LES LIENS DU PASSÉ

Titre: Les liens du passé

Auteurs : Rowena, ma poulette, pour tout ce qui se passe dans le présent et Eléa, moi, pour tout ce qui se passe en dans le passé.

Disclaimer : Les personnages ne nous appartiennent malheureusement pas (damn it, j'aurais dû les inventer !), à part Eléa, imaginée de toute part par moi :p... JK Rowling, tout est à elle...

Spoilers/Timeline: Aucun spoiler mais la fic pour ce qui est du "présent" se situe après le tome 5.

Rating : M

Couples : Let's read and see !

Note de Rowy : je voulais juste dire à ma poulette que je suis trop contente d'écrire cette fic avec elle et que je la remercie de me supporter moi et mes questions sur des détails voire pas des détails d'ailleurs qui m'échappent dans le Potterverse ! Love U chickie...

Note d'Eléa : Merci ma poulette de m'avoir embarquée dans cette jolie aventure et de m'avoir soutenue et encouragée, merci de m'avoir indiqué le mode d'emploi du mode DAWSON, merci pour les fous rires et merci pour Eléa... love you too

Remerciements :
un grand merci à Morgana et Avalon nos bétareadeuses !

REPONSES AUX REVIEWS

Rowy : Y a-t-il encore des gens intéressés par cette fic ? Y a-t-il encore des gens qui lisent cette fic ? lol Pour ceux qui sont toujours là, merci ! Votre patience est récompensée ! Pour les nouveaux qui auraient vus de la lumière, soyez les bienvenus ! Je ne dis pas ça au hasard, j'ai eu des ajouts en favoris et following ! Wow !

Pour ceux qui s'inquiètent pour le Dramione, vu que c'est ma partie, patience, il y a toujours des interactions entre eux, donc de l'espoir !

Eléa : Un grand merci à vous toutes qui nous lisez et patientez ! Ca fait super plaisir de voir des lectrices de la 1ère heure nous laisser des reviews ! C'est ce qui nous donne le courage de continuer...

Khalya : LOL ! Merci beaucoup ! On continue, on veut la finir, mais avec nos vies bien remplies, c'est pas toujours évident !

Pour 78, tu en sauras un peu plus sur Sarah ici, et faudra patienter pour le reste :p En ce qui concerne Eilane, ce n'est pas notre création, tu peux lire son histoire dans "L'Ascension des Ténèbres1:L'Anneau de Pouvoir" elle est dans notre profil dans Favorite Stories.

Desperatly Alone : Merci pour tes encouragements ! Voldy, la carte et la clé... ahah, bah tu verras plus tard :p (oui je suis méchante :p) pour le Dramione, patience... :D

Ecathe : Merci beaucoup pour ta review largement enthousiaste lol, je ne pense pas que JKR serait super heureuse de ce qu'on ait fait des ses personnages ! La magie de la fanfiction...

Sinon nous sommes 2 à écrire, Rowy et Eléa ;)

Sambre: Merci beaucoup Sambre ! On n'espérait pas avoir de reviews vu le temps qu'on met à updater et du coup c'est très encourageant !

Cassy : Pas de soucis, la fin est déjà écrite, et on est à quelques chapitres du dénouement je pense, pas plus de 40 chapitres ;) Merci pour ta patience !

Stella : Merci pour ta review ! J'espère que ce chapitre te plaira :)

Marine : ihihi ! Tu vois, suffit de demander :p non personne nous harcèle, on croyait avoir perdu tout le monde :p donc voilà la suite... merci pour ta review !

J'en profite pour passer une annonce : nous avons perdu une bétareadeuse. Nous n'en avons plus qu'une qui est très très occupée. Nous recherchons quelqu'un très bon en français et en écriture et qui connaisse bien notre fic + l'univers HP. Merci d'écrire à eleademeteriem( ) (enlevez les parenthèses bien sûr..) ou via mon LJ ou forum (voir notre profil).

Bonne lecture !

Résumé du chapitre 33 :

1980 : Lucius parvient à convaincre Eléa du bonheur qui peut ressortir de sa grossesse et lui promet d'élever son enfant et le considérer comme le sien. Severus lui remonte également le moral et ils évoquent le passé. Eléa veille enfin son père, malade, morte d'inquiétude à l'idée de le perdre.

1998 : Eléa assiste brièvement Rémus et Severus lors de leurs cours à Poudlard mais devant les protestations des parents d'élèves, l'expérience est écourtée. Ron et Pansy entretiennent une relation secrète et semblent sincères dans leurs sentiments. Ron se confie à Hermione. Draco est particulièrement désagréable avec Hermione. Eléa le confronte et s'aperçoit qu'il a été marqué. Elle est inquiète et folle de rage, et avertit Dumbledore. Eléa et Lucius passent une nuit ensemble mais sont attaqués par des Détraqueurs. Eléa est blessée, Lucius doit la mettre en sûreté.

Chapitre 34 : L'Enlèvement

I'mnot here. This isn't happening. I'm not here, I'm not here... Radiohead (How to Disappear Completely)

Lundi 24 mars 1980, Ecosse, maison de Dumbledore, 10h.

Rémus entra doucement dans la chambre de Dumbledore. Une odeur de camphre et de menthol mélangée à des herbes médicinales frappa si fort son odorat de Lycan qu'il fronça les sourcils. La pièce était plongée dans la pénombre, le directeur de Poudlard dormait, sa respiration bruyante était le seul son qu'il pouvait entendre. A côté du lit, Eléa était, elle aussi, endormie paisiblement, ses mains posées sur son ventre arrondi. Elle était très pâle et il pouvait discerner des cernes profonds sous ses yeux. Il s'approcha de la jeune femme et avança une main pour la réveiller doucement lorsqu'Eléa la saisit brusquement, faisant sursauter son ami.

« Oh, c'est toi, désolée, » murmura-t-elle.

« T'es dingue ? J'ai frôlé la crise cardiaque ! » Elle relâcha sa main et la massa douloureusement.

La jeune femme hocha lentement la tête en guise d'excuse et se leva doucement. Elle posa une main tremblante sur son père et grimaça avant de se retourner vers le Maraudeur.

« Je croyais qu'il allait mieux ? » s'étonna-t-il.

« Il a rechuté cette nuit, il a eu une poussée de fièvre et des quintes de toux... » répondit-elle à mi-voix.

Ils sortirent en silence dans le couloir.

« Tu es seul ? »

« Non, Lily et James sont là et Pompom est prête à te relever. »

« Comment vais-je leur expliquer ma présence ? » s'inquiéta-t-elle.

« Ne t'inquiète pas, elle leur a dit que tu étais venue te reposer et que tu avais pris la relève cette nuit. Elle m'a dit aussi qu'elle savait, » dit-il d'un air entendu.

« Papa lui a dit et ça, c'est pas bon signe, crois-moi... » Sa voix se cassa. Rémus s'approcha d'elle et la serra dans ses bras.

« Ne t'inquiète pas, c'est un roc ! Il va s'en sortir. »

Elle acquiesça, essuya quelques larmes et respira profondément avant de se diriger vers la cuisine.

Ils entrèrent dans la pièce et Eléa salua ses amis et l'infirmière, qui échangèrent des regards inquiets. Elle s'assit à table et se versa un jus d'orange, puis remarquant qu'elle était observée, leva un sourcil.

« Quoi ? »

Lily prit une de ses mains.

« Eléa, je crois qu'il faut que tu manges et surtout que tu te reposes, tu ... »

« … as l'air d'un cadavre... » finit James.

« Dites pas n'importe quoi, je me réveille à peine, j'ai dormi, » répondit-elle en haussant les épaules.

« D'un œil, » ajouta Rémus tout en désignant sa main qui était encore douloureuse.

« Je t'assure que tu as mauvaise mine, il faut vraiment que tu te reposes Eléa, » insista Lily, visiblement inquiète.

Eléa sourit tristement et se servit un croissant.

« J'irai me recoucher après avoir mangé. »

« Si tu as besoin de quelque chose, dis-le nous, » proposa James en souriant.

« C'est gentil, mais ça ira merci. » Elle lui retourna un sourire sincère.

Ils déjeunèrent en parlant de la santé de Dumbledore, mais Eléa prit rapidement des nouvelles de Lily et de son bébé, changeant de sujet pour ne pas montrer son trouble lorsque le sujet était porté sur son père.

Après avoir mangé, elle se sentit un peu mieux mais décida quand même d'aller se reposer. Pomfresh promit de lui rendre visite pour vérifier sa tension et lui donner quelques potions.

Rémus avait raison, elle n'avait dormi que d'un œil. Elle n'arrêtait pas de réfléchir à son avenir : si son père succomberait à la maladie ou s'il survivrait, ce qu'elle souhaitait le plus au monde. Et puis surtout elle songeait à l'avenir de son enfant. Il devait y avoir un moyen de s'enfuir, mais comment Lui échapper ? Il avait été parfaitement clair et elle avait testé tellement de sorts… La mort était sa seule issue, mais elle ne pouvait pas mettre fin à ses jours, elle n'était pas assez forte... ou lâche.

Elle se rendit à la salle de bain et observa son reflet dans le miroir. Ils avaient raison, elle n'était que l'ombre d'elle-même. Son visage était pâle et cerné, même ses joues étaient creusées, elle avait sûrement dû perdre du poids malgré une alimentation plus riche ces dernières semaines. Elle soupira en s'allongeant et finalement se releva pour prendre un parchemin et une plume.

Lucius,

Mon séjour chez Lily et James se prolonge malgré moi. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter, je serai de retour à la fin de la semaine.

J'espère que tu vas bien et que tu es prudent,

Tu me manques.

Eléa.

Elle alla dans le bureau de son père et s'approcha de Fumseck qui, la reconnaissant, piailla tout en lui donnant de légers coups de tête.

« Bonjour toi, » dit-elle tout en le caressant. « Ecoute, je sais que tu ne l'aimes pas, mais il faudrait que tu délivres ce message à Lucius, ok ? » Le Phénix dodelina de la tête et elle reprit : « Merci, tu es vraiment génial. » Elle lui déposa quelques miettes de cookie qu'il picora. « Ecoute, tu laisses ce message chez moi, dans le salon sur une table, seulement si Lucius est seul ou absent, s'il y a quelqu'un d'autre, tu reviens, ok ? » L'oiseau piailla à nouveau et attrapa l'enveloppe dans son bec avant de disparaître.

Elle retourna finalement dans sa chambre pour s'étendre et voyant que Fumseck ne revenait pas, elle en déduisit que le message avait été délivré.


Londres, dans la nuit du 30 au 31 mars 1998

Lucius se retrouva en plein cœur de Londres, Eléa dans ses bras, alors que la nuit calme enveloppait leurs silhouettes et les dissimulait quelque peu du monde Moldu. Il marcha jusqu'à la Place Neal's Yard et leva les yeux sur la devanture atypique vert acidulé d'un petit hôtel particulier. Il poussa la porte avec son pied et son épaule et pénétra dans le hall faiblement éclairé. Le Mangemort s'approcha du comptoir, réajustant sa position alors qu'Eléa commençait sérieusement à lui peser sur les épaules, et il sonna à plusieurs reprises, la fatigue et l'agacement prenant le dessus. Le concierge apparut par une porte dérobée et lança au sorcier un regard en coin, soupirant devant l'accoutrement de Lucius mais sans faire davantage de commentaire. La baguette toujours serrée dans sa main droite, Lucius la leva légèrement et prononça le sort d'une voix claire et précise.

« Impero. »

Le concierge leva un nouveau regard en direction de Lucius, vide, inexpressif et hypnotique. Il attendait vraisemblablement les instructions afin d'agir en conséquence.

« Je suis venue avec ma charmante fiancée qui est en pleine forme, » déclara Lucius en ne quittant pas des yeux le concierge. « La chambre est réservée et a été payée d'avance, je viens récupérer la clé. »

Le concierge acquiesça et lui tendit une clé que le Mangemort attrapa en grimaçant alors qu'il n'était pas loin de lâcher Eléa. Il serra les dents et sans plus d'explications, il leva le sort, disparaissant dans les escaliers menant aux chambres du premier étage. Il s'engouffra dans la chambre numéro 7 et posa délicatement Eléa sur le lit avant de soupirer longuement. Il dégagea les cheveux de son visage et se maudit d'avoir organisé cette soirée. Il disparut un instant dans la salle de bain et revint avec un gant tiède qu'il posa sur ses tempes et il l'entendit gémir faiblement. Cette réponse le rassura quelque peu, au moins elle était réactive. Il s'allongea à ses côtés et s'autorisa à fermer les yeux, se relaxant enfin après les dernières heures de cauchemar. Il s'assoupit une bonne heure mais l'état préoccupant d'Eléa le torturait alors qu'elle n'avait toujours pas repris connaissance. Il se leva et alla se passer de l'eau froide sur le visage, puis il revint dans la chambre et observa un instant le ciel s'éclaircir au-dessus de Londres.


Il avait attendu qu'elle se réveille, il avait espéré pour être plus précis. En vain. Eléa était restée inconsciente et il ne pouvait attendre davantage que son état empire. Le soleil de printemps montait lentement et Lucius ne voyait pas d'autre alternative pour mettre sa maîtresse en sécurité que de l'amener là où elle serait soignée et protégée, dans le lieu qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Il regarda à nouveau longuement son visage pâle qu'il caressa doucement du revers de la main avant d'envelopper Eléa dans une épaisse couverture blanche. Il dégagea les cheveux de son visage et blêmit en s'apercevant que sa température corporelle avait considérablement chuté. Il se réprimanda intérieurement de n'avoir pas réagi plus tôt et la prit finalement dans ses bras quittant l'hôtel aussi anonymement qu'il y était arrivé. Le soleil matinal l'éblouit et l'obligea à plisser les yeux. Il embrassa Eléa sur le front avant de rassembler ses forces et transplaner jusqu'à Poudlard.

Il tomba à genoux devant les grilles du château, reprenant difficilement sa respiration, et il vérifia qu'Eléa n'avait pas trop subi de dommages durant le voyage avant de se relever tenant toujours le frêle corps inerte de sa maîtresse contre sa poitrine. Il soupira en levant les yeux vers l'immense portail de l'école de sorcellerie et jeta un regard implorant à Eléa.

« Eléa… comment est-ce qu'on pénètre dans cette forteresse, amour ? Donne-moi la clé, un indice, n'importe quoi… »

Le silence lui répondit et il attendit un miracle, immobile, la fumée sortant de ses lèvres entrouvertes alors qu'il ne semblait pourtant pas souffrir de la fraîcheur matinale. Le miracle ne tarda pas à intervenir et il ne sut dire d'où vint la providence lorsque les lourdes grilles de Poudlard s'ouvrirent finalement. Il recula d'un pas, abasourdi par la simplicité apparente et déconcertante de la manœuvre. Il jeta un regard à sa maîtresse toujours inconsciente et se douta tout de même que la présence d'Eléa ne devait pas être étrangère à l'ouverture subite de l'école certainement la mieux protégée du pays. Les sens à l'affût, il marcha rapidement jusqu'aux portes du château qui le laissèrent pénétrer avec la même facilité dans le Grand Hall afin de rencontrer le comité d'accueil.

Tout s'accéléra et la quiétude matinale fut bientôt remplacée par des cris apeurés et de stupeur des élèves croisant le Mangemort alors que les Aurors surgirent, encerclant Lucius qui réussit tout de même à pénétrer dans la Grande Salle, protégé malgré lui par Eléa toujours inconsciente dans ses bras.

Il le savait, la jeune femme était sa seule protection à cet instant et sans elle, il était presque sûr qu'il serait déjà mort à l'heure actuelle. Il vit les Professeurs Dumbledore et Mc Gonagall, escortés par des Aurors, s'avancer vers lui, baguettes levées, tandis que les Professeurs Lupin et Flitwick, aidés des Préfets de sixième et septième années, s'étaient chargés de la protection des élèves présents dans la Grande Salle.

Severus Snape s'était levé lentement de la table des Professeurs en fronçant les sourcils avant de comprendre la raison de la présence de son ancien ami et se diriger à son tour à sa rencontre d'un pas plus rapide.

Quelques élèves curieux avaient également réussi à s'approcher de la scène principale tandis qu'une voix s'éleva parmi l'agitation.

« Maman ? Maman ! »

Hermione se mit à courir en direction de Lucius, bientôt suivie par Harry, Ron et Ginny.

« Hermione ! » se mit à crier à son tour Rémus bien qu'il savait son intervention inutile.

Harry réussit à lui attraper la main afin de la stopper avant qu'elle ne se jette dans la gueule du loup.

« Qu'est-ce que tu fais ? Lâche-moi ! » s'écria-t-elle fusillant Harry du regard.

Draco, non loin d'elle, ne quittait pas son père des yeux et semblait abasourdi de voir ce dernier dans l'enceinte de l'école. Il serra les dents à la brûlure qu'il ressentit au niveau de la Marque et s'arrêta presque de respirer en voyant le regard dangereux de Lucius.

Snape ne quitta pas des yeux Lucius lorsque ce dernier lui remit Eléa, toujours inconsciente et emmitouflée dans la couverture blanche.

« Détraqueurs… » souffla Lucius à l'attention du Maître de Potions et ce simple mot ajouta une pagaille supplémentaire parmi les élèves qui scrutaient les lieux, s'attendant à voir surgir les répugnantes créatures à tout moment.

« Comment va-t-elle ? » insista Hermione, se frayant un chemin vers le Professeur Snape.

« C'est pas vrai… » râla Ron, « elle ne peut pas rester tranquille, non ?! »

« Prof- »

Hermione ne finit pas sa phrase alors que Lucius profita de l'agitation non maîtrisée pour sortir un poignard et empoigner Ginny. L'arme arborait une émeraude incrustée dans le manche qui envoyait des prismes de lumière quand la pierre croisait le soleil au travers des vitres de la Grande Salle. La lame tranchante menaçait Ginny au niveau de son cou. Lucius n'exerçait pas une pression trop forte mais on pouvait facilement deviner qu'un simple geste malencontreux pourrait sectionner sans difficulté la carotide de la jeune fille. L'incompréhension empêcha Harry et Ron de réagir alors que Dumbledore s'approcha du Mangemort, comprenant clairement ses intentions que ce dernier ne tarda pas à énoncer à haute voix.

« C'est ici et maintenant que ma petite visite parmi vous prend fin, » déclara Lucius, « Miss Weasley va gentiment me raccompagner jusqu'à la grille, pour me permettre de transplaner. »

« NON ! » s'écria soudainement Harry, « prenez-moi à sa place ! »

« Il en est hors de question ! » rétorqua Mc Gonagall, se postant devant l'intéressé, alors que Lucius semblait trouver l'idée séduisante.

« Lucius… Tu pourrais très bien rester ici avec Eléa, » tenta Dumbledore.

« Nous savons très bien, vous et moi, que ce n'est pas une solution envisageable, » répondit Lucius d'un air pincé, mais le vieux sorcier n'était pas dupe. « Et puis, j'ai des affaires à régler, » soupira-t-il, visiblement agacé. « Merci de l'invitation, mais l'heure tourne… » finit-il en désignant Ginny.

Lucius jeta un dernier regard à Eléa, blottie contre Snape, et tourna les talons, empoignant plus fort Ginny qui grimaça sous la douleur.

« Non ! » cria à nouveau Harry, faisant un pas, avant d'être stoppé par un Auror qui l'empêcha de suivre le Mangemort.

« Professeur ! » rua à son tour Ron, se tournant vers Mc Gonagall. « Faites quelque chose ! Gin' ! Ginny ! »

Les cris de protestation des deux amis retentissaient toujours dans la Grande Salle lorsque Dumbledore, accompagné de plusieurs Aurors, escorta le Mangemort contre sa volonté jusqu'aux grilles en fer. Une fois à l'extérieur, Lucius s'autorisa à pousser un petit soupir, levant les yeux devant le Directeur de l'Ecole prêt à bondir.

« Elle est jolie, » déclara Lucius, avec un sourire en coin, tandis que Ginny essayait de se libérer de l'étreinte qu'il resserra plus fort autour d'elle. Elle frissonna quand elle sentit la lame froide s'enfoncer un peu plus contre son cou et stoppa tout mouvement alors qu'une goutte de sang perlait, glissant jusqu'à son décolleté.

« Lucius… » gronda dangereusement Dumbledore.

Le sourire du Mangemort s'éteignit, pas besoin de faux-semblants ici, et il respira profondément. Les yeux bleus perçants du Directeur croisèrent les siens, et il entendit le vieil homme parler dans ses pensées.

« Lucius… tu sais que je peux encore vous aider et vous protéger… toi et Draco… »

Il relâcha légèrement son étreinte mais Ginny n'osa rien tenter, comprenant que quelque chose se passait entre les deux hommes. Elle sentit dans son dos la respiration du Mangemort se calmer.

Les visages tendus, les baguettes trop serrées et le poignard menaçant furent certainement la raison de la catastrophe mais quand Lucius surprit une Auror lever soudainement plus haut sa baguette et alors qu'il crut lire l'énonciation d'un sort sur les lèvres d'une autre, il transplana sans réfléchir, ne lâchant pas Ginny, qui poussa un cri de surprise et d'effroi tandis qu'elle fut entraînée malgré elle avec le Mangemort dans le tourbillon qui les engouffrait.

Dumbledore rejoignit le château dans un silence lourd et pesant et pénétra sans un mot dans la Grande Salle qui s'était considérablement vidée. Hermione était agenouillée près de sa mère étendue sur le sol alors que Snape vérifiait qu'elle n'avait pas de blessure apparente. La jeune sorcière se leva et fit un pas vers le Directeur. Les visages se décomposèrent quand ils réalisèrent que Ginny n'était pas avec le groupe.

« Albus ? » osa Mc Gonagall.

« Il l'a emmenée, » déclara platement Dumbledore tandis qu'Harry fixait toujours la porte de la Grande Salle, s'attendant encore à voir surgir sa petite amie saine et sauve.

Hermione étouffa un sanglot, s'agrippant soudainement au cou de Ron qui ne put même pas lever les bras et serrer son amie, trop choqué par la tournure des évènements. Harry se laissa glisser sur le sol et, de désespoir, prit sa tête entre ses mains devant l'impensable qui venait de se produire. Même Draco semblait littéralement sonné par l'enlèvement que venait de commettre son père sous ses yeux.

« Minerva, organisez sans tarder une Réunion de l'Ordre pour demain ! » se reprit Dumbledore. « Tonks, Ella, accompagnez-moi au Ministère je vous prie, il faut avertir Arthur. Minerva, je vous laisse le soin de contacter Molly… »


Londres, vendredi 28 mars 1980

Lucius entra dans l'appartement d'Eléa avec un pincement au cœur. Serait-elle là ? Il n'avait pas eu de nouvelles depuis la courte lettre qu'il avait reçue en début de semaine et il commençait à s'inquiéter.

L'inquiétude laissa rapidement place au soulagement. Elle était allongée, paisiblement endormie, un roman à la main. Il déposa ses affaires sur la table en verre et s'approcha du canapé en souriant, découvrant les restes d'une tablette de chocolat près d'elle. Il s'agenouilla, embrassa doucement son ventre et s'approcha de ses lèvres qu'il effleura de son index, elle lui avait tellement manquée... Au contact de son doigt, les lèvres de la jeune femme s'étirèrent en un large sourire. Elle ouvrit ses yeux clairs et rencontra ceux de son amant. Puis ils s'embrassèrent profondément avant qu'elle ne s'asseye, lui laissant une place près d'elle.

« Tes lèvres ont le goût du chocolat, » plaisanta-t-il.

« Oui, je me suis un peu lâchée. » Elle rit de bon cœur avant d'ajouter : « La Médicomage va me tuer... »

« Tu as l'air fatigué amour... » Il lui caressa la joue. « Comment va ton père ? »

« Il a rechuté en début de semaine, mais il va beaucoup mieux maintenant. Quand je suis partie, il avait repris des couleurs et il plaisantait. »

« Bien, » répondit-il, légèrement tendu.

Eléa le regarda froidement.

« Je sais que tu aurais préféré qu'il meure, désolée de t'apporter une si mauvaise nouvelle, » répliqua-t-elle froidement.

« Ce n'est pas ça, » il soupira, « je... c'est juste que ça aurait simplifié beaucoup de choses... » ajouta-t-il maladroitement.

« On parle de mon père Lucius ! »

« Je t'en prie Eléa, il n'a jamais été vraiment présent, combien de fois me l'as-tu dit ? » Elle détourna le regard et le porta sur la fenêtre par laquelle elle pouvait voir une fine pluie tomber. « Tu ne partages pas ses idées, tu le trahis, la seule raison pour laquelle tu veux qu'il reste en vie c'est parce que tu crois en une sorte de rédemption... »

« Arrête Lucius… » souffla-t-elle.

« Non, écoute-moi, sois lucide Eléa, » reprit-il durement. « Qu'est-ce que tu crois ? Que le jour où il découvrira qui tu es vraiment, il va te serrer dans ses bras et te protéger ? »

« Tu le connais mal. » Elle secoua la tête.

« Mais toi aussi tu le connais mal ! Il t'enfermera, Eléa ! Il te traitera comme une inconnue, il te reniera ! » Son ton commença à monter malgré lui.

« Non, jamais il ne me reniera ! » dit-elle les larmes aux yeux.

« Il t'enfermera et t'interrogera Eléa ! Tu as tué des centaines de personnes, tu les as torturées et tu y as pris du plaisir ! »

« Arrête ! » cria-t-elle en se levant. « Je suis sa fille, jamais il ne me fera ça, il me laissera une seconde chance ! »

Lucius rit amèrement.

« Alors, tu n'as pas abandonné l'idée de te rendre, c'est ça ? Tu ne peux pas t'enfuir alors tu vas aller te réfugier à l'Ordre ? »

« Je n'ai jamais dit ça, je... j'en sais rien Lucius… » Elle commença à pleurer. « J'ai peur, j'ai peur de Lui, je ne veux pas qu'Il ait une emprise sur notre fille. »

Lucius se leva et la prit dans ses bras, elle le repoussa légèrement et finalement se blottit contre lui.

« Je suis désolé de t'avoir dit tout ça Eléa, mais réfléchis-y, on est en guerre, n'oublie pas qu'il a voulu kidnapper la fille de Marius. Tu crois vraiment que ton père te traitera différemment des autres Mangemorts ? »

« Je ne sais pas, » sanglota-t-elle.

Il la serra plus fort dans ses bras et l'embrassa sur le front. Ils se séparèrent doucement et ils se regardèrent dans les yeux et Lucius lui fit un grand sourire.

« Pourquoi souris-tu comme ça ? » s'étonna-t-elle.

« Tu as dis notre fille. »

Elle lui retourna son sourire et s'éloigna doucement de lui pour préparer le dîner. Elle n'avait pas envie de relancer la conversation sur son père et voulait passer une soirée tranquille avec son amant. Sa présence rassurante lui avait vraiment manqué.

« Comment ça va au Ministère ? » demanda-t-elle finalement, voulant détendre l'atmosphère.

Lucius remarqua son changement de ton et apprécia, il n'avait pas envie, lui non plus, de se disputer. Il se servit un bourbon et commença à lui raconter sa semaine plutôt chargée.


Poudlard, mardi 31 mars 1998

La nuit tombait à présent doucement sur Poudlard, enveloppant le château dans une obscurité presque totale en l'absence de lune. Le chaos était passé mais la nouvelle pas digérée : une élève de l'école avait été enlevée par un Mangemort. Les Aurors s'étaient succédé et les preuves avaient été relevées. Même le Ministère avait fait le déplacement pour interroger les témoins de la scène. Un lourd silence pesait à présent sur le château surveillé de près par des Aurors se relayant régulièrement. Les élèves avaient déjeuné rapidement puis avaient été sommés sans préambule de rejoindre leurs dortoirs et d'y demeurer tranquilles jusqu'à l'heure du coucher.

Eléa avait repris connaissance dans l'après-midi et son état n'inspirait plus d'inquiétude dans la soirée alors que Madame Pomfresh et le Professeur Snape lui avaient prodigué les soins nécessaires. Après le déjeuner, elle avait été autorisée à recevoir de la visite et Hermione s'était précipitée auprès de sa mère, suivie des Professeurs Lupin et Snape qui lui avaient expliqué précisément la raison de sa présence au château, sans lui cacher aucune information en raison de la gravité de la situation. La jeune femme était abasourdie, ayant visiblement du mal à croire ce que son amant avait fait mais les larmes d'Hermione n'avaient pu que lui confirmer la triste réalité.

« Eléa, est-ce que tu as une explication sur la présence des Détraqueurs à l'Impasse du Tisseur ? » demanda Snape pour la deuxième fois.

« Non ! » s'écria Eléa avec un air désespéré. « Ce n'est pas Lucius. Pourquoi aurait-il fait ça ? Il n'aurait jamais mis ma vie en danger… »

« Il a bien enlevé Ginny… » rappela amèrement Hermione doucement. « Il est capable de tout… »

Lupin fut tenté d'ajouter qu'il avait laissé Draco se faire marquer mais il se mordit la lèvre pour ne pas révéler ce qu'Hermione ignorait toujours concernant son ex petit ami.

« Ce n'est pas Lucius, » répéta Eléa en regardant successivement Snape et Lupin.

« Bien, » accorda Rémus avec un hochement de tête. « Qui alors ? »

« D'après vous ?! » s'emporta soudainement Eléa. « Qui veut ma mort depuis que je ne sers plus à rien ? Qui a déjà tenté de me tuer ? »

« Nous sommes d'accord, Eléa, » soupira Snape, « Voldemort cherche à t'éliminer mais on lui a dit que tu étais là. Il a eu l'information. Qui savait pour ma maison ? Tu comprends ? Quelqu'un vous a trahi Lucius et toi et il faut que l'on sache qui, parce que soit Lucius a parlé, soit il a été suivi, soit tu as été suivie. »

« Je ne sais pas, » déclara faiblement Eléa en se recouchant contre les oreillers placés dans son dos. « Ou alors quelqu'un t'a trahi Severus, ou a fouillé dans ta vie, » ajouta-t-elle d'un air de défi. « C'est ta maison après tout… »

« Inutile de nous emporter, » soupira Rémus, « nous verrons demain à la réunion de l'Ordre, le Professeur Dumbledore nous apportera peut-être des réponses. »

« Où est-il ? » demanda Eléa en fronçant les sourcils.

« Il est resté tard au Ministère et devait finir la soirée au Terrier… » expliqua Rémus.

« Oh… » soupira Eléa avec un air désolé mais sincère.

« Il m'a chargé de te dire que tu pouvais rejoindre ses appartements ce soir si tu le souhaitais, » ajouta le loup garou et Eléa acquiesça.

Les Professeurs Lupin et Snape finirent par souhaiter une bonne nuit aux deux jeunes femmes avant de les laisser un petit moment seules.

« Dix minutes, pas une de plus, Miss Granger, » avertit tout de même Snape. Eléa leva les yeux au ciel tandis qu'Hermione se contenta d'acquiescer.

« Comment va Harry ? » demanda finalement Eléa alors qu'Hermione avait pris place sur une chaise près du lit.

« Mal, comme tu peux t'en douter, » déclara Hermione d'un air las. « Il veut quitter le château pour aller chercher Ginny. Je pense qu'il sait que c'est insensé mais il échafaude des plans, ça doit être juste pour occuper son esprit je suppose… »

« Ron ? » continua Eléa.

« Je ne sais pas… Il ne dit rien, il n'a rien dit… Je l'ai peu vu en fait, je pense qu'il a dû rester dans sa chambre pratiquement toute la journée vu que les cours ont été annulés. »

« Je m'en veux tellement, » soupira Eléa. « Si je n'avais pas à tout prix voulu voir Lucius… Harry doit me détester… Encore plus qu'avant. »

« C'est faux, » tenta de la rassurer Hermione. « Il sait très bien que ce n'est pas de ta faute. Tu as failli mourir, maman. »

Eléa acquiesça tristement et leva à nouveau la tête, fronçant les sourcils en voyant la mine éteinte de sa fille.

« Et toi, comment vas-tu, chérie ? »

Hermione haussa les épaules, semblant trouver un intérêt soudain pour le sol froid de l'infirmerie.

« Hermione ? » insista Eléa.

La jeune sorcière leva finalement les yeux vers Eléa et sembla hésiter un instant. Mais quand elle ouvrit la bouche, Eléa pâlit et resta interdite de longues secondes.

« Je crois que je suis enceinte… » lâcha Hermione en baissant à nouveau les yeux.

« Quoi ? Mais je croyais que… que… Je ne comprends pas…», bafouilla Eléa, confuse.

« Oui, c'est Draco… » se sentit obligée de préciser Hermione. « Ca a dérapé, il a dérapé, on est toujours séparés… Mais ça a dérapé. Juste une fois… Non, deux… » s'embrouilla Hermione en fermant un instant les yeux.

« Tu lui as dit ? »

« Non… Je ne crois pas que ce soit une option envisageable… » souffla Hermione alors que les larmes brouillèrent soudainement sa vision.

« Manquait plus que ça… » soupira Eléa en passant une main dans ses longs cheveux.

« Qu'est-ce que tu crois ? Que je l'ai fait exprès ? » s'emporta soudainement la jeune sorcière. « Je me sens déjà assez stupide comme ça, ce n'est pas la peine d'en rajouter maman ! »

« Je n'ai rien dit ! C'est toi qui en rajoutes là ! Tu as pensé à quoi ? Les Potions ne sont pas faites pour prendre la poussière sur des étagères Hermione ! »

« C'était à une stupide fête, on avait trop bu ! Ca ne t'est jamais arrivé toi peut-être de trop boire à une fête ?! »

« Tu en es sûre ? » se calma Eléa en respirant profondément.

« Oui, il n'y en a pas eu trente six des nuits de ce genre ! »

« Je veux dire, est-ce que tu es sûre d'être enceinte ? » clarifia Eléa et s'efforçant de se calmer.

« J'en ai peur… Je n'ai plus mes règles, j'ai des nausées, je suis fatiguée… »

« Ca remonterait à quand ? »

« La Saint-Valentin, » déclara platement Hermione et Eléa se retint pour ne pas commenter la date.

« Un mois et demi ! Hermione… » soupira Eléa. « Tu envisages ça comment ? »

« Tu es en train de me demander si je vais avorter ? » demanda d'un air sombre Hermione. « Je ne sais pas… Enfin si, je ne peux pas faire ça… »

« On est en temps de guerre, » lui rappela Eléa.

« Et alors ? Ca ne t'a pas gêné toi… » rétorqua Hermione et Eléa préféra ne pas se diriger sur cette voie, sachant que cette conversation se terminerait mal.

« Il faut que tu le dises à Draco… »

« Non ! Pas question ! »

« Il a le droit de savoir Hermione, » insista Eléa.

« Non, c'est hors de question… Je ne l'aime plus, on n'est plus ensemble… »

« Ecoute Hermione, » commença Eléa en élevant légèrement le ton. « Si tu veux garder cet enfant, c'est ton choix et ton droit. C'est une décision adulte, il est temps d'agir en tant qu'adulte. Tu peux te raconter ce que tu veux sur tes sentiments par rapport à Draco, tu peux lui mentir si tu veux mais ne me raconte pas d'histoire à moi Hermione ! Il faut que tu le dises à Draco, il a le droit de savoir, et il va de toute manière bien finir par s'en rendre compte ! »

« Pas forcément, dans trois mois l'école sera finie, je ne le verrai plus ! »

« Tu te rends compte de ce que tu es en train de dire ? » souffla Eléa, visiblement choquée.

« Je le déteste ! » répéta Hermione alors qu'elle s'était levée et que davantage de larmes inondaient son visage.

« Qu'est-ce qui s'est passé, Hermione ? » tenta Eléa qui n'eut aucune réponse à son inquiétude alors qu'elles furent interrompues par Madame Pomfresh.

« Il y a beaucoup trop de bruit ici ! » gronda l'infirmière alors qu'Hermione tentait bien que mal de dissimuler ses larmes.

« Hermione a besoin d'aide, » déclara Eléa et Hermione lui jeta un regard noir. « Pour un test de grossesse, » ajouta-t-elle et Madame Pomfresh eut un regard compatissant envers la jeune sorcière, l'invitant à la suivre.

Hermione n'opposa aucune résistance, elle savait que l'infirmière était connue pour sa discrétion sans faille.

« Je reviens t'embrasser avant d'aller me coucher, » murmura Hermione et Eléa acquiesça avec un regard triste.

Eléa pria un instant pour que le test soit négatif et qu'une difficulté en moins allège ces temps difficiles.


Poudlard, mercredi 1er avril 1998

Ron ouvrit les yeux lorsque les premières lueurs matinales transpercèrent les rideaux mal tirés et il soupira en s'apercevant qu'Harry ne se trouvait pas dans son lit. Neville ronflait faiblement à l'autre bout de la chambre et le rouquin frissonna quand il quitta la chaleur de ses draps. Il ne mit pas longtemps à se préparer et descendit jusqu'à la salle commune d'un pas rapide, soupirant quand il vit son meilleur ami endormi sur ses parchemins. Il le secoua doucement et Harry réajusta machinalement ses lunettes sur son nez en paraissant quelque peu désorienté.

« Ne me dis pas que tu as passé la nuit là… » soupira Ron en désignant le désordre étalé sur la table.

« Visiblement si, » bailla Harry en ébouriffant davantage ses cheveux en bataille. « Il faut qu'on en parle à Hermione, Ron, » poursuivit-il sur un ton sérieux. « Il faut qu'on ait l'information, sinon ce n'est même pas la peine d'essayer. »

« Je ne sais pas, » hésita le rouquin. « C'est pas une bonne idée, Harry. Hermione essaie d'oublier ce crétin de Malfoy, alors c'est vraiment pas lui rendre service… Et cet abruti est capable de refuser, Hermione aura fait tout ça pour rien et il lui mènera la vie dure. »

« Il ne refusera pas, » insista Harry, « et si c'est le cas, Hermione pourra compter sur nous. Mais je suis prêt à parier cher qu'il ne refusera pas, son père a enlevé Ginny. »

« Comme tu veux, » soupira Ron en haussant les épaules.


Hermione se força à prendre un semblant de petit déjeuner. Elle ne quittait pas des yeux la table des Serpentards et hésita en voyant Draco seul, enfin au moins sans ses amis. Ce serait le moment ou jamais d'aller le voir et peut-être de lui avouer ce qui avait résulté de leur nuit alcoolisée de la Saint Valentin. Elle avait après tout promis à Eléa d'aller parler à Draco dans les meilleurs délais même si la date butoir n'était pas fixée à aujourd'hui. Elle allait se lever quand Ron et Harry la rejoignirent et elle en fut plutôt satisfaite, affichant une mine plus détendue.

« Tu as passé une bonne nuit ? » l'interrogea Harry en se servant une tasse de thé.

« Pas vraiment… » répondit la jeune sorcière de manière évasive. « Je ne vous pose pas la question à tous les deux… »

« On a un plan, Hermy, » poursuivit Harry sans davantage de politesses. « Pour aller chercher Ginny. »

« Vous n'êtes pas sérieux… » soupira Hermione en regardant les garçons un à un.

« On n'a jamais été aussi sérieux, Mione, » confirma Ron avant de se beurrer un toast de confiture.

« C'est insensé… »

« C'est insensé de laisser Ginny aux mains d'une bande de Mangemorts prêts à lui faire subir les pires choses ? » s'étouffa presque Harry. « Si ce n'est pas déjà fait ! »

« Ce n'est pas ce que j'ai dit… Attendez au moins la réunion de l'Ordre de ce soir… » les supplia-t-elle presque.

« On n'a pas l'intention d'y aller maintenant, » s'étonna Ron.

« Mais on va agir vite si l'Ordre n'a pas de plan à brève échéance, » poursuivit Harry. « Et on a besoin de savoir si tu es avec nous ou pas sur ce coup-là. »

« Bien sûr, » soupira Hermione en levant les yeux au ciel, signifiant aux garçons qu'ils n'auraient même pas dû avoir besoin de poser cette question.

« Bien. Ton rôle est essentiel, » déclara Harry à mi-voix. « On va avoir besoin de toi pour des potions et sorts variés que tu maîtrises, comme le Polynectar ou d'autres sorts de dissimulation. Bien sûr, j'ai la cape d'invisibilité mais ce ne sera pas suffisant et elle va entraver nos mouvements plus qu'autre chose, » expliqua Harry et Hermione acquiesça. « Ce n'est pas tout… Ce n'est pas évident ce que je vais te demander, Hermy… »

« Vas-y, » soupira Hermione alors que Ron avait baissé les yeux sur son bol de chocolat chaud.

« On doit être sûrs de l'endroit où se trouve Ginny. Elle doit bien évidemment se trouver à Sloane Square mais on doit en avoir la certitude avant de faire quoi que ce soit. »

« Tu veux que je demande à Eléa ? »

« Non… Je doute qu'elle puisse avoir encore des contacts avec Lucius Malfoy et même si c'était le cas, il sait qu'elle est avec l'Ordre et ses infos sont d'une fiabilité toute relative. Il faudrait que tu demandes à Malfoy, Hermy, » ajouta Harry après un court silence.

« Quoi ? Mais il ne fait pas partie des Mangemorts ! »

« Peu importe, lui aura l'information précise et son père ne se doutera jamais qu'il puisse la transmettre à l'Ordre, même indirectement. Surtout depuis que vous êtes séparés. »

« On sait que c'est pas forcément évident, Mione, » ajouta Ron, mal à l'aise. « On a hésité mais c'est le seul moyen et si Malfoy refuse, t'inquiète on sera là et il n'aura pas intérêt à- »

« C'est bon, » le coupa Hermione, « il me le dira. Ne vous en faites pas pour moi, Malfoy ne peut plus m'atteindre, plus maintenant, » déclara la Gryffondor d'un air supérieur en ne quittant pas des yeux la table des Serpentards. Et sur ces mots, elle se leva, attrapant ses livres sous le bras avant de quitter la Grande Salle d'un pas rapide.

« Ouah… T'avais raison, Harry, » siffla Ron, médusé. « C'était facile. »


Londres, mardi 1er avril 1980

Lucius soupira et regarda sa compagne, l'œil blasé.

« Bon sang Eléa, pourquoi tu ne veux pas le faire avec la magie ? »

« Parce que c'est plus amusant comme ça, non ? » dit-elle avec un sourire angélique. « On fait tout avec la magie, alors pour une fois, ça change ! » ajouta-t-elle.

« C'est Marius qui t'a appris ? » demanda-t-il, légèrement boudeur.

« Oui. » Elle leva les yeux au ciel.

« C'est ridicule, » affirma-t-il, « ça va nous prendre des heures. »

« Et bien au moins, ça nous occupera, on n'avait jamais fait ça avant. »

Il soupira à nouveau tout en trempant son pinceau dans un grand bac de peinture mauve et continua à appliquer la peinture sur le mur blanc tout en marmonnant. Il regarda furtivement vers sa compagne, puis plus intensément.

« Enfin Eléa, si tu veux le faire comme ça, fais-le bien ! » dit-il passablement énervé.

« Bah quoi ? » Elle se recula pour avoir une vue d'ensemble. « C'est bien fait, je trouve. »

Il écarquilla les yeux avant de se planter devant son mur et de gesticuler tout en montrant de son pinceau les endroits qui n'étaient pas parfaits.

« Là, y a trop de peinture, et là pas assez… Ici, on voit les traces de pinceaux, parce que tu vas trop lentement, et tu débordes sur le plafond. Et si tu veux mettre une frise, il faut vraiment que… » Il s'arrêta net lorsqu'il sentit un liquide frais sur son visage.

« Et là, y'en a trop ou pas assez ? » demanda-t-elle avec un sourire narquois.

Il baissa les bras et regarda sa compagne d'un air résigné. Eléa plongea son pinceau dans le bac, prête à repartir à l'attaque.

« Ce n'est pas du jeu, » articula Lucius, « mon pinceau est presque sec. »

« T'es un sorcier ou une poule mouillée ? » le provoqua Eléa.

Lucius prit un air outré et sans crier gare, arrosa sa compagne de peinture grâce à sa baguette magique. Eléa cria tout en riant et courut dans la chambre.

« Tu triches ! C'est pas juste ! » Elle sortit sa baguette et rata de peu le Mangemort qui s'était baissé juste à temps. La peinture atterrit sur le mur parfait de Lucius et dégoulina jusqu'au sol.

Ils se bagarrèrent encore quelques minutes, tournant en rond dans la petite chambre avant qu'Eléa ne sorte le drapeau blanc, prise d'un point de côté. Ils cessèrent de rire comme des adolescents et finalement Lucius regarda les murs, ennuyé.

« Tout est ruiné… » soupira-t-il.

« Oh, c'est pas grave, » le rassura Eléa, « je préférais en blanc finalement, » dit-elle en agitant sa baguette devant le regard blasé de Lucius.

« Tu plaisantes ? On y est depuis ce matin… »

Elle prit un air de chien battu tout en caressant son ventre. « Les hormones tu sais… »

Elle tourna les talons et se dirigea vers la cuisine laissant Lucius au milieu de la chambre, les yeux toujours rivés sur les murs.

« C'est définitif cette fois-ci ? »

« Oui, chéri, c'est décidé. » Elle revint dans la chambre, un cookie à la main. « Blanc, frise avec les fées blanches et mauves, mobilier blanc, parquet mauve… »

Lucius poussa un soupir de soulagement, elle s'approcha de lui et lui fit croquer dans le biscuit.

« C'est important tu sais, ça va être sa chambre pendant ses premières années, je veux quelque chose de classe et de simple, mais de beau… Et puis toutes les petites filles aiment le mauve, » dit-elle songeuse.

« Comment était ta chambre ? » demanda-t-il, curieux.

« Une véritable chambre de princesse… Tu sais, mes parents étant souvent absents, ils me cédaient un peu tout, mon père avait même mis un plafond comme celui de la grande salle de Poudlard, pour que je puisse voir les étoiles la nuit… »

« Ca sera pareil pour elle, » dit-il avec un large sourire. « Elle aura tout ce qu'elle voudra, en plus de la présence de ses parents. » Il caressa doucement le ventre de sa compagne.

« Ca lui plaît ce que tu dis… »

« Ah bon ? Je sens rien, » dit-il tristement.

« C'est un peu trop tôt… Dans quelques semaines, patience, » le rassura-t-elle en l'embrassant tendrement.

Il prit Eléa par la main et ils ne fermèrent pas la chambre du futur enfant. Ils aimaient y passer du temps ou juste s'arrêter devant quelques fois, en y imaginant le bambin dans son berceau. Lucius se dirigea vers la cuisine et proposa à Eléa un petit dîner aux chandelles, dans le calme de l'appartement. Le lendemain, ils devraient passer la nuit au Manoir, dans une toute autre ambiance.


Sloane Square, mercredi 1er avril 1998

Ginny essaya d'ajuster sa vue dans l'obscurité et comprit rapidement qu'elle se trouvait dans une cellule improvisée. L'endroit semblait servir de cave alors qu'elle crut distinguer des bouteilles et autres victuailles. Elles étaient, bien sûr, hors de sa portée, ces simples objets pouvant facilement faire office d'armes tranchantes et dangereuses. Elle grimaça en se frottant sa cheville douloureuse et se rappela qu'elle se l'était foulée sur le chemin alors que Lucius l'avait traînée de force hors de Poudlard. Elle pensa à Harry et son cœur se serra quand elle songea qu'il avait voulu prendre sa place. Puis les visages de chacun des membres de sa famille lui apparurent et elle ne put retenir ses larmes alors qu'elle s'effondrait sur le sol froid et poussiéreux en éclatant en sanglots.


Grimmauld Place, mercredi 1er avril 1998

Eléa avait devancé les professeurs de Poudlard et s'installait à présent à nouveau à Grimmauld Place, attendant fébrilement que la réunion de l'Ordre du Phénix débute. Elle était impatiente de retrouver son père mais redoutait aussi les reproches qu'elle pourrait avoir de certains membres, la rendant responsable de l'enlèvement de Ginny.

Elle se posta un instant devant la tapisserie représentant l'arbre généalogique de la famille Black et traça du bout du doigt les contours du prénom de Sirius.

« Sirius, j'aimerais tellement que tu sois là, tu avais réponse à tout, tu me manques tant… » soupira-t-elle tristement.

Un bruit la fit sursauter et elle se retourna brusquement, scannant le pallier avec une pointe d'appréhension.

« Il y a quelqu'un ? » demanda Eléa en fronçant les sourcils. Elle haussa les épaules et retourna un instant son regard vers la vieille tapisserie.

« Eléa ? »

Elle sursauta et se retourna à nouveau, baissant finalement sa garde en apercevant son ami.

« Rémus ! Tu m'as fichu une de ces trouilles ! Ne recommence jamais ça ! »

« La réunion était prévue, Eléa, ce n'est pas comme si tu n'attendais personne, » se mit à rire le loup garou avant d'enfouir ses mains dans les poches de son pantalon. « Qu'est-ce que tu faisais ? »

« J'admirais cette horrible tapisserie, » railla Eléa. « Et j'étais en train de penser à Sirius, il me manque… »

« Ah, » acquiesça Rémus avec nostalgie. « Sirius me manque aussi. Il manque à tout le monde je crois, il aurait été d'une aide précieuse en plus d'être un ami sincère. Tu savais que son nom avait été effacé de l'arbre par sa propre mère ? » demanda Lupin en désignant à nouveau la tapisserie.

« Oui ! » se mit à rire Eléa avec amusement. « On en avait entendu parler… Comment ça se fait que son nom y figure à nouveau ? »

« Je ne sais pas vraiment… » avoua le loup garou. « Harry a dit qu'il était réapparu avec la mort de Sirius. »

« Oh… Oui, ça a du sens, » acquiesça Eléa avant de retourner son regard vers son ami. « Il a parlé de moi ? » demanda-t-elle en même temps qu'elle fut consciente que cette question était quelque peu étrange voire insolite.

« Tu veux dire quand tu as disparu ? Quand il est sorti d'Azkaban ? » demanda à son tour Rémus, visiblement confus.

« Les deux, » tenta Eléa.

« Si tu as eu le moindre doute, Eléa, » commença sérieusement le loup garou, « sache que Sirius n'a jamais cessé de t'aimer. »

« Je le sais ça, » acquiesça Eléa faisant sourire Rémus. « Je veux dire, j'ai disparu du jour au lendemain et personne ne s'est posé la question de savoir ce qu'il était advenu de ma pauvre personne ?! »

« Bien sûr que si ! » s'exclama Rémus comme si elle venait de l'insulter. « Ce qu'il y a, c'est qu'on n'a plus jamais entendu parler de toi, ni de l'enfant que tu portais et vu le mutisme du Professeur Dumbledore, on en a conclu que tu étais sûrement morte… Ne me demande pas comment… Sirius avait émis l'hypothèse que tu t'étais encore échappée ou que tu avais peut-être été tuée, soit par l'Ordre ou plutôt à l'initiative du Ministère, soit par les Mangemorts, voire par Voldemort lui-même… Son frère Régulus avait disparu de la même façon… Mais oui, il a parlé de toi, tout le temps, on a cherché à savoir pendant de nombreux mois et puis le temps a fait son œuvre et on a vécu avec le fait qu'on ne saurait certainement jamais. »

« Et quand il est sorti d'Azkaban ? »

« Tu imagines bien que ses priorités étaient de ne pas se faire reprendre, de prouver son innocence et de protéger Harry ! Oh, quelques mois après ta disparition, Lucius Malfoy est venu le trouver. Il cherchait a priori lui aussi des réponses sur ta disparition… »

« Tu es sérieux ? » hallucina Eléa avec un air amusé. « Lucius ne m'a jamais parlé de ça ! »

« Je crois que l'entrevue ne s'est pas très bien terminée… mais au moins Sirius se sentait moins seul et nous étions plutôt soulagés de voir que du côté des Mangemorts, ta disparition semblait demeurer également un mystère. Mais nous n'avons pas parlé de toi quand Sirius est sorti d'Azkaban. Je crois que finalement après tant d'années, nous étions presque convaincus de ta mort, même si aucun de nous ne l'a jamais admis réellement. Et puis nous étions dans le tourbillon de la guerre, la mort de James et Lily avait vraiment ébranlé Sirius. Son arrestation et son emprisonnement ont fini de m'achever, je ne croyais plus en rien, j'avais perdu tous mes amis, mon meilleur ami était un Mangemort et je ne voyais aucune issue favorable à cette guerre… »

Eléa et Rémus restèrent un petit moment silencieux, puis le loup garou enlaça la jeune femme, l'embrassant affectueusement sur la tête.

« Je suis bien content que tu sois là, Eléa, » déclara-t-il doucement et elle lui rendit son étreinte.

« Je te remercie pour toutes ces précisions qui me sont très précieuses. »

« Je t'en prie. Je crois que l'on ferait bien de descendre à présent. »

« Tout le monde est arrivé ? » demanda finalement Eléa en rejetant ses cheveux en arrière.

« Non, il manque encore pas mal de personnes. On y va ? »

« Ouais… » souffla Eléa avec un manque évident d'enthousiasme. « Je vais me faire laminer… »

Lupin ne rétorqua pas et se contenta de lever les yeux au ciel en suivant Eléa dans l'étroit escalier menant au sous-sol de la maison.


Little Hangleton, mercredi 2 avril 1980

Ils étaient tous assemblés autour de la large table en chêne, attendant les mots de leur Maître. C'était une réunion importante, les leaders des cellules étrangères étaient là, Marius, Karkaroff, Hoffman, le Mangemort allemand réputé pour son habilité dans les sortilèges d'Impérium et les manipulations en tout genre, d'autres hommes et femmes dont elle avait oublié le nom. Eléa avait été conviée cette fois-ci, assise aux côtés de Lucius, lui même aux côtés du Maître. Ils préparaient quelque chose de grand, elle le savait, Lucius avait travaillé dur depuis quelques semaines, mais entre la maladie de son père et sa grossesse, elle n'avait pas demandé plus de détails. Elle était présente, mais si absente à la fois. Elle essayait de bien se tenir et d'afficher un visage concerné, mais elle n'écoutait qu'à moitié. Ils ne parlaient pas de dates précises, mais elle savait que c'était proche. Une rafale d'attentats destinés à terroriser la population européenne et affaiblir les gouvernements, le tout se finirait par une prise des Ministères. Il voulait du grandiose, afficher sa supériorité et écraser non seulement ses adversaires, mais tous les sorciers n'adhérant pas à son idéologie. Bientôt, toute personne non marquée serait tuée.

Il l'observait, discrètement, son regard glissait sur elle, elle le savait, et elle faisait tout pour ne pas croiser son regard, elle était si lasse qu'elle ne pourrait pas l'affronter.

La réunion dura encore une bonne demi-heure et enfin tout le monde se leva, il était temps de se détendre autour d'un verre et de discuter des nouveaux sorts de torture ou du dernier meurtre qui avait fait la une du journal. Futilités. Elle n'avait qu'une envie : monter se coucher pour que demain arrive plus vite. Pour qu'elle puisse quitter ce Manoir lugubre où elle ne se sentait plus en sécurité. Elle n'était plus chez elle ici, parmi eux, ici en Sa présence. Elle sentit des larmes monter et sa gorge se serrer, elle s'éclipsa alors pour se réfugier dans sa chambre.

« Tu montes déjà ? »

Elle sursauta, surprise, et se tourna vers son interlocutrice.

« Je suis désolée, je ne me sens pas très bien, » avoua-t-elle.

« C'est souvent le cas en ce moment j'ai l'impression, » remarqua Eilane, une pointe d'inquiétude dans la voix.

« Oui c'est vrai, je suis désolée... Puis-je monter ? » demanda-t-elle avec respect, en espérant que son ton lui permette de partir au plus vite.

« En fait, » elle se rapprocha d'elle, « j'espérais parler un peu avec toi... Nos dernières conversations ont été plutôt tendues et j'aurais aimé arranger cela. » Elle sourit timidement.

Eléa ne savait pas quoi répondre et esquiva son invitation.

« Je ne suis vraiment pas en forme pour une conversation, peut-être demain ? »

« Demain alors... Repose-toi bien. »

Elle s'éloigna avec un dernier regard vers Eilane. Eléa soupira et continua son chemin.

Une fois dans sa chambre, la jeune femme laissa les larmes rouler sur ses joues, en silence, elle ne s'était jamais senti aussi seule. Elle se prépara pour aller au lit, perdue dans ses pensées, sombres, tout se bousculait dans sa tête. Plus le temps passait, plus elle doutait, d'elle même, des choix qu'elle avait faits, de « la cause ». Elle avait envie de courir vers son père et de tout lui dire, de lui demander sa protection pour sa fille. Mais Lucius avait-il raison ? L'arrêterait-il ? Elle se souvint d'une conversation qu'elle avait eue quelques années auparavant, et l'écho des mots résonna en elle :

« Si je m'engage, tu me renieras ? »

« Non, je ne te renierai pas Eléa… Je serai déçu, c'est certain, mais si nous nous retrouvons face à face lors d'un combat, je ne t'épargnerai pas, sache-le... Néanmoins, je serai toujours là si tu ressens le besoin de me parler, même si tu es… de l'autre côté. »

Que devait-elle faire ? Il était peut-être trop tard maintenant, elle était allée trop loin, trop de meurtres, elle y avait pris goût, comment pourrait-il encore l'aimer ? Mais lui seul pourrait protéger sa fille... Elle fut sortie de ses pensées par trois petits coups frappés à la porte. Elle leva les yeux au ciel en soupirant puis ouvrit la porte sans enthousiasme.

« Cache ta joie, » lâcha Severus en voyant la tête d'Eléa.

« Excuse-moi, » sourit-elle. « Entre... »

Elle s'assit au bord du lit et l'invita d'un geste de la tête à faire de même.

« Très sexy... » remarqua-t-il un sourire aux lèvres.

« Bah quoi ? » bouda-t-elle tout en regardant le pyjama en flanelle mauve qu'elle portait. « Il fait toujours froid dans cette foutue baraque, on se croirait en Sibérie ! »

Il rit du franc parlé de son amie. « Je sais que tu voulais être seule, mais je me suis dit que tu avais peut-être envie de parler aussi... »

« Je suis juste fatiguée Sev, c'est tout, je suis lasse de tout et j'aimerais juste être tranquille chez moi. »

« Je t'en prie. » Il le leva les yeux au ciel. « Ca marche peut-être pour les autres, mais pas pour moi ! » Il prit ses mains dans les siennes et la regarda dans les yeux. « Dis-moi ce qui ne va pas, tu t'es encore disputée avec Eilane ? »

Eléa soupira. « Eilane... Elle voulait parler de notre relation, réparer les choses en quelque sorte, mais c'est fini, je ne veux plus de sa pseudo amitié. »

Severus parut très étonné et fronça les sourcils. « Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

« Tu sais... » Elle se leva tout en cherchant les mots adéquats. « Comment veux-tu être amie avec quelqu'un quand tu sais que son amant est ton « maître » ? Que tout ce que tu diras ou penseras lui sera rapporté ? Et que si tu ne veux pas faire ce qu'ils veulent – ils, Severus, elle aussi – tu seras sanctionnée ? »

« Je comprends Eléa, mais cela ne te dérangeait pas outre mesure avant... »

« Avant oui... Parce qu'avant je ne savais pas, je ne me rendais pas compte... Je n'ai plus confiance Severus, je... » Sa voix trembla. « J'ai fait une erreur et je ne peux pas aller en arrière. »

Le Mangemort se leva d'un bond pour lui faire face.

« Une erreur ? Tu veux dire ton engagement ? » s'étonna-t-il.

Eléa détourna la tête alors que ses yeux se remplissaient à nouveau de larmes. « Tu ne peux pas comprendre ce que je vis Severus, ma vie m'échappe, je... Je n'en peux plus de toute cette guerre, de tous ces complots... J'en sais rien, je veux que ça se termine et… » Elle le regarda dans les yeux. « Et je ne suis pas sûre de vouloir Le voir gagner, » souffla-t-elle.

Ce fut un choc pour Severus qui se recula un instant avant de la regarder à nouveau dans les yeux.

« Qu'ont-ils fait pour que tu penses comme cela ? » s'inquiéta-t-il.

Elle aurait tellement voulu lui dire, son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine et sa gorge se noua, mais seuls des sanglots réussirent à sortir. Il la prit doucement dans ses bras et la consola en lui murmurant des mots rassurants à l'oreille. Elle paraissait tellement fragile, il se rendit compte qu'elle était brisée et il culpabilisa. Depuis combien de temps était-elle dans cette détresse ? Il l'écarta doucement et elle s'essuya les yeux grossièrement avec sa manche de pyjama.

« Eléa, je peux t'aider si tu le veux... Je… » Il fallait qu'il lui dise, qu'elle n'était pas seule, qu'il avait une solution, mais pouvait-il lui dire ? Elle était si faible, Voldemort pourrait lire en elle facilement. Elle le regardait tristement, ses yeux étaient vides...

« Personne ne peut m'aider, » souffla-t-elle.

Il avait envie de pleurer, c'était rare, seule elle et Sarah pouvaient l'émouvoir à ce point et il se sentit démuni devant elle. Il ouvrit la bouche mais au moment où il allait parler, la porte s'ouvrit et Lucius apparut. Il les regarda tour à tour, un silence lourd pesait dans la pièce, mais Lucius n'était pas en colère, il s'approcha d'Eléa et lui caressa la joue doucement.

« Je suis désolé de vous interrompre mais Karkaroff a besoin de toi Sev. »

Severus acquiesça et embrassa Eléa amicalement sur la joue avant de partir.

Lucius serra à son tour Eléa dans ses bras. Ils restèrent longtemps comme cela, il lui caressait le dos et les cheveux, il savait que cela l'apaisait.

Elle se sépara de lui pour aller se rafraîchir un peu avant d'aller se coucher. Lucius l'observait, soucieux, puis lorsqu'elle fut enfin couchée, il s'assit au bord du lit.

« Tu ne dois rien lui dire amour, si tu lui dis, tu mets la vie de Severus en danger, » dit-il doucement.

« Je sais, je suis désolée... »

« J'aimerais tellement pouvoir t'aider Eléa, » avoua-t-il sincèrement.

« Emmène-moi loin, » supplia-t-elle.

Il déglutit difficilement et lui saisit les mains. « Tu sais que ce n'est pas possible et je sais que c'est ma faute, que c'est moi qui t'ai entraînée là-dedans, mais c'est pour l'avenir Eléa, on va créer un monde meilleur. » Il sourit sincèrement.

Elle baissa les yeux et acquiesça doucement. Elle ne voulait pas polémiquer, il y croyait tellement, il ne se rendait pas compte...

« Eléa, il faut que tu te ressaisisses. Il faut que tu fasses illusion, sinon... »

« Il me tuerait tu crois ? » chuchota-t-elle.

« Non, non je ne crois pas... je... » Il grimaça. « Sincèrement Eléa, je ne pense pas qu'il te tuerait. »

« Ok. » Elle hocha la tête. « Mais ne compte pas sur moi pour jouer les meilleures amies avec Eilane, je ne veux plus, je n'ai plus confiance. »

« Comme tu veux amour. Écoute, repose-toi et demain essaie d'être plus souriante et gaie. Tu veux bien ? » Il sourit tendrement.

« Tu sais ce qu'il m'arrive quand je fais ça Lucius, tu connais le risque, » dit-elle gravement.

« Je sais chérie, mais tente de ne pas trop te déconnecter, de garder un pied avec moi. »

« Je ne sais pas faire ! C'est soit je m'échappe totalement et je fais n'importe quoi, soit je reste dans cet état. » Elle commença à paniquer et ressentit une douleur près du cœur.

Elle mit par réflexe une main sur sa poitrine et Lucius fronça les sourcils.

« C'est rien, c'est juste des angoisses Lucius. » Elle respira profondément. « Va les rejoindre, tu es absent depuis trop longtemps, je ferai des efforts demain. »

Il l'embrassa tendrement et se retira de la chambre à regret. Eléa se retrouva à nouveau seule et elle ne s'endormit que quelques heures plus tard, trop absorbée par ses pensées et les questions récurrentes qui lui venaient à l'esprit.


Grimmauld Place, mercredi 1er avril 1998

Quand ils pénétrèrent dans la petite salle faisant office de salle de réunion, Eléa se précipita immédiatement vers son père qui l'accueillit avec bienveillance, à son grand soulagement.

« Comment vas-tu, Eléa ? » demanda-t-il d'un air concerné en serrant sa fille dans ses bras.

« Mal ! Enfin bien, » corrigea-t-elle rapidement. « Je me suis bien remise mais je me sens affreusement mal, papa, tout est de ma faute… »

« Non, ne crois pas ça, Eléa, » la rassura-t-il. « Ne t'en fais pas, nous allons en parler. Excuse-moi un instant, il faut que je voie avec Minerva si les Weasley ont pris toutes les précautions pour venir, » ajouta le vieil homme, laissant Eléa à nouveau seule à observer combien son père était sous pression depuis la veille.

« Tu veux boire quelque chose ? » lui proposa finalement Snape en levant un sourcil.

« Non, » marmonna Eléa en croisant les bras sur sa poitrine.

Ils restèrent un moment côte à côte à observer le ballet du Professeur Dumbledore qui allait vers les uns et les autres tandis que le Professeur Mc Gonagall faisait des allers retours par poudre de cheminette.

« Ne me dis pas que Rémus sort toujours avec cette cruche ? » demanda soudainement Eléa à Severus par télépathie.

Le regard du Professeur de potions glissa vers Rémus et Tonks, et il leva à nouveau un sourcil.

« Il faut croire que si. Je crois qu'ils se sont même fiancés, même si ce n'est pas vraiment officiel… »

« Quoi ?! Mais il ne m'a rien dit ! » s'offusqua Eléa qui fit un pas avant d'être stoppée par Snape.

« Ne fais rien que tu pourrais regretter, Eléa… »

« C'est pas possible… Qu'est-ce qu'il peut bien lui trouver ? Elle est tellement niaise, maladroite, stupide… »

« C'est une Auror très douée, » articula Severus même par télépathie et Eléa leva les yeux au ciel. « Bon, ok, elle a certains travers, » admit-il alors que Tonks était en train de s'excuser platement d'avoir marché sur la robe de Lynneas Parker.

« Remarque, tu te tapes bien l'autre gourde toi… » ajouta-t-elle et Severus tourna lentement la tête vers son amie, son air le plus blasé plaqué sur son visage. Eléa lui adressa pour toute réponse un large sourire en papillonnant des yeux.

Leur petite récréation ne dura pas et les Aurors firent leur apparition, accueillis par Dumbledore alors qu'Eléa le regardait s'entretenir plus particulièrement avec une rousse au look improbable.

« Non mais elle sort d'où celle-là ? » se moqua Eléa en désignant ladite Auror avec un air moqueur.

Severus n'eut pas le temps de répliquer et le Professeur Dumbledore s'excusa avant d'entraîner Eléa vers l'Auror dont elle venait de se moquer.

« Ella, voici Eléa Demeteriem, » dit-il et Eléa leva un sourcil en entendant le prénom de l'Auror, trop proche du sien.

« Eléa, je te présente Ella Dee. » Les deux jeunes femmes furent contraintes de se serrer la main avec les formules de politesse d'usage.

« Je n'ai pas eu l'occasion de t'en parler avant, Eléa, mais nous avons pris la décision d'encadrer sérieusement ta protection vu l'attaque des Détraqueurs, » expliqua Dumbledore et le regard d'Eléa s'assombrit alors qu'elle corrigeait mentalement le terme « protection » par « surveillance ». « Ella est une excellente Auror et elle a été désignée pour te protéger. Elle va s'installer avec toi à Grimmauld Place, elle t'expliquera tout. »

« Mais- »

Eléa n'eut pas le temps de poursuivre et le sorcier s'excusa à nouveau alors qu'il quittait la salle pour aller accueillir cette fois au rez-de-chaussée la famille Weasley qui venait d'arriver.

« Le Ministère veut me surveiller, n'est-ce pas ? » demanda Eléa à l'Auror avec un regard noir.

« Pas du tout, » lui répondit sincèrement Ella, un peu surprise. « Votre tête est mise à prix par Vous-Savez-Qui, personne ne l'ignore, et je crois qu'avec le Ministre, vous êtes à présent les deux personnalités les mieux protégées du pays. »

Eléa ne répondit pas, un peu déconcertée par la réponse protocolaire de l'Auror tandis qu'elle rejoignit Severus d'un pas traînant.

« Devine quoi… »

« Je sais. »

« Je suis tenue en laisse par Morticia en personne, » soupira-t-elle en s'accoudant sur la cheminée avec un air boudeur. Elle observait Ella, vêtue d'un long manteau en cuir à large col, qui discutait avec Tonks.

« Qui ? » demanda Severus en levant un sourcil interrogateur.

« Laisse tomber… Morticia est copine avec l'autre cruche, fabuleux… »

La famille Weasley pénétra quelques longues minutes plus tard dans la salle de réunion et Eléa fut surprise de voir que même Bill et Fleur étaient présents. Elle s'avança d'un pas timide vers Molly et Arthur, et attendit qu'ils saluent les présents tout en réajustant machinalement son jupon noir. Quand ils furent finalement à sa hauteur, elle fit un énorme effort pour contenir ses larmes et la gorge nouée, elle réussit à murmurer à l'attention du couple de faibles excuses.

« Je suis sincèrement désolée pour votre fille… Ca n'aurait pas dû se passer comme ça, je m'en veux, je suis désolée… »

Molly se contenta d'acquiescer, les yeux remplis de larmes, tandis qu'Arthur se montra plus conciliant.

« Ces excuses signifient bien plus pour nous que nous ne pouvons l'exprimer. Nous savons que nous œuvrons dans le même but, » déclara le patriarche et Eléa acquiesça à son tour, mutique alors qu'elle était persuadée que si elle ouvrait à nouveau la bouche, elle se mettrait à pleurer et elle ne le voulait pas devant ces parents dont l'unique fille venait de se faire enlever par les Mangemorts.

Tous s'installèrent autour de la large table et bientôt plusieurs discussions animées s'élevèrent, Eléa soupirant longuement quand elle vit qu'Ella s'était installée à ses côtés.

« On peut se tutoyer ? » lui demanda l'Auror et Eléa lui adressa un regard éteint.

« Ouais, peu importe… » marmonna-t-elle vaguement en essayant de se donner une contenance en feuilletant les journaux étalés sur la table.

« J'ai rencontré ta fille à la journée d'orientation, » poursuivit Ella. « C'est chouette qu'elle pense à devenir Auror. »

« Eh bien tu vois, tu me l'apprends ! » s'exclama Eléa avec un faux sourire plaqué sur son visage. « Tu sais ce qui serait encore plus chouette ? C'est que tu me foutes la paix ! Je n'ai pas demandé à ce que tu sois là, collée à mes basques, ça me gonfle déjà ! Alors sois sympa et oublie-moi ! »

« Et bien… » siffla Ella. « Tonks m'avait prévenue que tu n'étais pas facile mais je ne pensais pas que c'était à ce point-là… En fait, je préférais encore assurer la protection du Ministre ! Si je n'étais pas Auror, je te dirais bien d'aller mourir mais je suis tenue à une certaine éthique alors je préfère me casser et rejoindre mes semblables. »

Et sur ces mots, Ella se leva et alla rejoindre Tonks, sous le regard quelque peu surpris d'Eléa qui ne s'attendait de toute évidence pas à une telle répartie de la part de l'Auror.

« Je savais que c'était une mauvaise idée… » soupira Rémus de l'autre côté de la table en observant Ella changer de place.

« C'est au contraire la meilleure des idées qu'on ait pu avoir au sujet d'Eléa, » sourit Severus. « Eléa… Ella… Eléa D. Ella D. Non, j'adore vraiment. »

Quand Harry, Hermione, Ron et Neville arrivèrent, accompagnés du Professeur Mc Gonagall, les discussions cessèrent brusquement et l'ambiance se plomba, les tensions devenant plus palpables. Hermione s'appropria la chaise vide à côté d'Eléa tandis que Ron prit place près de sa mère, suivi d'Harry et de Neville. Eléa adressa un petit sourire à Hermione qui fit un effort non dissimulé pour paraître détendue lorsqu'elle observait les membres déjà attablés. Dumbledore prit finalement la parole et énonça l'ordre du jour d'un air grave. Il commença par évoquer les attentats commis en Irlande à l'occasion de la Saint Patrick et les mesures prises par le Ministre de la Magie irlandaise pour tenter de contrer les Mangemorts sur place. Hermione n'écoutait que d'une oreille distraite, observant Harry qui semblait bouillir intérieurement en attendant que le Professeur Dumbledore parle enfin de l'enlèvement de Ginny.

Le second point à l'ordre du jour fut abordé et Eléa parut soulagée que l'attention soit portée sur Lynn, assise à côté de Severus. C'est avec une certaine compassion que le Directeur expliqua les circonstances de l'enlèvement du père de Lynn par les Mangemorts. Cet homme respectable, décrit comme tel par le vieux sorcier, n'était autre que le Directeur du Département Moldu allemand. Aucun doute ne subsistait quant aux motivations des Mangemorts sur cet enlèvement : Voldemort espérait faire pression sur Lynn en tant que membre de l'Ordre du Phénix. Un débat s'éleva sur les protections dont devait bénéficier Lynn et sur l'attitude à avoir en pareille circonstance, la jeune enseignante assurant qu'elle ne plierait pas devant de telles menaces et qu'une protection supplémentaire s'avèrerait inutile puisque le mal était fait et qu'ils n'avaient aucun intérêt à la capturer à son tour. Harry paraissait engourdi par le débat stérile qui résultait de la situation semblable à celle de Ginny et il jeta un regard noir à Eléa, visiblement agacé de voir cette dernière se distraire avec Hermione.

« L'enlèvement est une spécialité chez les Mangemorts dernièrement… » lui murmura Ron, le sortant de son ressentiment face à Eléa.

« Ouais, sauf que ce type est majeur et vacciné, qu'il a pris des risques inconsidérés au vu de sa fonction, ce qui n'est pas le cas de Ginny qui n'avait rien demandé au sein de Poudlard, » cracha presque Harry. « S'il pouvait abréger là-dessus, ce serait super, j'aimerais bien entendre ce qu'ils ont prévu pour Ginny, bien que je ne me fasse pas trop d'illusions… »

Eléa soupira en voyant le regard que lui lançait Harry et, profitant du débat qui avait pris place, elle glissa un mot roulé dans un morceau de parchemin à Hermione.

« Comment te sens-tu ? Tu as parlé à Draco ? »

« Ca pourrait aller beaucoup mieux, je ne suis pas sûre de savoir ce qui me donne réellement la nausée si tu vois ce que je veux dire… Non, je n'ai rien dit à Draco pour le moment. Je ne suis plus sûre d'en avoir réellement envie… »

Eléa parcourut la réponse d'Hermione et jeta un regard significatif à sa fille qui leva les yeux au ciel.

« Laisse-moi du temps. C'est difficile, je redoute sa réaction, il est tellement imprévisible… »

« Je ne pense effectivement pas qu'il saute de joie en apprenant la nouvelle mais il a le droit de savoir. »

« Je sais, » déclara à haute voix Hermione les dents serrées, faisant clairement comprendre à Eléa que cette discussion se terminerait sur ces mots.

Eléa s'amusa à gribouiller sur son parchemin le temps que les discussions concernant le père de Lynn se terminent enfin. Il lui semblait toujours que le temps s'écoulait plus lentement quand elle se trouvait dans ces réunions interminables. Elle releva la tête quand le silence refit son apparition et elle vit son père s'asseoir, visiblement fatigué autant physiquement que psychologiquement.

« Nous en arrivons au dernier point de notre réunion, » déclara-t-il d'un air sombre. « L'enlèvement de la jeune Ginny Weasley est une tragédie pour sa famille présente ce soir mais également pour l'école dont les protections vont être légitimement remises en question par les parents d'élèves. Nous avons d'ores et déjà prévu avec le Ministère de faire passer aux parents une note explicative sur les circonstances de la tragédie et sur les mesures prises. Les parents seront libres de garder leurs enfants après les prochaines vacances s'ils le souhaitent bien que nous nous attendons à des départs précipités avant cette date. »

« Comment Lucius Malfoy a-t-il pu pénétrer dans le château ? » demanda soudainement Harry qui ne put contenir davantage son impatience.

« La présence d'Eléa a ouvert les portes, » répondit Dumbledore.

« Bien évidemment… » soupira amèrement Harry. « Il y a quelque chose que je ne comprends pas, Professeur, » poursuivit-il en s'avançant sur la table. « Comment peut-elle avoir accès à ce château censé être une forteresse impénétrable alors qu'elle est Mangemort ? »

Hermione comprit rapidement que cette discussion déraperait et elle regretta de ne pas être assise à côté d'Harry afin de le pincer pour qu'il cesse ses provocations.

« Eléa a toujours eu accès à Poudlard, » répondit calmement Dumbledore. « Elle est ma fille, il en est ainsi. Il faut que tu comprennes, Harry, qu'Eléa a été, tout comme toi, élève de cette école, que malgré ses choix condamnables, l'Ordre s'est toujours battu pour l'aider à sortir de la situation dans laquelle elle s'était mise mais dont elle était aussi victime. Eléa n'a jamais été une menace pour Poudlard mais Poudlard a toujours été un sanctuaire pour Eléa. »

« Je suis désolé mais je ne comprends pas, Professeur ! » s'enflamma Harry. « Aucun Mangemort ne devrait avoir accès à Poudlard ! Si Eléa n'avait pas eu accès au château, Lucius Malfoy non plus et Ginny serait là aujourd'hui ! »

« Ce n'est pas si simple, Harry, » tenta Rémus. « Eléa était notre agent double, tu le sais, elle n'a rien à se reprocher dans ce qui est arrivé. »

« Elle s'en fout ! » éclata Harry en se levant et Hermione attrapa la main d'Eléa, l'empêchant de se lever à son tour. « Passer du bon temps avec Lucius Malfoy était bien plus important ! Elle vient ici les mains dans les poches, s'ennuyant ferme, discutant et gribouillant sur un parchemin pendant que l'on discute de personnes dont la vie est en danger ! Elle ne devrait pas être là ! »

« Harry ! » se leva à son tour Molly alors que Ron, entre eux d'eux, se fit plus petit sur sa chaise, redoutant les rares moments où sa mère élevait la voix de la sorte. « Ca suffit maintenant ! Si un coupable doit être désigné, c'est Lucius Malfoy ! Je crois qu'Eléa a assez de culpabilité à supporter comme ça, assieds-toi s'il te plaît maintenant ! »

Harry s'exécuta sans rétorquer alors que Ron regardait sa mère avec surprise tout comme Eléa qui avait du mal à croire que Molly avait pris sa défense.

« Cet enlèvement n'était pas planifié, » reprit Dumbledore, « ce qui nous laisse à penser que Ginny ne risque pas sa vie. »

« C'est une évidence, » acquiesça Snape. « Elle va néanmoins de toute évidence subir des contraintes pour parler, au sujet de l'Ordre, de Potter. »

Contraintes. Un mot bien facile pour éviter d'aborder les évidentes tortures dont Ginny allait être la victime. Ils le savaient tous mais ils s'efforçaient aussi de ne pas y penser tellement il était douloureux de s'imaginer ce qu'une jeune fille aussi innocente que Ginny allait devoir endurer. C'était le prix à payer en quelque sorte quand on était la petite amie d'Harry Potter. Harry se réprimanda intérieurement à nouveau et il s'en voulut d'avoir été aussi faible, il aurait dû être ferme et dire à Ginny que leur relation était impossible.

« Nous devons bien évidemment mettre tout en œuvre pour libérer Ginny dans les meilleurs délais, » poursuivit Dumbledore. « Ne t'en déplaise, Harry, mais Lucius reste notre seul lien et nous avons bien l'intention de l'utiliser. »

Harry se contenta de hausser les épaules et il n'écouta plus quand il se rendit compte que ni l'Ordre, ni le Ministère n'avaient l'intention d'aller chercher Ginny dans les jours qui venaient. La réunion se termina dans un brouillard confus pour Harry qui suivit Lupin comme un automate tandis que le professeur les raccompagnait à Poudlard.


Little Hangleton, jeudi 10 avril 1980

Cela faisait quelques jours maintenant qu'Eléa se perdait dans une fausse réalité. Lucius essayait tant bien que mal d'être là pour elle mais les préparatifs pour les attentats et les longues réunions étaient autant d'heures qui les séparaient l'un de l'autre.

Eléa passait ses journées dans la bibliothèque, elle avait décidé de réorganiser tout le classement sous l'œil agacé de Severus qui ne retrouvait plus ses livres à leur place habituelle et clamait que cela lui faisait perdre un temps précieux. Eléa lui rétorquait que le sort Accio n'était pas fait pour les Cracmols et qu'il n'avait qu'à s'en servir. Cela lui valut deux jours sans que le sorcier ne lui adresse la parole et elle dut lui faire de plates excuses. Au moins elle avait trouvé une utilité à Regulus Black, elle le faisait monter tout en haut de la bibliothèque et l'obligeait à porter des dizaines d'ouvrages à bout de bras, non sans un plaisir particulier.

Son père allait beaucoup mieux, elle avait pu s'absenter quelques heures pour lui rendre visite et avait ainsi pu le prévenir qu'une vague d'attentats auraient lieu le soir même, mais elle n'avait pas toutes les informations, notamment sur les lieux. Elle savait que l'Écosse serait particulièrement touchée, ainsi que Londres, aux alentours du Ministère de la Magie. Il n'en fut pas étonné et Eléa se demanda s'il n'avait pas déjà été mis au courant par son autre source. Elle s'était proposée pour rester au QG de l'Ordre du Phénix et attendre les blessés, mais il refusa, elle devait se reposer. Alors elle proposa ses services au Maître qui en fut plus que ravi, elle avait développé au fils des mois de très bonnes connaissances en Médicomagie. Elle s'impliquait un peu plus, avait le sourire et avait cessé de s'enfermer dans sa chambre pour pleurer, mais ses amis n'étaient pas dupes. Son regard était vide et ils la surprenaient, de temps à temps, le regard fixé sur un point imaginaire. Il fallait toute la douceur du monde pour la ramener à la réalité.

Lucius était en train de se préparer pour la mission du soir. Eléa, quant à elle, mangeait une part de cake, fait par un des elfes de maison. Il la regardait, un pincement au cœur, essayant de refouler ce sentiment de culpabilité qui le tenaillait depuis quelques mois et qui s'était accentué à la vue de sa compagne dans cet état.

« Le cake est bon, amour ? » demanda-t-il en la serrant contre lui.

« Délicieux ! Tu sais, je me demande si je vais pas prendre une elfe de maison à la naissance de la petite, parce qu'il faudra bien la nourrir et on sait très bien que je suis nulle en cuisine, » déclara-t-elle, un sourire innocent figé sur le visage.

« Comme tu veux, mais personne ne pourra faire de meilleurs cookies que toi. » Il dégagea une mèche qui lui encadrait le visage et l'embrassa doucement. « Je dois y aller chaton… »

« Ok ! A tout à l'heure alors… » dit-elle d'un air détaché.

Il la regarda, surpris. En général Eléa tournait en rond comme un lion en cage à chaque mission à laquelle elle ne pouvait participer, elle se faisait du souci et trépignait d'impatience…

Elle se rapprocha de lui et l'embrassa, avant de lui chuchoter « sois prudent » en lui lançant un clin d'œil puis elle se dirigea nonchalamment vers le sous-sol pour y faire le point sur les fournitures qui serviraient à donner les soins.

Lucius soupira et prit sa cape, Merlin ce qu'il détestait la voir dans cet état… Il rejoignit les autres dans le salon. Cinq groupes furent formés avec chacun un membre du cercle pour les diriger. Ce fut sans surprise que le Maître désigna Lucius, Marius, Severus, Bellatrix et Karkaroff en qualité de leaders. Eilane, quant à elle, était assignée à une mission particulière dont ils ignoraient les détails. Les dernières recommandations rappelées, les Mangemorts transplanèrent sur leur lieu de mission respectif.

Cela faisait plusieurs heures maintenant qu'ils étaient partis. Eléa, au sous-sol, était allongée confortablement sur un des lits et fixait le plafond tout en fredonnant « L'araignée Gipsy » une comptine française de son enfance. Elle n'avait pas entendu Eilane entrer et ne s'était pas rendu compte que celle-ci l'observait depuis de nombreuses minutes, partagée entre la fascination et l'incompréhension. Quelque chose clochait, elle n'avait jamais vu Eléa se comporter ainsi… Elle s'approcha doucement d'elle et enfin, Eléa déplaça son regard sur elle, la fixa quelques secondes le regard vide puis se leva pour refaire le lit et tourner les potions.

Eilane soupira, elle ne savait pas si elle devait amorcer le dialogue ou non, chacune des ses tentatives précédentes s'étaient soldées par des échecs et cela ne lui plaisait pas. Elle s'inquiétait pour elle, le Maître aussi, et Eléa s'était réfugiée tellement loin dans cet univers impalpable qu'elle en était insondable. Mais c'était un état fragile et le rompre était sûrement très dangereux. Elle prit une inspiration et s'apprêtait à parler quand elle fut interrompue par un bruit de craquement et la pièce fut soudainement animée par les Mangemorts russes, dirigés par Karkaroff.

Elle aida à faire allonger deux d'entre eux, gravement blessés et Eléa s'affaira, tel un robot. En moins d'une minute, l'eau et les compresses étaient à leur chevet, les potions dans les verres, et sa baguette dispensait les sorts appropriés.

Deux Mangemorts l'aidèrent et ils réussirent à maintenir un des blessés dans un état stationnaire, mais ils perdirent l'autre, il avait perdu beaucoup trop de sang. Eléa avait fait tout ce qu'elle pouvait, mais la blessure, d'origine magique, avait mis trop de temps à se refermer. Elle n'en éprouvait aucune tristesse, elle agissait, c'était tout. La seconde équipe, dirigée par Marius arriva, mais ne nécessitait pas une intervention médicale. Elle expliqua à ce dernier la situation et il lui parla de sa mission et de son déroulement. Alors qu'il parlait, il s'interrompit brusquement. Le Maître le demandait auprès d'une autre équipe et il s'empressa de transplaner sans dire un mot sur sa destination.


Grimmauld Place, mercredi 1er avril 1998

Eléa regardait d'un air absent par la fenêtre du grand salon et elle frissonna en sentant l'humidité de la vieille demeure remonter jusqu'à ses reins.

« Tu veux que j'allume un feu ? » demanda le Professeur Dumbledore et il s'exécuta sans attendre la réponse de sa fille. « Les enfants sont bien rentrés au château, » ajouta-t-il et Eléa se retourna pour lui faire face, essuyant ses larmes. « Eléa… »

« C'est bon, ça va aller… » dit-elle avant qu'il n'en rajoute. « Enfin, non, Harry a raison, papa, cette gosse est aux prises des Mangemorts par ma faute… » Et elle fondit à nouveau en larmes, fermant les yeux quand Dumbledore la prit dans ses bras.

« Harry est plus inquiet qu'il n'est en colère, Eléa, ça lui passera. Il ne pensait certainement pas tout ce qu'il a dit. »

« Il devrait, il avait raison… »

« Est-ce que tu te sentirais mieux si on te disait que c'est ta faute ? » demanda malicieusement Dumbledore.

« Non, ça ne changerait rien… » avoua Eléa et elle suivit son père qui s'installa sur le canapé.

« Je pourrais te dire que tu as été inconsciente de continuer de voir Lucius. C'est vrai mais je ne le ferai pas. Je pourrais te blâmer comme l'a fait Harry pour ce qui est arrivé à Ginny mais je ne le ferai pas non plus. J'ai eu très peur pour toi également, Eléa, tu aurais pu être tuée cette nuit-là. »

« Mais je ne voulais pas ça, » souffla Eléa, effaçant ses dernières larmes.

« Lucius ne voulait pas ça non plus, Eléa. Il t'a sauvée, il a pris le risque de te mener jusqu'à Poudlard, je lui en suis reconnaissant. Il doit maintenant nous en montrer davantage, tu dois le contacter et en savoir plus sur l'endroit où se trouve précisément Ginny et dans quelles conditions elle est retenue prisonnière. Il est le seul agent double que nous ayons à présent. »

Cette pensée fit sourire Eléa et elle remercia chaleureusement son père avant que sa mine ne s'assombrisse à nouveau.

« Papa… Hermione est enceinte, » souffla Eléa avec une inquiétude non dissimulée.

Dumbledore se leva et s'approcha de la cheminée avant de regarder le feu crépiter quelques instants. Eléa attendait sa réaction un peu fébrile, comme si cette nouvelle la concernait personnellement.

« C'est une bonne nouvelle ? » demanda le vieux sorcier avec la même inquiétude qu'Eléa.

« Pas vraiment, » avoua la jeune femme avec une moue désolée. « C'est inattendu. Hermione s'en sent affreusement coupable d'ailleurs, elle s'en veut d'avoir été si négligente. Mais elle veut le garder. »

« Est-ce que Draco est au courant ? »

« Non, mais elle va le lui dire. Elle redoute énormément sa réaction… »

« Est-ce que je suis censé être au courant ? » demanda encore Dumbledore.

« Je ne sais pas… » avoua Eléa. « Elle ne m'a pas dit de ne rien te dire… Et puis tu dois savoir, pour l'aider, la protéger, non ? »

« En effet, » répliqua laconiquement le vieux sorcier.

« Tu es déçu, c'est ça ? » l'interrogea Eléa, voyant son regard perdu et sa faible réaction.

« Non, Eléa. Hermione peut être assurée d'avoir tout le soutien nécessaire, » déclara le Directeur avec une inquiétude qui ne quitta pas ses traits.


Little Hangleton, jeudi 10 avril 1980

Le cœur d'Eléa se serra en pensant à Lucius. Si le Maître appelait Marius, cela voulait dire que quelque chose se déroulait mal. Bellatrix et Lucius dirigeaient deux équipes placées au Ministère et qui devaient retourner le gouvernement. Severus était en Ecosse pour récupérer elle ne savait quoi chez une famille de sorciers et se débarrasser d'eux… Quelle mission avait un problème ? Elle fut sortie de ses pensées par l'équipe de Bellatrix qui arriva. Rodolphus la portait, inconsciente, elle semblait saigner beaucoup du côté droit. Eléa pouvait lire dans les yeux du Mangemort l'inquiétude et la souffrance, ses yeux étaient rouges et elle se rendit compte que c'était la première fois qu'elle le voyait pleurer. Elle l'aida à allonger la jeune femme et les deux russes qui l'avaient aidée plus tôt s'approchèrent avec les compresses et les potions. Rabastan s'assit sur le lit d'à côté, la jambe tendue et en sang, elle pouvait voir l'os qui tranchait sa chair, il semblait aussi inquiet que son frère. Elle s'approcha de Bellatrix et dégagea ses cheveux ensanglantés de son visage. Elle était blessée à la tempe droite mais cela semblait superficiel.

« Bella, tu m'entends ? »

Elle ne réagit pas.

« Bella ! »

Elle releva prudemment la jeune femme pour lui enlever son corset, puis déboutonna sa robe pour avoir un accès plus grand à la blessure. Elle était nette et profonde mais aucun organe vital ne semblait touché. Elle avait perdu beaucoup de sang mais l'hémorragie semblait s'arrêter.

« Bella ? » Elle lui fit sentir des sels mais elle ne revint pas à elle.

« Putain Eléa ! Ne perds pas de temps à taper la causette et soigne là ! » s'emporta Rodolphus.

Eléa s'arrêta net et le regarda dans les yeux.

« Je sais ce que je fais, laisse-moi travailler. Si tu as des doutes sur mes compétences alors tant pis pour toi car je suis la seule à pouvoir la soigner pour le moment. Dégage, je t'appelle quand j'aurai fini, » articula-t-elle sèchement.

Il la regarda d'un air incrédule et se rapprocha de sa femme.

Eléa sentit la colère monter et fit un geste vers lui qui le propulsa à cinq mètres.

« J'ai dit tu dégages ! » cria-t-elle.

Eilane se précipita vers Rodolphus l'air inquiet et l'amena à l'étage alors qu'Eléa s'était penchée à nouveau vers Bellatrix.

« Déjà bien beau que je soigne sa femme, si en plus il me fait chier… » marmonna-t-elle alors qu'un silence pesant s'était installé.

Elle injecta une dose d'adrénaline à Bellatrix qui écarquilla les yeux tout en regardant autour d'elle, elle était en état de choc. Elle voulut se lever mais Eléa la cloua au lit d'un geste avant que celle-ci pousse un cri et porte sa main à son côté. C'était la première fois qu'elle la voyait aussi apeurée et perdue.

Elle lui caressa doucement le visage pour la rassurer mais elle pouvait lire la méfiance dans son regard.

« Bella, écoute-moi, » dit-il d'une voix calme. « Je suis là pour te soigner, crois moi. »

La Mangemort la regarda dans les yeux et se détendit légèrement, mais elle souffrait terriblement.

« J'ai vraiment besoin de savoir qui t'a fait cette blessure, elle n'est pas commune. As-tu entendu la formule ? »

Bellatrix semblait se repasser la scène en pensée et secoua la tête. Elle ne connaissait pas le sort.

« Qui ? »

« Un… un des Potter, » souffla-t-elle. « Ils étaient tous les deux contre moi. »

« Ok… Bois-ça en attendant, ça va atténuer la douleur. » Elle lui tendit une potion rosée et l'aida à en avaler quelques gorgées.

Le sortilège utilisé ressemblait à un des sortilèges créé par Severus. Elle réfléchit rapidement, l'Ordre du Phénix n'utilisait pas de sorts mortels à proprement dit, donc la blessure pouvait être soignée. Utilisée avec plus de force et surtout plus haut, la blessure aurait touché les poumons, plus à gauche, le cœur ou le foie. Elle se concentra et posa une main sur la blessure, l'autre tenait la baguette en l'agitant doucement. Madame Pomfresh lui avait enseigné ce geste, qui permettait de soigner en profondeur, il fallait une grande concentration pour être en lien avec le patient. Elle avait beaucoup étudié ce geste et avait lu toute une étude qui traitait du sujet pendant ses journées de solitude, malheureusement elle n'avait pu le tester que sur un pauvre chien qui s'était blessé dans les alentours du Manoir.

Elle pouvait sentir Bellatrix s'apaiser, elle déplaça sa main et prononçait maintenant les incantations habituelles. Au bout de quelques minutes, elle s'arrêta, elle sentait que les chairs intérieures se refermaient, le plus profond de la plaie était soigné. Elle saisit ensuite un petit flacon doré, et déposa quelques gouttes d'essence de dictame pour refermer la blessure. Bellatrix était à présent détendue mais faible et très pâle. Eléa alla lui chercher un coussin et l'installa plus correctement avant de lui nettoyer sa plaie, puis elle fit disparaître les tâches de sang sur ses vêtements et les draps. Bellatrix la regardait faire et leurs regards se croisèrent. La blessée déglutit un instant et hésita à parler.

« Tu aurais pu me laisser mourir… » dit-elle faiblement en fronçant les sourcils.

Eléa eut un petit sourire en coin.

« J'aurais pu, » souffla-t-elle. Elle la rhabilla doucement sous le regard rempli d'incompréhension de sa Némésis.

« Si les places étaient inversées, je ne suis pas sûre que je t'aurais laissée vivre… »

Eléa plongea ses yeux bleus dans les siens, d'un noir profond, en remontant une couverture sur le torse de Bellatrix, de sorte qu'elle soit bien au chaud.

« Je ne te supporte pas Bella, tu es odieuse et vraiment horrible avec moi. » Le regard de Lestrange se durcit. « Le seul endroit où nous nous entendons c'est sur le terrain, parce que tu es aussi folle et vicieuse que moi. » Elles rirent amèrement, puis Eléa reprit sérieusement. « Je veux que cette guerre se termine, il m'est donc impensable de laisser une guerrière telle que toi à terre. »

Elle fit disparaître tout le matériel dont elle s'était servie pour la soigner.

« Je te dois une grosse faveur… » lâcha Bellatrix, un sourire en coin.

« Je saurai te le rappeler, » soupira Eléa. « Maintenant bois ça, tu dormiras jusqu'à demain… et non, » interrompit-elle alors que la Mangemort ouvrait la bouche, « hors de question que tu veilles jusqu'au retour des autres, c'est un ordre. »

Bellatrix fit une moue boudeuse mais Eléa avait raison, elle était épuisée, faible. Elle but la potion que la jeune femme lui tendait et s'enfonça dans le lit. Le sommeil la gagna immédiatement.


Grimmauld Place, jeudi 2 avril 1998

Eléa se réveilla le lendemain matin avec les tempes douloureuses et elle n'attendit pas que la migraine s'installe, prenant une potion dès qu'elle eut mis un pied par terre. Elle descendit en peignoir dans le grand salon et soupira en voyant Ella attablée avec le journal du matin. Elle s'installa à l'autre bout de la table, ignorant royalement la jeune Auror, et commença à prendre son petit déjeuner en silence.

« Bonjour Ella. Bonjour Eléa. Tu as bien dormi ? Oui, et toi ? Pas trop mal. Tu as vu comme la journée s'annonce belle avec ce soleil déjà bien présent ? Oh oui, pour une belle journée, ça va être une belle journée ! » s'exclama Ella en imitant un dialogue imaginaire qui ne fit visiblement pas rire Eléa.

« Dommage que je sois coincée ici avec une Auror énervante et que je ne puisse pas sortir pour en profiter ! » termina Eléa, agacée, en allumant la télévision moldue.

Les deux jeunes femmes terminèrent en silence leur petit déjeuner, le seul bruit audible étant la télévision qui diffusait en boucle des dessins animés bruyants ponctués de bruitages qui eurent raison d'Ella. L'Auror se leva et passa à côté d'Eléa, lui jetant le journal froissé plus violemment qu'elle ne l'aurait voulu.

« Tiens, les nouvelles sont tristes, tout comme toi ! »

« Chier… » jura Eléa entre ses dents alors que le journal lui avait fait renverser son thé sur sa chemise de nuit.


Little Hangleton, jeudi 10 avril 1980

Elle n'eut pas le temps de s'asseoir, l'équipe de Snape arriva cette fois-ci sans blessé grave. L'Ordre du Phénix était arrivé alors que les Mangemorts avaient fini le travail, ils avaient cependant échangé quelques coups de baguettes avant de transplaner. La mission avait été une totale réussite ! Severus gagna l'étage pour remettre son butin à Eilane, pendant que le reste de l'équipe montèrent se restaurer et attendre le dernier groupe, celui de Lucius. Eléa commençait à s'inquiéter, c'était donc vers Lucius que Marius avait été envoyé. Elle fut tirée de ses pensées par Sarah qui s'était assise dans un fauteuil non loin d'elle. La jeune femme avait des traces de sang sur le visage qui contrastaient avec la pâleur de sa peau. Son regard était vide et elle tentait de calmer sa respiration. Eléa s'approcha d'elle et s'agenouilla, prit un linge qu'elle trempa avant de l'essorer et commença à effacer les traces de sang sur le visage de la brunette. Sarah ferma les yeux de bien-être sous la fraîcheur de l'eau et soupira profondément. Elle se laissa faire, sans un mot.

Eléa rompit le silence après quelques minutes.

« Voilà… Tu dois te sentir mieux. » Elle lui sourit légèrement.

Sarah ouvrit les yeux doucement, ils débordaient de larmes. Le regard bleu d'Eléa scruta l'ensemble de la pièce puis elle prit les mains de la jeune femme, comme si elle voulait lui communiquer toute sa force. Les larmes ne coulèrent pas et Sarah se sentit légèrement mieux.

« Comment tu fais ? » interrogea-t-elle soudainement. Eléa fronça les sourcils. « Pour ne pas entendre ta conscience, » finit-elle.

Le visage de la Mangemort se durcit.

« Je l'entends, mais je la fais taire, Sarah, je n'ai pas le choix… Tu n'as pas le choix. »

« Je ne suis pas faite pour ça… Je ne peux pas massacrer des familles entières, je ne peux pas égorger des enfants, je ne suis pas… »

« Comme moi ? »

Sarah baissa les yeux et une larme s'échappa.

« Tu ne peux pas laisser paraître ce que tu ressens, » reprit Eléa à voix basse, « utilise un maximum l'Occlumancie, s'Il te voit faiblir, Il te tuera. »

La jeune femme acquiesça silencieusement.

« Pourquoi t'es-tu engagée ? Est-ce que tu crois au moins en la cause ? » demanda Eléa en regardant discrètement la pendule au fond de la pièce.

« Ma lignée est ancienne et mon père faisait partie du cercle… Il est mort au combat. Je suis fille unique et mon père m'a toujours éduquée et entraînée pour servir le Maître, » dit-elle tristement. « Je pensais que j'en étais capable, mais maintenant… » Elle soupira.

Il y eut du mouvement et elle vit des Mangemorts courir à l'étage. Elle regarda Sarah droit dans les yeux.

« Écoute, reprends-toi, respire, mange, bois de l'alcool, crois-moi, ça aide. Ne laisse rien paraître. Confie-toi à Severus, il t'aidera ok ? » La jeune femme acquiesça tout en séchant ses larmes. « On en reparlera, il faut que je voie ce qu'il se passe, Lucius n'est toujours pas rentré et ça bouge… »

« Bien sûr, je suis désolée de t'avoir pris du temps, » s'excusa-t-elle.

« Tu plaisantes ? Les amies sont là pour ça, non ? »

Elle lui fit un clin d'œil et alla voir Rodolphus qui était descendu au chevet de sa femme. Il se tourna vers elle avec un air désolé.

« Je m'excuse pour tout à l'heure… Eléa, j'aurais pas dû… »

« Ne t'inquiète pas, je comprends… Elle va bien tu sais, elle devrait recommencer à m'insulter demain ! »

Il sourit tristement et la prit dans ses bras, la serrant fortement. Eléa se sentait minuscule face à la stature de l'homme. L'étreinte était un peu trop longue et elle sentit que ce n'était pas normal.

Elle se recula et le regarda dans les yeux, essayant de lire en lui.

« Qu'est ce qu'il se passe ? » Il resta silencieux. « Non, tu ne me peux pas me laisser dans le flou, je veux savoir ! » s'énerva-t-elle.

« Dumbledore est arrivé au Ministère avec tous les membres de l'Ordre encore valides et les Aurors. » Le sang d'Eléa se glaça. « Marius y est allé en renfort, accompagné du Maître… Severus et Karkaroff viennent de le rejoindre. Tous les Mangemorts en état doivent y aller, Eilane va partir aussi… »

Elle se sentit défaillir. Son esprit, si loin depuis ces derniers jours venait de faire un brusque retour à la réalité.

« Et les autres ? On ne peut pas appeler les Mangemorts à l'étranger ? »

« Non… certains nous ont déjà rejoint, mais ils ont les mêmes problèmes que nous. A priori toutes les missions des ministères ont foiré… Je dois y aller Eléa… » Il recula de quelques pas, ne la quittant pas du regard et rejoignit les autres « soldats » qui attendaient à l'étage.

C'était comme si le monde s'écroulait autour d'elle, elle ferma les yeux. Ses oreilles bourdonnèrent et elle sentit son sang battre dans ses tempes, sa respiration s'accéléra. Il rappelait tout le monde… cela devait être un combat long et difficile. Des visages défilèrent dans son esprit. Son père, Sirius, Rémus, Lily… et Lucius. Elle essaya de ne pas céder à la panique et ouvrit les yeux, laissant rouler quelques larmes.

« Sarah ? »

La jeune femme la rejoignit et l'observa, inquiète devant le regard déterminé d'Eléa.

« Reste avec les blessés, ils sont tous stables, » ordonna-t-elle.

« Mais… Où vas-tu ? » demanda la brunette, totalement perdue.

Eléa planta ses yeux dans les siens.

« Il me manque des potions, je vais dans le bureau du Maître en chercher, » dit-elle distinctement.

Elle la quitta sans plus de discours, laissant Sarah déstabilisée et ne comprenant pas tout à fait ce qu'il se passait.

Eléa atteignit le bureau de Voldemort en peu de temps. Elle s'était dirigée directement dans le coffre en bois sculpté qu'elle connaissait si bien et commença à fouiller dedans avec précaution. Après avoir saisi plusieurs fioles pour en lire les étiquettes, elle s'arrêta alors devant l'objet convoité. Il y en avait encore… Son cœur s'accéléra à nouveau lorsqu'elle déboucha la petite bouteille étiquetée « Eléa » et elle ferma les yeux. Elle allait, une nouvelle fois, désobéir au Maitre. Elle risquait très gros et les conséquences pourraient être désastreuses… Mais elle ne pouvait pas perdre Lucius, il était la seule personne qui l'empêchait de sombrer dans la folie. Elle porta la fiole à sa bouche lorsqu'elle s'envola rapidement de ses mains. Eléa se retourna. Eilane se trouvait à quelques mètres d'elle, visiblement très en colère.

« Est-ce que tu te rends compte de ce que tu allais faire ? » cria-t-elle.

Eléa saisit lentement sa baguette sous le regard de la jeune femme.

« S'il faut la prendre par force, je le ferai, » articula-t-elle.

« Ne sois pas stupide Eléa ! » s'énerva-t-elle. L'énervement laissa place à l'inquiétude et voyant le trouble dans le regard d'Eilane, Eléa fit un pas vers la Vélane.

« Je dois y aller Eilane… J'ai besoin du Polynectar, j'ai besoin d'aller sur place. »

« Les ordres sont clairs ! Tu ne bouges pas d'ici ! » dit-elle sévèrement.

« Comment pourrais-je rester les bras croisés ici alors qu'ils sont tous en train de se faire massacrer ? Il combat Dumbledore ! Je te rappelle que c'est le seul sorcier qu'il craint, et tu sais pourquoi ! Il appelle tout le monde en renfort, quelque chose cloche, je ne peux pas rester là, Eilane ! Ils ont besoin de moi… C'est le moment de mettre fin à cette guerre et je ne peux pas rester ici et attendre les blessés et les morts ! » Elle avait sorti sa tirade d'un trait, tremblante, mais d'une voix forte. Les yeux ambrés d'Eilane étaient emplis de larmes. La jeune femme semblait peser le pour et le contre, la peur et l'inquiétude prenant le dessus. Le regard d'Eilane changea. Il l'appelait.

« Eilane, chaque minute compte… Je t'en prie… » Sa voix se brisa. « Si Lucius meurt, je ne m'en remettrai jamais… Je sais que tu dois y aller, qu'Il t'appelle… Emmène moi… »

Eilane hésitait toujours, puis soudain elle lui tendit la potion en silence et la jeune femme la but d'un trait. La transformation prit quelques secondes à s'effectuer. Eléa passa ses mains dans les cheveux blonds soyeux qui balayaient ses épaules, cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas utilisé cette forme. Cet alter égo qui lui permettait de combattre au grand jour depuis ses débuts au sein des Mangemorts, et à travers duquel elle avait tué tant de personnes.

Les quelques gorgées de polynectar ne feraient effet qu'une heure trente au maximum. Eilane s'approcha d'elle et posa sa main sur sa gorge pour lui changer la voix, elles échangèrent un dernier regard avant de se rendre au Ministère.

Elles arrivèrent dans le corridor où s'alignaient toutes les cheminées et entendirent les voix et les cris des guerriers. Ils étaient tous dans l'atrium. Elles se précipitèrent au combat, courant à toutes jambes, écrasant le verre éparpillé au sol et essayant de ne pas glisser sur l'eau qui s'écoulait de la fontaine partiellement détruite. Des corps gisaient dans des mares de sang qui se mélangeaient aux débris. Elles ne s'attardèrent pas sur les identités des victimes et prirent position dans les rangs.

Eléa rejoignit instinctivement Lucius qui poussa un juron en la voyant, puis ils se mirent dos à dos pour se protéger mutuellement. Tout en combattant, elle regardait autour d'elle pour faire un état de la situation.

Elle put voir le Seigneur des Ténèbres en combat ardu contre son père. Elle ne discernait que de grands éclats de lumière et le sol tremblait sous la puissance des sorts des deux mages.

Un cri attira son attention. McGonagall était à terre. Sirius s'avança devant son corps pour combattre ses adversaires, prêts à la tuer. Il fut rejoint par Rémus et tous deux s'engagèrent dans une lutte sans pitié avec trois Mangemorts, visiblement russes, d'après leurs tenues. Elle avait du mal à reconnaître les siens, la plupart d'entre eux étaient masqués. Elle discernait Marius, aux prises avec Maugrey, les hommes de Karkaroff, Rodolphus et Rabastan. Soudain, elle sursauta, prise d'une douleur vive dans le côté qui la rappela à la réalité. Elle regarda ses assaillants. Les frères Prewett. Longue lignée de sang-purs.

Elle leva sa baguette et attaqua d'un Doloris, puis jeta plusieurs sorts mortels dont elle avait le secret. Les étincelles multicolores ne cessaient d'être échangées. Avec Lucius, ils avaient entrepris d'avancer pour les pousser contre un des murs de l'Atrium. S'ils les bloquaient, personne ne pourrait les rejoindre pour les défendre. Vieille tactique.

Elle entendit Vance crier pour attirer l'attention sur ce qu'ils faisaient. Un Auror s'avança pour se joindre aux Prewett mais Eléa lança un Lapis Crurae, qui transforma ses jambes en pierre, le laissant immobilisé et dans une grande souffrance. Elle l'abrégea d'un coup de baguette, faisant exploser ses membres inférieurs. Il se viderait de son sang.

Elle revint aux deux frères avec acharnement, ils étaient doués. Quel gâchis…

De part et d'autre, elle entendait des cris, des explosions, des bruits de verre ou de pierre. Elle sentait l'odeur du sang. Odeur délectable qui avait l'effet d'une drogue sur elle, tout comme sur son amant. Elle avait perdu l'habitude de ce genre d'exercice mais ses sens étaient en alerte et l'adrénaline montait de plus en plus dans son corps. Ivresse. De sa baguette, elle enchaîna les Prewett et les traina avec force dans un angle. Ils se défirent rapidement du sort et immobilisèrent Lucius, la laissant seule contre eux. Le combat était serré. Ils la touchèrent plusieurs fois, ce qui avait le don de la mettre dans une rage folle. Elle murmura des paroles en grec, ses pupilles se dilatèrent sous l'afflux de la magie noire qu'elle appelait. Elle lança de puissants maléfices mais ils la contrèrent à chaque fois. Leurs boucliers étaient très résistants.

Dolohov se joignit à elle, suivi de Lucius qui avait réussi à se libérer, Rodolphus et, malgré son masque, elle reconnut la silhouette élancée de Barty. Ils les coincèrent tous les cinq, à la déloyale, mais dans une guerre la loyauté n'était pas de mise.

Ils s'acharnèrent contre eux, ne leur laissant aucun répit, aucune chance d'attaquer. Ils ne purent résister longtemps et leurs corps touchèrent le sol rapidement. Ils s'étaient bien battus.

Les cinq Mangemorts se dispersèrent pour prêter main forte aux autres équipes. La résistance gagnait du terrain. L'Ordre du Phénix et les Aurors étaient pourtant moins nombreux. Le Maître et Eilane se battaient contre Vance, Bones, Potter et McGonagall, qui s'était finalement remise. Il y eut soudain du bruit dans le corridor et plusieurs sorciers et sorcières se joignirent au camp de Dumbledore. Eléa reconnut quelques visages : la résistance Française. Elle ne perdit pas une minute et alla retrouver Marius pour les combattre, elle avait quelques comptes à régler.

A eux deux, ils repoussèrent une dizaine de combattants et Eléa tua le chef de la résistance en lui coupant la tête. Ce n'était plus du combat, mais une véritable exécution de masse. Des sorts mortels contre des boucliers. La manœuvre était de lancer tellement d'attaques qu'ils ne pouvaient que se défendre. Eléa joua avec les éléments, transforma l'eau en glace, puis en feu. Tout faire pour les déstabiliser.

Ils ne comprenaient pas la situation. Eléa capta le regard d'Eilane, inquiète, et celui du Maître, furieux. Ils avaient été devancés, trahis. Cette nuit là, de nombreux ministères à travers le monde devaient tomber. C'était un échec.

Le Mage Noir lança un sort qui frôla son épaule gauche, Eléa se retourna pour découvrir le cadavre de Nicolas Dufourt, un des piliers de la résistance française. « Concentre-toi, » lui souffla la voix aigüe si reconnaissable. Elle ne pouvait qu'admirer son sang froid et son habilité. Combattre à ses côtés lui avait manqué.

Les baguettes fouettaient l'air tel des épées. Sirius n'était pas loin d'elle, elle devait trouver une autre victime, s'écarter. Elle ne pourrait pas le combattre, pas plus que Rémus ou James. D'autres résistants arrivaient encore. Mais d'où sortaient-ils tous ? Ils devaient partir, elle le sentait. De plus, le polynectar ne ferait plus effet longtemps, mais il fallait attendre l'ordre du Maître.

Marius et elle décidèrent de s'occuper d'un groupe de résistants espagnols. De leurs baguettes sortirent des fouets de feu gigantesques qui vinrent les frapper simultanément à la tête et aux pieds, les tuants sur le coup. Voyant cela, Dumbledore se retourna contre eux et les attaqua de front. Ce fut une étrange sensation que de se battre contre son propre père et de sentir ses pouvoirs contre elle. Elle le surprit plusieurs fois par ses sorts. Sentait-il sa propre lignée derrière la baguette ? Elle devait partir, ne pas rester en conflit avec lui, c'était trop dangereux. James et McGonagall se joignirent au vieux sorcier, les sorts redoublèrent d'intensité. Dumbledore évita de justesse un Avada Kedavra lancé par Marius. Furieux, il rétorqua d'un sortilège de découpe que Marius prit de plein fouet sur la poitrine.

Tout fut comme au ralenti. Elle sentit le poids de son ami tomber sur ses pieds et elle cria. D'une voix qui n'était même pas la sienne. Paralysée. Elle se reprit à temps pour éviter un nouveau sort, seule contre les trois sorciers qui ne lui laisseraient pas de répit. Œil pour œil. Le Maître s'interposa entre eux, la protégeant de son propre corps. Elle trébucha et se retrouva à genoux devant le cadavre de Marius, dont elle serra la main inanimée. Lucius courut vers elle et prit son autre main dans la sienne, presque brûlante.

Ils transplanèrent.

Le silence.

L'absence de bruit était choquante. Elle était immobile, tenant toujours la main inerte du Mangemort français. Elle se pencha sur son corps, touchant sa blessure ouverte, tâchant ses mains pâles du sang de son ami. Elle lui caressa le visage, si serein. Pas de trace de souffrance ou de douleur. Elle éclata en sanglots, brisant le silence pesant du Manoir.

Des pas accoururent. Sarah s'immobilisa dans l'entrée du grand salon, glacée par les pleurs de son amie, et regarda Lucius prendre Eléa par les épaules pour la réconforter.

Les autres combattants rentrèrent par petits groupes. Il y avait beaucoup de blessés et ils avaient ramené quelques cadavres au Manoir afin de permettre aux familles de faire leur deuil. Puis, Il arriva, ainsi que sa compagne. Seuls les sanglots d'Eléa étaient perceptibles. Tous tremblaient. Il était calme mais personne n'était dupe quant à la colère noire qui L'habitait.

Eilane s'approcha d'Eléa qui se blottit contre elle pour se calmer. Elle était épuisée et à bout de nerfs. Le polynectar avait à peine fini d'agir, elle était enfin elle-même.

Au bout de quelques minutes, elle se leva, tremblante. La pièce était toujours silencieuse et Il n'avait pas encore prit la parole, sondant chaque visage, chaque esprit qui se tenait devant lui.

« Maître, » demanda-t-elle d'une voix calme.

Il se retourna vivement vers elle, se demandant qui pouvait oser prendre la parole. Son regard s'adoucit légèrement en voyant Eléa. Il fronça les sourcils. Elle était très pâle, les yeux rougis par les larmes et la douleur.

« J'aimerais soigner les blessés grave. »

Il regarda autour de lui, se rendant compte de l'état physique de son armée.

Eilane s'avança à son tour et posa une main sur l'épaule de la Mangemort.

« Je vais les soigner Eléa, monte te reposer, je t'en prie… »

La jeune femme sentait en effet qu'elle ne pourrait pas tenir bien longtemps à prodiguer des soins. Elle acquiesça, jeta un dernier regard au corps qui reposait aux pieds de son amant et monta dans sa chambre.

Elle s'appuya un instant contre la porte qu'elle venait de fermer. Elle avait mal partout et avait l'impression d'avoir vieilli de dix ans en une seule nuit.

Elle y avait cru pourtant, à la fin. La fin de la guerre, de ses soucis. La réponse à ses questions, mais non… le traitre avait fait du bon travail. La résistance avait réussi à empêcher l'accession au pouvoir du Seigneur des Ténèbres. Pour un temps. Il allait se venger et le sang n'avait que commencé à couler.

Elle se déshabilla en grimaçant. Elle était couverte de bleus. Elle toucha son ventre avec inquiétude, il lui sembla que tout allait bien… Elle était tellement fatiguée. Elle irait consulter à Sainte Mangouste pour en être sûre.

Elle prit une douche salvatrice, plongée dans ses pensées. Qui était le traître ? Et pourquoi ne l'avait-il pas encore dénoncée ? C'était obligatoirement quelqu'un du cercle, mais elle avait beau faire l'inventaire de tout le monde, elle n'en voyait pas un qui pourrait le faire. Ils étaient tous de fiers disciples du Maître. A vrai dire, la seule qui aurait pu trahir, c'était elle. Mais elle était trop lâche.


Elle fut incapable de dire combien de temps s'était écoulé depuis qu'elle était montée. Elle était allongée sur le lit, regardant le plafond, ressassant de sombres pensées. Une présence familière vint s'allonger auprès d'elle. Il l'embrassa sur le front, et passa une main douce sur son visage.

« Cesse de pleurer amour… » chuchota-t-il.

Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle pleurait. Elle tourna la tête pour regarder Lucius dans les yeux. Ses traits étaient tirés, il était épuisé lui aussi.

« Je n'arrive pas à croire qu'il soit mort… Je veux dire, il était tellement doué, tellement… » Elle soupira.

« Il s'est bien battu… et pas contre n'importe qui, » ajouta-t-il.

« Je n'avais jamais vu mon père sous ce jour, » chuchota-t-elle, comme si elle avait peur qu'on l'entende « Je ne l'aurais jamais cru capable de tuer, là, comme ça… »

« Amour, tu sais ce que je pense de ce vieux fou… » Elle lui frappa le torse et il grimaça. « Mais une chose est sûre, c'est un grand sorcier et je n'aimerais pas me trouver en face de lui lors d'un combat. »

Elle soupira à nouveau avant de fondre en larmes, blottie contre son amant.


Sloane Square, samedi 4 avril 1998

Les cris aigus résonnaient jusque dans le couloir du second étage. Certains résidents de l'hôtel particulier n'y prêtaient pas attention, d'autres souriaient en coin et écoutaient, les yeux fermés, imaginant ce que la jeune fille subissait.

La respiration courte, Ginny se concentrait pour faire taire la douleur qui avait percé ses entrailles. Les bras en croix liés magiquement, elle releva la tête doucement pour regarder l'homme qui se tenait devant elle. Elle secoua lentement la tête, afin de dégager les cheveux collés sur son front par la sueur et qui l'empêchaient de voir Rabastan Lestrange qui se tenait devant elle, baguette baissée. Elle le regarda dans les yeux, guettant le moment où il allait encore frapper, essayant de deviner quel organe il toucherait. Elle tremblait. Elle essayait de se contrôler mais elle était épuisée et la douleur l'empêchait de se concentrer. Il s'approcha d'elle lentement, tel un félin qui allait dévorer sa proie et sa respiration s'accéléra. Il caressa de sa main chaude la joue fraîche de la rouquine. Les larmes coulaient. Il en recueillit une de son index, qu'il porta à sa bouche et tout en fermant les yeux, il savoura le goût salé de la goutte d'eau.

Elle savait qui il était, pour avoir lu des rapports, entendu de nombreux témoignages. Les frères Lestrange aimaient les jeunes filles de son âge et leur faisaient subir les pires atrocités. Une main baladeuse se promena sur sa poitrine et elle ne put retenir un sanglot quand soudain elle sentit sa chair se déchirer lentement. Elle cria. Son chemisier blanc, déjà tâché de sang, se colora à nouveau, sur le côté gauche cette fois ci.

« Ça suffit maintenant Rabastan. » La voix basse, presque inaudible, était menaçante.

« Je viens à peine de commencer, Lucius ! » Le Mangemort s'était retourné pour faire face à Malfoy, qui venait d'entrer dans la cave.

« Elle est ma prisonnière. C'est à moi qu'incombe le droit de l'interroger… » Sa voix, plus forte, était maintenant reconnaissable et le ton mielleux familier. « Ordre du Maître. »

Lestrange s'avança devant Malfoy et le toisa, à quelques centimètres seulement de lui. Il jeta un dernier regard à la rouquine avant de rompre brusquement le lien qui liait ses poignets. Elle s'affala telle une poupée de chiffon sur le sol. Il tourna les talons, et de colère, jeta contre le mur une chaise qui explosa en petit bois, avant de remonter à l'étage. Lucius leva les yeux au ciel avant de s'accroupir devant Ginny qui, d'instinct, se recroquevilla sur elle-même.

« Je ne vais pas te faire de mal… » dit-il dans un murmure.

Ginny, incrédule, leva les yeux vers le Mangemort. Les yeux d'un bleu glacial étaient cernés, il n'était pas rasé et, même si ses vêtements étaient de qualité, il n'était pas aussi apprêté que d'habitude. Jamais elle n'aurait cru voir Lucius Malfoy de cette façon. Elle le dévisagea et il sourit en coin, avec un rire amer. Il s'assit à même le sol, non loin d'elle.

« La guerre, Ginny… C'est Ginny n'est-ce pas ? » Elle acquiesça d'un signe de la tête. « La guerre change les hommes… » dit-il dans un soupir.

Elle fixait la sortie, calculant mentalement si elle pouvait s'échapper.

« Tu n'irais pas très loin , crois-moi… Nous sommes peut-être seuls ici, mais là haut… Tu es une invitée de marque, vois-tu. »

La rouquine essaya de s'asseoir en lotus, dos contre le mur, mais elle poussa un cri de douleur, portant la main à son côté et elle respira profondément. Lucius s'approcha d'elle pour regarder sa blessure, mais elle cria à nouveau, gardant sa main plaquée contre son corps.

« Je ne verrai rien que je n'ai déjà vu tu sais, » se moqua-t-il. Elle lui jeta un regard furieux, qui le fit rire à nouveau. « Tu devrais te contrôler un peu plus, Ginny, » dit-il en soulevant doucement son chemisier, « parce que les cris, c'est ce que nous attendons, ce qui excite les personnes comme moi… »

« Les Mangemorts ? » demanda-t-elle d'un ton méprisant. Il la regarda droit dans les yeux. «Non… les assassins. »

Il grimaça en voyant la blessure profonde de la Gryffondor, Rabastan ne savait pas « jouer » en douceur. Il entreprit de la soigner. Elle se laissa faire, ne sachant pas comment réagir et n'osa pas lui parler pendant qu'il prodiguait les soins. Quelques minutes plus tard, elle se sentait légèrement mieux et il fit apparaître de l'eau et de la nourriture, qu'elle hésitait à prendre.

« Mange, »ordonna-t-il. « Tu crois que les autres te feront ce cadeau ? »

Elle se servit et but plusieurs gorgées, elle était assoiffée plus qu'affamée. Ils restèrent quelques minutes dans le silence avant que Ginny ne se risque à parler.

« Vous avez hésité, » dit-elle, « à Poudlard, vous avez hésité… Pourquoi ne pas avoir accepté la proposition de Dumbledore ? » Il la dévisagea un instant.

« J'ai ruiné la vie de sa fille, tué des centaines de personnes, ou plus… fait des choses que tu n'imaginerais pas même dans tes pires cauchemars… » Il la regardait dans les yeux. « Tu crois vraiment qu'il y a une rédemption pour moi ? »

« Il y en a une pour Eléa, pourquoi pas pour vous ? »

« Eléa fait tout pour se racheter, pour Hermione, mais jamais elle ne se pardonnera crois-moi. » Il regarda fixement la chevalière qu'il portait à sa main gauche. « Moi je n'ai plus rien… » Sa voix était presque inaudible. « Ma famille est un leurre, mon fils me déteste, ma seule raison de vivre est à Poudlard… dans quelques semaines, au mieux, je serai mort ».

Ginny avait du mal à intégrer les confessions du Mangemort. Celui qui avait tant persécuté sa famille, celui par qui elle avait failli mourir dans la Chambre des Secrets.

« Alors… Alors pourquoi êtes-vous gentil avec moi ? » interrogea-t-elle. Au mot « gentil » Lucius avait tourné la tête vers elle, mi-surpris, mi-amusé. C'était bien la première fois qu'on lui disait cela, qui plus est une prisonnière.

« Quoi qu'on ait pu dire sur moi, Mademoiselle Weasley, je ne prends pas plaisir à torturer des jeunes filles, surtout de sang pur. Sans compter qu'Hermione me déteste déjà assez comme ça, je ne vais pas en plus tuer sa meilleure amie… » ajouta-t-il, une pointe d'ironie dans la voix. Il se releva et ajusta sa veste. « Je suis désolé, te ramener ici m'a surtout permis de ne pas être exécuté par le Seigneur des Ténèbres…. Il va falloir que je t'interroge. »

Ginny le regarda tristement. Au fond, elle savait que cette trêve ne pouvait pas durer.

« Lève-toi. »

Elle exécuta l'ordre, les jambes tremblantes. Elle jeta à nouveau un regard vers la sortie. Elle se sentait tellement impuissante. Soudain, les liens lui enserrèrent à nouveau les poignets et elle se sentit plaquée violemment contre le mur. Lucius la regarda, le regard vide. Il était tellement las de tout cela.

« Tu sais, si tu me disais tout ce que tu sais sur l'Ordre du Phénix maintenant… »

« Je ne dirai rien et vous le savez… » l'interrompit-elle. « Allez-y. » Il admirait son courage, elle lui rappela un instant Lily Evans, même cheveux, même aplomb dans le regard, même foi en un monde meilleur…

« Très bien…. » Il soupira. « Je vais te faire mal maintenant. » Elle acquiesça, elle savait qu'il n'était pas dans le cercle privé de Voldemort pour rien, « mais pas autant que je le pourrais… donc si tu pouvais exagérer un peu tes cris, ça nous rendrait service à tous les deux… » Elle le dévisagea à nouveau. Le Lucius Malfoy qu'elle pensait connaître n'existait plus.

« Ferme les yeux. »

Cette fois-ci, il ne voulait pas croiser le regard de sa victime. Un regard trop jeune, trop innocent. Il n'aurait pas eu autant de scrupules quelques années plus tôt, mais elle avait l'âge de Draco, d'Hermione. L'âge auquel il avait décidé de s'engager dans une guerre qu'il pensait gagnée d'avance. Mais cette folie durait maintenant depuis deux générations. Il inspira profondément et leva sa baguette. Le corps de la rouquine se crispa sous le sort et sa voix déchira une nouvelle fois le silence de l'hôtel particulier.


Jeudi 11 avril 1980, Little Hangleton

Eléa se réveilla en sursaut, elle était en nage. Elle avait passé une nuit agitée, remplie d'éclairs, de morts, de sang, hantée par le visage de Marius. Jamais une bataille ne l'avait autant marquée. Elle était triste et se rendit compte que les larmes n'avaient pas cessé de couler. Tout son corps était endolori et elle pouvait sentir chaque muscle malmené alors qu'elle se levait doucement, tenaillée par la faim.

Lucius n'était pas là, elle ne savait pas depuis combien de temps il était descendu. Elle soupira devant son reflet pâle, dont les yeux rougis la regardaient avec amertume.

Après une douche chaude bienfaisante, elle décida d'aller déjeuner et de demander à Severus une potion pour ses courbatures.

Au rez-de-chaussée, l'ambiance était pesante. Chaque visage était fatigué, inquiet, apeuré. Ils étaient par petits groupes, parlant à voix basse de la bataille de la veille, dans le salon ou dans le jardin… Elle entra dans la cuisine et eut l'agréable surprise d'y voir Lucius, qui la prit amoureusement dans ses bras avant de lui servir un grand verre de jus d'orange et un muffin. Il s'assit à côté d'elle et, en chuchotant, lui raconta les évènements. Depuis leur arrivée la veille, le Maître avait interrogé sans relâche chaque membre du cercle, utilisant la Legilimencie ou la torture. Personne n'était épargné, contrairement aux fois précédentes où les Lestrange, Severus, lui-même et quelques autres n'avaient pas été interrogés. Elle serait interrogée dans la journée.

« C'est ridicule, je suis tellement instable en ce moment que si c'était moi, il le saurait depuis longtemps… » chuchota-t-elle tout en mordant dans son second muffin.

Elle s'arrêta de manger un instant et le regarda dans les yeux en fronçant les sourcils. Puis elle caressa doucement son visage.

« Il… Il t'a torturé c'est ça ? » s'inquiéta-t-elle.

Il détourna son regard qui s'était assombri.

« Ne me dis pas qu'il te soupçonne ! »

« Non, c'est pas ça… » Il se passa la main dans les cheveux et se leva finalement pour lui resservir du jus d'orange.

« Lucius, parle-moi ! » dit-elle plus fort qu'elle ne l'aurait souhaité.

Il se retourna vivement vers elle.

« Pas ici. » Il lui indiqua l'étage d'un signe de la tête.

Ils montèrent discrètement jusqu'à leur chambre, même si tous les autres Mangemorts, pris dans leurs pensées et soucis, ne leur prêtaient aucune attention.

Lucius ferma la porte puis insonorisa la pièce pour plus de sûreté.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demanda-t-elle à nouveau « Pourquoi il t'a torturé, tu es un de ses plus fidèles serviteurs !... » Elle faisait les cent pas dans la pièce illuminée par le soleil matinal.

Elle regarda son amant qui s'était assis sur le lit, la tête entre ses mains.

« Le remords, il a senti mon remords, ma culpabilité envers toi. » Ses paroles étaient à peine audibles.

Eléa resta interdite quelques secondes. Le silence était plus lourd que jamais. Les mots étaient vains. Elle l'avait accusé tellement de fois d'être la cause de leur malheur, de l'avoir amenée vers le Maître, de l'avoir suivi par amour pour lui, d'avoir tué pour lui. D'avoir gâché sa vie.

Elle s'assit à ses côtés, il ne bougea pas, le visage caché par ses cheveux blonds, et posa sa tête contre lui, laissant ses larmes couler.

« Je suis désolée, » articula-t-elle.

Il se redressa et la prit dans les bras, l'embrassant sur le front.

« Je suis prêt à endurer toutes les tortures qu'Il voudra, tant qu'Il ne te touche pas. »

Ils restèrent longuement enlacés, savourant ce moment qui n'appartenait qu'à eux, puis ils s'embrassèrent tendrement. Lucius essuya le visage humide de sa compagne avec tendresse.

« Arrête de pleurer chaton… » Sa voix était douce et réconfortante.

« Je ne le fais pas exprès… Tout va mal Lucius, je me suis jamais sentie aussi mal de ma vie.. »

« Tu as juste besoin de te reposer, tu ne dois pas craquer Eléa… » Son ton était plus ferme, il était aussi nerveux qu'elle finalement.

« Ce n'est pas que ça Lucius… Je ne comprends pas… Il faut qu'on trouve le traitre. J'ai une épée de Damoclès au dessus de moi, je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas été dénoncée ! Tu as vu hier soir ? » Elle recommençait à pleurer. « Tous ces morts, de notre camp Lucius ! Et Marius… Marius… » Elle sanglota de nouveau dans ses bras. « Sarah est en train de craquer, elle ne tiendra jamais le coup, elle n'est pas faite pour ça… »

« Qu'est ce que tu racontes ? » Il fronça les sourcils.

« Sarah était en état de choc hier soir, elle est faible et instable, il faut que j'en parle à Severus… sinon… S'Il le voit… Elle était au bord de la crise de nerfs.» Elle tremblait.

« Calme-toi. » Il se leva et lui attrapa un châle qu'il déposa sur ses épaules. « Reste là et repose toi, je vais parler à Severus… »

« Non, tu ne peux pas ! Elle s'est confiée à moi, je… »

« Elle sait très bien qu'on partage tout, ne fais pas l'enfant… Je vais lui parler. »

Eléa acquiesça tristement. Elle avait de toute évidence besoin de repos et rester alitée était la meilleure chose à faire. Elle ne voulait pas croiser les autres Mangemorts, compter les cadavres ou veiller le corps de Marius. Elle attendrait que le Maître la convoque afin d'être interrogée.

Elle s'allongea en soupirant. Bientôt, elle devrait se rendre à l'Ordre du Phénix et parler de la bataille. Affronter les regards de ses amis, fiers de leur victoire. Éphémère. Faire le point sur les morts. Vaines. Regarder son père dans les yeux sans ciller, sans penser. Mentir, se cacher, ne pas trembler.


Poudlard, samedi 4 avril 1998

Le temps s'était considérablement rafraîchi par rapport aux jours précédents et Hermione soupira devant sa garde-robe. Sa grossesse ne se voyait certes pas encore mais elle sentait bien que son corps se modifiait, ses jeans ayant tendance à la serrer au niveau des hanches et ce n'était pas le peu de nourriture qu'elle arrivait à avaler entre deux nausées qui en était la cause. Elle opta finalement pour un legging noir et une robe tunique dans les tons rose pâle. Elle lissa ses cheveux d'un coup de baguette magique et appliqua un peu de maquillage pour paraître moins pâle qu'elle ne l'était alors qu'elle sentait à nouveau son estomac se nouer en même temps que la bile remontait dans son œsophage. Elle fut incapable de dire si son état nauséeux était dû à la pensée du petit déjeuner qu'elle redoutait déjà de rendre ou au fait qu'elle devait parler à Draco alors qu'elle repoussait sans cesse le moment de lui faire face. Elle s'emmitoufla finalement dans une veste en laine blanche et enfila des ballerines noires avant de descendre jusqu'à la salle commune. Elle trouva Ron planté devant l'imposante cheminée, l'air préoccupé, et elle comprit qu'il l'attendait depuis un moment.

« Mione ! C'est Harry ! Ca recommence ! Je ne sais pas si on doit aller avertir Snape ou quelqu'un, » commença le rouquin en bafouillant.

« Quoi Harry ? Qu'est-ce qu'il se passe ? » demanda Hermione, décontenancée par le chahut matinal alors que Neville était plus pâle que d'ordinaire.

« Tu-Sais-Qui… Occlumencie… Je crois qu'on devrait aller chercher Snape, Mione, » expliqua Ron à mi-voix, observant les Gryffondors allant et venant, alors que Neville acquiesça.

« Non ! Non… » les stoppa Hermione d'un geste de la main avant de se la passer nerveusement dans les cheveux. « Je vais le voir ! »

Elle se dirigea à nouveau vers le dortoir des garçons et eut un moment d'hésitation avant de secouer la tête. Harry se trouvait seul dans sa chambre et elle aurait, donc, tout loisir d'y pénétrer sans entrave. Elle le trouva allongé sur son lit, recroquevillé en position fœtale, alors qu'il luttait les dents serrées pour empêcher le flot d'images d'envahir son esprit. L'exercice était difficile et Harry savait pertinemment qu'il n'était pas doué en la matière. Le phénomène était surtout cruel : autant il était urgent d'empêcher le Seigneur des Ténèbres de se jouer de son esprit de la sorte, autant il voulait savoir. Savoir comment allait Ginny, ce qu'elle subissait, comment elle luttait et qui elle combattait. Un voyeurisme malsain mais presque vital. Alors il se laissait presque faire.

« Harry… Harry ! »

La voix d'Hermione le força à ouvrir les yeux et il grimaça alors qu'un étau enserrait ses tempes prêtes à exploser. Il soupira en voyant son visage inquiet penché sur lui et il passa une main tremblante sur son front humide.

« Ils torturent Ginny, Hermione, » souffla-t-il et la jeune sorcière acquiesça.

« Je sais, je sais, Harry. Mais ne Le laisse pas te manipuler, Il le fait exprès, pour t'affaiblir, nous affaiblir encore plus. »

« Au moins je sais qu'elle n'est pas morte, » répondit Harry et Hermione pâlit, la froideur d'Harry la glaçant et elle comprit qu'il fallait qu'elle parle à Draco maintenant ou jamais.

Maintenant, tout de suite, immédiatement. Elle se leva d'un bond du lit et Harry leva un sourcil.

« On va aller la chercher, Harry, » déclara-t-elle frénétiquement et Harry allait objecter mais elle ne lui en laissa pas le temps, quittant la chambre rapidement et le laissant avec sa migraine et ses démons.

Hermione passa en trombe devant Ron et Neville qui se levèrent en l'apercevant et Ron l'apostropha, quelque peu interdit et décontenancé par l'attitude de son amie.

« Mione ?! »

« Il va bien, » déclara laconiquement Hermione sans même se retourner avant de quitter la salle commune des Gryffondors.

Ron jeta un regard scandalisé à Neville qui se contenta de hausser les épaules avec un sourire désolé mais compatissant.

Hermione entra dans la Grande Salle d'un pas décidé et scanna rapidement les quatre tables principales, prenant une grande inspiration quand elle aperçut Draco attablé avec Blaise. Elle se dirigea vers les Serpentards et se posta derrière les deux comparses alors que Zabini levait un regard surpris vers elle. Draco se leva du banc avec la même surprise et l'interrogea du regard, ignorant les autres élèves de sa Maison et leurs mines désapprobatrices.

« On peut parler ? » dit-elle faiblement et Draco l'invita à poursuivre sans dire un mot alors qu'elle soupirait exagérément. « Ailleurs. » Le Serpentard leva les yeux au ciel et lui désigna la sortie, la laissant passer devant alors qu'ils quittaient la Grande Salle sous des regards non dissimulés. Il la suivit jusqu'à l'extérieur du château et ils commencèrent à remonter par la muraille se trouvant à l'est, marchant en silence alors qu'Hermione resserrait son gilet autour de sa taille.

« Je suis désolé pour ton amie, » déclara soudainement Draco et Hermione fut surprise par ces paroles, les premières du Serpentard depuis plusieurs minutes, et ce d'autant qu'il paraissait sincère. Elle acquiesça lentement et ils marchèrent encore un peu en silence avant que Draco ne s'arrête finalement au bout de la muraille surplombant la rivière en contrebas. « Tu voulais me parler, non ? » continua-t-il un peu confus.

« Oui, et c'est à propos de Ginny en fait, » répondit Hermione, et Draco comprit ses intentions avant même qu'elle ne les énonce. « J'ai besoin de savoir précisément où se trouve Ginny, Draco. Tu me dois bien ça. »

Draco ferma un instant les yeux, ignorant la Marque des Ténèbres qui semblait le narguer sous son pull gris pâle. Il enfonça les mains dans ses poches de pantalon et s'appuya contre la muraille.

« S'il te plaît, » insista-t-elle doutant tout à coup de la réponse du Serpentard. « Fais-le pour moi. »

« Ne me dis pas que tu as planifié avec Potter et le Weasel d'aller en mission suicide récupérer la rouquine ?! » demanda Draco en fronçant les sourcils.

« Quoi ? Non, non ! » mentit Hermione, soupirant alors qu'elle réalisait qu'il la connaissait décidément trop bien.

« L'Ordre du Phénix ? » tenta Draco avec un sourire narquois et elle leva les yeux au ciel, restant silencieuse. « Secret défense, hein ? »

« Tu vas m'aider oui ou non ? » lâcha-t-elle à présent agacée, ce qui fit sourire davantage le Serpentard.

« Bien sûr, » répondit Draco sincèrement. « Je devrais le savoir assez rapidement. »

« Merci, » dit-elle, visiblement soulagée.

Un silence contemplatif s'installa entre les deux adolescents et Draco scruta Hermione, son regard balayant sa silhouette alors que la jeune sorcière observait le ciel voilé.

« C'est tout ? » demanda finalement le Serpentard en fronçant les sourcils.

« Hein ? » rétorqua Hermione, sortant de sa rêverie. « Oui, oui… Merci encore… »

Draco acquiesça et il fut sur le point d'ajouter quelque chose mais se ravisa et soupira. Il prit lentement le chemin conduisant au château, espérant qu'Hermione l'accompagne à nouveau quand elle l'appela d'une voix faible.

« Attends… »

Il se retourna et son cœur manqua un battement quand il vit une nouvelle fragilité dans son regard incertain.

« Qu'est-ce qu'il y a, Hermione ? » lui demanda-t-il en s'approchant, l'encourageant à continuer alors qu'il la voyait hésitante.

« Je suis enceinte, » lâcha-t-elle enfin, guettant la réaction de Draco avec appréhension. Le Serpentard s'était attendu à tout sauf à ça et il resta un instant interdit avant de se passer une main nerveuse dans les cheveux.

« Depuis combien de temps ? » demanda-t-il, se remémorant parfaitement les dates.

« Un mois et demi, » répondit-elle, sachant que ce détail apaiserait l'effet de la bombe qu'elle venait de lui balancer.

« Qu'est-ce- qu'est-ce que tu vas faire ? » poursuivit-il maladroitement, visiblement assommé.

« Je veux le garder, » répondit sans ciller Hermione et il leva un sourcil.

« Quoi ? Tu es sérieuse ? Avec cette guerre ? Notre histoire qui n'en est plus une ? » Il avait élevé la voix et ce fut au tour d'Hermione de froncer les sourcils.

« Et alors ? On doit s'arrêter de vivre parce que les temps sont difficiles ?! Je n'ai pas demandé ça, je ne peux pas avorter, je ne le veux pas, alors c'est comme ça et il faut faire avec ! »

« Et moi dans tout ça ? Et nous ? Tu sais que je t'aime Hermione, » dit-il presque suppliant.

« Il n'y a plus de nous, Draco, » soupira-t-elle, « tu le sais très bien. »

« Tu ne pourras pas m'empêcher de voir mon enfant et de faire partie de sa vie, » articula Draco, visiblement blessé par l'indifférence d'Hermione.

« Je n'ai jamais dit ça, » se défendit la jeune Gryffondor en croisant les bras sur sa poitrine. « J'ai juste d'autres préoccupations en ce moment. »

« Est-ce que je peux encore espérer ? » demanda-t-il et Hermione soupira. Elle savait qu'il ne lâcherait rien et la nouvelle de sa grossesse ne ferait que l'encourager à essayer de la reconquérir. Devait-elle lui répondre de manière affirmative afin d'avoir la paix ou être franche et ne pas le laisser espérer inutilement ? C'était plus compliqué qu'un simple oui ou non. C'était une discussion qui se devait d'être sérieuse et non pas une problématique évoquée à la suite d'une révélation comme celle qu'elle venait de lui servir en guise de petit déjeuner. Alors elle choisit la franchise, promesse d'une porte laissée ouverte ou au moins entrouverte.

« Je ne sais pas, Draco, je t'ai déjà dit que je ne savais pas… » La réponse sembla lui convenir et il acquiesça en silence, semblant, cependant, débattre avec lui-même s'il devait poursuivre sur ce terrain. La mine affreuse d'Hermione le dissuada alors qu'il préféra se contenter de ce premier pas qu'elle avait fait aujourd'hui. Il choisit un terrain neutre mais la question présentait un intérêt certain alors que les regards suspicieux qu'il avait croisés il y a quelques minutes dans la Grande Salle l'avaient agacés plus que de raison.

« Qui est au courant ? »

« Ma mère, juste ma mère, je te le jure, » le rassura-t-elle et il acquiesça à nouveau. Un silence s'installa et Hermione se demanda si son mutisme ponctuait la fin de la conversation. Puis, contre toute attente, et alors qu'elle avait décidé de rebrousser chemin jusqu'au château, il l'engouffra sans prévenir dans ses bras. Dire qu'Hermione fut surprise serait un euphémisme et elle se raidit instantanément, posant ses mains sur la poitrine de Draco, le repoussant doucement. Il desserra son étreinte et s'écarta de la jeune sorcière, comprenant son rejet et elle soupira quand elle croisa son regard blessé, presque désespéré. « Je suis désolée, je ne peux pas… » souffla-t-elle et il baissa la tête, visiblement meurtri. Il se força néanmoins à sourire mais échoua alors que son sourire s'était mué en un rictus amer et désabusé.

« Je sais… J'espère que tu pourras me refaire confiance un jour, je ne te ferai plus jamais de mal, jamais. » Il secoua la tête, se sentant ridicule. Draco Malfoy promettant d'être doux comme un agneau aurait fait rire l'école toute entière et les Serpentards en particulier. Il pouvait même sentir la Marque se moquer de lui. Heureusement, sa tirade n'amena aucun commentaire d'Hermione. Il ne lui en aurait pourtant pas voulu si elle avait éclaté de rire. Au contraire, sa promesse sembla l'avoir presque touchée et il fit deux pas vers la jeune sorcière, se rapprochant tellement d'elle qu'il pouvait sentir son souffle court sur son visage. Elle baissa la tête et n'opposa pas de résistance quand il prit son visage entre ses mains, la forçant à le regarder dans les yeux. « Promets-moi que tu ne feras rien de stupide, Hermione, » dit-il doucement et elle acquiesça sans discuter. C'était inutile. Elle ferait ce qu'elle avait à faire et le destin déciderait pour elle. Elle enleva ses mains de son visage et laissa Draco à ses introspections tandis qu'elle remonta la muraille en direction du château, le vent balayant quelques larmes qui s'étaient échappées de ses yeux embués.


Teaser chapitre 35 :

1980 : Eléa aura du mal à surmonter la mort de Marius. Un évènement l'amènera à confronter Voldemort et Eilane.

1998 : Un incident mettant en danger Eléa pourrait la rapprocher d'Ella. Les choses vont bouger pour Ginny mais sera-t-elle secourue et par qui ? Hermione pourrait être amenée à se rapprocher de Draco.