Shun se frotta le front en ouvrant de grands yeux incrédules. Perdu dans ses pensées, il avait avancé droit devant lui jusqu'à ce qu'il heurte quelque chose qu'il n'avait vu et se retrouve les fesses sur le carrelage et tous ses livres et feuilles de cours éparpillés autour de lui. Il mit quelques secondes à réaliser ce qui venait de lui arriver. En levant les yeux, il vit une porte de casier qui battait dans le courant d'air.

" Tu comptes travailler ici ? En plein milieu du couloir ? "

Shun rougit légèrement et rassembla ses affaires éparses. Il frotta son front douloureux.

" Non. J'étais distrait et je me suis pris cette porte de casier. " expliqua-t-il au jeune homme aux cheveux bruns qu'il lui semblait avoir déjà aperçu dans les couloirs de l'université.

" Excuse ! C'est le mien et je l'ai laissé ouvert ! "

" Non, c'est uniquement de ma faute. Je n'avais qu'à regarder devant moi ! "

" En tout cas, tu vas avoir une belle bosse ! " constata le jeune homme en lui tendant une main pour l'aider à se relever. " Tu devrais mettre un peu d'eau froide dessus. "

Shun sourit. C'était rare de trouver quelqu'un qui se souciait de lui ! Il était plutôt calme et discret et il n'était pas rare qu'on ne le remarque pas en dépit de ses grands yeux verts aux longs cils recourbés et son visage aux traits délicats, presque féminins. Mais il était devenu méfiant. Il s'attachait facilement aux gens et en conséquence, avait été souvent déçu en amitié.

" Je m'appelle Shiryu. " se présenta le jeune étudiant à l'allure de poète maudit avec ses longs cheveux noirs et ses petites lunettes rondes.

" Shun ! " répondit le jeune Japonais aux cheveux châtain en lui rendant son sourire.

" Nous sommes sûrement dans le même cours. " continua le grand brun " Il me semble t'avoir déjà vu... Je suis étudiant en dernière année d'histoire. "

Shun hocha négativement la tête.

" Peut-être une option, alors... Je suis étudiant en philosophie ( Ndla : :-P) "

" Peut-être... "

" Bon, je dois y aller, Shun ! J'ai un cours sur la Grèce antique qui commence dans quelques minutes ! A plus tard ! Nous aurons l'occasion de nous recroiser, j'imagine. Mais je te le répète, tu devrais aller passer un peu d'eau froide sur ton front ! "

Shun regarda longuement son reflet dans le miroir au-dessus du lavabo. Avec un peu de chance, la marque rouge qu'il avait sur le front s'estomperait sans virer au bleu.

Il sourit pour lui-même. Quel imbécile il était aussi, de se prendre une porte de casier en pleine face ! Il était préoccupé en ce moment, et c'est peut-être pourquoi il accumulait les maladresses.

C'était ce fichu dossier à remplir !

Comme il y repensait, il fouilla fébrilement dans ses affaires pour vérifier qu'il n'avait pas égaré le formulaire. Ses doigts rencontrèrent la feuille jaune et il la replaça soigneusement dans son porte-documents en soupirant de soulagement. Il n'avait pas dormi la nuit dernière à cause de ça. C'était idiot ! La plupart des étudiants qui étaient avec lui voyaient certainement cela comme une simple formalité administrative mais pour lui, ce feuillet était la source d'une grande angoisse.

A vingt deux ans passés, il n'avait toujours pas la moindre idée de ce qu'il pourrait faire de sa vie une fois son diplôme obtenu.... Et plus il y réfléchissait, plus ce choix le torturait et plus la situation lui semblait inextricable. Comment s'engager pour un demi-siècle dans un métier choisi en cinq minutes et pour lequel il n'aurait aucune aptitude particulière ?

Il avait trois quarts d'heure devant lui et il décida donc de se rendre au centre d'orientation pour y consulter des brochures. Peut-être que cela lui éclaircirait les idées.

Shun remua son café pour le faire refroidir plus vite. Aujourd'hui encore, il n'était pas allé rendre sa fiche au secrétariat. Le délai qui leur avait été fixé allait bientôt expirer et il en était toujours au même point...

Rien ! Et plus il se renseignait, plus cela empirait. A croire que tous les jobs qui lui étaient accessibles avec son bagage n'étaient pas faits pour lui.

Il remarqua que quelqu'un s'approchait de lui et leva les yeux du tourbillon noir pour dévisager le nouvel arrivant.

" Bonjour Shun ! " le salua Shiryu en s'approchant de lui, un verre de café également à la main. " Comment va ton front ? "

" Bien ! J'ai une petite bosse mais avec ma frange, ça ne se remarque pas ! " répondit le jeune homme en prenant un air espiègle.

" Tant mieux ! Ca aurait été idiot d'être défiguré à cause d'une porte de casier ! "

Shun approuva et en détaillant Shiryu, il remarqua le fameux formulaire jaune qui dépassait d'un des livres du jeune homme brun.

" Toi aussi, tu as eu ça à remplir ? " questionna Shun.

" Ah ça ? Oui, c'est vrai ! J'ai failli oublier de le rendre d'ailleurs ! "

" Ca serait indiscret de te demander ce que tu as répondu ? " demanda Shun, curieux.

" Non, non ! Pas de problème ! En fait, depuis que je suis lycéen je rêve de devenir journaliste. J'espère rejoindre un grand quotidien l'année prochaine. Un vieil oncle connaît quelqu'un dans la maison et pourra me pistonner. "

" Journaliste ? Ca a l'air intéressant ! " Shun soupira : " Tu as tellement de chance de savoir exactement ce que tu veux faire ! "

" Toi, tu ne sais pas ? "

" Non... Pas encore. Et ce n'est pas faute d'avoir cherché mais je ne trouve rien de vraiment emballant. "

" Oui, j'avoue que j'ai de la chance d'avoir un but et de pouvoir m'y tenir. Le journalisme c'est presque une passion pour moi. J'ai toujours fait partie des équipes des journaux du collège puis du lycée et enfin, de l'université. Et même avec peu de moyens, nous pouvons déjà faire des choses intéressantes ! "

" Dans quel domaine voudrais-tu travailler ? "

" Je ne sais pas... Mais certainement je n'aurais pas le choix au début. Je m'intéresse à plein de choses, c'est donc pratique. Je fais des reportages sur presque tout ce qui se passe dans la ville et je suis obligé de m'intéresser à des choses vers lesquelles je ne serais pas allé a priori et je me découvre de nouveaux centres d'intérêt ! "

Shun eut les yeux brillants. " Ca a l'air génial ! "

" Mais dis-moi, pourquoi ne viendrais-tu pas avec moi, un week-end ?Tu verrais comme je travaille ! Tu te découvriras peut-être une vocation pour le journalisme ! "

Shun fit la moue : " Tu sais, moi... "

" Fais un essai juste une fois ! En plus, j'aurais besoin d'un assistant ! Tu auras simplement à m'aider pour le matériel et à regarder ! "

" Pourquoi pas... C'est d'accord ! Je vais te laisser mon numéro de téléphone. Quand comptes-tu réaliser ton prochain reportage ? "

" Ce samedi. "

Shun serra contre lui le précieux étui et inspira un grand coup avant de fendre la foule à la suite de Shiryu. L'étudiant en Histoire, plus à l'aise que lui, jouait des coudes et des épaules pour se frayer un passage dans le groupe de personnes amassé devant la patinoire. Shiryu lui fit signe de le rejoindre et Shun fit de son mieux pour avancer en sa direction.

Il regrettait presque à présent de s'être laissé entraîner dans cette aventure. La foule, les cris, ce n'était pas pour lui qui aimait tant le calme. Il se sentait presque agoraphobe. Et la bride de l'appareil photo qu'il portait en bandoulière lui sciait l'épaule. Quel dommage d'aller s'enfermer dans cet espace clos et froid par une si belle journée !

Shiryu montra sa carte de presse au guichet et l'hôtesse les laissa entrer.

" Tu vois que ça a du bon ! On va mater des matchs gratos ! En plus, on sera super bien placé ! " lui fit remarquer le jeune homme brun.

Shun, beaucoup moins enthousiaste, se força néanmoins à sourire.

Un tournoi de Hockey. Ce sport quasi-barbare auquel il ne connaissait rien, même pas les règles élémentaires. L'après-midi allait être long...

" Qu'est-ce qu'on est censé faire ? "demanda le jeune homme aux cheveux châtain.

" Je vais prendre des notes sur le déroulement du match. Tu m'as dit que tu ne connaissais rien en sport, il vaut donc mieux que ce soit moi qui le fasse. Toi, tu vas te placer dans l'angle là-bas et prendre quelques clichés. "

" Je ne suis pas photographe professionnel ! " l'avertit Shun.

" Je sais. Fais de ton mieux ! Une seule photo réussie suffira pour illustrer l'article. Tu n'as qu'à essayer d'en prendre une dizaine et on sélectionnera après. Fais gaffe à la lumière et à ne pas être trop loin. Et surtout, lorsque les types rappliquent dans ton secteur, reste sur tes gardes ! Tu auras un super angle de vue pour prendre des photos mais y'a pas de vitre de protection ! Et je peux t'assurer que de se prendre un palet dans la tronche, ça doit être autrement plus douloureux qu'une porte de casier ! "

Shun sourit à la remarque de son nouvel ami. Consciencieusement, il prépara son matériel puis jeta un œil à Shiryu. L'étudiant en Histoire était déjà en train de couvrir de notes son petit carnet noir.

Shun inspira un grand coup. Les gens parlaient, criaient et les éclats de voix résonnaient dans la patinoire. Il aurait eu envie de plaquer ses mains sur ses oreilles pour ne plus rien entendre, de sortir en courant de ce lieu pour respirer l'air du dehors.

Mais soudain, une grande clameur monta dans la patinoire. Les joueurs entraient sur le terrain.

Shun détailla avec curiosité et amusement les étranges créatures aux épaules démesurées et aux têtes minuscules qui valsaient sur la glace pour l'échauffement. Il en oublia même de prendre quelques clichés. Il y eut une sonnerie et le match débuta.

Très vite, il comprit que le but était de tromper la vigilance du gardien pour envoyer le palet au fond des cages. La meute des joueurs allait et venait à toute vitesse dans un sens comme dans l'autre sur toute la longueur de la patinoire, l'obligeant à tendre le cou pour suivre l'action.

Son intérêt grandissait comme le match avançait, Shun se surprenait même à encourager l'équipe rouge (qui avait selon lui les plus jolis maillots). Dans les tribunes, un homme portant un masque d'ours, l'emblème d'une des deux équipes, frappait sur un gros tambour, incitant les spectateurs à encourager les joueurs en cadence. Et Shun souriait. Le bruit ne l'incommodait plus, il faisait partie intégrante de la grande fête qui se déroulait tout autour de lui.

Comme un enfant émerveillé, le jeune japonais ouvrait de grands yeux, étonné de se prendre si rapidement au jeu et de se voir sourire béatement. La foule derrière lui encourageait les équipes, chantant lorsque les pompons girls apparaissaient durant les pauses. Les joueurs passèrent près de lui à pleine vitesse et le palet siffla en fendant l'air avant de terminer sa course dans les buts. L'équipe rouge venait de triompher. Shun se leva avec les spectateurs pour crier sa joie.

" Tu es prêt ? "

" Zut ! Non ! J'ai encore cassé mon lacet ! "

" Taisez-vous ! J'aimerai ne plus rien entendre avant d'entrer ! "

" Quel chieur celui-là ! "

" Mais oui, pour qui il se prend ? "

" Pour ce que je suis. Pour le meilleur joueur de ce championnat ! " pensa-t-il en souriant ironiquement.

Peu lui importait que l'on dise qu'il était fier et insolent. Après tout, cela faisait partie de son personnage. Dans ce pays où il était de mise de jouer les modestes, il passait aisément pour quelqu'un d'orgueilleux.

Pourtant, il n'était qu'un joueur qui avait simplement conscience de sa valeur. Pourquoi le nier ? Il était un excellent joueur. Personne ne pouvait dire le contraire. Il passait sa vie à s'entraîner. Rien d'autre ne comptait pour lui. Il avait tout sacrifié ou presque pour le Hockey, sa passion. Pourquoi le cacher ? Ce serait ridicule de jouer les hypocrites à présent qu'il approchait de son but.

Il avait ri en lisant un des articles le concernant à son arrivée au Japon. Le journaliste, encore quelqu'un qui n'y connaissait rien au sport et se permettait de le juger, avait écrit : 'On l'appelle le petit prince de la glace. Un surnom qui lui va à merveille aussi bien pour son apparence physique que pour son arrogance.'

Ils s'attendaient à quoi ? Il était l'un des meilleurs espoirs dans son propre pays. L'une des grandes nations du Hockey. Et il venait jouer ici, en ligue universitaire ? C'était à peine digne de lui qui aurait pu passer professionnel chez lui. Mais il avait tenu malgré tout à poursuivre ses études et avait obtenu une bourse d'étude au Japon. Alors tant pis pour ceux qui pensaient qu'il aurait fait preuve de reconnaissance envers son pays d'accueil en déclarant qu'il serait très honoré de pouvoir affronter des hockeyeurs de seconde zone...

Les fausses politesses, ce n'était pas pour lui !

Il ferma les yeux pour humer l'odeur de la glace. Il aimait par-dessus tout ce moment de calme avant la tempête. Son cœur battait déjà plus vite dans sa poitrine. Il compta les pulsations qui résonnaient jusque dans ses tempes et s'arrêta lorsque l'arbitre siffla.

Il porta la main à son cou pour toucher une dernière fois superstitieusement son crucifix.

" Sept ! " se dit-il. C'était son chiffre fétiche. " Ce sera l'écart de point minimal qui séparera ces minables des Cygnes blancs. "

Tandis qu'il se laissait glisser sur la patinoire qui venait tout juste d'être surfacée, il sentit un frison de plaisir le parcourir. Il aimait les ambiances électriques d'avant match, lorsque l'adrénaline commençait à monter en lui, quand le public hurlait, quand il laissait l'agressivité le gagner.

Il décrivit quelques arabesques avant que l'arbitre siffle la fin de l'échauffement. Il se mit à son poste et toisa ses adversaires. Son cœur battit plus vite dans sa poitrine et lorsque retentit le nouveau coup de sifflet, il s'élança comme un coureur de cent mètres.

Ses adversaires furent rapidement pris de vitesse et il fila vers les buts accompagné du reste de son équipe. Il ne leur fallut qu'une minute pour ouvrir le score. Il sourit pour lui-même. Sept paraissait un écart de points pessimiste quand on voyait la manière dont l'équipe adverse était déjà débordée.

Plus à l'aise sur ses patins que n'importe qui, il se porta à nouveau au devant de l'action et fit une passe à un de ses coéquipiers qui dans la précipitation perdit le palet.

" Putain! Quel crétin ! " jura-t-il en russe.

Il sentit l'énervement le gagner totalement lorsque les défenseurs de son équipe se firent doubler. L'action se solda par un but de l'équipe adverse.

" Pas la peine de leur faire de tels cadeaux ! " hurla-t-il à ses équipiers " Vous voulez perdre ou quoi ? "

Des protestations s'élevèrent. Il n'était pas leur capitaine et même si son niveau était bien supérieur à celui des autres, les autres joueurs n'appréciaient pas de se faire sermonner ainsi.

L'un des cygnes blancs laissa à nouveau échapper le palet. Vif comme l'éclair, il fut sur le joueur adverse porteur du palet et par une feinte savante, lui substitua le précieux objet. Il avait quitté son poste pour réussir son action et quand il se fut replacé, il constata que son équipe n'était déjà plus en possession du palet.

Il sentit son sang bouillir dans ses veines. Il était avec une bande d'incapables ! Il allait tout devoir faire lui-même.

Il se mit en défense et recula encore pour protéger ses buts. Alors qu'il n'y faisait attention, un joueur de l'équipe adverse vint le percuter de plein fouet, le propulsant violemment contre le bord. Il lança un juron et sa colère grandit.

Il se releva rapidement et enchaîna, se portant à la pointe de l'attaque mais comme il venait de passer, il se retrouva à nouveau dans les balustrades. Un grand coup de crosse dans les jambes le fit gémir de douleur.

" Encore ce numéro 3 ! Ma parole ! C'est ça leur tactique ? Me blesser pour gagner le match ? "

Il venait à peine de se relever qu'il reçut un nouveau coup de crosse en croisant un des joueurs adverses.

Son sang ne fit qu'un tour. Il plissa les yeux, une colère noire montant en lui de façon de moins en moins contrôlable.

" S'ils cherchent la bagarre, ils vont voir !!! "

Accoudé au rebord, il souriait sans pouvoir s'en empêcher devant ce ballet merveilleux. Il plissa les yeux de façon à ne plus distinguer que des tâches multicolores et tourbillonnantes. Il imagina un essaim de papillons se posant sur la neige.

Il ferma les yeux, entendant le crissement maintenant familier et agréable des patins sur la glace. Il aimait cette ambiance !

Mais soudain un bruit sourd le ramena à la réalité. Tout près de lui, deux joueurs venaient de s'écraser à pleine vitesse contre la balustrade.

Il ouvrit de grands yeux épouvantés en voyant l'un d'eux se relever et propulser l'autre contre le muret d'un violent coup de poing.

" Connard ! Tu le fais exprès ?! "

L'autre se releva et brandit sa crosse, décidé apparemment à s'en servir contre son adversaire au maillot bleu. Ils se jetèrent l'un sur l'autre avant que l'un des arbitres ne s'interpose et les sépare.

Shun sentit un frisson désagréable le parcourir. Cette violence inattendue lui faisait peur. Il avait reculé instinctivement. La magie était brisée.

" Sajimo n°3, Glaski n°17, 10 minutes de prison ! " annonça l'arbitre au micro.

" Govno ! " s'écria le joueur en bleu en ôtant son casque pour le jeter rageusement à terre.

L'objet avait été lancé avec tellement de violence qu'il rebondit sur la glace et vint frapper Shun au visage. Le Japonais n'eut pas le temps de reculer. Il porta instinctivement la main à son nez en sentant quelque chose de chaud couler jusqu'à ses lèvres. Sa vue se brouilla brièvement.

" Ca va ? " Le ton n'était plus colérique mais inquiet et doux. Shun sentit qu'on lui prenait le menton pour lui lever le visage.

Son regard rencontra deux myosotis bleus qui brillaient intensément au milieu d'un visage agréable bordé des cheveux les plus blonds qu'il ait jamais vu. Il eut brièvement l'impression d'être face à un ange aux cheveux d'or.

" Tu es blessé... tu saignes. "

" Je répète ! Glaski, numéro 17, veuillez quitter la glace ! "

D'un geste souple et malgré la lourdeur de son équipement, le jeune homme blond prit appui sur la balustrade et passa par-dessus pour atterrir juste à côté de Shun qui ne pouvait plus bouger.

Il se sentait à la fois sonné par le coup qu'il avait reçu et troublé par les étranges sensations qui s'étaient emparées de lui. Il avait du mal à rester debout, il se sentait tremblant comme hypnotisé par le hockeyeur aux cheveux d'or. Une main douce caressa son front, soulevant ses mèches châtain.

" Aïe ! Je ne t'ai pas loupé ! " dit la voix au timbre agréable et à l'accent étranger charmant.

Shun aurait voulu protester mais aucun son ne semblait vouloir sortir de sa gorge. Il était comme pétrifié, surpris que le jeune homme en face, le touche de la sorte. Il était étranger. Voilà pourquoi il ignorait certainement que ça ne se faisait pas.

Avec la manche de son maillot de Hockey, il essuya le sang sur le visage de Shun avec gestes doux.

" Pardon ! Gomen ! Gomen ! Je me laisse emporter par la colère et je ne devrais pas." s'excusa le blondinet en faisant une sorte de révérence que Shun trouva très comique en raison de son accoutrement.

Il se mit à rire doucement. L'autre le regarda, d'abord surpris puis sourit à son tour, dévoilant une dentition blanche et parfaite.

" Tu n'es pas responsable de tout ! " dit Shun, riant toujours " Pour la bosse au front, c'est une porte ! "

" Tu n'as pas de chance en ce moment. Et pourtant, c'est dommage d'abîmer un si beau visage ! "

Shun arrêta de rire en entendant ces mots. Pendant de longues secondes, il échangea un regard langoureux avec son vis à vis, ne pouvant détourner les yeux de ceux de l'autre, du même bleu qu'un ciel d'été qui brillaient si intensément sous la lumière artificielle. Il n'entendait plus rien. Il ne voyait plus rien. Il ne distinguait plus que ses yeux.

" Hyoga ! Qu'est-ce que tu fais ? Reprends ta place ! " cria un homme à l'adresse du joueur.

" Pardon, je dois y aller. Encore toutes mes excuses pour ton nez ! " lui lança le blondinet en s'éloignant d'un pas assuré, étrangement à l'aise pour marcher malgré ses patins.

Shun resta debout, ne pouvant le quitter du regard, incapable de faire un geste. Il vit avec consternation les cheveux d'or disparaître à nouveau sous le casque bleu.

" Combien de fois devrais-je te le répéter, Hyoga ? Ca ne sert à rien de te laisser aller à la colère ! Tu dois garder la maîtrise de ton jeu ! Agir dans le calme, le contrôle ! "

Hyoga soupira en finissant de ranger son équipement.

" Je sais, Camus ! Mais cet enfoiré m'a cherché ! "

" C'est ce qu'il voulait ! Tu as agi exactement comme il s'attendait à ce que tu le fasses. Tu as fait son jeu ! Tu as privé ton équipe de ta présence durant une phase importante du jeu. Quand comprendras-tu qu'il ne faut pas laisser la violence te submerger !? "

" Je crois que j'ai compris. J'ai retenu la leçon. " dit-il pour apaiser son manageur canadien.

Ses sermons étaient toujours longs et pénibles à entendre. Mais Hyoga le respectait plus que n'importe qui et se laissait dire des choses qu'il n'aurait toléré de personne d'autre.

Il n'aurait jamais parié un rouble que Camus l'accompagnerait au Japon. Sous ses airs froids et distants, l'homme était finalement un sentimental puisqu'il s'était attaché à son élève au point d'abandonner une place en or pour le suivre.

" Penses-tu... " répliqua le Canadien " Depuis le temps que je te répète les choses... "

L'homme aux cheveux roux eut un long soupir résigné. Le jeune russe sourit.

" Si. J'ai eu ma leçon. J'ai frappé un ange. Je ne veux plus jamais recommencer. " murmura Hyoga pour lui-même.

" Il s'appelle Hyoga.... "

Le cœur battant, Shun s'assit sur les gradins, regardant un point fixe indistinct devant lui. Les matchs de la journée étaient finis et les spectateurs passaient tout autour de lui, pestant contre cet homme qui, en restant assis à sa place, les gênait. Mais le jeune Japonais ne semblait pas les voir.

Il souriait béatement. Il se sentait euphorique, comme ivre. Il ne leva même pas les yeux vers Shiryu qui venait de le rejoindre.

" Shun ! J'étais inquiet ! Ben dis-donc, tu as pris un sacré coup ! Tu m'as l'air bien sonné ! Tu veux que je t'emmène voir un médecin ? "

" Non, merci ! Tout va vraiment très bien ! "

" Euh... tu es sûr ? "

Shun revint sur terre. " Pardon, mais j'ai oublié de prendre des photos... "

" Ce n'est pas grave ! L'essentiel, c'est que tu ailles bien ! " insista Shiryu.

" Je vais bien, je t'assure ! "

" Bon... Allons boire un café puis je te déposerai chez toi. "

Docilement, Shun suivit Shiryu dehors. Il inspira un grand coup et l'air frais le dessaoula un peu.

" Je suis quand même inquiet. " dit Shiryu en poussant la porte du café " Tu m'as l'air bizarre ! "

" Ne t'en fais pas ! Ma tête en a vu d'autres ! Je suis solide !"

L'étudiant en Histoire rit franchement.

" Mon pauvre ! Tu n'as pas de bol, n'empêche ! En seulement quelques jours d'intervalle... "

" Tu n'as pas de chance en ce moment. Et pourtant, c'est dommage d'abîmer un si beau visage ! "

Shun frissonna en se remémorant les paroles de son 'agresseur'. L'accent était vraiment charmant ! Et même Shiryu, pourtant fort sympathique paraissait tellement fade en comparaison ! Le jeune homme blond obsédait toutes ses pensées du moment.

" Dis Shiryu, tu t'y connais en Hockey sur glace ? "

" Un peu. Ca fait quelques années que je suis le championnat. Pour mon journal. "

" Hyoga Gla...ski ? Tu connais ? " Shun avait hésité sur le nom. Etait-ce bien comme ça que s'appelait l'ange blond ?

" Oui, j'en ai entendu parler. Il vient de Russie et il est très fort. "

" C'est tout ? "

" Ben je n'en sais pas plus. Je ne vis pas avec eux ! Alors savoir ce qu'il fait, ce qu'il mange... Remarque, des pâtes, probablement, comme tous les sportifs ! "

Shun poussa un soupir rêveur.

" L'expérience t'a plu ? Je t'embauche comme assistant ? "

" Oui. " répondit Shun. Si cela pouvait lui permettre de revoir ce Hyoga....