit, le mugissement du sang dans ses oreilles, les martèlements de son cœur, l'acte simple de respirer noyaient la voix d'Hermione. Il ne pouvait pas parler. Il ne pouvait pas bouger. L'air entrait et sortait de ses poumons, mais sa poitrine était si comprimée que Drago avait l'impression qu'il ne pouvait plus respirer. Tout ce qu'il pouvait faire, était de regarder impuissant et futilement les corps étendus sur le sol flétri.

Harry était sur le dos, les yeux étaient, par chance, clos sous la croûte de sang qui couvrait son visage. La cicatrice qu'il avait toujours détestée, qui l'avait mis à l'écart de tous les autres, était partie, anéantie par un trou, une crevasse sanglante qui marquait l'entrée d'une balle. A côté de sa tête, une paire de lunettes avait été oubliée sur le sol, de la lumière irradiait d'un coin de la lentille.

Severus était étendu sur le ventre comme il était tombé, son dos était trempé de sang et sa robe déchirée. Un bras remplissait l'espace entre lui et Harry. Une main pâle, à demi-enterrée dans la boue, des doigts fins à quelques centimètres de l'épaule de Harry. Il avait apparemment essayé d'atteindre le Gryffondor. Il n'avait pas réussi.

A côté de lui, Hermione était tombée à genoux, la tête dans ses mains. Drago ne le remarqua pas. De longues minutes s'écoulèrent gelées dans une éternité de chagrin.

Un mouvement attira son attention. Lentement, il arracha son regard des corps de Severus et de Harry et comme s'il s'agissait d'un rêve, tourna la tête.

C'était un moldu qui se débattait sous le corps d'un de ses camarades. Il était blessé, mais Drago ne pouvait pas déceler la cause de la blessure. Il était couvert de sang et bien qu'une grande partie devait appartenir à son camarade, ses mouvements hésitants attestaient qu'il était effectivement blessé. Après s'être débattu, il s'assit et remarqua la présence de Drago.

Leurs yeux se rencontrèrent.

« Aidez-moi, » Croassa le moldu en tendant la main dans sa direction. « S'il vous plait…aidez…moi… »

Drago écarquilla les yeux. Des images traversèrent rapidement son esprit. Poudlard vu d'un balai, dans le ciel. Un cratère brûlé à la place du château. Des tas de moldus tombés n'importe où, au hasard du sort mortel. Une main pâle étendant son bras futilement pour raccourcir une distance impossible. Le corps de Hagrid déformé dans la boue. Des yeux verts, étincelant de joie. Des obsidiennes brillantes regardant d'un air pensif le passé. La colline dévastée. Une paire de lunettes cassée et déformée.

Drago plissa les paupières comme si quelque chose enfouit profondément en lui s'était brisé.

Sans en avoir conscience, Drago avait pris sa baguette.

« Malfoy, non ! » Cria Hermione derrière lui.

Drago l'ignora.

La moldu tendit son autre main.

Le temps s'immobilisa.

Le cri quand il franchit sa gorge ne ressemblait à rien de ce qu'il avait entendu. Il ne reconnut pas sa propre voix.

« Avada Kedavra ! »

Une lumière verte aveuglante illumina le ciel. Drago regarda inébranlablement au fond de son regard, des larmes insouciantes ruisselaient de ses yeux larmoyants quand il refusa de détourner le regard.

Les moldus mourraient. Un par un, il les chasserait. Hommes, femmes, enfants, il n'y avait pas de différence. Il les trouverait tous, quel que soit l'endroit où ils pourraient se cacher. Et pour chaque vie qu'ils avaient prise, pour chaque moment perdu, pour chaque rêve brisé, il les réduirait. Il obtiendrait un paiement pour tout ce qui avait été perdu, il prendrait leur vie, jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus à prendre. Seulement alors, quand tous les moldus seraient morts, il arrêterait.

La lumière verte s'effaça. Les dernières images dansaient encore devant lui quand Drago regarda sans passion le corps sans vie qui eut autrefois l'audace de vivre quand tous les autres étaient morts. Bien qu'il ne vit rien, Drago sentit un mouvement derrière lui et instinctivement tourbillonna sur lui-même, prit sa baguette, les mots mortels étaient sur le bout de sa langue.

Hermione regarda le morceau de bois, ses yeux rougis. « Vas-tu me tuer moi-aussi, Malfoy ? »

« Tu n'es pas l'un d'eux. »

« Alors tu vas jouer à être Voldemort maintenant ? » Lui demanda Hermione en repoussant la baguette de son visage.

Drago sourit d'un sourire nonchalant et prédateur. « Je me fiche de ce monde, » Répondit-il en soulignant la différence entre lui et Voldemort. « et je ne vais pas perdre mon temps à les torturer. »

« Arrête ! » Siffla Hermione en agrippant ses épaules pour le secouer. « Arrête ! Ca n'aidera personne Malfoy. Tuer des moldus ne les ramènera pas. Ca ne changera rien. Ca ne ramènera pas Harry ! »

« Lâche-moi, » Lui dit Drago avec une douceur trompeuse. « Maintenant. »

« Ou quoi ? » Le défia-t-elle violemment. « Tu me tueras moi-aussi ? »

« Si tu te mets en travers de mon chemin. »

Elle plissa les paupières. « Je suis sur ton chemin en ce moment même, Malfoy. »

Drago haussa les épaules négligemment. « Ton choix. »

« Prends soin d'elle, Drago. »

Les mots levèrent le brouillard de haine qui avait balayé la raison de Drago, l'arrêtèrent alors qu'il se débarrassait des mains de Hermione. Son réveil lui laissa une étrange sensation d'attente et la vague impression d'une vision, qu'il n'aurait qu'entrevue, une étincelle endormie et oubliée sous la cendre qui attendait que le vent mette le feu. Qu'est ce que… ? Drago cligna soudain des paupières, il se sentait confus et à la dérive.

Il regarda ses mains surpris de voir que ses doigts serraient fermement sa baguette et que ses ongles coupaient la chair. Je… Il leva la tête et regarda les yeux d'Hermione d'un air absent. Elle était perplexe. Qu'est-ce que je… ?

« Drago ? » Lui demanda Hermione avec hésitation, sa voix semblait venir de très loin.

Drago secoua la tête et l'ignora, se dégagea de ses mains et se retourna. La stupéfaction s'évanouit brusquement, comme si ses yeux avaient été attirés vers des doigts qui semblaient…Comme s'ils venaient de…

« Drago ? Que -»

« Shh ! » Grogna Drago en avançant, ses yeux concentrés sur ces doigts, souhaitant qu'ils bougent, il n'osait à peine respirer. Encore… Encore une fois…Montre-moi que je n'ai pas des hallucinations…Prouve-moi que je ne deviens pas fou…Juste une fois de plus…

La seconde s'écoula avec une lenteur agonisante. Et alors, juste au moment où il allait se traiter de fou, Drago vit un mouvement. Son souffle quitta ses poumons. Il tomba à genoux à côté de Severus, et se retourna pour regarder Hermione.

« Aide-moi ! » Lui dit-il avec urgence. « Il est vivant, Hermione. Severus est vivant. »


A la fin, Drago, avec ses capacités médiocres de guérisseur, était épuisé. La tentative n'avait pas été évidente. Drago savait que si Hermione n'avait pas été là avec son savoir sans fin sur l'art de jeter des sorts, Severus serait mort. Mais, à eux deux, ils avaient réussi à non seulement réparer les blessures superficielles sur le dos de l'homme, mais aussi celle internes.

Drago regarda Severus. Il était maintenant allongé sur le dos. Ils l'avaient nettoyé au mieux de leur capacité magique, mais l'homme ne montrait aucun signe qu'il allait reprendre conscience. « Je ne pense pas que tu aies assez d'énergie pour lancer un Enervate ? » Demanda-t-il à Hermione.

Hermione secoua la tête. Le mélange du chagrin, de l'épuisement et de l'horreur avait rendu son visage blême et hagard. « Avons-nous fait ce qu'il fallait ? »

« Quoi ? » Lui demanda Drago, incapable de croire ce qu'il venait d'entendre. « Comment peux-tu -»

Les yeux de Hermione se détournèrent brièvement sur sa gauche avant de revenir sur lui. « Penses-tu que nous lui ayons fait une faveur ? » Elle interrompit sa tirade outragée avec prudence. « Si nous n'avions pas…Il n'aurait jamais su… » Hermione déglutit difficilement, elle n'était pas encore capable de donner mot à la réalité.

Drago ouvrit la bouche mais la referma, cherchant une réponse. Tout avait été si clair, quelques instants auparavant. Mais maintenant…

Il n'était plus sûr.

Ils avaient sauvé Severus. L'homme avait frôlé la mort. Ils avaient guéri ses blessures et l'avaient ramené. C'était certainement ce qu'il fallait faire. Non ? C'était bien de sauver la vie d'un homme mourrant. Parce que maintenant il pourrait…il pourrait…

Oh seigneur…Dragoécarquilla les yeux d'horreur. Qu'ai-je fait ?

Dans cette seconde sans fin, quand il avait vu les doigts de l'homme bouger pour la première fois, Drago avait ressentit de l'espoir, il avait su qu'ils n'avaient qu'à guérir Severus et tout irait mieux. Parce qu'une fois qu'il serait guéri, il pourrait…

Il pourrait quoi ? Se demanda Drago. Il était maintenant en colère contre lui. Il pourrait quoi, espèce de maudit fou ? Il pourrait voir que sa maison n'est plus. Il pourrait regarder et voir que… Mon dieu, tu lui as pris la seule paix qu'il aurait pu trouver loin de lui ! Tu étais si incroyablement effrayé que tu l'as obligé à partager ton cauchemar ! Comment as-tu pu lui faire ça ?

Drago regarda ses propres mains avec horreur. Elles tremblaient. Et elles étaient teintées avec quelque chose de plus noir que le sang. Quelque chose de pire. Il avait sauvé un corps et en le faisant, il avait tué une âme.

« Drago ! »

Il leva les yeux en ignorant complètement Hermione et se concentra sur le corps étendu devant lui, sur la poitrine qui montait et descendait. Il n'y avait qu'une seule chose à faire, une seule chose était à faire. Et c'était la seule qu'il ne pouvait pas faire.

Il y avait tant de choses que Drago Malfoy pouvait dire à Severus Snape. Tant de choses qu'il avait dites, des choses qu'il dirait, il avait rêvé de dire tant de chose à cet homme. Mais peu importe ce qu'il se passait, la seule chose que Drago savait était qu'il ne pourrait jamais dire à l'homme « Avada Kedavra ! »

« Oh seigneur, Severus… » Murmura Drago, en regardant les yeux clos. « Je suis désolé. Je suis si désolé. »

Comme si ces paroles étaient une incantation, les yeux s'ouvrirent.

« Severus… » Avant il y avait de la colère et de l'horreur, le choc et le chagrin. Maintenant il n'y avait qu'une douleur vive et amère. Il regarda les yeux noirs alors que son esprit se battait encore contre un brouillard chaotique de souvenirs confus qui amplifiait la douleur.

Severus grimaça comme s'il souffrait, pourtant il ne fit que cligner des yeux plusieurs fois et focalisa son regard sur Drago. « Drago ? » Demanda-t-il d'une voix enrouée comme si sa gorge était sèche. «Je croyais que... » Son regard se durcit alors qu'il étudiait le visage de Drago. « Ce n'était pas un rêve. »

Drago ne pouvait pas faire semblant de ne pas avoir compris. « Non, ça ne l'était pas. »

Les yeux noirs se fermèrent brièvement. « Est-ce fini ? » Demanda Severus en ouvrant lentement les yeux.

Drago sentit sa gorge s'assécher. « Le château n'est plus. »

« Severus ? » Demanda Hermione timidement. Les yeux de son aîné se déplacèrent vers elle. « Comment vous sentez-vous ? Avez-vous mal ? »

Un long moment s'écoula. L'espace d'une seconde, Drago pensa avoir vu quelque chose vaciller dans les yeux de Severus. Il sentit sa poitrine se comprimer.

« Non. » Répondit finalement Severus. « Je suis juste très courbaturé. Combien de temps ai-je été allongé là ? »

Hermione regarda Drago avec méfiance puis retourna son regard vers Severus. « Je n'en suis pas certaine. Ca fait un moment. »

« A quel point est-ce mauvais ? »

Il y avait une telle irréalité que Drago sentit ses poils se hérisser, de malaise. Ils étaient assis au milieu d'un champ de bataille. Les morts les entouraient. Près d'eux… Près d'eux était…Et leurs voix étaient si détachées. Comme si rien ne s'était passé. Comme si…

Il sait, réalisa soudain Drago en regardant le visage de Severus quand Hermione lui parlait de ses blessures et de ce qu'ils avaient fait pour les guérir. Il sait. Oh dieu, il sait.

« Severus ? » La voix d'Hermione se craqua. Son regard passait de lui à Drago, elle se sentait impuissante. « Severus, je -»

« Je me souviens, » Répondit Severus. Sa voix était froide et contrôlée. Trop contrôlée. « Et vos yeux disent les mots que votre voix ne peut pas exprimer. »

Drago tressaillit et détourna les yeux, incapable de croiser le regard de l'homme.

« Je suis resté là suffisamment longtemps. »

Severus ne protesta pas quand Hermione et Drago l'aidèrent à s'asseoir. Il massa son front comme s'il essayait de chasser sa nausée. En s'asseyant, il se reprit, Drago remarqua que les yeux de Severus quand ils étaient ouverts étaient toujours sur Hermione ou sur lui. Depuis qu'il avait repris conscience, Severus n'avait jamais regardé ailleurs.

« Il n'y a rien à attendre de cela, » Murmura Severus en baissant sa main, les yeux regardaient devant lui. Severus ne donna aucune indication qu'il avait vu le carnage. En regardant son visage, Drago vit un muscle pulser le long de la mâchoire, vit ses lèvres fines. Et il sut sans avoir à le demander que Severus se préparait. Severus tourna la tête et ses yeux noirs regardèrent profondément dans ceux de Drago.

Sa poitrine se comprima. L'air de ses poumons devenait glacé. Je suis désolé. Pensa Drago futilement et la tristesse inonda son esprit alors qu'il soutenait le regard de Severus. Je suis si désolé. Il voulait dire les mots, mais il ne pouvait pas parler, les mots restaient coincés au niveau du nœud qu'il avait dans la gorge.

Il n'y avait aucune émotion dans les yeux de Severus. Ils étaient durs et froids, deux miroirs noirs qui reflétaient tout ce qu'ils voyaient et ne donnaient rien en retour. Son visage était impassible. Et pourtant, il sembla à Drago qu'il avait vu une question : Où ?

Il aurait souhaité pouvoir faire quelque chose, n'importe quoi pour éviter que Severus ne voie ce que lui-même avait vu. Drago sentit ses yeux se déplacer d'eux même et jeter un regard sur le côté, une fraction de seconde. Les yeux noirs suivirent et Drago fut libéré du regard de Severus.

Drago avait l'impression que la mort du monde avait détruit le temps lui-même, avait détruit les fragments figés tenus ensemble par un filet, par l'ombre de celle qui fut autrefois la grande rivière, qui avait le pouvoir de défoncer les défenses des âges. Ils entraient dans un instant sans fin : Severus baissa les yeux sur le corps de Harry Potter.

« Je ne veux pas être Celui Qui a Survécu ! Je veux être Celui Qui est Mort avec Tous les Autres. »

Les mots tournaient dans l'esprit de Drago, le tentant avec sa propre impuissance pour prévoir le futur, pour éviter le cauchemar. J'aurais dû faire quelque chose. N'importe quoi. J'aurais certainement pu faire quelque chose.

Drago regarda Severus qui avait toujours les yeux rivés sur Harry. Ca aurait dû être moi. Je devrais être celui étendu là. Il devrait être là. Pas moi. Il devrait être ici avec toi, Severus. Si ça avait été en mon pouvoir d'échanger nos places, je lui aurais donné ma vie en échange de la sienne. Sans rien exiger. Sans regret. Tu ne mérites pas cela. Il ne mérite pas cela. Que ne donnerais-je pas pour retourner dans le temps et changer tout cela.

Severus ne dit rien, il regardait simplement Harry. Il ne bougeait pas. Il semblait à peine respirer. Et, après plusieurs minutes, il tendit la main et de ses doigts, toucha la joue de Harry. Il resta là, assis un long moment, ses doigts caressaient légèrement la peau que Drago savait être froide et rigide.

Je suis désolé. Je suis si désolé. Les mots étaient une litanie de douleur sans issu.

Les doigts s'immobilisèrent. Lentement, Severus se tourna vers Drago.

Drago eut le souffle coupé.

Il n'aurait pas dû pouvoir ressentir plus d'horreur, plus de chagrin qu'il n'en ressentait déjà. Mais ce que vit Drago dans les yeux de Severus lui fendit le cœur, d'une manière dont il ne se serait jamais cru capable. Les derniers morceaux du calme froid qu'il avait verrouillé lors de la terreur des évènements de ces derniers jours furent déchirés. C'était une chose de voir le corps de l'homme et de le croire mort, mais s'en était une autre de regarder dans ses yeux et de voir que tout ce qui faisait Severus Snape était flétri et mort.

Aussi longtemps qu'il s'en souvenait, il avait toujours vu une étincelle de feu brûler dans la profondeur des yeux de Severus. Même quand il était ligoté à une chaise et attendait le Baiser du Détraqueur, Drago avait vu l'étincelle de défi pour tout ce que la vie lui avait fait, briller méchamment dans les yeux de Severus. Vous pouvez me battre, les yeux de Severus avaient toujours grogné à la face du monde. Vous pouvez me tuer. Mais vous ne pouvez pas me briser.

Alors qu'il regardait l'étincelle crépiter, la vague d'émotions vacillantes qui déferla dans ses yeux, la seule lumière de vie qu'il vit fut un visage blanc et pâle. Et alors, sans un vacillement, elle mourut, engouffrée dans la douleur qui se propageait comme un souffle sur la surface de ses yeux. Et tant de douleur…

C'était une douleur qui le brisait et le hantait qui parlait avec plus d'éloquence que les mots ne l'auraient fait de la mort de son âme.

Une autre paire d'yeux étincela brusquement dans son esprit. Des yeux graves et impuissants. Des yeux qui portaient un poids bien trop lourd à porter, qu'il ne pouvait pourtant pas déposer. Des yeux bleus.

« Je sais ce que vous avez vu dans ce couloir. »

« Qu'était-ce ? »

« Ca, je ne peux pas vous le dire. »

« Monsieur le directeur… »

« J'ai peur que vous ne compreniez que lorsque le temps viendra »

Surpris, Drago se leva et regarda Severus tandis qu'il se reprenait. Il se rendit vaguement compte qu'il commençait à trembler. Il savait…Bon dieu, Dumbledore savait !

« Oh seigneur… Je n'y crois pas, » Murmura Drago, les mots quittaient sa bouche sans but. « Tout ce temps, il savait. Il savait et il n'a rien fait ! Tout ce temps. Je ne peux pas le croire. Je ne peux pas… Pourquoi n'a-t-il rien fait ? »

« Malfoy ! » Hermione avait été silencieuse jusqu'à maintenant, sa voix interrompit ses pensées hystériques. « De quoi parles-tu ? »

« Dumbledore savait ! » Drago se tourna vers elle, il haussa la voix. « Il savait ce qui allait se passer ! Qu'il soit maudit, qu'il brûle en enfer, il savait ! »

« Quoi ? » Elle écarquilla les yeux. « Comment -»

« Je suis allé lui parler ! Il y a un an ! H- Potter -» Il trébucha sur le nom, sa colère fut momentanément coupée avant qu'il ne se reprenne. « - et moi, avons vu, Sever-… » Drago referma rapidement la bouche.

« Tes yeux étaient morts. C'était comme si vous aviez vu quelque chose de terrible, de si douloureux, que vous avez abandonné. »

Drago lui tourna le dos pour regarder Severus. Oh mon dieu… Les implications étaient terrifiantes. Et pourtant… L'esprit de Drago se protégea de ce mince espoir. Ce n'est pas possible. Ce n'est tout simplement pas possible.

« Drago Malfoy ! »

« C'était toi, » Murmura Drago en regardant les yeux écarquillés, ceux de Severus, morts et vide. Il ignora le reniflement impatient d'Hermione. « Tout ce temps, c'était vraiment toi. »

Severus le regarda d'un air absent.

« Dans le couloir ce matin-là, » Poursuivit Drago. Il chercha quelque chose dans ses yeux vides, n'importe quoi, qui lui dirait que Severus l'écoutait. « Tu as dit que tu n'étais pas sorti des cachots. Tu as dit que ce n'était pas toi. Mais ça l'était, Severus. Ce n'était pas encore toi. Mais c'était toi maintenant. »


Pourquoi ? Pourquoi est-ce toujours moi qui reste derrière ? Pourquoi est-ce moi qui dois demeurer debout et regarder tout ceux que j'aime partir ?

Même maintenant après tout ce temps, il n'avait toujours pas trouvé de réponse.

Je ne sais plus comment faire. Je ne peux plus faire ça. Je ne peux pas continuer. Je ne sais pas comment faire. Je ne sais pas comment continuer à respirer, quand tout ce qui reste à la fin est le vide.

Ca n'aurait pas dû être aussi douloureux. Comment est-ce que ça pouvait être aussi douloureux ? Comment pourrait-il être encore là, vivant, respirant, alors que ça faisait si terriblement mal ?

Quand Lucius l'avait trahi, Severus avait cru que jamais il ne ressentirait quelque chose d'aussi terrible, d'aussi arrachant que la douleur brûlante qu'il avait ressentit. Il n'avait pas cru qu'il puisse exister de pire douleur.

Il s'était trompé.

Je ne peux pas continuer plus longtemps. C'était trop vide, trop froid.

« Severus ! »

Drago lui parlait. Severus ne s'en souciait pas.

« Merde Severus, écoute-moi ! »

Peut-être que s'il s'allongeait et fermait les yeux, peut-être pourrait-il sombrer dans l'obscurité. Peut-être pourrait-il se perdre dans ce néant. Laisse-moi fermer les yeux. Laisse le monde s'arrêter. Laisse-le disparaître. Laisse-moi partir.

« Tout ce temps Severus, c'était toi ! Et Dumbledore savait ! »

Je ne veux plus cela. Je…

Temps.

Severus arrêta le méandre de ses pensées.

Temps.

Temps…

Temps…

Le monde cligna. Severus se trouvait seul dans l'obscurité.

« Quand le temps viendra Severus, vous trouverez toutes les réponses que vous cherchez. »

Les mots flottaient en dehors de l'obscurité, chevauchant la voix d'un fantôme.

Une image apparut devant lui, sortant du vide. Un vieil homme assit à côté d'un autre homme, plus jeune approchant rapidement d'un âge moyen. Il y avait quelque chose de familier dans ces deux personnes.

« Je ne comprends pas. » Dit l'homme le plus jeune. On aurait dit qu'il était très éloigné.

« Vous comprendrez avec le temps, Severus. » C'était l'homme le plus âgé.

« Vous me l'avez déjà dit, je m'en rappelle très bien, Albus. »

« Vous vous en souviendrez à nouveau »

Albus et Severus.

Ah, oui. Maintenant il s'en souvenait. Ca s'était passé avant que H… avant la fin du monde.

« Il y a encore du temps, Severus. »

Non. Ce n'était pas vrai. Il n'y a plus de temps. Le temps était parti. Partit et l'avait laissé là, perdu et seul dans le vide.

« En temps, Severus. »

Le monde cligna.

Qu'était-ce… ?

Severus regarda Drago avec des yeux détachés et sans passion. Le jeune homme le regardait comme s'il était sur le point de craquer. « Quoi ? » Il fallut quelques secondes pour que Severus réalise que cette voix vide lui appartenait.

« Reviens Severus, » Le pria Drago doucement. « S'il te plait, Severus. S'il te plait, reviens de l'endroit d'où tu viens. »

Je ne veux pas.

« S'il te plait. Je ne sais pas comment faire ça sans toi. »

La requête douloureuse et à vif tira Severus du ravin dans lequel le chagrin le conduisait,'à la folie. La douleur l'assaillit à nouveau, abattit les défenses qu'il avait construites en voyant les traînées de sang sur le visage de Harry. Il serra les dents pour lutter contre la douleur brûlante, glacée, profonde et se concentra sur les yeux de Drago. « Que disais-tu ? »

Drago regarda Severus d'un air pénétrant. « Te souviens-tu de ce matin où je suis venu te voir en te demandant si tu allais bien parce que je t'avais vu dans le couloir ? »

« Est-ce que vous allez bien ? Vous savez, mentalement, physiquement, émotionnellement ? »

« Avez-vous besoin de voir Madame Pomfresh, Monsieur Malfoy ? »

« Répondez simplement à la question. »

« Oui. »

« C'était toi. C'était toi maintenant. »

« Je ne -»

« Quand le temps viendra Severus, vous trouverez toutes les réponses que vous cherchez. »

C'était comme si une porte dont Severus ne connaissait pas l'existence venait de s'ouvrir dans son esprit.

« Pourtant, le futur est ce que nous en faisons. N'oubliez pas ça, Severus. »

« Je suis revenu. » Ce n'était pas une question.

Severus regarda Hermione, croisa ses yeux écarquillés puis regarda à nouveau Drago qui acquiesça. De leur propre volonté, ses yeux tombèrent sur le sol, sur la seule personne qu'il avait détestée, qui avait réussi à passer ses défenses, qu'il avait aimé plus qu'il n'avait jamais voulu l'admettre.

« Je ne comprends pas. »

« Vous comprendrez avec le temps, Severus. » C'était l'homme le plus âgé.

« En temps. »

Severus regarda à nouveau dans les yeux gris de Drago. « Je suis revenu. »

« Mais comment ? » Demanda Drago en secouant la tête. « Comment es-tu retourné là-bas ? Comment Dumbledore l'a-t-il su ? »

« Un retourneur de temps. »

Comme un, Severus et Drago se retournèrent pour regarder Hermione, qui avait l'air plus que terrifiée.

« On peut retourner dans le temps avec un retourneur de temps. » Répéta-t-elle.

« Et où les trouve-t-on ? » Demanda Drago. « On ne peut certainement pas aller dans un magasin et en demander un. »

« Il y a une salle au Ministère, » Dit Hermione d'une voix douce, ses yeux étaient perdus dans le souvenir. « Nous y sommes allés une fois, pendant notre Cinquième Année. Il y a un cabinet rempli de retourneurs cassés qui se réparent tout seul et se brisent à nouveau. »

Severus se détourna d'elle et s'agenouilla à côté de Harry. Il les ignora et frôla d'une main tremblante la joue de l'homme mort. Ca n'aurait jamais dû arriver. Et Albus…il a essayé de me le dire. Je vais y retourner Harry. Je vais arrêter cela. Je ne te laisserai pas mourir.

Il chercha maladroitement, d'une main tremblante, la bague qu'il avait donnée à Harry une nuit qui semblait lointaine de dix milles ans. Il la fit glisser du doigt de Harry et la plaça sur son petit doigt, regarda le griffon modifier sa forme pour s'ajuster à la taille de son doigt. Je te le promets, Harry. J'arrêterai cela. Et je te dirai…Je te dirai ce que j'aurai dû te dire il y a longtemps.


Drago regarda Severus, ses pensées tournoyaient. Il est retourné dans le temps. Il est retourné dans le temps. Dumbledore savait ce qui allait se passer. Et je parie qu'il savait que Severus allait revenir. Ce qui veut dire…Il osait à peine espérer. Mais c'était tout de même là. Il peut empêcher tout cela d'arriver.

Severus se leva soudain, il tournait le dos à Drago et à Hermione. Un long moment s'écoula pendant lequel leur aîné resta là, à regarder devant lui. Finalement, il se tourna vers eux.

« Je vais changer cela. » La voix de Severus était plate et vide. Ses yeux étaient aussi vides et ternes que lorsqu'il avait regardé le corps de Harry pour la première fois.

« Je viens aussi. » Répondit Drago immédiatement.

« Tu -»

« Non ! » Drago le coupa avec impatience. « Non, Severus. Je viens avec toi. Si on peut faire quelque chose… Je ne laisserai pas les choses se terminer ainsi. Je ne peux pas. »

« Attendez une minute, » Les interrompit Hermione anxieusement. « Attendez une minute et réfléchissons-en. »

Drago se tourna vers elle et la regarda d'un air incrédule. « A quoi faut-il réfléchir ? »

« Vous ne savez pas ce qu'il peut arriver ! »

« Tu ne peux pas être sérieuse. Bon sang, qu'est-ce qui peut être pire que ça ? »

« Je ne sais pas, mais il existe des règles ! » Expliqua Hermione. Elle semblait en colère. « Je le sais, j'en ai déjà utilisé un. En Troisième Année, le professeur MacGonagall m'en avait donné un pour m'aider avec mes cours. Et elle m'a prévenue. Jouer avec le temps peut-être très dangereux ! Nous ne devrions pas y aller sans avoir réfléchi. »

« Qu'avons-nous à perdre ? » Lui demanda Drago amèrement.

« Je -»

« Reste là ou viens, fais comme tu le sens. » L'interrompit froidement Severus. « Je pars. »

Drago la sentit alors, la magie tournoyait autour de Severus en grandes vagues. Il n'avait jamais rien senti de tel. En regardant dans les yeux vides de Severus, il comprit pourquoi. Jamais auparavant, il n'avait vu le mangemort que Severus avait été, jamais auparavant, il n'avait vu le pouvoir que l'homme était capable d'utiliser. Mais maintenant il ne contrôlait plus ce pouvoir, le chagrin et la détermination oblitéraient tout le reste de l'esprit de Severus.

Drago s'avança vers lui, il ne voulait pas être laissé derrière. Il entendit un bruissement et un crépitement : Fumfseck se percha sur son épaule. Drago le regarda avec surprise, parce qu'il avait oublié le phoenix dans les révélations de l'après-midi et parce qu'il avait daigné se percher sur son épaule.

« Attendez ! Ne partez pas sans moi, » Hermione les rattrapa rapidement.

« Je pensais que modifier le temps était dangereux. » Claqua Drago avec colère.

« Ca l'est. » Répondit Hermione en soutenant son regard. « Mais si tu penses que je ne vais pas essayer de ramener Harry, Ron et tous les autres -»

« Et tes objections ? »

« Ce n'est pas parce que je préfère réfléchir avant d'agir que je refuse de le faire. » Claqua Hermione.

Drago haussa un sourcil. « D'accord, peu importe, femme. »

Severus les observa tous les deux puis retourna son attention à la colline devant eux. La magie tourbillonnait autour d'eux, s'agitait dans les airs. Les yeux de Drago se focalisèrent sur Harry. Ca ne se finira pas ainsi. Je te le promets. Peu importe ce qu'il faut faire, je ne laisserai pas l'histoire se terminer ainsi.

La magie les enveloppa.

Severus leva une main.

Une bague de feu s'embrasa autour d'eux. Elle s'éleva dans les airs puis revint vers eux, sur le sol, consumant tout ce qu'elle touchait. L'espace d'un instant, Drago vit Harry étendu où il était tombé puis le corps du griffondor disparut dans les flammes. Profondément enfouit en lui, Drago sentit résonner le vacillement de la chaleur, un bref écho des flammes.

La magie resserra sa prise.

Drago sentit une secousse.

Ils disparurent.