Contrairement aux apparences.
Chapitre 3

Il ferma les yeux, tentant de s'évader au bruit du souffle dans son cou, essayant d'imaginer plus longs les cheveux qu'il caressait d'une main et plus masculines les formes de ce corps contre le sien. Ses doigts, pourtant expérimentés, ne trouvaient plus les prises qui l'émoustillaient d'habitude, leurs deux corps peinaient à glisser l'un contre l'autre comme s'ils ne se désiraient pas et cela devenait d'ailleurs le cas.

Cette étreinte sans amour était tout sauf érotique et lui-même ne parvenait plus à s'exciter à la perspective d'aller plus loin. L'amour démystifié. Son esprit était trop ailleurs pour qu'il puisse jouir de ce moment.

Milo repoussa sa partenaire.

« Ca suffit. Ca ne rime à rien ! »

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as peur ?» le railla la jeune femme. Le regard du Scorpion vira à l'oranger et elle regretta immédiatement ses paroles

« Dégage ! » ordonna-t-il sans pourtant crier.

Il ramassa la robe de la jeune femme et la lui jeta à la figure avant de lui tourner le dos, l'ignorant complètement alors qu'elle se rhabillait.

Il se sentait encore mieux seul. Aucune présence, sauf celle de Camus, n'aurait pu l'apaiser de toute façon. Toutes ses tentatives pour retrouver une vie normale étaient vaines.

Il leva les yeux vers la fenêtre de son temple, scrutant les étoiles, essayant de s'éblouir de leur lumière et de faire le vide dans son esprit.

Que faisait Camus en ce moment même ? Dormait-il ? Rêvait-il ? Et à quoi ? Qu'est-ce que le Verseau pouvait bien espérer de la vie ?

Toutes ces questions dont il n'aurait probablement jamais la clé s'étaient mises à l'obséder. Et lui ? Qu'allait-il pouvoir faire pour se guérir de son chagrin d'amour ?

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D'épais nuages gris s'étaient amoncelés dans le ciel depuis le matin et lui, d'ordinaire si attaché à ses habitudes, avait préféré repousser de quelques heures son entraînement quotidien. Il s'était levé d'assez bonne humeur et il sourit pour lui-même en arrivant aux arènes et en y apercevant le chevalier du Lion qui l'avait visiblement précédé. Sans hésitation, il se dirigea droit vers lui.

En le voyant venir, une lueur de panique passa dans le regard du Grec. Elle ne fut que fugitive mais elle n'échappa pas au regard aiguisé de Camus. Il en ressentit une grande satisfaction et cela le décida à pousser un peu plus loin son petit jeu.

« Salut ! » lança-t-il à Aiolia sur un ton séducteur, le regard provocant, rejetant ses mèches de cheveux marine en arrière dans un geste faussement nonchalant.

« Bonjour Camus » lui répondit le Grec, poli, même s'il n'avait aucune envie de dialoguer plus longtemps avec le Verseau.

« Tu es sérieux dans ton entraînement et cela paie… » enchaîna immédiatement Camus sans se démonter malgré le ton froid qu'avait employé son homologue chevalier d'or pour le saluer.

Aiolia leva un sourcil, étonné que Camus, le Camus qu'il croyait connaître par cœur, prenne la peine de débiter de telles évidentes futilités, se demandant où le Français voulait en venir. Il attendit, ne lui répondant pas. Camus lui prit alors le bras, tâtant ses biceps.

« Tu es si fort…. »

Aiolia se dégagea, soulagé malgré sa gêne de comprendre enfin le but de ce petit manège.

« Lâche-moi ! A quoi tu joues ? »

La personnalité d'Aphrodite, le chevalier des Poissons qu'il s'était mis à fréquenter assidûment avait-elle déteint sur le froid et distant chevalier du Verseau ? Aiolia arrivait même à se demander s'il ne détestait pas davantage ce nouveau Camus, plus fourbe et ironique. L'ancien avait finalement du bon ! Au moins était-il respectable…

« Je ne te reconnais pas, Camus. Qu'est-ce que tu essaies de faire ? »

Camus se mit à rire à cette question et malgré le dégoût qu'il éprouvait face à cette personne insensible, Aiolia ne put s'empêcher de le trouver très séduisant, les cheveux rejetés en arrière, les yeux plissés, les dents blanches exposées à sa vue, le visage épanoui.

« Devine ! » rétorqua Camus, narquois.

Agacé, Aiolia le saisit par le col de son t-shirt. Camus, nullement impressionné, s'abandonna, fermant légèrement les yeux comme s'il s'imaginait que le Lion allait l'embrasser. La colère du Grec redoubla d'intensité.

« Je n'ai pas envie de jouer à ça. Qu'est-ce que tu cherches ? »

Camus, toujours légèrement moqueur, mima un intense moment de réflexion avant de répondre d'une voix douce et calme :

« Disons pour résumer que dans l'immédiat, mon objectif c'est toi. Mais à plus long terme, je m'efforce de rater ma vie du mieux que je peux. »

Aiolia ne put s'empêcher de sourire à ces paroles : « Et les deux ne sont pas incompatibles... Si tu veux perdre ton temps…. Mais ne compte pas vivre quoi que ce soit avec moi. Les hommes, ce n'est pas mon truc. Surtout toi. »

« Tu n'avais pas l'air de cet avis, la dernière fois…. »

« J'ai été surpris. Ca n'a rien à voir avec le plaisir. » se crut obligé de se justifier le Lion.

« Surpris durant une bonne minute ? Il faudrait peut-être travailler tes réflexes…. »

« Ca suffit ! Qu'est-ce que tu essaies de faire ? Tu n'arriveras pas à me convaincre que j'ai aimé ce baiser ! »

« C'était pourtant le cas… » rétorqua aussitôt Camus, toujours ironique et imperturbable.

« Tais-toi où je t'étrangle ! »

« Si ça peut t'exciter…. »

A court d'arguments et au comble de l'exaspération, Aiolia fondit sur le Français, le plaquant au sol et entourant le cou gracile de ses mains puissantes. Camus n'opposa aucune résistance à cette tentative de strangulation et comme auparavant quand le Lion l'avait saisi au col, il sembla s'abandonner à ses soins. La colère n'avait pas fait perdre totalement la tête au Grec, il se ressaisit et relâcha très vite son étreinte, ne voulant malgré tout pas devenir le meurtrier d'un chevalier d'or. Il se redressa, essayant de contrôler sa respiration devenue saccadée et de stopper le bouillonnement du sang dans ses veines.

Camus cligna plusieurs fois des yeux, visiblement légèrement surpris de son changement d'attitude. S'attendait-il à ce que son camarade le tue sur place pour quelques paroles malheureuse ?

Une pensée étrange traversa l'esprit d'Aiolia. Et si ce n'était pas en fait ce que Camus cherchait ? Se faire tuer ?

Il scruta le visage du Français, essayant d'y trouver les réponses à ses questions. Le Verseau qui avait perdu de son assurance semblait dégager une sorte de fragilité qui le toucha et il crut déceler dans son regard comme une sorte de détresse, un appel au secours, comme s'il attendait que le Lion le soulage de quelque chose.

Etait-ce à nouveau l'effet des troublants yeux marine qui manipulaient son esprit ou voulait-il vraiment tester son hypothèse ? Il trouva une multitude de raisons pour justifier sa pulsion soudaine dont la meilleure était peut-être qu'il avait retrouvé le contrôle de la situation qui échappait désormais à Camus. Le Français fut même surpris lorsqu'il posa ses lèvres sur les siennes. Son cœur battait la chamade et ses jambes lui semblaient être faites de coton.

Pour quelques secondes, il oublia tout au seul contact des lèvres du Verseau.

Sa main passa derrière la nuque du chevalier des glaces, caressant ses soyeux cheveux, l'attirant contre lui, voulant le sentir se fondre en lui.

Ce fut le bruit de pas résonnant sur le marbre du sol qui le forcèrent à renoncer à prolonger l'étreinte. Il se releva très rapidement, le visage rouge, se demandant ce qu'il venait de lui passer par la tête. Camus, qui demeurait à terre et dont les pensées étaient comme toujours indéchiffrables, baissait les yeux, fixant le sol.

Aiolia retrouva son souffle et osa enfin regarder dans les yeux les nouveaux arrivants. Aphrodite arborait un sourire moqueur tandis que Shaka, l'air pincé, paraissait consterné. Ils avaient sans nul doute possible assisté à la scène du baiser.

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" J'étais sûr que tu trahirais notre petit secret… »

Le Verseau lui tournait le dos, semblant méditer devant le spectacle des onze autres temples, en contrebas. Il n'avait pas eu besoin de lui jeter un regard. Il l'avait reconnu dès qu'il était entré et il savait visiblement d'où il venait.

Aphrodite eut un petit moment de gêne et ne répondit pas. Son embarras, sentiment pourtant fort rare chez lui, se transforma d'un seul coup en panique lorsque le Français pivota vers lui, les longs cheveux marines flottants un instant dans les airs, soulignant son mouvement gracieux. Cette volte-face soudaine ne demanda à l'homme que peu d'énergie mais l'effet sur Aphrodite fut immédiat. Il sentit ses mains devenir moites et ses jambes mollirent lorsque le regard d'un bleu sombre rehaussé d'une curieuse lueur se posèrent sur lui. Le Suédois eut brièvement l'impression d'être la gazelle pétrifiée à la vue du fauve mais Camus, s'il était fâché, ne semblait pas décidé à régler ses comptes par la force. Il retrouva une certaine contenance et son sens de l'humour.

« Tu t'attendais à autre chose ? » demanda-t-il, ironique.

« De ta part, certainement pas. Tu sais très bien que je n'attends rien de toi. »

Aphrodite se laissa tomber dans un siège.

« Ah la bonne heure ! J'avais peur que tu te sois mis à croire à ses valeurs stupides comme la camaraderie, la loyauté…. Et pire encore, que l'idée stupide que nous soyons amis t'ait effleuré. »

« Il n'en est rien. » le rassura Camus.

« Tu ne verras donc aucun inconvénient, j'imagine, à ce que je console Milo…. Se faire trahir par un proche, ça peut être si dur ! Il fallait quand même que je l'en informe. Aiolia ne vaut pas mieux que nous. »

« C'est ce que tu as fait ? Tu l'as consolé ?»

« Non, il avait d'autres projets dans l'immédiat. La nouvelle l'a un peu ébranlé, le pauvre chéri. Il a même eu du mal à le croire. Ce qu'il peut être naïf par moment ! Heureusement que je suis là, tout de même. Mais je ne désespère pas pour la suite. Alors ? Je peux ? »

« Tu as besoin de ma permission, maintenant ? Tu fais ce que tu veux avec Milo, ce n'est pas mon problème. »

« Et avec Aiolia ? » demanda Aphrodite, malicieux. « Il a l'air de te tenir à cœur, lui. »

Camus le fixa un instant sans répondre.

« Ca te regarde ? » demanda-t-il finalement sèchement.

Aphrodite émit un petit rire cristallin : « Tu n'es pas amoureux de lui, au moins ! »

Le visage du Français devint franchement rieur: « Tu plaisantes ? »

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Il s'était attendu à devoir affronter l'épreuve des explications avec Milo mais il avait espéré avoir quelques jours de répit, histoire de remettre ses idées en place. Il fut donc surpris par la tornade bleue qui déboula dans son temple et qui d'un coup de poing violent, l'expédia contre une des colonnes de son temple.

« Salaud ! Traître ! Comment as-tu pu me faire ça ? » hurla un Milo, visiblement dominé par la colère.

« Milo, laisse-moi t'expliquer…. » réclama-t-il.

Connaissant le caractère fougueux de Milo, il ne s'attendait guère à ce que le Scorpion le laisse réellement lui donner sa version des faits et il fut donc pris de court lorsque le jeune Grec croisa les bras sur sa poitrine, laissant un silence pesant s'installer entre eux. Cela eut le don d'exaspérer davantage Milo qui le railla :

« Alors ? J'attends ! La vérité c'est que tu t'es moqué de moi pendant des années. Salaud ! Tu as bien du rire de toutes les confidences que je t'ai faites ! Moi qui te croyais mon ami… Tu ne manquais jamais de me décourager, hein ? Car bien sûr, tu le voulais pour toi ! »

« Pas du tout ! » tenta de protester le Lion.

« Soyez maudits tous les deux ! »

Aiolia venait de se redresser mais un nouveau coup de pied de Milo l'envoya faire connaissance avec une nouvelle colonne.

Le Grec, sonné, se releva lentement. Milo ne cherchait apparemment plus à parler, il voulait juste régler ses comptes. Jusqu'à quel point ?

Il tenta de sonder les yeux bleu océan du Grec mais il lui sembla qu'une marrée noire les avait dévastés. Il n'eut même pas la présence d'esprit de parer le coup suivant. Il se releva néanmoins encore une fois, la nuque douloureuse et le goût métallique et enivrant du sang dans la bouche. Un éclair de folie passa dans son regard noisette. Il concentra l'énergie dans son poing et sans plus se contrôler, il lança une de ses attaques sur Milo. L'attaque était si puissante qu'elle perdit en vitesse et fort heureusement, Milo l'esquiva. Le mur ouest du temple du Lion eut moins de chance et se retrouva réduit en poussière.

Le bruit de l'explosion tira Aiolia de sa colère. Il se mit à trembler rétrospectivement en prenant conscience de ce qu'il venait de faire : Avec cette attaque, il aurait pu tuer son ami !

Milo s'apprêtait à riposter avec l'aiguille écarlate et le Lion, remis de ses émotions, tenta de le raisonner.

« Arrête Milo ! » cria-t-il. « Je n'ai pas envie d'utiliser la force contre toi ! Ne m'y oblige pas ! »

Le Scorpion ricana :

« Tu crois que tu me fais peur ? Espèce de lâche ! Monsieur se croit peut-être plus fort que moi ! »

A la vitesse de la lumière, Milo vint frapper Aiolia qui réussit à éviter la plupart des coups qui lui étaient portés mais une douleur vive à la cuisse lui indiqua qu'il venait d'être toucher par l'aiguille écarlate. Il sentit à nouveau la même fureur qui l'avait aveuglé auparavant.

Il ne fallait pas qu'il riposte ! Pas contre Milo. Il fallait qu'il se domine.

Le Scorpion eut l'air légèrement contrarié que son attaque n'ait pas été plus efficace. Haletant, il voulut cependant la réitérer. Face à lui, Aiolia avait augmenté sa cosmo-énergie, signe que le Lion s'était décidé à lui répondre. Le Scorpion sourit pour lui-même.

Mais alors qu'il se jetait sur son ami, une grande lumière jaillit devant lui, l'aveuglant avant qu'une force mystérieuse ne le propulse à l'autre bout de la pièce.

Il se releva rapidement, surpris de s'être laissé surprendre par Aiolia et surtout d'être indemne malgré la puissance du cosmos.

Il réalisa sa méprise quand Shaka apparut au milieu de la pièce dans toute sa splendeur arborant le même calme que s'il était simplement venu prendre le thé.

« Etes-vous devenus fous ? » demanda-t-il sans que le moindre signe d'affolement ne perce dans sa voix.

Milo se douta qu'il allait devoir se résoudre à abandonner l'idée de régler ses comptes dans l'immédiat. Et il valait peut-être mieux ne pas s'éterniser ici s'il ne voulait pas avoir droit au divin sermon.

Il prit donc la direction de la sortie. En passant devant Shaka, il lâcha :

« Si tu veux être mon meilleur ami la place est libre ! »

Shaka eut un petit rire qui irrita Milo :

« Ca ne se mérite pas plus que ça ? »

«C'était une occasion unique pour toi d'avoir un ami, tu n'as pas su la saisir, tant pis pour toi ! » répliqua le Scorpion, vexé. « Je trouverai quelqu'un d'autre. »

« Tu ne peux pas rester seul ? Il faut absolument que tu sois entouré pour empoisonner les autres ! »

« J'ai eu tort ! Tu n'es même pas digne de l'amitié que je voulais t'offrir ! Adieu !» lança-t-il avant de disparaître.

Shaka sourit pour lui-même. Milo agissait en fin de compte comme un gamin. La seule chose qu'il le rendait dangereux, c'était qu'il se montrait imprévisible. Mais il ne se sentait plus aussi impressionné, à présent. Il ressentait même une certaine tendresse à son égard. Milo avait été trahi et pourtant, il ne renonçait pas à l'amitié. Son optimisme était une grande force.

« C'est toi qui lui as dit ? » demanda Aiolia, mécontent.

« Pourquoi penses-tu à moi ? »

« J'ai vu le regard que tu m'as lancé, l'autre jour. Naturellement, tu es du côté de Milo… »

« Je ne suis du côté de personne. Je voulais juste éviter que vous vous massacriez inutilement. »

« Bien sûr ! Toi, tu es au-dessus de ça ! Rentre chez toi, Shaka. Je n'ai plus besoin de tes services !»

Le chevalier de la Vierge n'insista pas.

Les paroles d'Aiolia avaient blessé l'Hindou. Il se sentait tenu à l'écart de tout. Etait-il encore à ce point en dehors de la réalité qu'il ne pouvait comprendre ni Milo, ni Aiolia ?

Après coup, il regretta d'avoir décliné l'offre de Milo. Il aurait pu apprendre, si cependant c'était possible d'apprendre à devenir l'ami de quelqu'un…

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Merci à Chris, Zephyra, Mooglymoony, Isuzu, Clo-sama, Mu, Vivi, Ming Shu, Miss angel love, Hagen, Seiiruika et Gariguette pour vos reviews Ca me fait très plaisir.