L'ombre du passé

Chapitre 10

Des flashs surgirent devant les yeux de Harry alors que cette scène s'achevait.

Une rencontre dans l'ombre d'une forêt…

« Monsieur le Directeur. Ce que je pensais se précise, les Potter sont en danger. Voldemort croit que leur fils est celui qu'il appelle le Promis. Il veut le tuer… Il a également parlé d'une autre prophétie l'encourageant dans ce sens… »

« Celle de Sybil Trelawney, oui… Ne craignez rien, mon ami. Les Potter sont en sécurité. Faites attention vous aussi. »

« Comme toujours, Mr le Directeur. »

Une salle de procès, Severus enchaîné entre deux détraqueurs.

Il était impassible.

Il était vidé.

Voldemort avait disparu, enfin…

Mais pour combien de temps…

Et à quel prix !

Pauvre James... Jamais il n'aurait pensé plaindre cet incapable, et pourtant...

Pauvre Lily…

Pauvre petit Harry…

« Cet homme est un mangemort ! Il a perpétré des meurtres horribles ! Son âme est plus noire que la nuit ! »

« Barty… Severus était notre informateur, vous le savez… »

« Il a retourné sa veste quand il a senti le vent tourner ! » Intervint Maugrey de sa voix rocailleuse.

« J'ai d'excellentes raisons d'avoir confiance en lui. Sans son intervention, Harry Potter serait certainement déjà mort… De même que bon nombre de sorciers et de moldus… »

Le bureau de Dumbledore, à Poudlard.

« Mon dieu ! Monsieur le Directeur, c'est horrible… Ce que le fils Croupton a infligé aux Londubat… Leur fils est si jeune… Si jeune… Je… Je comprends si bien… Ce qu'il ressent… Pauvre enfant… »

Il souffrait, pour cet enfant. Son cœur n'était que souffrance…

« Allons, Severus… Nous n'y pouvons rien… Hélas… »

Un article dans la gazette du sorcier.

Une photo.

Grace, le visage pâle et hâve mais toujours aussi belle, toujours aussi douce.

Morte.

Si jeune.

Son fils n'avait que 6 ans…

Pauvre Grace…

Ma tendre Gracie… Ma douce amie… Ma pauvre chérie…

Un cimetière moldu.

Rogue, debout devant une tombe gravée au nom de Margareth Suzanne Flannery Rogue.

Il ne pleurait pas.

Il avait assez pleuré, déjà…

Une femme d'un certain âge s'approcha et tendit la main puis se détourna, pressant son mouchoir sur sa bouche.

Madame Black.

Son mari était mort pendant l'Age Sombre.

Elle-même était très malade, minée par la trahison et l'emprisonnement de son fils.

Sirius.

A Azkaban.

Fidèle de Voldemort, Sirius ? Vraiment ? Il avait du mal à y croire… Si c'était le cas, quelle ironie…

Si c'était le cas, il regrettait de ne pas avoir été jeté dans la même prison.

Il se serait laissé mourir, auprès de lui…

Il n'avait plus rien, après tout…

Gracie…

Glinon…

Mamie…

Sirius…

Le bureau de Dumbledore, à nouveau.

« Qui ça ? »

« Harry Potter. »

« … C'est un sorcier ? »

« Oh oui ! Et très doué, mon cher Severus ! »

« Que sait-il de ses parents, de sa vie… De ce qu'il représente ? »

« Strictement rien… »

« C'est à espérer. Je ne veux pas d'une star dans mes cours… A ce propos… »

« Le professeur Quirrel est rentré de Transylvanie hier. »

« Quirrel est une mauviette ! »

« Severus, vous ne serez pas professeur de défense contre les forces du mal… »

« POURQUOI ? »

Il en avait assez. Il était le plus qualifié, le plus à même de protéger ces enfants, de leur apprendre à se protéger eux même. Alors pourquoi ?

« Ce n'est pas votre place, mon ami… Vous avez tant de talent avec les plantes et les potions… Madame Chourave vous jalouse vous savez ? »

« Hmpf… » Fit-il avec une moue absolument pas adorable avant de se lever et de se diriger vers la porte du bureau.

« Attendez… J'ai un service à vous demander, Severus. »

« Lequel ? »

« Quand Harry sera parmi nous, veillez sur lui. »

Il regarda le directeur un long moment.

« C'est ce que je comptais faire de toute façon. Il ne lui arrivera rien, je vous le promets. Je vous promets de le protéger comme ma vie. »

« Merci, mon ami… »

Oui, il protégerait cet enfant qui, comme lui, avait perdu ses parents.

Même si son père lui avait volé Sirius.

Même s'il lui devait la vie.

Même si surveiller un gniard lui révulsait tous les pores de la peau.

Il veillerait sur lui.

Toujours.

Il le lui devait, à cet enfant qui avait en lui la force de détruire Voldemort…

Il le devait à Gracie.

Il le devait à Glinon.

Harry Potter resterait en vie, quoiqu'il advienne.

Harry se sentit aspiré en arrière.

Plus de visions.

Plus rien.

Et soudain, le tic tac d'une horloge…

On aurait dit…

Oui, il pouvait agiter sa main…

Bien. Maintenant…

Harry ne prit même pas le temps d'ouvrir les yeux, il bondit directement vers la sortie et sentit avec soulagement le souffle d'air dans son dos, preuve que la main de Rogue l'avait loupé de peu.

Claquant la porte derrière lui, il courut comme un dératé hors de la maison, poursuivi par un «POTTEEEEEEEEER ! » hurlé à pleins poumons.

Rogue se releva en maugréant (s'étant précipité sur Harry pour le choper avant que le gamin ne se sauve, il s'était lamentablement vautré au sol, déséquilibré par son élan) et se précipita vers la porte.

« Attends ! »

Les bras de Sirius s'enroulèrent autour de lui, lui faisant retenir sa respiration de surprise.

« … Attends… Severus… »

« …Lâche moi. Il faut que je rattrape ce monstre et que je lui fasse payer ! »

« Moi… Moi, j'irai le remercier. »

Severus déglutit.

Ne pas penser à ses bras l'enserrant de leur caresse.

Ne pas replonger dans le passé. Surtout pas.

« Je ne vois pas pourquoi j'irai le remercier ! J'ai revu des choses que je ne… »

« Je suis désolé ! »

Rogue referma la bouche, sentant le front de Sirius se poser contre sa nuque.

« … Je suis désolé… J'ai cru… Je pensais… Je ne savais pas… Queudver, il… Et j'ai failli te… Oh, Sevy… Je… »

Severus se dégagea d'une secousse.

« PLUS JAMAIS ! NE M'APPELLE PLUS JAMAIS COMME CA ! » Hurla-t-il.

Black se recula d'un pas.

Rogue avait la tête baissée, son visage blanc de rage à demi caché par ses mèches noires.

« Tout ça… Tout ça, c'est du passé… Il n'y a plus de Sevy… Il n'y a… »

« Je t'aime ! »

Sans relever la tête, Severus écarquilla les yeux, fixant toujours le sol entre ses chaussures.

« … Je t'aime, Severus… Malgré tout ce que disait Peter, malgré tout ce que je croyais… Je t'ai toujours aimé… A Azkaban… Il n'y a que trois choses qui me faisaient tenir : Harry… La mort de Queudver… Et toi. C'est à toi que je pensais chaque nuit… A toi dont je rêvais… Je voulais faire payer Queudver pour la mort de James et Lily, pour mon emprisonnement… Et pour tous ses mensonges… Qui m'ont fait m'éloigner de toi… Je suis désolé. Je ne sais pas quoi faire pour que tu me pardonnes et pour que tout… »

« NON ! »

Les yeux noirs étincelèrent de haine, faisant reculer Sirius d'un pas, à nouveau.

« Non. Tu n'as pas le droit. Tu n'as plus le droit. C'est trop tard Sirius… Trop tard… Je… J'ai réussi… J'ai réussi à me guérir de toi… Après tant d'années… Tu as vu… A quel point tu m'as obsédé toutes ces années… Mais je m'en suis sorti, finalement… »

« Sev… »

« Il y a trop de choses… Trop de temps a passé… Trop de choses entre nous… Je ne peux pas… Je ne PEUX pas te pardonner et retomber amoureux de toi comme avant… Je ne peux plus… Je ne veux plus souffrir… Plus jamais… »

Black détourna le regard du visage soudain tordu de douleur de son ami.

Son ami…

Oui…

« Tu as raison. Je suis désolé, je n'avais pas le droit… Je vais te laisser, je vais partir et… »

Il ouvrit la bouche et la referma convulsivement, la gorge encombrée de pleurs.

Rogue eut soudain envie de le prendre dans ses bras, de le serrer, de l'embrasser, de pleurer contre lui… Mais il avait décidé de dépasser ce stade de dépendance, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?

Il le devait.

Absolument.

Rester seul, toujours.

Pas d'attachement, pas de lien émotionnel, pas d'entrave…

Ne plus montrer sa faiblesse, plus jamais. Ne plus jamais céder à ce cœur trop fragile, trop assoiffé d'affection et d'amour.

C'était nécessaire.

Pour ne plus souffrir.

Pour sa survie.

Pour son équilibre mental.

Pour…

« Et Potter ? Il faut veiller sur lui. » Mais pourquoi lui disait-il ça ? Il eut envie de se taper la tête contre le mur.

« Quoi ? » Sirius battit des cils, désarçonné.

« Je ne pourrais pas rester 24h/24 à le surveiller. Sous ta forme de chien, tu le pourras, toi… »

Mais il était con ! Le roi des cons !

Il venait de lui dire qu'il n'y pouvait rien y avoir entre eux et maintenant il l'invitait carrément à s'installer chez lui !

Black le dévisagea un long moment.

Pourquoi ?

Il ne voulait plus de lui, alors pourquoi ?

« Bon, si tu ne veux pas, je… »

« Je reste ! Je m'occuperai de Harry, il ne t'embêtera pas ! »

Tant pis s'il ne voulait plus de lui.

Tant pis s'il ne l'aimait plus.

Il voulait juste être près de lui…

Veiller sur lui, l'aimer, en silence, comme il l'avait fait pendant toutes ces années d'emprisonnement, alors qu'il se torturait nuit après nuit.

Juste être là.

Harry se recroquevilla contre le tronc de l'arbre contre lequel il se cachait.

Rogue connaissait le coin.

Il allait le retrouver.

Et il lui ferait payer.

Bon dieu ! Pas étonnant qu'il soit aussi timbré, avec tout ce qui encombrait son crâne !

Pas étonnant aussi qu'il ait cherché à se débarrasser de ses souvenirs. Ce n'était pas une solution, mais… Et bien… Disons qu'à sa place, il aurait fait pareil…

Il frissonna en songeant que, finalement, ils avaient beaucoup de choses en commun, Rogue et lui…

Une pensée détestable…

Enfin, il y avait quand même des choses qu'il ne partageait pas avec son professeur…

Rougissant jusqu'à la racine des cheveux, il enfouit son visage dans ses genoux.

Raaaah ! Mais elles allaient se barrer les images mentales, oui ?

C'était déjà suffisamment gênant de connaître les sentiments de Rogue envers Sirius, mais les souvenirs des scènes euh… Comment dire… Voyons… Toutes les choses que le morale réprouve, parait-il et euh… Bref… Gah, c'était possible cette position ?

Raaaaaaah ! Et allez y, ça recommençait !

Il sursauta en sentant une main sur son épaule.

Harry leva la tête et souhaita instantanément ne faire plus qu'un avec l'arbre rugueux contre son dos.

Rogue, agenouillé devant lui, le dévisageait avec sa froideur coutumière.

« Vous devriez rentrer. Il n'est guère prudent de rester ici. »

Harry rougit violemment et hocha négativement la tête.

Rogue fronça les sourcils.

« DEBOUT ! Je n'ai pas accepté de vous prendre chez moi pour que vous passiez la nuit dans la campagne profonde ! C'est quand même formidable qu'il faille toujours être derrière vous pour vous éviter de vous mettre dans des situations impossibles ! Vous protéger, non mais franchement ! Quelle sinécure ! »

Harry sourit malgré lui.

Le ton était acerbe, la langue venimeuse et l'inimitié qu'exhalait Rogue étaient suffisantes pour qu'Harry ait une réaction épidermique à sa seule vue. Seulement, ce n'était plus le cas.

Harry ne pouvait s'empêcher, en voyant Rogue, de penser à ce qu'il était enfant, à ce qu'il avait vécu, à ses sentiments profonds pour Sirius… A ce qu'il était. Son agressivité et sa morgue étaient juste une façon de montrer son inquiétude. Il le protégeait, comme il le pouvait… Son mépris était également une façon de le protéger. Il tentait ainsi de le rendre plus docile et moins sujet aux extravagances… Peine perdue, mais bon.

Rogue était quelqu'un de gentil.

Harry rougit davantage en laissant cette pensée surgir dans son esprit.

Oui. Rogue était quelqu'un de bien.

Sa façon de traiter Neville relevait de la même philosophie : aider l'autre en l'endurcissant.

Il comprenait ce que Neville et lui pouvait ressentir car, comme eux, il avait perdu ses parents dans des circonstances tragiques…

Par contre, il était incapable de faire passer ce sentiment de manière normale et sa « méthode » laissait à désirer.

Rogue était quelqu'un de bien, mais n'avait aucune notion de la pédagogie ni du tact…

« DEBOUT ! » Gronda à nouveau Rogue, le saisissant par le biceps et le soulevant de terre. « Il faut qu'on cause, tous les deux…»

Harry blêmit.

« Ecoutez… Je suis euh… Désolé… Pour le cache souvenir… Je ne savais pas, je… » Balbutia-t-il.

« Potter, si vous êtes en train d'essayer de me faire des excuses, vous pourriez au moins avoir la décence de le faire de manière a minima intelligible… »

« Ah… Euh… » Harry prit une profonde inspiration, en hoquetant quelque peu car il avait du mal à suivre les grandes foulées de Rogue. « Je suis désolé, j'ai pris votre cache souvenir pour une boule de sorcière. Je ne pensais pas provoquer une telle situation. »

Rogue roula des yeux.

« L'ignorance n'est pas une excuse, Potter. Si je vous revoie une seule fois porter la main sur une de mes affaires sans y avoir été invité je vous écorche, vous éviscère, vous remplis le ventre de son et me sers de votre carcasse comme trophée empaillé dans mon salon. Me suis-je bien fait comprendre ? »

« Hum… Oui, professeur. »

« Bien. Et si vous parlez une seule fois, à qui que ce soit, moi y compris, de ce que vous avez vu dans le cache souvenir, le sort qui vous attend sera pire que la taxidermie à vif… Compris ? »

« Oui, professeur. »

Alors qu'ils se rapprochaient du cottage, Harry demanda, timidement.

« Et Sirius ? »

« Quoi, Sirius ? »

« Que devient-il ? »

Rogue serra les lèvres avant de répondre d'un ton sec.

« En quoi le sort de votre incapable de parrain m'intéresse-t-il ? »

« Je voulais juste savoir, c'est tout… » Répondit Harry, misérable.

Rogue serra davantage les lèvres.

« Il va rester avec nous jusqu'à la fin de l'été. »

« C'est vrai ? » S'exclama Harry, ravi.

« Je dois avoir perdu complètement l'esprit… » Marmonna Rogue sans répondre directement.

« Professeur ? »

« Quoi encore, Potter ? » Grogna Rogue avec ennui.

« Merci. » Et il dégagea son bras pour courir vers l'habitation où un chien l'attendait en battant de la queue.

Fin.