Auteur : Luinil Azurétoile
Base : Hikaru no Go Xover réalité
Genre : Heuuuu… Vous êtes vraiment sûr d'en vouloir un ? Bon, ok ! Délire total, alors ! Total et hystérique.
Disclaimer : ( Haaaan… Qu'est-ce que je peux détester ce truc… Mais bon, quand y faut, y faut ! )
Luinil, voix ânonnante : Les-persos-de-HikaGo-ne-sont-pas-à-moi… ( Ayé, c'est fait. T-T )
C'est dommage quand même, j'aimerais beaucoup en avoir certains sous la main… # bave copieusement #
En revanche, étant donné que Rin est à moi, on touche pas sans permission ! Hin hin hin !
Avertissement : Pour ceux qui ont pas vu/lu toute la série, SPOILERS MASSIFS !! Et pour les fans, désolée de décevoir : pas une trace de yaoi prévue, là dedans. -.-;;;
A part ça : attention, ficqueuse franchement atteinte, mwéhéhéhéhé !
Résumé : Mieux vaut éviter les pensées "ce serait bien, si...". Ce genre de chose se retourne systématiquement contre vous ! C'est ce qu'à découvert Rin à ses dépends. Elle qui s'était dit qu'avoir l'aide d'un fantôme tel que Saï, pour progresser au Go, pouvait être amusant, la voilà propulsée dans l'univers de HikaGo. Et hantée par ledit fantôme, par-dessus le marché ! Si encore, l'un comme l'autre, ils avaient une toute petite idée de ce qu'on attend d'eux...
Notes techniques : Les paroles en italique, c'est virtuellement "en français dans le texte", mdr.
Celles en gras sont considérées comme étant en anglais !!
Et celles entre ¤…¤, correspondent aux conversations mentales avec Saï. Valà, maintenant, vous êtes parés, yerk, yerk, yerk !
Reviews : Merci à Aelie Ming, tchingtchong, Rynn , nakajima, cmoa, Nakaa, Roxane Sanka Malfoy, Angelus, et pour leur reviews !
Parce que on m'a gentiment fait remarquer que une moitié de chapitre, c'était mieux que pas de chapitre du tout. XD ( D'un autre côté, je viens de voir la date de la dernière up… et ça fait peur… Pardooooon !! ToT )
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Chapitre 24 : Kage internationale (1ère partie)
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Bizarrement, Lia est plutôt du genre "casanière". C'est vrai que la gestion d'une épicerie ne facilite pas les choses et peut expliquer cet état de fait, mais n'empêche… ! Si vous voulez la traîner quelque part, il faut vous lever tôt. TRES tôt ! Sauf si il fait 45°C à l'ombre et que vous lui dites "plage". Là, même si cela signifie s'entasser sur un malheureux mètre carré de sable pour jouer les sardines avec d'innombrables voisins de parasol, "plage" est un mot magique qui la fera sortir quoi qu'il arrive.
Sauf que pour aujourd'hui, on va partir du principe que c'est mort : mon seul mot à disposition c'est "tournoi international de go". Et ok, ça fait trois mots et demi, mais le point vraiment important, c'est que ces mots-là sont pas magiques du tout.
Seulement moi, j'en ai ma claque tout de suite. La perspective de voir des parties pros –intéressantes, certes, mais auxquelles je capte surtout que dalle- au milieu de professionnels uniquement –adorables, au demeurant, mais bizarrement limités en conversation dans une situation pareille- me broute grave !
Heureusement pour moi -ou malheureusement pour elle, comme vous voulez-, je peux me montrer particulièrement tenace dans ces conditions. Pire qu'un pitbull.
Je veux pas y aller seule ? Ok, j'irais pas seule. Dusse-je la harceler jusqu'à ce que perte de santé mentale s'en suive.
Bref, je l'ai tannée jusqu'à ce qu'elle craque… et elle a craquée. La voilà qui se retrouve donc à me faire du soutien moral.
Ou de la démoralisation annoncée de copains joueurs de go, au choix.
Oui, j'aurais pas dû prendre mon Walkman… Parce que la fin de notre trajet est en train de se transformer en tour de chant improvisé –comprenez "braillé dans toute la rue"- et du coup, Isumi veut se pendre. Ou NOUS pendre, il a pas encore décidé.
Parce qu'on aurait pas du écouter les radios françaises en podcast sur Internet et découvrir la dernière en date de Bénabar.
Parce que cette chanson est trop trippante !
— Tu me traites d'égoïste !
Comment oses-tu dire ça ?!
Moi qui suis malheureux et triste,
Et j'ai même pas de Home Cinema !!
Avec la gestuelle choquée qui va avec, suivit du fou-rire inévitable causé par les paroles et qui sabote au trois-quart le refrain derrière.
Oui, nous sommes irrécupérables et nous le vivons très bien. Mais je vous avouerai que ça évite pas mal de scrupules d'être dans un coin où personne ne comprend le français. Encore plus quand c'est du français braillé.
Ouais, parce qu'on peut décemment pas dire que ce soit "chanté"…
— Moins fort, par pitié, soupire Isumi qui a depuis longtemps dépassé le stade "honte ultime" tellement il en a marre de nous.
— Oh tiens ! Soit dit en passant, ça te ferait un super exercice de version pour une de nos prochaines soirées de cours.
C'était mon illumination subite du jour.
Isumi grogne un peu, sans grande conviction et sans partager mon enthousiasme.
— Tu lui diras bien de pas le prendre pour lui, avant. On sait jamais, il pourrait se vexer, me glisse Lia dans notre langue maternelle en riant à demi.
— Si ça le fait juste un peu cogiter sur ce que peut-être la mauvaise foi masculine, moi, je me plaindrais pas. Même si pour l'instant il ne m'a jamais fait un truc pareil et que l'exemple est évidemment un comportement typiquement franchouillard !
— Je ne te le fais pas dire !
— Qu'est-ce que vous manigancez encore ? s'inquiète Isumi d'un ton un rien bourru.
— Rien, on discutait juste "contenu".
— Contenu de quoi ?
— Contenu possible de cours, bien évidemment !
Lia lui lance un clin d'œil désarmant qui fait échapper un soupire désabusé à notre chaperon.
Nous arrivons en vue de l'hôtel où a lieu la coupe Hokuto.
Comme nous nous en rapprochons, nous ne pouvons pas ne pas remarquer, le groupe de trois petites adolescentes qui patiente devant la porte. Et qui s'agite soudainement en nous voyant.
— Oh non… c'est pas vrai… j'échappe dans un grognement peu amène.
— Quoi ?
— Des fans…
— D'Isumi…?
— De qui d'autre… ?
— Ouais, c'est pas faux. Les tiens, ce sont plutôt des vieux schnoques.
Je fusille Lia d'un regard mauvais. C'est quand même pas de ma faute si la moyenne d'âge du joueur de go est haute ! J'ai pas demandé à être une étoile montante du milieu moi !
— Ah !
Isumi vient d'échapper une exclamation ravie.
— C'est qui… ?
— C'est une longue histoire… Je crois que ces trois-là font partie de mes fans les plus anciennes. Elles sont là quel que soit événement lié au Go, ou presque ! ( Il rit un instant. ) Le mieux c'est que elles se sont mises à jouer également, grâce à moi et… elles se débrouillent pas si mal pour ce que j'ai eu l'occasion de voir. Elles sont adorables en plus. J'aimerai bien avoir plus de fans comme elles !
Lia grimace en attendant grincer mes dents. Alors là, si il voulait que je déteste ces gamines à vue, c'est gagné !
Je prends une voix mielleuse :
— Oui alors, tu vois, je vais quand même te rappeler que ceci… ( Je le désigne de la tête aux pieds dans un vague aller-retour du doigt. ) … est à moi… et que je n'aime pas partager… Pigé ?
Il rit un peu, mais ne répond rien se contentant de me servir ce petit sourire amusé qui selon les circonstances à tendance à me mettre en boule. Et genre là, d'un coup, ça m'agace.
Première réaction, cracher un "Enfin bon, c'est toi qui vois !" très très contrarié. Mais finalement et au prix d'une morsure de langue violente -quoique parfaitement mentale-, j'opte pour une solution identique à la sienne : je me contente de sourire, même si c'est d'un sourire tellement jaune qu'il en est fluo.
— On se retrouve à l'intérieur alors. On va te laisser à tes admiratrices. A tout à l'heure.
Et je le plante purement et simplement sur le trottoir. Lia trottine à ma suite lâchant un "Et ben… !" mi-amusé, mi-inquiet, en roulant des yeux.
Non mais c'est vrai quoi ! J'ai pas de problème majeur avec son histoire de fans ! Il est beau gosse et il gère deux boulots propices à ça, donc c'est pas comme si j'avais le choix. Et temps qu'il me re-balance pas cet aspect-là de sa vie dans la gueule pour me taquiner ou pour voir comment je réagis, J'AI PAS DE PROBLEME !!
En plus il fait une chaleur à crever et j'ai beau être un lézard dans l'âme, même pour moi ça commence à ressembler à un four grandeur nature !! Un four moite par-dessus le marché ! Genre le constructeur du four s'est bien planté quand il a lu sa notice de montage !
Je farfouille dans mon sac à main deux secondes. Pas de chouchou, ni de pince et comme une conne, je suis venue les cheveux détachés. En plein été, c'est un comportement suicidaire !
Bon ! Plan B !
Je fouille de nouveau dans mon sac pour trouver ma trousse à dessin. ( Heureusement, que je l'ai toujours sur moi, elle ! ) J'en tire rapidement un pinceau de calligraphie que je convertis en pique à chignon improvisée.
Rien que ça et j'ai l'impression que ma température corporelle chute d'un degré ou deux.
Bon-heur !
Un léger rire attire mon attention vers Lia.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Rien rien, fait-elle d'un air mystérieux. Jolie vengeance, c'est tout.
— … hé ?
— Tu demanderas à Saï de te faire un cours sur la symbolique érotique de la nuque par ici. Tu verras, tu risques de trouver ça édifiant.
— Bah, je connaissais un peu rapport aux geishas et tout ça… mais je vois pas le lien.
— Disons que c'est presque comme si tu venais de balancer discrètement à Isumi que ok, il te plantait là avec ses jolies groupies, mais dans ce cas, en attendant, toi, tu ne vas pas te priver pour faire des ravages dans l'intellect masculin dès que tu auras mis un pied dans le hall. Et puis avec le pinceau de calligraphie en plus… ! Y'a de quoi les faire cogiter un joli moment !
— Heu… A la base, j'avais juste chaud et j'avais que ça sous la main…
— N'empêche ! Je te conseille de ne pas te retourner, mais vu la tête d'Isumi depuis une seconde… je pense qu'il le prend comme je viens de te dire. Jolie vengeance donc ! Il ne va pas traîner avec ces trois miss !
— Yosh ! Ce sera toujours ça de prit même si c'était pas voulu !
— Ha ha !
La porte vitrée du hall s'efface en silence devant nous. Ça fourmille de partout. Des gens en costumes qui s'agitent, des journalistes qui quadrillent la zone, appareil au poing. Et aucune tête connue nulle part…
J'échappe un soupir déçu :
— Ma grande, épreuve du jour : trouver Hikaru ou Akira ou Asumi ou n'importe qui d'autre de familier au milieu de ce foutoir… Et on a pas de point de sauvegarde à l'horizon.
— … T'as une façon redoutable de présenter les choses, tu sais ?
— Ouais, je sais.
Lia m'emboîte le pas, alors que nous commençons à traverser le hall. De nombreuses têtes se retournent sur nous. Bon, c'est vrai qu'on détonne un peu dans le paysage : deux occidentales affublées de débardeurs, mini-jupes en jean -ouais, vous rêvez pas, j'ai finalement été obligée d'admettre le côté confortable du truc passé certaines températures-, avec tongs et lunettes de soleil. Sachant que je suis à peu près aussi grande que la plupart des mecs ici et que Lia est pas si loin en-dessous de moi… Bref, on a tout ce qu'il faut pour attirer l'attention. Et pour faire "tâches" aussi… De vraies petites touristes !
— Iiiik ! Pas par là ! je m'exclame dans un léger couinement de panique, tout en attrapant Lia par un bras et en changeant radicalement de direction.
— Pourquoi ça ?
Je lui désigne un groupe de personnes un peu plus loin.
— Tu vois le gars là-bas ? Le gros. ( Oui, je sais, c'est pas charitable, mais au moins ça situe direct' le truc. ) C'est Kurata. C'est lui qui s'occupe de chaperonner l'équipe japonaise pendant le tournoi. Et il est bien gentil… mais très envahissant. Donc y'a pas moyen qu'il me mette la main dessus !
— Ah… ! Ok, répond Lia sans s'émouvoir une seconde. Mais je te signale quand même que la direction de la salle pour le public était pile là-bas. Donc ça veut dire que si on veut potentiellement trouver les copains, va forcément falloir leur passer devant.
— Et meeeeerde !
— Ouais, voilà, c'est le terme. Sachant que tu as un second problème…
— Lequel ?
— Le petit machin excité qui ressemble vaguement à un journaliste et qui est en train de brailler ton nom depuis au moins cinq minutes.
— Mais chiotte ! Pourquoi c'est toujours pour ma gueule !?
— Tu demanderas à Tu-sais-qui.
Min-hin ! Je le retiens le super fantôme !
Je me compose donc vite fait un visage souriant et avenant avant de me retourner pour faire face au journaliste qui m'interpelle. J'ai dû apprendre ce truc là très vite, en fait. La force de Saï m'a jetée sur le devant de la scène depuis un peu plus d'un an, maintenant, ce qui a fait de moi une personne "publique", au moins dans le milieu restreint du Go. Avec toutes les emmerdes que cela implique. La pire étant de devoir faire bonne figure en toutes circonstances et face à n'importe qui. Et c'est loin d'être de tout repos !
Oui, parce qu'avec ça, la force de Saï est en plus un véritable aimant à personnes !
Pourquoi me demandez-vous ? Tout bêtement parce que ça fait "bien" d'être vu en la compagnie d'une jeune joueuse qui monte dans les classements à vitesse lumière. Le "pouvoir" attire, c'est aussi simple que ça. Et ça m'arrive de plus en plus souvent de me faire aborder par d'autres joueurs que je ne connais ni d'Eve, ni d'Adam et qui viennent me taper la discut' juste pour le fun. Et c'est pas toujours marrant de se faire tenir la jambe par des inconnus alors qu'on a clairement des millions de choses d'autres à faire.
Et à la base je suis une asociale, moi !
Enfin bref, Saï a fait de moi un aimant à joueurs en mal de publicité et un aimant à journalistes de manière générale. Et ça me broute 99 du temps. Faudrait que je vois si y'a pas moyen de poser des vacances d'une manière ou d'une autre avant de piquer une crise de nerfs en public pour pas grand chose…
— Oui, bonjour !
Mes ressources en communication ne cessent de m'étonner : rien dans ma voix ne laisse deviner que la situation me fait royalement chier. Au contraire, j'ai tout bonnement l'air ravie.
Quelque part, c'est flippant de pouvoir réagir comme ça.
— Kosemura du Go-weekly. Je suis ravi de vous voir ici ! Vous venez soutenir l'équipe japonaise ?
Mon premier réflexe est de répondre "oui, faut bien", mais je me dis que cela peut être mal interprété si j'y mets pas la bonne intonation. Et comme j'ai pas le courage de contrôler les dites intonations pour le moment… on va trouver autre chose de plus basique :
— Oui, bien évidemment.
— Vous pensez qu'ils ont une chance de remporter cette édition ?
Il a sorti un carnet pour prendre des notes… c'est en train de tourner à l'interview en règles…
Chier…
Ne dis pas le fond de ta pensée, ma vieille ! Enterre ta franchise dans un coin, ne dis pas que tu es sûre qu'ils n'ont pas une chance ! Reste politiquement correcte !
— Je pense que la Corée va être cette fois encore un adversaire très difficile…
Et c'est ce qui s'appelle botter en touche…
— Ha ha, c'est vrai. Et l'équipe chinoise ? Vous les avez déjà rencontrés ? De jeunes joueurs très intéressants, vous ne pensez pas ?
Je veux m'en alleeeeeeeeeer !!
— Oui, certes…
Pourquoi est-ce que je suis une looseuse chronique !? Pourquoi est-ce que de temps en temps je n'aurais pas droit, moi aussi, à un semblant de miracle dans ma vie !!
— Rin ! Lia !
… Je crois que je serais capable de pleurer de joie à cette instant précis, si seulement je n'étais pas en face d'un journaliste.
Isumi, mon miracle sur demande, je te vénère !!
— Ah ! Te voilà enfin.
Sourire accueillant qui a valeur d'un "au secours" muet mais impérieux.
— Je ne peux vraiment pas te laisser seule une minute sans que tu te retrouves aussitôt entourée ! râle le brun en nous rejoignant.
— Oh ! Et c'est toi qui dit ça ?
Je ne peux retenir un léger rire face à tant de mauvaise foi. Il grogne.
Mon malheureux intervieweur est en train de se prendre un vent.
— Moi, j'appelle ça un juste retour des choses, mon grand !
— Tss… ! Bon, il faut qu'on se dépêche si on veut avoir de bonnes places dans la salle de retransmission vidéo.
Il me prend un bras et fait mine de vouloir m'entraîner à sa suite.
— Heu… commence le malheureux Kosemura.
— C'est que j'étais occupée à une petite interview là…
— Oui, ben plus tard !
Houuuu ! Il est fâché ! … J'aime quand il est fâché pour ça !
Lia et moi échangeons un discret sourire de connivence soulagé et je mime un rapide geste d'excuse à mon pauvre journaliste qui reste planté tout seul au milieu du hall.
Quelques secondes plus tard, mes cheveux se retrouvent subitement libérés sur mes épaules.
— Hey !
— Et range-moi ça…
Isumi agite le pinceau sous mon nez. Je réponds tu tac au tac.
— T'as un chouchou, une barrette ou même un vulgaire élastique sur toi ?
— … Non…
— Alors faudra que tu fasses avec, je crève assez de chaud comme ça.
Et je lui reprends le pinceau des mains pour refaire mon chignon derechef. Au passage, je me retiens de lui tirer la langue façon "peste" pour enfoncer encore plus le clou. On est en public donc faut que je paraisse un minimum classe et fréquentable. C'est déjà assez dur d'être une femme, étrangère de surcroît, dans ce milieu, pas la peine de passer "en plus" pour une dingue.
Isumi s'arrête net, les yeux levés au ciel, l'air vaguement agacé. Oui, je lui tiens tête : je ne suis pas une de ces petites japonaises effacées, je vais pas me priver !
— Un truc : je m'habille comme je veux. Si ça te plaît pas, c'est pareil, mais honnêtement je doute que ça te déplaise tant que ça. Alors oublie le pseudo-sermon tout de suite…
Je me retrouve tout à coup étroitement enlacé et mon chignon se voit défait pour la deuxième fois en deux minutes. Et le visage d'Isumi s'est fait dangereusement proche et prédateur.
— Comment tu dis, déjà… ? "Ceci… est à moi", c'est ça ?
— Hu hu hu…
Réaction hautement "intelligente", je vous l'accorde, mais là, mes hormones ne m'autorisent rien de mieux.
— Je déteste quand tu aguiches les autres… Et depuis tout à l'heure, tu n'arrêtes pas…
— Hmm… Deux choses alors : un, si ça c'est ce que tu appelles "aguicher", il ne te faut pas grand chose. Et puisqu'on y est, moi, je pourrais bien te reparler de tes trois petites fans de tout à l'heure… Et deux, il va falloir que tu imprimes que le seul que je veux aguicher, c'est toi. Les autres peuvent aller voir ailleurs si j'y suis. Donc ta jalousie mal placée… c'est pas la peine, ok ?
— J'essaierai de m'en souvenir.
— Je t'aiderai, ne t'inquiète pas pour ça…
— Caliente ! chantonne discrètement Lia en arrière-plan, nous rappelant brutalement que nous ne sommes pas les seuls dans le couloir et que les trois ou quatre personnes qui sont là nous regardent bizarrement.
'Sont facilement choqués par ici, c'est pas marrant… !
Lia s'intercale entre nous, l'air de rien, et nous prend chacun par un bras.
— On bouge ? J'ai pas envie de devoir rester debout pendant les parties, moi !
Nous reprenons donc notre chemin, ignorant consciencieusement les murmures choqués dans notre dos.
J'ai aucune notion de la rapidité de propagation des ragots dans le milieu du Go. Je ne sais pas non plus si c'est le genre de milieu qui raffole des commérages, tout comme j'ignore si le fait qu'Isumi et moi soyons ensemble est connu et intéresse quelqu'un.
Ce que je sais, c'est que dans un microcosme français, il y aurait de quoi faire ses choux gras un long moment…
Pfff, je veux des vacances, rien que d'y penser…
Nous arrivons enfin vers la salle réservée au public. Hikaru et Waya poireautent, devant la porte et les environs immédiats sont déserts, ce qui est un petit miracle. Exactement ce qu'il faut pour qu'une entrée tonitruante soit un truc irrésistible à faire…
— Pika, pika !
— Chuuuuuu !!
Lia m'a suivie sans même avoir réellement réfléchi.
— Raaaah ! Vos gueules, putain !! Lâchez-moi avec ça !! brame Hikaru écarlate et démarrant au quart de tour, alors que Waya est en train de faire tout son possible pour ne pas exploser de rire.
— Rooh, c'est qu'il serait grossier le Pokemon, en plus.
— Oui, ces petites bêtes ne sont plus ce qu'elles étaient…
Et de hocher la tête d'un air extrêmement concerné, les bras croisés sur la poitrine.
Ce pauvre Hikaru va finir par nous la faire, cette crise d'apoplexie… Ou faire un double meurtre sur nos petites personnes.
— Grandissez un peu, merde !
— … dit-il à deux otakus notoires…
— C'est pas gagné, hein ?
— Non, j'en ai peur…
Avais-je déjà signalé qu'il était extrêmement dangereux de nous avoir Lia et moi, ensemble et en présence de victimes potentielles et non-consentantes ? Oui ? Ben, je radote allègrement alors… En plus on a l'air particulièrement motivées aujourd'hui…
— Ha ha ! rit Waya. Au lieu de dire n'importe quoi, on ferait mieux de rentrer. Nasé, Honda et Fuku nous gardent nos places, mais ça peut ne pas durer.
— Excellente idée !
— J'approuve aussi !
La salle de projection –appelons la comme ça…- est déjà blindée ou presque. Hikaru et Waya en tête, nous nous mettons ne quête de notre zone de squat. En espérant que les premiers arrivés sont parvenus à défendre des sièges vides avec succès.
Une main se lève un instant, quelque part sur notre gauche. Yang Hai nous salue de loin, interrompant une seconde une conversation qui semble passionnante. Isumi et moi lui répondons de même. Lia incline la tête sur son épaule avec un espèce de miaulement appréciateur :
— Awww…! Balèèèze ! susurre-t-elle en français. Si j'avais su… je t'aurais probablement accompagnée plus souvent à tes trucs de go. Y'a pas mal de potentiel dans le milieu.
— N'est-ce pas.
— Dis voir… tu voudrais pas me prêter Saï à mi-temps ? Histoire que je puisse aussi avoir ma part du gâteau.
— Nanméetpuisquoiencore ! C'est MON job, à MOI !
— Pff… t'es pas joueuse…Tu pourrais penser à moi dont la vie sociale est quasi-inexistante comparée à certaines.
— Je te laisserais bien les boulets et les journalistes tant que tu veux, mais je ne suis pas sûre que ça te branche au final…
— Je ne parlais pas de ce "social"-là… sourit-elle.
Un léger rictus étire mes lèvres : elle manque pas d'air.
— Je ne ferais aucun commentaire là-dessus tellement t'es hypocrite sur ce coup.
— Ah ouais ? Tu trouves ? fait-elle innocemment.
— Et comment !
Côté cœur, la blondinette a une vie tout sauf inexistante. Pas "fixe", ni "posée" mais certainement pas inexistante. Et si elle avait vraiment eu envie de choses sérieuses, j'aurais une proposition tout prête à lui faire en la personne d'un certain châtain dont le regard a tendance à s'égarer très facilement quand il s'agit d'elle. Waya l'admettra pas comme ça, mais je pense que Lia lui plaît "beaucoup". Y'a qu'à voir comment il perd tous ses moyens quand elle le chahute d'un peu trop près. Enfin… s'il veut en faire quelque chose, va falloir qu'il la coince dans un coin et qu'il lui saute dessus, parce que sinon la miss peut encore jouer un moment… Mais passons…
— Arrêtez ça… grogne Hikaru par dessus son épaule.
— Quoi ?
— De parler français entre vous. C'est pas sympa de mettre les autres à l'écart.
— Aaaaw… ! Quand je pense qu'on voulait juste protéger tes chastes oreilles de nos réflexions débiles…
— T'as qu'à croire…
Lia et moi gloussons sans rien ajouter de plus.
Puis nous arrivons à nos places dûment défendues par le reste de la bande. Le match d'ouverture est celui de la Corée contre le Japon. Autrement dit… un très probable massacre en règles, histoire de se mettre en jambes.
Je plains les petits jeunes : c'est pas drôle pour commencer.
Saï ? Tu nous fera le commentaire à Lia et à moi ? ( Et je le précède avant qu'il ne m'en fasse la remarque. ) Même s'il y a déjà un autre commentateur ? C'est mieux quand c'est toi, je trouve.
Le fantôme bombe le torse de plaisir. Ma remarque est parfaitement sincère : l'enthousiasme parfois presque enfantin de Saï est génial quand il est en plein commentaire. Et puis on peut l'interrompre tant qu'on veut, lui poser toutes les questions qu'on veut, il a une patience d'ange pour ça. Et ce n'est pas le genre de liberté qu'on peut prendre d'habitude, avec un commentateur lambda et une salle comble. Alors on en profite !
On prend des nouvelles des uns et des autres en attendant le début de la rencontre. Même si on se voit très régulièrement, il y a toujours des choses à se dire : L'autre jour pendant l'Oteaï, Honda a battu un 6e dan au terme d'une partie qui s'est jouée sur une séquence très complexe dans un coin. Nase, elle, a passé haut la main les huitièmes de finale pour le Kisei féminin. Personnellement, Saï et moi avons passé ce même tour deux semaines plus tôt, avec un brio identique.
— Hey dites ! Et si on se faisait une sortie plage tous ensemble un de ces quatre ? propose tout à coup Lia. Avec la chaleur qu'il fait, ça pourrait être sympa !
Non, je ne viens pas de ronronner de plaisir ! C'est une vue de l'esprit !
— Je me doutais que tu serais d'accord, Rin, rit la blondinette.
Merde, je suis grillée de chez grillée…
— C'est une excellente idée, approuve Waya presque trop rapidement pour être honnête.
Quand je vous disais qu'il avait très probablement flashé… Il a une occasion de se rincer l'œil et il la laisse pas passer !
Oui, je l'adore ce petit. Mais des fois il est pas discret…
— Oui, ça pourrait être amusant, renchérit Nasé, l'air ravie.
— Chiche qu'on embarque Akira aussi, histoire de le sortir un peu !
— Pourquoi ça ? On est pas obligé de faire dans le social, non plus, grogne Waya beaucoup moins motivé d'un coup.
— Mon petit Waya, tu te rends compte que tu es le seul à avoir un problème avec Akira ? Et par pure mauvaise foi en plus !
— C'est pas de la mauvaise foi, c'est physique. (¤1)
— Ben voyons ! Si Akira n'était pas "Toya", je suis quasi-certaine que sa réussite chatouillerait peut-être un peu ton orgueil, mais ça n'aurait rien à voir avec cette espèce de haine viscérale que tu éprouves actuellement.
J'ai bien envie de rajouter "Regarde comment t'es avec Hikaru ou Isumi", mais ce serait dégueulasse de ma part de le renvoyer face à ses vieux complexes, que les autres n'ont pas besoin d'entendre, d'ailleurs.
Silence, alors qu'il hésite sous mon regard intense et assuré.
— Tu vois ? J'en étais sûre. Alors arrête de faire la tronche. Akira manque parfois de tact, mais c'est juste parce qu'il ne traîne pas assez avec des gens de son âge. Faut lui forger un peu le caractère, c'est tout !
Hikaru est en train de crever de rire -dans un silence très relatif- sur sa chaise. Je crois que c'est qu'il aime assez ma vision des choses concernant Akira.
— Pourtant l'autre fois dans le train, tu n'avais pas l'air de le détester. Tu sais, quand tu lui avais sauté au cou, rappelle Nasé en riant.
— Déconnes ! J'ai raté ça ? me glisse Lia avec l'air de la commère de base toute heureuse de tomber sur un scoop.
— Ouaip !
— Et merde… !
— Je lui avais PAS sauté au cou ! proteste Waya au même moment, carmin soutenu. C'était un réflexe de survie ! Et puis c'était de la faute de Rin, d'abord !!
— Et bien sûr, c'est "encore" pour ma pomme ! Mais pourquoi toujours moi, à la fin ?
— Parce que tu cherches ! ……… Et arrêtez de vous imaginer des trucs, les filles, chuis hétéro !! brame-t-il après un temps d'observation pendant lequel il a surpris la lueur d'amusement lubrique qui s'est mise à pétiller dans nos regards de fangirls yaoistes presque notoires.
Il y a un silence de mort dans toute la salle. Waya réalise qu'il a quasiment hurlé ce dernier aveu et que tout le monde a dû l'entendre. Le châtain devient aussitôt rouge-violet et se tasse de son mieux sur sa chaise au point de sembler perdre dix centimètres à chaque seconde qui passe.
Je crois qu'on va être trois à mourir de rire dans pas longtemps.
— Ça suffit, calmez-vous un peu. Ça va commencer !
Isumi est à moitié convaincant de sévérité, hésitant plutôt entre le rire nerveux et l'embarras total puisque nous sommes le point de mire de toute l'assemblée.
— Voui papa… est la réponse que je lui chuchote.
— Vous êtes infernales…! s'écrie-t-il à mi-voix, mortifié par ma désinvolture face à la situation.
— Hé ho ! Il a fait ça tout seul comme un grand !
Isumi soupire lourdement en signe d'abandon.
Ben hé ! C'est que j'ai raison, aussi !
La rumeur bruyante des murmures de l'assemblée baisse tout d'un coup d'intensité, avant de cesser complètement. Les écrans viennent de s'allumer et on voit les six joueurs entrer dans le champ de vision d'un caméraman et s'installer de part et d'autre de leurs tables.
Je redécouvre certains visages familiers. Pas Ochi, je l'ai déjà supporté avant, lui. Shôji et Oka, par contre, ont pris un certain coup de vieux ainsi que quelques centimètres, depuis leur court et unique passage dans l'histoire. Le caméraman s'intéresse à présent aux joueurs coréens, Su-yong en tête.
Et… wa-hou ! C'est ÇA Su-yong à dix-huit ans ?! Ça en jette pas mal !!
— Wouhou ! souffle Lia juste à côté, relayant parfaitement ce que je suis en train de penser. C'est qui, ça ?
— Su-yong Hong, dix-huit ans, capitaine de l'équipe de Corée et très pote avec Hikaru. Parle pas trop mal le jap'.
— Je dis "miam" ! … T'es vraiment sûre que tu peux pas me prêter Saï même pour une heure ou deux, le temps de frimer ?
— Nan. Et puis laisse tomber, Lia, il est trop jeune pour toi.
Je lui souffle cette dernière phrase dans un rire étouffé.
— Si on peut même plus s'amuser… T'es plus drôle, toi, depuis que t'es casée.
— Hu hu… !
La tension de nos voisins directs monte d'un cran alors que les deux capitaines font nigiri. Ochi l'emporte et obtient Noir sur sa table.
— Bon… ! souffle Isumi tout bas, trahissant ses pensées.
Oui, c'est le meilleur tirage que le Japon pouvait faire, effectivement. De là à dire que ça va suffire pour emporter ne serait-ce qu'une partie… j'avoue que je n'y crois pas des masses.
C'est dommage d'avoir aussi peu confiance en sa propre équipe, non ?
Les joueurs se souhaitent une bonne partie et les images des écrans changent pour afficher les vues de dessus des différents Gobans. Les trois Noirs jouent leur premier coup…
C'est parti…!
Les premiers coups se déroulent dans un silence religieux avant que le commentaire ne commence. J'avoue que je n'écoute même pas, car une aura fraîche s'est faite toute proche.
¤ Le Fuseki (¤2) d'Ochi-kun est meilleur en base de points que celui de Su-yong-kun. Par contre, Su-yong-kun a beaucoup plus de possibilités de jeu, pour l'instant. ¤ nous dit Saï.
¤ Pourquoi ça ? ¤
¤ Regardez bien le début d'influence de Su-yong-kun qui regarde à la fois sur les bords et sur le centre. Elle est supérieure à celle d'Ochi-kun qui est beaucoup plus concentrée sur deux zones, tout au plus. Cette configuration est beaucoup moins rapide. ¤
¤ Ochi est déjà en retard, dans ce cas ? ¤
¤ Oui et non, tout dépend de ce qu'il va faire ensuite. Mais compte-tenu du niveau attendu, j'ai peur que ce choix de début de partie ne va pas lui faciliter les choses. ¤
— Ça commence bien alors… me glisse Lia en français.
— On dirait…
¤ Ah ! s'exclame Saï tout d'un coup. Ochi prépare la sortie de son groupe sur le bord droit. ¤
— Hein ?! échappe Lia en ouvrant des yeux ronds.
Nos voisins les plus proches tournent des visages mi-surpris, mi- fâchés vers elle. Lia se mord pratiquement la langue et se tasse sur sa chaise.
— Mais comment c'est possible, ça ? Il vient de jouer quasiment dans le coin opposé… ! me murmure-t-elle en français. Je veux bien qu'on puisse jouer loin de ses pierres, m'enfin là quand même !
Je relaie la question à Saï, le faisant rire.
¤ En effet, il voit à long terme. Ochi-kun met la pression sur le groupe blanc du coin. Son attaque est assez proche et il cherche à ce que les réponses de son adversaire l'aident à se renforcer. De plus, il va nécessairement se faire chasser vers le centre. Il aura à largement la place de stabiliser son groupe chassé. Il compte gagner ainsi à la fois de l'influence sur le centre et des pierres solides contre lesquelles son groupe en bas à droite pourrons venir s'appuyer pour se stabiliser. Par contre, cette stratégie est très risquée, parce qu'il va offrir à Su-Yong-kun deux bases pour créer des Moyos (¤3) très importants. Il doit être sûr d'avoir assez d'ouvertures pour pouvoir les réduire ensuite… ¤
— Wow… ! souffle Lia en roulant des yeux.
Je hoche la tête sans un mot, confirmant avec une pointe de lassitude cette exclamation abattue.
C'est la première que Lia assiste à une vraie partie de pros. Elle sait jouer au Go, bien sûr, puisque Saï l'a assez tannée pour. ( Ce qui est assez sympathique pour moi, puisque comme ça, je peux jouer -moi !- avec quelqu'un de mon niveau. ) Mais du coup, elle est uniquement habituée à nos "cafouillages" sur Goban. Et même si elle a eu l'occasion de jouer quelques fois contre Saï ou contre Hikaru pour des parties pédagogiques, ça n'a quand même RIEN A VOIR avec ce que l'on a sous les yeux tout de suite.
— On joue au même jeu, tu crois ? me demande-t-elle, un rien désabusée.
— Je me pose cette question tous les jours, figure-toi.
— Ah… Condoléances…
— Ouais…
Les parties occupèrent tout l'après-midi. Si celles en deuxième et troisième goban ne furent pas très accrochées -voire pas du tout-, celle d'Ochi le fut -et de manière assez surprenante d'ailleurs- même si la supériorité de Su-yong ne faisait aucun doute à la fin.
J'aurais toujours pas plus d'atomes crochus avec ce garçon, mais je ne pourrais pas lui enlever que son niveau de jeu est plus qu'honorable.
— Aaah, soupire Honda alors que nous quittons la salle au pas. Ça commence mal.
— Contre la Corée, tu t'attendais à quoi ?
J'ai pas pu retenir ma petite réflexion sardonique.
— C'est vrai, avoue le jeune homme avec un léger hochement de tête.
— Allons voir si on peut aller parler aux joueurs et si on peut assister au débriefing.
— Si tu t'imagines que je vais servir de passe-droit auprès de Kurata, Waya, tu rêves ! proteste Hikaru.
— Bah, sinon, les filles lui feront les yeux doux…! Ça marche toujours ça, non ?
— Tu rêves encore plus ! râlent les trois filles en question.
On a que ça à foutre sérieux.
— Pourtant, vous vous privez pas pour le faire sur nous, ronchonne le châtain.
— Ah oui, mais au sein du cercle d'amis, c'est pas pareil, objecte Lia avec candeur, lui glissant une œillade langoureuse qui le fait rougir en un temps record.
Mwahaha, Lia est la pire de nous toutes… !
Nous sortons dans le couloir et Waya réfléchit un instant.
— Mmh… la salle vidéo réservée aux responsables d'équipes devrait être par là. En se dépêchant, on arrivera probablement à trouver Kurata !
— Il est toujours aussi optimiste ? demande Lia à la troupe, dans un soupir et juste pour la forme.
— Oui, répond Nasé, l'air amusée alors que nous commençons à suivre Waya.
Quelqu'un m'attrape par le coude pour me retenir.
— Viens ! Je vais te présenter à Su-Yong, me glisse Hikaru à mi-voix, avant de m'entraîner dans la direction opposée à celle des autres.
Je retiens un couinement de désespoir alors que je me vois irrémédiablement éloignée du groupe. Mon instinct d'animal couard et grégaire déteste ce genre de situation.
Pourquoi on me demande jamais mon avis dans ces cas làààààà !!
— Pourquoi tu me fais ça ? J'ai rien demandé, moi…
— Parce que Su-yong est un chic type et qu'en plus, Saï n'a jamais eu l'occasion de jouer contre lui et que je suis sûr que ça lui plaira !
Forcément, en bon égoïste de base, Hikaru pense d'abord à son cher fantôme et moi, je peux aller me faire foutre.
Je déteste quand il fait ça… Me faire sentir que je ne suis qu'une quantité négligeable dans l'histoire…
Je le suis sans plus protester, mais pas particulièrement emballée ou ravie par la perspective d'être encore présentée comme la bête curieuse du coin. J'ai beau me répéter qu'il ne fait pas exprès et qu'il ne pense pas à mal, il n'empêche que ça reste blessant comme comportement.
Je me fais traîner jusqu'à la salle où les parties avaient lieu. Les cameramen sont en train de replier une partie de leur matériel. Les joueurs sont à peine en train de quitter les lieux. Ochi a l'air d'être en train de passer un savon à ses troupes ou un truc approchant.
Il est encore plus mordant que moi ce gosse…
En tout cas, on dirait qu'il a fini par abandonner son trip "toilettes"…
Tout à coup, Hikaru pile si net que emportée par mon inertie à le suivre, je manque de lui rentrer dedans.
— Oh merde ! souffle-t-il.
Et bizarrement, je trouve que son juron ne sonne pas si contrarié que ça…
Le garçon m'attrape par la nuque et me force à regarder vers deux types, occupés à discuter dans un coin éloigné de la salle.
— Là ! Dis-moi que tu sais qui c'est ! s'écrie-t-il avec excitation.
Je zyeute les deux mecs en question. L'un d'eux sort un peu du lot "asiatique" côté physique.
— Ben… roux… grand… à vue de nez coréen, je dirais… Yeong-ha ? je réponds l'air hésitant, parce que je prie pour qu'il me dise qu'en fait je me trompe.
— Ouais !! rugit-il.
— Qu'est-ce qu'il fout là ? Ça fait un bail qu'il est trop vieux pour la Hokuto, non… ?
— J'en sais rien et je m'en fous ! Le seul truc qui m'intéresse, c'est qu'il soit là ! Tu sais ce que ça veut dire ?!
Si je sais… ce que ça veut dire…
— Oh.
Ce "Oh" blasé signifie que je devine vaguement ce qui va effectivement me tomber sur le coin de la gueule ensuite : Yeong-ha est là. En touriste certes, mais il est là. Ce même Yeong-ha qui avait dénigré Shusaku suite à un malentendu de traduction et qui finalement avait persisté et signé en trouvant que c'était fun de foutre l'équipe japonaise en rogne. Toujours ce même Yeong-ha qui s'était bien marré à provoquer Hikaru avant de l'humilier en bonne et due forme.
Mais maintenant que Saï est de retour et bien remis à un niveau moderne, autrement dit en Shusaku encore plus "bourrin" que jamais… Hikaru veut clairement foutre la merde.
— Oh non.
Le gamin me fait des yeux de cocker.
— Alleeeez ! S'teu plait ! C'est super important pour moi !
— Pas moyen. C'est pas mes oignons et en plus c'est une histoire qui date de mathusalem. Non.
Les yeux de cocker deviennent larmoyants et Hikaru avance un tout petit peu la lèvre inférieure dans une moue désespérée et implorante.
Ma fille, il ne faut pas que tu craques, même quand il te fait cet air-là !
— J'ai dit non. Oublie-moi.
Et je tourne les talons en vitesse, avant de voir mes bonnes résolutions disparaître.
J'aime PAS quand on me fait les yeux de chiot abandonné, je sais jamais y résister.
Seulement il en faut plus pour qu'Hikaru me lâche.
— Mais alleeeez ! Tu sais aussi bien que moi pourquoi il FAUT que tu joues contre lui !
— Va te faire foutre !
¤ Ne deviens pas grossière, je te prie. ¤
¤ Ça vaut pour toi aussi temps qu'on y est. ¤
Saï soupire d'un air désespéré.
— Mais enfin ! C'est une question d'honneur ! Tu peux pas me faire ça !
— Si ! La preuve ! J'ai rien contre lui, merde ! D'accord, il est grande gueule et un rien frimeur sur les bords. Mais il est pas "fondamentalement" désagréable comme garçon !
— Attends ! C'est pas très exactement ce que tu reproches à Ogata-sensei, ça ?!
— Nan, mais nan. Ogata, c'est pas pareil…
Qui a dit "de mauvaise foi" que je lui dise deux mots ?
— Non mais regardez-moi cette mauvaise foi ! s'insurge Hikaru dans la seconde.
Je soupire en me pinçant la base du nez.
Si vous saviez à quel point je me sens fatiguée, d'un coup…
Je zappe le reproche, faute d'avoir la motivation nécessaire pour m'insurger violemment.
— Nan, mais je sais pas, depuis le temps, vous auriez pu devenir amis, quand même…
— Ça va pas ?! C'est un connard !! fulmine le mi-blond.
Ah oui… forcément… Hikaru a une rancune sacrément tenace.
— T'as dû être nain dans une vie antérieure, toi…
— Hein ?
— T'as vraiment aucune culture des stéréotypes d'héroïc-fantasy… Laisse tomber, c'est pas grave… Je te dis que c'est non, alors c'est non ! Je vais pas te le répéter en vingt langues quand même !
Le premier macho qui passe et qui a le malheur de glisser que chez une femme « non », ça veut dire « oui », je lui démonte sa gueule…
Non, c'est non, dans tous les sens où tu peux le tourner !!
— Salut, Shindô, ça roule ?
— Hey ! Su-Yong ! Très belle partie ! Vous ne comptez rien lâcher cette année, on dirait ?
J'aime pas quand on me met un vent pareil en laissant en plan une demie prise de bec… Surtout quand je suis déjà assez contrariée de base… !
— Bien sûr que non ! rit le jeune capitaine de l'équipe coréenne qui nous avait discrètement rejoint en voyant arriver son adversaire et ami de longue date. C'est de votre faute aussi : vous n'aviez qu'à pas dépasser l'âge autorisé, cette année !
— Comme si on l'avait demandé ! proteste Hikaru d'un air faussement contrarié.
Cela fait rire Su-yong.
— Yeong-ha est là, à ce que j'ai vu ? embraye Hikaru presque aussitôt.
Su-yong nous regarde d'un air surpris.
— Oui, bien sûr, il fait partie de notre staff technique, cette année, répond-t-il comme si cela allait de soi.
Hikaru en trépigne presque de joie. Moi pas.
— T'as pas l'intention de le défier encore une fois, n'est-ce pas ? s'inquiète Su-yong, les sourcils froncés. Parce que je sais jamais où me mettre chaque fois que tu le fais. A chaque fois que vous vous croisez, vous finissez toujours par faire un scandale.
Je les coupe de manière extrêmement impolie, mais je m'en tape :
— Parce que t'as remis ça, en plus ?!
— Ben ouais. Je pouvais pas laisser passer une insulte pareille et tu le sais très bien !
Je lève les yeux au ciel, les mains à demi-levées dans un geste de prière muette, tellement j'en reviens pas.
— Mais c'est pas possible un môme pareil… !
Je soupire :
— Et à tout hasard, ça a donné quoi… ?
— Perdu… à chaque fois, grogne Hikaru l'air mauvais.
Cette fois, je commence à voir le nœud du problème.
— Mais qu'est-ce que j'ai fais au bon Dieu pour mériter ça…
Je veux un cachet d'aspirine, là maintenant tout de suite. Ou mieux ! Quelque chose de dur –style un bureau ou un meuble quelconque ou même un mur après tout !- dans lequel je pourrais m'encastrer proprement le crâne et à plusieurs reprises de préférence.
Et ça urge… !
— Non, mais je te promets : cette année, je vais me tenir tranquille, Su-yong…
Bien sûr ! Puisque c'est MOI qu'il voudrait envoyer dans les pattes de Yeong-ha, cette fois !!
Mais bon il va devoir se lever trèèèèèèès tôt s'il veut espérer que je marche dans sa combine, parce que moi, j'ai pas du tout envie d'être entraînée dans une embrouille pareille !
— Au fait ! Je te présente Haruno Rin. T'as dû entendre parler d'elle, je suppose…
Su-yong affiche une mine embarrassée :
— Heu… non… avoue-t-il du bout des lèvres. Qui est-ce ?
…… Oh la vache ! Je l'embrasserais presque, tiens !!
— Hein ? Mais tu plaisantes ? C'est elle qui a la plus longue liste de victoires d'affilées, jamais enregistrée jusqu'à présent au Japon ! Même quand Toya était devenu Shôdan, il n'avait pas fait mieux !
— … ah ! C'est elle ?! … Mais je croyais que c'était un homme !
Les merveilles de la mixité parfaite des prénoms japonais… ! Ici, Rin peut s'appliquer aussi bien à un homme qu'à une femme. J'avais jamais pensé que ce genre de méprise pourrait être aussi cool !
— Tu te fiches de moi ?! Vous avez pas de photos dans vos revues en Corée ?!
— Ben… pas d'elle en tout cas…
Cette fois s'en est trop : j'explose de rire. Comme ça, au milieu de tout le monde. Même si c'est un truc qui est assez mal vu par ici.
Et c'est d'un rire qui n'est ni nerveux, ni hystérique. Au contraire, c'est d'un rire franc comme ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. De ces rires qui font un bien fou.
— Rin ? Rin, ça va ?
— Oui ! Oui, ça va à merveille ! je parviens à articuler laborieusement entre deux rires, alors que je sens bien tous les regards réprobateurs qui pèsent sur moi. Tu n'imagines pas à quel point !
J'essuie quelques larmes, parvenant plus ou moins à me calmer.
— Tu sais que rien que pour ce que tu viens de dire, je réfléchis très sérieusement à t'embrasser, Su-yong ?
Su-yong a un léger mouvement de recul surpris.
— T'inquiètes pas, aucun risque que je le fasse : mon copain me ferait la gueule, sinon.
— Je te comprends pas… qu'est-ce que ça avait de si drôle ? marmonne Hikaru.
— Oh ! Ça n'avait rien de drôle. C'était juste du soulagement pur et simple, Hikaru.
Je glousse encore sans le vouloir.
Au moins, j'aurais la paix côté Corée…
— … Tu t'arranges pas…
— Et ça t'étonne ? je demande en riant de plus belle.
— … Nan, c'est vrai…
Quelqu'un fait signe à Su-yong un peu plus loin, le hélant en coréen.
— Bon désolé, je dois y aller. On m'attend pour le débriefing.
— Dis-moi, avant de partir : tu vas faire comme tous les ans ? Tu restes un peu chez ton oncle, après ?
— Oui.
— Super ! On passera te voir à son club pour faire des parties alors.
— Ok, avec plaisir ! On se revoit demain, sinon. Comme la Chine rencontre le Japon, on a aucune partie à jouer, nous.
— Ok, ça marche !
Hikaru a un sourire grand comme ça alors que Su-yong nous laisse.
— Toi, tu arrêtes de penser tout de suite…
J'ai grogné devant son air si satisfait de lui-même.
— Moi ? Je vois pas pourquoi tu me dis ça, me répondit-il d'un air bizarrement angélique.
Des fois, il mériterait une bonne paire de claques, ce petit con…
A suivre…
oOoOoOoOo
(¤1) : J'ai pas pu résister… ;p
(¤2) : terme employé pour désigner le début d'une partie de Go.
(¤3) : terme employé pour désigner de très très grands territoires.
oOoOoOoOo
Reviews onegaï :3