Chapitre 1 :
Le petit garçon se réveilla en sursaut, la respiration saccadée. La peur se lisait dans ses yeux si jeunes. Il regarda autour de lui, dans la pénombre de sa chambre, et tenta de ralentir son cœur qui battait à une vitesse hallucinante. Un cauchemar. Encore. Il déglutit et essaya de se rassurer en observant les contours de ses meubles et de ses jouets à terre dans le noir. Non, ca n'était pas réel. Un simple cauchemar.
Il passa une main sur son front moite, décoiffant un peu plus ses cheveux noirs au passage. Encore tremblant, il releva ses couvertures et ses petits pieds se posèrent sur la moquette. Le garçon pris une grande inspiration et mordit sa lèvre inférieure tandis qu'il observait la silhouette d'un petit cheval de bois renversé à terre. Il aimait beaucoup ce jouet. C'était quelque chose de connu, qui le rassurait. Tandis qu'il tentait de prendre du courage en même temps que l'air qui entrait dans ses poumons, sa vue s'accommodait progressivement au noir.
Il voyait plus loin à présent, assez pour apercevoir sa lampe de chevet, à l'autre bout de la pièce. Mais non, c'était trop loin. Jamais il ne pourrait arriver là-bas. Il avait si peur du noir. Tortillant ses doigts avec anxiété, il chercha une autre solution. Son regard se figea soudain. La commode !
Le petit garçon se mit alors debout, toujours nerveux. Oui, elle n'était pas trop loin. S'il courait, il y arriverait peut-être assez vite pour ne pas avoir peur. Prenant son courage à deux mains, il courut le plus vite possible jusqu'au meuble de bois. Mais, arrivé au pied de son objectif, la réalité s'imposa à lui. C'était bien trop haut ! Il ne pourrait jamais l'attraper ! La peur commença à le gagner. Il jeta un regard circulaire à la pièce, et il lui sembla alors que les ombres à peine visibles des objets semblaient avancer vers lui pour l'engloutir.
Paniquant, pleurant presque, le petit garçon se hissa sur la pointe des pieds et étendit ses minuscules doigts le plus possible. Il arrivait à palper le haut de la commode ! Mais où était-elle ? Il ne la sentait même pas ! Il lança un nouveau regard en arrière, tout en continuant de chercher du bout des doigts l'objet de son salut. La peur du petit redoubla. Il faisait si noir ! Un monstre allait sûrement lui attraper la cheville d'ici quelques secondes ! Gémissant, les larmes aux yeux, et s'imaginant déjà happé dans les ténèbres et prisonnier de quelque horrible être maléfique, il se hissa encore plus sur la pointe des orteils. Il lui semblait que des monstres à la voix caverneuse appelaient son nom. Avec un petit gémissement, il étendit si fort son bras qu'il crut qu'il allait se fendre. Son cœur fit un bond. Il la touchait ! La faisant rouler un peu plus vers le bord, il put alors la saisir à pleine main. Il se retourna, et cria alors en pointant l'objet devant lui.
-Lumos !
Le cœur battant la chamade, le petit garçon vit d'un coup disparaître les ombres si menaçantes et les dangers des monstres de la nuit. Il regarda avec soulagement la baguette qu'il tenait en main et qui projetait une petite lumière douce. Il essuya les larmes qu'il avait au visage d'un revers de manche de son pyjama blanc et vert, puis serra tendrement sa baguette chérie qui chassait ses peurs.
Mais, alors que son cœur reprenait un rythme normal, il entendit des bruits de pas dans le couloir, comme si on courait. Et ça approchait.
Le pauvre enfant fut alors tétanisé et de nouveau, son rythme cardiaque s'emballa. La porte de sa chambre s'ouvrit, et une femme maigre aux cheveux noirs dans une longue chemise de nuit blanche apparut. Le petit garçon se détendit.
-Tu as crié Severus ? demanda la femme, un peu inquiète, en s'agenouillant pour être à la hauteur de l'enfant.
Elle avait de beaux yeux bleus, des traits jeunes et un visage doux, rassurant. Le petit garçon hocha la tête tout en continuant de serrer fort la baguette.
-Tu ne dois pas crier, fit la femme en jetant un regard inquiet vers la porte restée entrouverte. Tu pourrais réveiller ton père...
Elle secoua la tête, faisant voler ses longs cheveux noirs bouclés. Le petit garçon aimait beaucoup jouer avec les cheveux de sa maman. La femme soupira et prit son enfant dans ses bras avant de s'asseoir sur le lit défait.
-Tu as fait un cauchemar mon poussin ? demanda-elle en lui caressant tendrement les cheveux.
Il hocha la tête et se serra un peu plus contre sa mère. Celle-ci soupira, attendrie, et lui mit un baiser sur le front avant de le déposer soigneusement dans le lit et de le border.
-Les cauchemars ne sont pas réels mon poussin, lui dit-elle. Ca n'existe pas.
Il hocha la tête, pas bien rassuré pour autant. D'accord ça n'existait pas, mais sa faisait drôlement peur quand même ! La mère déposa un autre baiser sur son front.
-Allez, dors maintenant Severus. C'est bientôt le matin. Je reprends ma baguette d'accord ?
Mais l'enfant serra encore plus l'objet de bois contre lui. Il voulait bien la lui rendre sa baguette, mais que ferait-il si, une fois sa mère et son arme partit, le noir et les ombres se montraient menaçants à nouveau ? Non, il devait la garder.
Voyant la peur sur le visage de son fils à l'évocation du retrait de la petite baguette, la mère n'eut pas le cœur à la lui reprendre.
-Bon, d'accord mon poussin, garde là. Mais fait très attention. Tu sais que si ton père apprenait que tu l'as eue...
Elle trembla, apeurée, et ses yeux bleus se reportèrent sur la porte. Les yeux gris de Severus se remplirent de larmes. Oui, il savait, il ne le savait même que trop bien. C'était cela qui peuplait ses jours et hantait ses nuits. C'était cela qui faisait que ses rêves joyeux se transformaient en cauchemars... Lentement, il tendit alors la baguette à sa mère. Elle ne devait pas payer pour lui, elle qui était si gentille et qu'il aimait tant. Que les ombres l'emportent lui ! Sa mère ne devait plus subir ça...
Voyant son petit enfant ainsi, lui tendant la baguette, elle comprit son raisonnement.
-Garde la mon chéri, fit-elle avant de baiser une nouvelle fois son front et de lui caresser les cheveux, en un geste d'apaisement. Ne t'en fais pas, tout ira bien. Ne crie juste pas quand tu veux lancer un sort d'accord ?
Le petit garçon ramena la baguette vers lui et hocha la tête, toujours triste. La femme s'éloigna alors et passa la porte, faisant voler derrière elle son habit de nuit. Et alors que la porte se refermait, le petit garçon dit soudain :
-Je t'aime, maman.
Mais la femme était déjà partie, et le bruit de ses pas délicats et pressés sur le bois du sol se faisait déjà lointain.
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Un rayon de Soleil vint percuter les paupières endormies de l'enfant qui grommela. Il ouvrit avec peine ses yeux lourds et leva sa petite main pour se protéger de la bande de lumière qui filtrait entre les rideaux bleus simples pendus à la fenêtre. Dans un bâillement, il se frotta les yeux de ses poings pour se réveiller et sauta du lit.
Luttant contre l'envie de se recoucher, il ouvrit les rideaux. Le contact de la lueur du jour lui fit plisser les yeux, mais d'après la couleur bleue nuit parsemée d'orangé du ciel, il estima qu'il devait être 7h du matin.
L'enfant retourna vers son lit et rejeta toutes les couvertures à la recherche de la baguette magique. Il la trouva, cachée sous l'oreiller, et la posa sur la table basse, à côté de sa lampe de chevet, avant de se changer. Au début, il prit une simple robe noire, mais, alors qu'il commençait à l'enfiler, il se rappela que c'était un jour spécial aujourd'hui. Il devait absolument être prêt. Non pas que lui ça lui fasse plaisir, mais c'était pour éviter la colère de son père.
Il plia alors sa robe avec plus ou moins de soin, et en sorti une autre. Elle était vert foncé, avec deux traits argentés allant du col au bas de la robe. Son père l'avait achetée spécialement pour ce genre d'occasion. Il l'enfila et fit une grimace. Elle grattait. N'était-ce que son imagination qui lui faisait penser que tout jusqu'aux habits était désagréable dans cette journée ou ce tissu si beau et coûteux grattait-il réellement ? Peu importait de toutes manières il était obligé de la mettre.
Voulant attraper son peigne de plastique sur la commode, il réalisa alors combien le meuble était haut et fut étonné d'avoir réussi à y attraper la baguette la nuit précédente.
Il attrapa le fin objet de bois, et le pointa vers la commode.
-Accio peigne !
L'objet appelé se souleva sous le regard joyeux de l'enfant, puis retomba une fraction de seconde après, sur la moquette bleu foncé, coupant court à la joie du garçonnet. Il soupira de déception et commença à marcher vers le peigne. A mi-chemin il stoppa cependant...
-Accio peigne ! répéta il.
Encore une fois l'objet se souleva légèrement avant de retomber. Severus fronça ses sourcils d'enfant. C'était comme un défi pour lui à présent. S'il ramenait le peigne à lui, il pourrait affronter sans craintes les monstres de la nuit ! Il saurait qu'il le pouvait s'il réussissait ce sortilège. Il pourrait peut-être même défendre maman !
-Accio peigne ! s'écria Severus avec cette fois-ci une sorte de flamme dans les yeux, comme une nouvelle volonté indestructible dans son cœur.
L'accessoire se souleva un peu plus haut et commença très lentement à flotter vers lui. L'enfant souriait de bonheur, puis il vit le peigne commencer à perdre de l'altitude. Il empoigna alors la baguette à deux mains et se concentra. L'objet remonta lentement un instant, puis recommença à tomber.
Severus tirait la langue de concentration et ses bras étaient tendus tandis qu'il tenait la baguette fermement à deux mains. C'était de plus en plus dur. L'objet de plastique faisait à présent des montées-descentes, tantôt frôlant la moquette, tantôt s'élevant à la hauteur de ses yeux.
Le peigne n'était plus qu'à quelques centimètres à présent. Il allait si vite de haut en bas que Severus avait du mal à se concentrer dessus.
Le garçon tomba finalement à la renverse sur ses fesses enfantines. Il haletait. Jamais il n'aurait cru si dur de faire de la magie. Surtout, songeait-il, que Papa dit que c'est un sort de base !
Il n'osait imaginer la concentration et l'énergie nécessaires au lancement de sorts tels que l'Incendio dont ses parents se servaient pour allumer la cheminée lorsqu'il faisait froid.
Severus se redressa et vit le peigne à terre. Il le regarda un moment, songeant à sa défaite, puis le ramassa tristement et partit se coiffer.
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-Severus ? fit la mère d'une voix timide en poussant fébrilement la porte en bois de la chambre de son fils.
A la vue du le lit vide, elle ouvrit la porte plus grand, ne craignant plus de réveiller son enfant chéri. Elle jeta un regard circulaire à la pièce et sourit avec attendrissement à la vue de ce petit garçon si bien habillé qui jouait avec un cheval de bois miniature. Il délaissa son jouet pour aller vers sa mère.
-Bonjour maman. J'ai ta baguette.
La femme prit son fils dans ses bras tandis qu'il lui tendait sa baguette serrée dans son petit poing.
-Merci mon chéri, fit-elle en embrassant son front et en reprenant sa baguette. Ca a été alors ?
Severus hocha la tête et regarda sa mère de ses grands yeux gris, semblant hésiter sur le fait d'ajouter ou non quelque chose.
La mère décela ceci du premier regard et fronça les sourcils dans un sourire avant de coller son visage contre celui de son fils.
-Toi petit brigand, tu as quelque chose à me dire !
Severus regarda un moment ces pieds, puis descendit des bras de sa mère et demanda.
-Maman, c'est comment de lancer un grand sort ?
-Mmm, fit la mère en enroulant négligemment ses cheveux noirs et bouclés autour de son index. Comment ça un grand sort ?
-Un incendio ? répondit Severus de sa voix aigüe. Ou un patronus ?
La mère réfléchit un instant et s'assit sur le lit, rapidement rejointe par son fils.
-Hé bien, c'est comme... faire un dessin.
L'enfant écarquilla ses yeux gris.
-Un dessin ? Mais c'est facile les dessins maman !
-Ahah ! fit la mère avec un sourire complice. Ca dépend ! Les dessins vois-tu Severus, c'est comme les sortilèges ! Si tu veux dessiner un bonhomme et que tu ne traces rien d'autres que de petits traits pour le corps et un rond pour la tête, tu as un sort simple et facile à lancer, comme le dessin fut facile. Mais si tu veux faire un sort plus complexe, comme l'expelliarmus... tu sais ce que c'est ?
L'enfant hocha la tête.
-Sortilège de désarmement.
La mère sourit à son enfant, mais ses yeux avaient un triste éclat. Déjà les méthodes de son mari portaient leurs fruits...
-Donc, reprit-elle, un expelliarmus, c'est bien plus dur. Comme un visage avec les ombres et les détails.
-Comme un tableau ? fit l'enfant.
-Oui, comme un tableau mon poussin. Certains sorts sont des œuvres d'art en un sens. Mais dis-toi qu'il y a des sortilèges bien plus complexes encore, comme si au lieu de peindre une personne tu peignais un paysage avec tous les reflets du Soleil, ou une ville pleine de gens.
Elle observa son garçon qui avait le regard dans le vague et la bouche entrouverte alors qu'il imaginait la puissance de tels enchantements. Elle commença à se lever mais Severus l'interrompit.
-Où tu vas maman ?
-Chercher ton peigne sur la table de chevet.
-Mais je me suis déjà coiffé ! répondit Severus, un peu vexé que sa mère ne l'ait pas remarqué.
-Rien ne vaut une coiffure de super-maman ! affirma sa mère avec un clin d'œil en se levant prestement.
-Attends ! la retint Severus.
Déjà à la moitié du chemin, elle se retourna, et vit que son enfant avait saisi sa baguette abandonnée sur le lit à pleines mains.
-Accio peigne !
La mère eut un petit sourire attendri et retourna vers son fils.
-Allons mon chéri, tu es bien trop jeune pour lancer autre chose qu'un Lumos !
-Re...garde...articula Severus les mains crispées sur le morceau de bois.
La mère tourna la tête et eut un hoquet de surprise. Le peigne volait, lentement mais sûrement, vers le lit.
-Oh Severus ! fit la mère, les yeux baignés de larmes de joie. Tu arrives à faire de la grande magie !
-Je le fais pour toi, maman, parvint à dire l'enfant qui ne quittait pas le peigne des yeux. Hey !
La mère s'était jetée sur lui et le serrait dans ses bras. Elle le couvrit de baisers, n'ayant de cesse de répéter comme elle était fière de lui. Le peigne, sorti du champ de vision de l'enfant, tomba à terre.
-Maman ! protesta Severus. Tu m'étouffes !
-Désolé mon poussin, fit la mère avant de ramasser le peigne et d'entreprendre la coiffure de son fils. Mais je suis si heureuse !
L'enfant soupira un instant. Les mères ! Il attrapa une mèche de cheveux noirs bouclés et entreprit de l'enrouler autour de ses doigts tandis que sa mère le peignait en chantonnant.
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-Martha ?
Severus vit trembler la main de sa mère et lâcher le jouet qu'elle tenait. Il leva avec inquiétude les yeux vers le visage de la femme qui fixait maintenant la porte avec crainte. Severus vit qu'elle déglutit avec difficulté alors que des pas se dirigeaient vers eux. Comme prise de panique, elle attrapa rapidement sa baguette laissée à terre et la rangea dans une des poches de la robe de chambre de soie qu'elle portait par-dessus sa chemise de nuit blanche.
Les pas stoppèrent nets devant la porte et la poignée commença à tourner alors que la mère se relevait.
Un homme grand, pâle, relativement bien batti, et doté d'un nez crochu apparut dans l'encadrement de la porte. Il avait des cheveux bruns foncés noués en catogan et ses doigts noueux tenaient fermement sa longue baguette magique. En le voyant, on comprenait de suite que c'était le genre d'homme qu'il valait mieux ne pas contrarier si on ne voulait pas se retrouver à Sainte Mangouste. Il plissa ses yeux gris et parcouru la pièce du regard, avant de s'attarder sur ses deux occupants.
Croisant les mains sur une belle robe noire de sorcier sûrement faite dans un tissu des plus coûteux, il demanda d'une voix aussi doucereuse qu'une eau dans laquelle se cacherait un crocodile :
-Qu'est ce que tu fais Martha ?
-Je... commença la femme d'un ton mal assuré. Je suis venue préparer Severus.
Elle tendit une main tremblante vers l'enfant qui tenait toujours son petit cheval de bois dans ses bras, assis à terre.
-...Et je l'ai coiffé. Poses ton jouet Severus, et montre à ton père.
Maladroitement, le petit se leva. Quand son père était là, plus question de 'maman' ou de 'papa', il fallait dire 'mère' et 'père'. Il avança lentement vers son géniteur sans lâcher son jouet, mais comprit bien vite sa grossière erreur. Son père renifla avec mépris et arracha le cheval des mains de l'enfant.
-Ceci, commença il en brandissant l'objet sous le nez de sa femme. Vous jouiez encore à ces jeux pour bébés !
Dans un excès de fureur, il jeta le cheval de bois à terre qui se brisa, faisant monter aux yeux de Severus des larmes.
-Je t'ai déjà dit, hurla le père en dominant sa femme de toute sa hauteur, que je ne le tolérais pas !
Severus vit au travers des larmes qui emplissaient ses yeux une énorme veine battre furieusement à la tempe de son père.
-J'en ai plus qu'assez que tu fasses de mon fils une mauviette ! L'autre jour c'était la baguette car il a peur du noir ! Aujourd'hui c'est encore ces jeux stupides de moldus ! Si jamais ça recommence Martha... !
Les larmes de Severus tenant les débris de son ancien jouet avaient disparu. L'enfant pouvait à présent admirer toute l'horreur de la scène qui se tenait devant lui. Son père avait la main levée, prêt à donner une énorme gifle à sa mère. Les morceaux du cheval brisés lui tombèrent des mains tandis que l'enfant restait comme pétrifié.
-Cela ne se reproduira plus Damius ! fit la mère en se jetant aux pieds de son mari.
Observant sa femme serrer le bas de sa robe, le père avait la main stoppée en l'air, le visage tremblant de rage, comme s'il ne savait plus s'il devait donner libre court à sa fureur ou écouter.
Celle-ci leva ses yeux humides vers lui et, lentement, il baissa la main tandis que son visage passait de la fureur à quelque chose qui ressemblait à de la contrariété résignée.
Severus ne trouvait pas le mot pour définir l'expression de son père.
-Relèves-toi Martha, dit il d'une voix froide.
Elle se releva lentement, un air misérable au visage. Elle mesurait une bonne tête de moins que son mari. Elle scrutait son visage, les lèvres entrouvertes, cherchant à trouver un signe indiquant ce qu'il allait dire ensuite, mais l'homme ne la regardait pas, il fixait Severus.
-Toi, hurla il alors en pointant sa baguette sur son fils pour le désigner. Files étudier à la bibliothèque !
-Oui père, eut juste le temps de dire Severus avant de franchir la porte au pas de course.
-Et que je ne t'en vois pas sortir avant le dîner ! ajouta sa voix féroce alors que le gamin filait dans le couloir.
Celui-ci était très grand et ses murs recouverts d'un papier peint sombre. A intervalles réguliers, on trouvait soit un tableau, soit une torche allumée d'un feu ne cessant jamais de brûler. Les fenêtres étaient rares, et Severus cessa sa course peu après être sorti de la chambre. Il jeta un regard à un tableau représentant un vieil homme à la posture digne qui le regarda d'un air hautain. Severus savait que c'était un de ces ancêtres. Tout les tableaux du manoir représentaient un ancêtre, sa mère le lui avait dit. D'après elle, cet homme était d'ailleurs quelqu'un qui avait beaucoup influencé le ministère il y a quelques siècles.
L'enfant pressa le pas en entendant son père dire d'une voix froide à sa femme de se dépêcher de retourner à leur chambre pour se préparer.
Severus n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que son père regardait s'il partait bien vers la bibliothèque, les pas soudainement interrompus de ce dernier étaient le témoin de cet acte.
Il prit une profonde inspiration et tourna à droite, dépassant la statue d'un basilic à l'embranchement.
L'entrée de la bibliothèque se trouvait devant une grande fenêtre qui donnait sur le jardin. L'herbe courte était parfois agitée d'une légère brise et le soleil de juin se reflétait dans le petit bassin d'eau près de la grille d'entrée du manoir.
Severus s'attarda un instant pour observer le paysage, puis, se reprit et entreprit d'ouvrir la porte de bois qui donnait sur le sanctuaire des livres.
L'enfant du se hisser légèrement sur la pointe des pieds pour tourner la poignée et parvenir à ouvrir la porte. Celle-ci était lourde pour quelqu'un de son âge, et Severus du y mettre de la force. Quand il fut enfin entrer, il du re-lutter pour la fermer.
Lorsqu'il eut enfin terminé, il s'adossa, fatigué, contre le battant, et observa les grandes étagères remplies de livres de toutes époques qui s'alignaient, bien droites.
Le manoir Rogue était très grand, et Damius Rogue envoyait très régulièrement son fils y étudier malgré son âge très jeune.
Severus se mit alors à marcher droit vers la petite table de bois vernie que son père avait fait installer pour lui, et s'assit sur la chaise miniature importée dans cette bibliothèque de la même manière.
-Naïdy ! appela alors Severus, sa voix aiguë résonnant légèrement parmi les étagères.
Après une longue minute entière, toujours personne n'était venu, et Severus tapait avec contrariété de ses petits doigts sur la table.
-NAÏDY ! hurla il.
Sa patience avait des limites tout de même ! L'enfant entendit alors un petit 'pop' et se retourna. Une elfe de maison était là, vêtue d'une vielle loque crasseuse.
-Le jeune maître a appelé ? fit l'elfe d'une voix timide.
-S'est égosillé oui ! s'énerva Severus, sourcils froncés.
-Naïdy est désolée, répondit l'elfe. Tel un chiant battu, elle fixait le visage de Severus de ses grands yeux larmoyants, oreilles tombantes.
Mais l'enfant était énervé. Non seulement son père avait encore failli frapper maman et il devait retourner étudier pendant au moins deux heures un gros volume poussiéreux, assis seul dans la bibliothèque mais en plus il devait subir l'incompétence des domestiques.
-Amènes-moi le volume habituel, dit il avec fermeté.
-Bien maître, répondit la petite elfe qui partit entre les rayons.
Severus soupira profondément. Il avait toujours un air contrarié au visage quand l'elfe revint déposer un lourd volume noir dont la reluire partait sur la table.
-Le jeune maître, osa Naïdy d'une voix hésitante, ressemble de plus en plus au maître...
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase.
-Hors d'ici ! hurla Severus en pointant un doigt sur la porte.
Il avait le souffle court et ouvrit violemment le livre tandis que l'elfe s'enfuyait. Il ne ressemblait pas à son père ! Son père était méchant ! Il l'obligeait à travailler, il menaçait maman, il ne voulait pas qu'il s'amuse ! Comment cette elfe stupide osait elle dire que lui, ressemblait à son père ?!
Furieux, il referma le livre aussi violemment qu'il l'avait ouvert, il ne pouvait se concentrer. Après un long moment qui lui sembla une éternité, Severus cessa de taper des doigts sur la table et hurla.
-NAÏDY !
L'elfe réapparut instantanément avec un petit nuage de fumée.
-Le jeune maître désire ?
Se massant le front pour que ses sourcils ne cessent de se froncer tout seuls, il demanda d'une voix qu'il tentait de maîtriser pour la rendre calme.
-Pourquoi tu dis que je suis comme mon père ?
L'elfe baissa les yeux et commença à se tortiller d'un pied sur l'autre.
-Naïdy n'a pas dit ça monsieur... Juste que vous ressembliez de plus en plus au maître.
-POURQUOI ? cria Severus qui en avait assez que l'elfe tourne autour du pot.
Naïdy recula avec peur en remontant sur son nez son habit sale.
-Dans votre manière... dit timidement l'elfe. Votre manière de parler à Naïdy et Zed...
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Deux heures déjà s'étaient écoulées depuis la révélation de Naïdy, mais Severus n'était toujours pas parvenu à en détacher son esprit. Son père hurlait souvent sur les elfes de maison et leur parlait fermement, leur ordonnant parfois de se punir pour telle ou telle chose.
Ainsi Naïdy trouvait qu'il faisait de même... clairement elle exagérait ! De toutes façons, se justifiait il, il était normal de parler ainsi aux domestiques. Et puis, il était énervé. D'habitude il était plus calme, comme maman... elle donnait des ordres aux elfes, mais presque poliment, à la limite du « s'il vous plaît, merci ».
Severus était sûr qu'elle l'aurait dit d'ailleurs, si papa ne la regardait pas avec un air de profonde révolte chaque fois qu'elle s'adressait gentiment aux elfes.
ll tenta à nouveau de se concentrer sur l'épais volume posé en face de lui et relu pour la énième fois la même phrase. L'ouvrage traitait des sortilèges de 'base' comme disait Damius Rogue, et en présentait les effets et la méthode à suivre pour les lancer correctement.
« Le sortilège d'Alohomora » lisait Severus « permet l'ouverture de portes et fenêtres closes, voir même de coffres ou d'armoire. Il est, grâce à lui, possible d'ouvrir n'importe quoi... »
Severus entendit la porte grincer. Songeant que c'était certainement Naïdy, Severus ne prit pas la peine de se retourner et continua sa lecture.
« ... possible d'ouvrir n'importe quoi... »
Une toux grave se fit alors entendre.
-Hum hum !
Le garçon se retourna presque trop vite. Il savait que ni Zed ni Naïdy n'aurait eu l'audace de réclamer ainsi l'attention. Et il avait raison.
Son père se tenait dans l'encadrement de la porte. Il avait ajouté par-dessus sa belle robe une cape noire du même tissu coûteux et dont les encoches d'argent étincelaient à cause du soleil qui passait par la fenêtre juste derrière lui.
-Tellement absorbé, fit Damius Rogue avec sarcasme, qu'il ne voit même pas que son père est là.
Ses mains caressaient sa baguette.
-Je croyais que c'était Naïdy ou Zed, s'excusa Severus, levé d'un bond de sa chaise, et yeux baissés en signe de soumission.
Les lèvres fines de Damius Rogue s'étrécirent de mépris.
-Tsss ! Comme si un elfe de maison avait assez de force pour ouvrir la porte !
Il s'avança alors, et Severus se demanda si son père n'allait pas le traîner dans un cachot où un autre endroit déplaisant pour il ne savait quel acte qui lui aurait déplu. Mais le chef de famille dépassa son fils et se pencha au-dessus de l'ouvrage de cuir. Son regard parcouru la page ouverte.
Il prit alors le livre dans ses mains sous le regard inquiet de Severus. Que faisait-il donc ? Pourquoi cet examen de la table des matières et de ce qu'il avait déjà lu ? La réponse ne se fit pas attendre...
-Tu n'en es que là ? cracha froidement Damius.
Severus baissa la tête et commença à se tortiller sur ses pieds comme Naïdy un peu plus tôt.
-Pardon Père, mais...
L'autre referma le livre d'une main ferme dans un nouveau 'tsss' de mépris.
-Des excuses. N'es-tu dont bon qu'à ça mon fils ?
-Vous trouvez que j'en ai lu peu Père, mais j'étudie durement, répliqua Severus avec indignation. J'ai tout retenu Père, car je ne veux pas lire pour oublier à la page d'après !
Damius Rogue reposa lentement le livre, considérant son fils avec attention. Le petit soutint un instant son regard puis le baissa. Apparemment, songeait il, son père se demandait s'il devait le punir pour cette réplique ou apprécier cet élan de caractère – ou plutôt de courage suicidaire - et le sérieux de son enfant...
Le gamin releva la tête et vit que son géniteur le fixait toujours, à présent à moitié assis sur la table. Ses yeux gris semblaient être deux fentes tellement il les plissait.
Severus fut prit d'un mauvais pressentiment qui lui noua l'estomac. Il avait feuilleté rapidement un autre gros livre plus spécialisé en sortilèges et magies complexes que son père lui avait présenté alors qu'il lui expliquait que quand il serait prêt il passerait aux choses sérieuses, et il avait lu dedans un extrait parlant de... légimencie ? L'art de lire les pensées. Il se demandait si son père était en train d'en user sur lui. Le contact visuel était très important pour utiliser cette technique, et son père ne cessait de le fixer.
Damius Rogue inspira profondément et se leva.
-Accio ? ordonna il plus qu'il demanda.
-Sortilège d'attraction, répondit Severus du tac au tac en relevant les yeux.
-La formule pour désarmer un adversaire ?
-Expelliarmus.
-Amplificatum ? continua il d'un air féroce.
-Enchantement destiné à augmenter la taille de la cible.
-Et celui pour la réduire ?
-Reducto, père.
L'homme avait à présent un sourire léger aux lèvres, comme un général venant de passer en revue des troupes impeccables. Il s'approcha de Severus et lui tapota l'épaule assez militairement.
-Bien mon fils, bien... fini vite les amuse-gueule que nous passions aux choses sérieuses...
Il se dirigea vers la porte, sa cape noire volant derrière lui. La porte ouverte, il se retourna et ajouta.
-Qu'attends-tu ? Nos invités vont bientôt arriver ! Dépêches-toi !
Severus courut rattraper son père qui le poussa en avant dans le couloir, avant de claquer la porte de la bibliothèque.
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-Bienvenu très chers !
Severus vit son père briser le parfait alignement qu'ils formaient, eux et sa mère, pour saluer une jeune femme aux ondoyants cheveux blonds. Elle avait un sourire éclatant et était accompagnée d'un grand homme aux allures de puissant qui se montrerait magnanime.
-Damius, fit la femme qui détaillait attentivement son hôte, toujours aussi élégant !
-Merci Endora, répondit celui-ci avec un sourire fin, avant de lâcher un baisemain à la femme qui lui tendait une main chargée de bagues.
Son père se tourna ensuite vers l'homme dont les cheveux lisses et très blonds tombaient sur ses épaules. Damius lui serra énergiquement la main avant de reporter son attention sur Endora qui demandait des nouvelles aussi naturellement que de bons amis attablés autour un café.
Le grand blond jeta un regard circulaire au salon depuis la cheminée par laquelle lui et sa compagne étaient arrivés, et Severus nota qu'il avait un air hautain et dégageait le même effet que ceux qui se prennent pour supérieurs aux autres. L'enfant doutait néanmoins qu'il le fasse exprès en cet instant. Lorsque le regard de l'homme se posa sur la mère de Severus, un sourire se dessina sur ses lèvres. Il s'approcha de Martha Rogue dont la grande robe noire cintrée brillait de paillettes vertes, prit la main de la mère de Severus, et l'embrassa.
-Vous n'avez rien perdu de votre charme Martha, l'entendit-il chuchoter dans cet acte.
-Ah ! Le jeune Lucius ! annonça alors la voix de Damius Rogue dans leur dos.
Le patriarche était trop occupé à accueillir le reste de la famille pour remarquer ce qui se passait. Severus détourna son attention de sa mère qui recevait avec dignité les avances de son invité, et vit se profiler devant son père une fine silhouette qu'il reconnut aussitôt. Des cheveux lisses tombant sur les épaules comme ceux de son père, une blondeur surhumaine, des yeux gris, Lucius s'inclina très poliment devant Damius Rogue et lui souhaita le bonjour.
-En voilà un enfant bien élevé, fit le maître de maison avec un sourire. Severus, salue donc la famille Malefoy.
Obéissant à son père, le petit se tourna vers le grand homme blond et dit bonjour très sobrement les épaules légèrement courbées, puis se tourna vers Endora Malefoy qui l'observait avec curiosité, et lui adressa une courbette révérencieuse.
-Charmant enfant, fit la femme avec un sourire en remettant ses cheveux longs derrière ses épaules. Dîtes-nous donc Damius, les autres sont-ils déjà là ?
-Pas encore, répondit le concerné. Mais allons donc au salon, Martha s'occupera des autres invités. Alors Baltus ? Tu viens ?
Baltus Malefoy lâcha lentement la main de la mère de Severus, non sans cesser de lui sourire, puis se tourna vers Damius.
-Je te suis, mon vieil ami.
Ils échangèrent un sourire qui en disait long et Damius ouvrit la porte menant au couloir. Il observa les parents Malefoy sortir, puis jeta un regard éloquent à sa femme avant de les suivre.
Un long silence s'installa. Les deux enfants se jetaient des regards hésitants. Lequel demanderait la permission de sortir ? Avant qu'ils aient pu décider, Martha poussa une exclamation et s'agenouilla pour être au niveau du blondinet.
-Oh Lucius ! fit-elle avec un grand sourire. Tu as une baguette !
Un sourire fier illumina le visage de l'enfant qui releva la tête, faisant penser étrangement à son père.
-Oui, approuva-il. Je l'ai eue pour mon anniversaire.
Lucius jeta un regard à Severus qui baissa tristement les yeux. Il n'avait pas de baguette lui…et peut-être même n'en aurait il pas avant des années…
-Dîtes Madame, demanda avec hésitation le fils Malefoy qui sentait le malaise de son ami. Quand est-ce que Severus aura une baguette lui aussi ?
Le gamin senti ses joues s'empourprer, et d'un regard à sa mère il constata qu'elle aussi devenait rouge. Elle se releva, avec un sourire forcé.
-Hé bien... Je ne sais pas, c'est assez compliqué. Damius préfère attendre qu'il soit un peu plus grand.
Severus senti le regard de sa mère se poser sur lui. Il garda la tête baissée. Il savait très bien qu'elle cherchait une excuse. Apparemment, Lucius non plus n'était pas dupe à en juger par la lueur qui brillait dans ses yeux.
Après un autre moment de silence gêné, les deux enfants se remirent à échanger des regards. L'envie de sortir se faisait de plus en plus forte.
Martha Rogue fut attendrie de les voir ainsi et s'agenouilla à leur hauteur.
-Allez, filez jouer ! J'enverrais Naïdy vous chercher !
Le sourire de la mère de Severus s'accentua en voyant le bonheur illuminer le visage des deux gamins.
-Merci Madame !
-Merci maman !
Les garçonnets se dirigèrent hâtivement vers la porte, l'ouvrirent, et sortirent en courant dans le couloir.
Amadouée, Martha Rogue les regarda se diriger vers le jardin et ferma la porte quand ils tournèrent à l'angle du couloir.
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Severus était heureux d'être en présence d'un ami. Depuis qu'ils étaient tout petits, ils se voyaient régulièrement, leurs parents se rendant visite accompagnés de toute leur famille. Avec le temps, les deux enfants s'étaient pris d'amitié l'un pour l'autre, et avaient toujours très envie de se voir.
-Alors, fit Lucius en jetant des cailloux dans le lac présent dans l'enceinte du manoir Rogue, pourquoi tes parents t'achètent pas de baguette ? Tu en auras une à ton anniversaire ?
-Si j'étudie bien, peut-être, répondis Severus, le regard dans le vague.
Mais c'était faux. Il le savait. Son père ne lui offrirait jamais de baguette avant qu'il ne le juge plus comme « une mauviette ». L'enfant savait que même s'il étudiait des années durant, il n'aurait rien avant que son père ne le voie « comme un homme ».
Et il ne le verrait pas comme un homme avant qu'il ne cesse d'avoir peur du noir… mais ce n'était pas le noir qu'il craignait ! C'était ces ombres mouvantes, ces bruits sourds, les monstres et leur souffle !
Il faudrait aussi qu'il cesse de jouer à « ces jeux pour bébés » comme les qualifiait son père. Il faudrait qu'il laisse son joli petit poney de bois qu'il aimait tant… et qu'il arrête d'écouter les histoires de maman.
Car bien entendu, elle était en cause elle aussi. Papa l'accusait de faire de son fils une « vraie lavette » car elle jouait avec lui aux « jeux de bébés » et se montrait gentille à son égard. Elle lui racontait aussi souvent des contes pour enfants qui l'amusaient beaucoup.
Un coup dans les côtes ramena Severus à la réalité.
-Hey ! s'exclama Lucius. C'est pas le moment de dormir ! Regardes les ricochets que je fais !
Le blondinet lança un caillou plat qui rebondit dans l'eau deux fois de suite, créant de petites vagues. Severus soupira intérieurement. Son père les grondait, lui et sa mère, quand ils s'amusaient au bord du lac.
Ruminant ses pensées, le fils Rogue s'empara d'un galet plat et fit trois ricochets. Il se tourna avec un sourire satisfait vers Lucius qui fronça les sourcils.
-Un coup de chance, le provoqua-il.
Les minutes suivantes, les deux garçons les passèrent en défis et concours de lancer de galets. Qui irait le plus loin ? Qui ferait le plus grand nombre de ricochets ?
Assis sous un saule pleureur sur la rive, ils lançaient leurs cailloux. La pelouse fraîche leur chatouillait les mains dès qu'ils les y posaient, et la brise leur rafraîchissait le visage.
Un bruit en provenance du manoir Rogue interrompit les jeunes enfants dans leurs jeux.
Pas très éloigné, mais assez loin pour paraître deux fois plus petit, le manoir aux murs sombres et aux larges fenêtres contrastait fortement avec la beauté du jardin dont l'herbe verte et les fleurs roses et bleues miroitaient sous le soleil.
A mi-chemin entre eux et la bâtisse courait Naïdy. La petite elfe arriva bien vite auprès des deux garçons et leva son long nez vers Severus.
-La maîtresse m'envoie vous chercher ! La famille Black et la famille Lestranges viennent d'arriver et le repas va être servit.
-D'accord Naïdy, répondit Severus en se relevant, imité par Lucius. Va dire à maman que nous arrivons.
La petite elfe hocha la tête et disparut dans un petit 'pop' sonore, laissant les deux garçons rentrer à pied jusqu'au manoir.
Lucius s'étira et annonça.
-Bon ben… on y va !
Sur le chemin, ils ne dirent tout d'abord rien, puis Severus demanda :
-Tu as vu que Naïdy a parlé de la famille Black ? D'habitude il y a que les adultes... Tu crois qu'on va voir des enfants ?
-C'est bien possible, répondit Lucius en haussant les épaules. Ça m'est un peu égal en fait. Je crois qu'ils ont que des filles…
Severus fit un signe de négation.
-Mon père et ma mère en ont parlé il y a pas longtemps. Apparemment, les cousins des Black qui ont trois filles ont aussi un garçon de notre âge, et un bébé qui va naître.
Lucius fit une moue respectueuse et tapa dans ses mains lentement.
-Et bien Professeur Severus, vous en savez des choses !
Ils atteignirent rapidement le manoir. Mettant en commun leurs forces, ils parvinrent à ouvrir la lourde porte d'entrée et à la refermer sans trop de problèmes.
Le bruit de leur pas pressés dans le couloir les accompagnait tandis qu'ils se hâtaient pour ne pas être en retard et essuyer les foudres de leur parents.
En passant devant la « Salle de Réception », ainsi nommée car c'était par là qu'arrivaient les invités, les deux enfants virent que le monde nouvellement arrivé était ici et bavardait gaiement.
Les Lestranges, que Severus avait déjà vu dans de pareilles occasions, discutaient avec Martha Rogue qui s'efforçait d'être une bonne maîtresse de maison et parlait très courtoisement avec un sourire poli.
Le premier mot qui passait à l'esprit lorsqu'on voyait un Lestrange était… étrange ! La femme, dans une robe violette assez large, avait une coiffure des plus extravagante. Ses petits yeux gris-verts regardaient partout tandis que son long nez, semblable à un pic, accompagnait les mouvements de sa tête.
Le mari, un homme assez grand et bien habillé, ressemblait à un notable. Ses cheveux gris bien lissés étaient coiffés en arrière, et ses lèvres minces ne souriaient presque jamais.
Restant dans leurs jambes, un petit garçon qui devait avoir l'âge de Severus et Lucius jetait des regards ennuyés un peu partout. Il tripotait machinalement les manches élargies de sa robe noire en grattant son nez, heureusement bien moins long que celui de sa mère.
Un peu plus loin, Damius Rogue était entouré d'une foule de personne à proximité de la cheminée. Il y avait deux femmes, grandes et fines – bien que l'une d'elle afficha un ventre arrondi- qui, à en juger par leur ressemblance, devaient être sœurs. Toutes deux avaient de longs cheveux noirs ondulés et le même regard malicieux. Chacune d'elle était au bras d'un homme différent.
La première accompagnait un homme de la même taille qu'elle, qui avait des cheveux bruns assez courts et qui souriait sympathiquement au maître du manoir. Dans leurs jambes se tenaient trois fillettes. La plus grande, qui semblait être plus âgée que les deux amis d'environ deux ans, avait de long cheveux bruns presque noirs qui ondulaient gracieusement sur ses épaules, et souriait avec fierté. Severus nota qu'elle lui faisait penser au père de Lucius dans ses manières de princesse.
La seconde devait avoir un an de moins qu'eux. Elle était plus timide et réservée, mais avait l'air de bien se plaire au milieu des adultes. Les même cheveux bruns que son père descendaient sur ses épaules.
La troisième différait bien de ses sœurs : dotée d'une belle chevelure blonde retenue en queue de cheval, elle dévisageait en souriant les deux garçons. Elle avait de grands yeux gris, comme son père, et semblait être de leur âge.
Un grand éclat de rire dirigea l'attention des enfants vers un grand homme aux longs cheveux noirs qui parlait avec le père de Severus. Celui-ci inspirait la crainte de part sa carrure imposante et par l'air conspirateur qu'on lisait sur son visage.
-Alors Magnus, déclara joyeusement Damius Rogue en posant une main sur l'épaule de l'homme dans une franche accolade. Quoi de nouveau dans la noble et très ancienne maison des Black ?
-Rendue incartable mon vieux Damius, répondit Magnus avec un grand sourire. Ah ! Mais j'aperçois les progénitures ! ajouta-il en voyant Lucius et Severus sur le pas de la porte.
L'homme pivota sur lui-même et appela d'une voix forte.
-Hey, Sirius ? Sirius ! Viens te présenter un peu ! Ah, continua l'homme avec agacement, les enfants décidément...
Un gamin arriva alors. Il était vêtu d'une robe verte et noire et on voyait au premier regard qu'il était forcé de la mettre et que l'envie de l'enlever pour la jeter au feu le démangeait. Ses cheveux étaient bruns et longs et sa frange coiffée avec soin tombait sur son front.
Il vit Severus et Lucius et releva la tête avec un semblant de… mépris dans le regard.
Lucius et Severus se regardèrent, perplexes. Apparemment, ce garçon les détestait avant même de les connaître…et à en juger par le regard haineux que lançait en biais la fillette aux longs cheveux bruns-noirs à Sirius, elle ne le portait pas dans son coeur. La fillette blonde semblait elle aussi peu enthousiaste à la vue du garçon, mais elle avait un air plus résigné qu'autre chose.
-Je crois, murmura lentement Lucius à Severus, que nous venons de faire la connaissance de la famille Black…
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A table, les 17 convives étaient assis et mangeaient en se servant dans les divers plats étalés au centre de l'immense table du salon.
Severus ne touchait pas à son assiette. Assis à côté de Lucius et du fils Lestrange, il observait avec nervosité Sirius Black qui ne cessait de leur jeter, à lui et à ses camarades, des regards mauvais tout en picorant le maïs de son assiette.
Assis à côté du jeune garçon au regard hostile, se tenait la fille aux airs de princesse, visiblement répugnée d'être assise à côté de Sirius. Encore après elle se tenait la timide qui restait encadrée de ses deux sœurs. Elle mangeait avec dignité en coupant bien tous ses aliments, à l'opposé de sa sœur aux cheveux noirs qui mangeait férocement en foudroyant du regard son voisin de table. La blonde, elle, souriait aimablement quand son voisin, Mr Lestrange, lui parlait. Sinon, elle mangeait aussi proprement que sa timide sœur.
Tous les enfants étaient au centre. Les adultes se partageaient les extrémités de la table.
Severus fronça les sourcils en voyant que Baltus Malefoy était assis à côté de sa mère et ne cessait de lui parler avec de petits sourires et une main qui s'approchait trop près de la maîtresse de maison au goût de l'enfant. Lucius nota l'attitude de Severus et haussa les épaules dans une indifférence totale avant de croquer dans un morceau de tomate.
Le fils Rogue repoussa son assiette avec mauvaise humeur et tenta de chercher quelque chose qui puisse le calmer. Bien évidement regarder vers sa mère était inutile en raison du grand blond qui lui tournait autour et qui l'énervait profondément. Fixer quelque chose droit devant non plus : le regard mauvais de Sirius l'agaçait et ça l'obligerait à le croiser. Quant à tenter de parler avec le fils Lestrange, même pas la peine d'y penser : il était trop occupé à engloutir toute la nourriture tombant sous sa fourchette.
Severus essaya alors de se concentrer sur la décoration. La pièce était grande, et un feu craquait doucement dans la cheminée de la salle. Les murs, recouverts de tentures vertes représentant d'anciennes légendes magiques, portaient quelques tableaux. Severus savait qu'il s'agissait d'autres ancêtres de la famille, comme les portraits du couloir.
Il n'y avait qu'une fenêtre, grande et avec de fins rideaux presque transparents. Le lustre supportait plusieurs bougies mises en cercle qui projetaient sur les aliments leur faible lumière.
Quand Severus reporta son regard sur la table, les assiettes avaient été remplacées, et les plats contenaient les aliments du plat principal. Il en fut à peine surpris. Zed devait avoir tout enlevé d'un claquement de doigt et avoir tout fait descendre aux cuisines par magie. C'était une des spécialités du petit elfe de maison.
Tout le monde commença à se servir en même temps. Severus tendit sa fourchette vers un morceau de poulet, mais Sirius planta la sienne dedans en même temps. Les deux enfants se fusillèrent du regard.
-Ce morceau est à moi, cracha Sirius dans ce qui ressemblait à un grognement animal.
-Prend-en un autre, répliqua Severus en plissant les sourcils. Je l'ai vu le premier.
-A l'état de poule vivante ouais, railla Sirius.
Un autre fourchette se planta dans le même morceau et les fit stopper. La fille aux cheveux noirs entrait dans la partie.
-Honneur aux dames, annonça-elle froidement en fusillant Sirius du regard.
Ce dernier retira lentement sa fourchette du poulet en ne cessant de foudroyer du regard la fille.
-Garde le Bellatrix, répondit Sirius avec mépris. Maintenant que tu y as planté ta fourchette, le plat entier est contaminé.
Et l'insolent garçon se prit une grosse portion de purée. Bellatrix se tourna vers Severus à qui elle sourit avant de sortir sa fourchette du poulet.
-Prend le, dit-elle en voyant que Severus hésitait. Je n'en voulais pas. C'était pour empêcher qu'il ait ce qu'il veut. Mon cousin est un prétentieux qui devrait apprendre à être aimable.
Elle avait dit la dernière phrase assez forte pour que son voisin l'entende. Severus vit qu'il se faisait violence pour s'empêcher de planter son couteau dans la gorge de la fille. Cela la fit sourire.
-N'oublie pas mon cher cousin : il ne faut pas se battre en public, tu ferais mauvaise impression…quoi que ta seule présence salisse ce manoir…
Severus déposa le poulet dans son assiette et donna un coup de coude à Lucius en lui désignant Sirius dont les poings se crispaient sur ses ustensiles.
-Un de ces jours, Bella, je vais te… !
Bellatrix ne su jamais ce que son cousin comptait lui faire, car un bruit de cristal les stoppa. Damius Rogue tapait sur son verre avec sa petite cuillère, un léger sourire aux lèvres, afin de réclamer l'attention.
-Mes chers invités, commença-il en s'avançant sur la table. Je sais que certains d'entre vous ne se connaissent pas, mais nous sommes ici pour apprendre à nous connaître justement…
Severus vit avec désappointement et inquiétude les lèvres de plusieurs des invités se retrousser en un étrange sourire.
-Nous en reparlerons plus tard bien sûr… continua Damius Rogue d'un air conspirateur. Entre adultes…
Les regards se portèrent sur les enfants. Severus et la fille timide rougirent jusqu'aux oreilles tandis que Lucius prenait un air fier qui incita Severus à en faire autant malgré sa gêne. Il devait faire briller l'honneur de la famille… ou son père le lui ferait chèrement payer !
-Allez, présentez-vous les enfants… fit Damius Rogue d'un air plus effrayant qu'encourageant. Vous êtes un peu perdu ici…
La fille aux cheveux noirs se leva, tête haute. Elle rejeta sa chevelure en arrière tandis que ses deux sœurs se levaient timidement.
-Je suis Bellatrix Black, annonça-elle fièrement. Et ce sont mes deux sœurs : Andromeda –elle désigna la fille timide- et Narcissa – elle pointa du doigt la blonde qui s'inclina révérencieusement.
Elle se rassirent, et Severus vit nettement l'homme aux longs cheveux noir fixer son fils afin qu'il se présente. Après un instant de lutte silencieuse, Sirius baissa les yeux. Il passa une main dans ses cheveux parfaitement coiffés et annonça d'un air forcé :
-B'jour… je suis Sirius Black, le fils de Magnus et Marissa Black… et Bellatrix, Andromeda et Narcissa sont mes cousines.
Il se rassit lentement non sans fusiller du regard Bellatrix qui le narguait silencieusement. Narcissa, elle, levait les yeux aux ciel. Ce garçon décidément…
L'attention portée sur le fils Lestrange lui indiqua que c'était son tour de se présenter. Il se leva, se racla la gorge et annonça dans une phrase simple et courte qu'il se prénommait Rodolphus.
Vint le tour de Lucius, qui se leva avec dignité et déclara d'une voix fière.
-Je suis Lucius Malefoy, fils de Baltus et Endora Malefoy ici présents.
Il montra ses parents qui hochèrent la tête avec satisfaction. Lucius se rassit, et Severus su que c'était à lui. Il déglutit, se leva, et s'efforça de paraître aussi digne et noble que le blondinet l'avait été.
-Severus Rogue est mon nom, annonça-il en jetant un regard circulaire aux invités qui avaient tous les yeux rivés sur lui. Mes parents sont les propriétaires de ce manoir : Damius et Martha Rogue.
Il se rassit précipitamment en espérant que personne ne remarquerait qu'il virait au rouge, tandis que les regards se portaient sur le maître de maison. Damius Rogue sourit et ajouta.
-Que le repas reprenne, maintenant que les enfants se connaissent !
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Severus vit avec un pincement au cœur la porte se refermer dans un petit bruit sec. Un air résigné au visage, il tourna la tête vers ses camarades.
A la suite du repas, tous les enfants avaient été emmenés dans une pièce aux murs recouverts de papier peint vert. Il la connaissait bien : c'était toujours là que son père les laissait, lui et Lucius, pendant que leur parents partaient discuter de choses secrètes.
Dénuée du moindre jouet, la salle de taille moyenne ne comportait que quelques livres rudimentaires sur la magie et les légendes, dans une petite bibliothèque de bois ancien.
Une mèche de cheveux vint s'écraser sur le visage de Severus qui la repoussa languissamment. Près de la bibliothèque, la seule fenêtre de la pièce faisait entrer une brise légère qui agita les cheveux de l'enfant.
Assis en équilibre précaire sur la seule chaise de la pièce, Sirius avait un air maussade et semblait prêt à mourir d'ennui et de dégoût. Etre enfermé avec eux était apparemment pour lui le pire des cauchemars.
Narcissa et Lucius bavardaient en souriant près de la bibliothèque. Un peu plus tôt, Severus les avait vu saisir le même livre, puis engager la conversation avec un amusement.
La petite blonde rejetait sans cesse ses longs cheveux en arrière en riant aux plaisanteries de Lucius.
Le fils Rogue se doutait bien que le fait de les laisser tous ici étaient pour qu'ils se lient d'amitié, renforçant les liens déjà existant entre les anciennes familles de sorciers. Et apparemment, Lucius et Narcissia répondaient très bien aux attentes de leurs parents. Mais ils étaient bien les seuls…
Andromeda, assise dans un coin, semblait passionnée par l'observation du seul tableau de la pièce : un paysage boisé avec deux licornes qui buvaient l'eau d'un petit ruisseau. C'était sûrement le seul tableau de la maison à ne pas montrer un personnage de la famille Rogue. La jeune Black tripotait machinalement une mèche de ses cheveux bruns en contemplant les animaux mystiques, tandis que sa sœur aux cheveux noirs parcourait la salle des yeux et détaillait ses occupants. Une grimace de dégoût se forma sur ses lèvres lorsqu'elle vit Sirius, et au contraire, elle adressa un sourire à Rodolphus Lestrange qui lui répondit d'un signe de la main. Peut-être qu'ils se connaissaient déjà ?
Lorsque le regard profond de la jeune fille se posa sur lui, Severus ne pu s'empêcher de frissonner. A son grand malaise, Bellatrix continua de le fixer un long moment, semblant le juger. Severus regardait nerveusement un peu partout, feignant de n'avoir rien remarqué. Il se mordit la lèvre inférieure et commença à détailler le bas de sa robe qui grattait toujours autant que lorsqu'il l'avait enfilé. Lorsqu'il releva les yeux, il constata avec horreur que Bellatrix se dirigeait vers lui. Il déglutit et pria pour que tout se passe bien.
La jeune fille se planta devant lui, et rejeta ses cheveux en arrière d'un mouvement de tête avant de lui sourire.
-Severus c'est ça ?
-Heu… oui, balbutia l'interpellé. Et toi tu es… Bellatrix ?
Elle eut un sourire assez étrange empli de malice et de quelque chose d'indéfinissable qui rappelait à l'enfant l'expression sournoise que son père avait parfois. Ses yeux gris brillaient étrangement, et elle tendit la main vers son interlocuteur, lui prenant le bras.
-Tu viens ? Rodolphus est tout seul, on lui tiendra compagnie.
Tournant la tête et entraîné par Bellatrix, Severus aperçu le fils Lestrange, accoudé au mur, qui semblait s'ennuyer ferme. Il dévisageait Sirius qui ne cessait de se balancer sur sa chaise.
Severus se sentit de nouveau mal en réalisant que le fils Black avait les yeux rivés sur lui et Bellatrix, et ce depuis apparemment un bon moment. Son expression méprisante semblait indiquer qu'il était prêt à leur cracher dessus s'ils passaient trop prêt, et le fils Rogue pria intérieurement pour que la jeune fille ne passe pas à proximité de son cousin.
-N'ai pas peur de Sirius, annonça Bellatrix lorsqu'elle perçu le malaise de son camarade. Même s'il ressemble à un chien enragé, il n'est qu'un sage petit toutou.
Les yeux de Sirius se réduisirent à deux fentes et les traits de sa bouche furent encore plus tirés vers le bas qu'auparavant. Sa cousine avait de toute évidence fait exprès pour l'irriter.
Severus déglutit. Le fils Black venait de se lever, et marchait à présent droit sur eux en remontant ses manches, lèvres retroussées, comme s'il s'apprêtait à mordre.
-Ici Bella, il n'y aura aucun adulte pour m'empêcher de te refaire le portrait !
Aussi vive que l'éclair, la jeune fille dégaina une longue et fine baguette noire qui, vraisemblablement, sortait de sa manche. Un rictus mauvais se dessina sur ses lèvres tandis que son cousin stoppait net. Elle eut un petit rire.
-Couché Sirius, fit-elle d'un ton mielleux. Malheureusement pour toi, mon pauvre chou, tu n'as pas de baguette.
-Tu ne saurais jamais lancer un sort, même si ta vie en dépendait ! cracha Sirius.
Néanmoins, il s'abstint d'avancer. Severus craignit un instant qu'une bagarre éclate, mais Andromeda s'interposa entre eux.
-Retournez-vous asseoir, ordonna-elle d'une voix calme et douce qui ressemblait presque à une demande.
Severus fut stupéfait de voir qu'ils lui obéissaient. Lentement, fusillant son cousin du regard, Bellatrix rangea sa baguette pendant Sirius que retournait s'asseoir, un air rageur au visage et des éclairs dans les yeux.
-Viens, on va voir Rodolphus, décréta Bellatrix avec mauvaise humeur en empoignant violemment le bras de Severus.
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Severus se laissa glisser le long du mur et s'assit par terre pendant que Bellatrix et Rodolphus se mettaient à rire. Apparemment, les deux enfants se connaissaient aussi bien que Lucius et lui. Leurs parents devaient sûrement être bons amis.
Le fils Rogue ne se sentait pas en phase avec eux. Il ne les connaissait pas et ne savait pas vraiment quoi leur dire. Tristement il jeta à un regard à Lucius et à Narcissa qui éclataient de rire. Décidément, le seul plus isolé que lui était bien Sirius…
Il tourna la tête vers celui-ci et eut un pincement au cœur. A présent il était le plus isolé car le fils Black et Andromeda étaient ensemble. Certes, Sirius restait froid et continuait de se balancer sur sa chaise, mais sa cousine tentait de lui parler et posait une main apaisante sur son bras.
Severus soupira et baissa la tête. Après quelques instant, il se décida à rejoindre Lucius. De toutes façons, le blondinet n'avait-il pas fait comprendre tout à l'heure, dans le parc, que les filles étaient inintéressantes ? Elles ne jouaient pas aux jeux des garçons et préféraient rester avec leurs petites poupées… mais alors pourquoi semblait-il si à l'aise avec Narcissa ?
Alors qu'il ruminait ses pensées, la porte s'ouvrit timidement.
Un sourire illumina le visage de Severus lorsqu'il reconnut la personne qui venait d'ouvrir.
-Maman ! s'exclama-il en courant se jeter dans les bras de la femme aux longs cheveux noirs.
Martha Rogue prit son fils dans ses bras et embrassa tendrement son front avant de se relever et de s'adresser à tous les enfants qui avaient cessés leurs occupations. Même Sirius avait arrêté de se balancer sur sa chaise.
-Je suis juste venue de vous dire que vous pouvez aller dans le jardin maintenant, annonça-elle en souriant. Sinon, Severus, tu pourrais emmener tes petits camarades dans ta chambre. C'est comme vous voulez. Mais si vous préférez vous pouvez rester ici. Allez, je me sauve. A plus tard mon poussin.
Elle se pencha sur Severus et l'embrassa à nouveau sur le front avant de repartir, ce qui se serra le cœur de son fils. Il aurait aimé qu'elle reste…
Sirius se leva et s'étira ostensiblement.
-Je vais aller dans le jardin, annonça-il.
Son ton était toujours aussi froid, et cela laissait à penser qu'il disait cela afin de bien faire comprendre qu'il ne voulait voir personne à l'extérieur. Il passa la porte, suivi du regard par ses camarades. Bellatrix ricana tandis que son cousin partait dans le couloir.
-Avec un peu de chance, déclara-elle en donnant un coup de coude à Rodolphus, on pourra le noyer ! J'ai entendu dire qu'il y avait un lac dans ce parc…
Elle jeta un regard interrogateur à Severus pour lui demander confirmation sur la présence dudit lac et celui-ci fit un léger signe de tête. La jeune fille se fendit d'un large sourire.
-Narcissa ! cria-elle en direction de sa sœur blonde. Si on noyait Sirius dans le lac ?
Celle-ci haussa les épaules avec dédain.
-Sirius est un cas, déclara-elle en remettant ses cheveux en place. Il est irrécupérable. Le faire disparaître ne me dérangerait pas, mais le tuer d'une manière aussi barbare, ce n'est pas pour moi.
Sur ce, elle reprit sa conversation avec Lucius. Bellatrix soupira et se tourna vers Rodolphus.
-Toi tu m'accompagne ? lui demanda-t-elle.
-Evidemment ! répliqua Rodolphus un peu vexé : comment pouvait-elle en douter ?
Ils se tournèrent alors tous deux vers Severus qui senti qu'une boule se formait à son estomac.
-Et toi ? demanda Bellatrix en le fixant dans les yeux, bras croisés sur le torse.
Le fils Rogue déglutit et baissa la tête.
-A part le fait qu'il nous regarde mal et qu'il nous déteste, je vois pas pourquoi on devrait le tuer… déclara-il avec hésitation, sentant qu'un mot mal placé pourrait lui attirer les foudres des deux autres.
Rodolphus et Bellatrix échangèrent un regard éloquent en haussant les sourcils.
-C'est vrai qu'il ne le connaît pas… fit le fils Lestrange, comme pour justifier une bourde énorme que Severus aurait commise.
-On va lui expliquer alors, déclara Bellatrix avant de se tourner vers le fils Rogue. Mon cher cousin n'adhère pas à nos valeurs, reprit-elle d'un ton supérieur. Il les déteste même. C'est pour ça qu'il nous méprise.
Severus n'était pas sûr de comprendre. Il hésita un instant avant d'avaler sa salive avec difficulté et d'oser demander :
-Quelles… valeurs ?
Rodolphus recula de surprise et les sourcils de la jeune Black se haussèrent tandis que sa bouche se tordait.
-La pureté du sang, allons ! répondit-elle d'un air surpris mêlé de suspicion.
De toutes évidences, elle commençait à se demander si le fils Rogue n'était pas lui aussi un traître au sang.
Severus hocha lentement la tête, signifiant qu'il avait compris. Mais il n'avait toujours pas saisi pourquoi ce désaccord engendrait une haine si grande.
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Severus referma la porte de sa chambre et se tourna vers Narcissa et Lucius. Les deux enfants s'étaient déjà rués sur les jouets de leur ami. La fillette avait ramassé le petit cheval de bois brisé et le reconstituait tant bien que mal, pendant que Lucius s'emparait du modèle miniature de Comète 360. C'était le tout dernier modèle de balai de Quidditch, et la réplique miniature était un balai taille enfant qui permettait de s'élever à quelques centimètre du sol. Le blondinet s'amusait à tourner en rond dans la chambre en poussant des cris de joie.
Severus alla s'asseoir à côté de Narcissa qui réparait le jouet avec une dextérité surprenante.
Tout en la regardant faire, il repensa à cette histoire de pureté du sang. Il ne comprenait pas toute cette affaire, et à vrai dire, on lui en avait expliqué bien peu. C'était pour ça qu'il avait refusé d'allait avec Bellatrix et Rodolphus et qu'il avait emmené Lucius et Narcissa dans sa chambre. Il s'était tourné vers Andromeda pour lui proposer, mais celle-ci avait commencé à lire et il avait jugé préférable de la laisser.
-Tu as vu ? demanda Narcissa qui le sortit de ces pensées. Je l'ai réparé.
Elle tendait à Severus le cheval de bois.
-Merci ! répondit celui-ci sourire aux lèvres. Tu es douée !
Narcissa haussa les épaules, mais son petit sourire et ses joues soudain plus roses témoignaient que le compliment l'avait touchée.
-C'était pas dur.
Lucius leur passa devant à toute vitesse pour s'amuser, et Narcissa porta son regard vers la fenêtre.
-On voit le lac d'ici ? interrogea-t-elle. J'aimerais savoir si Bellatrix a finalement tenté quelque chose…
Sans même attendre la réponse, la jeune blonde se dirigea vers la fenêtre, se haussa sur la pointe des pieds et se mit à scruter l'extérieur. Bien vite elle abandonna.
-On voit rien, conclue-t'-elle en allant s'asseoir sur le lit de Severus. Mais bon, de toute manière, ils vont juste se provoquer et chahuter un peu, comme toujours…
Severus ne répondit rien. Tortillant ses doigts, il songeait que c'était une bonne occasion d'en savoir un peu plus sur cette affaire de sang pur. Mais il se demandait comment aborder le sujet…
-Dis Narcissa, se lança timidement le fils Rogue. Je sais pas trop de choses au sujet de la pureté su sang, des différences entre nous et les moldus… tu pourrais m'expliquer ?
La jeune Black eut un air choqué au visage et Lucius stoppa net en plein vol. Il descendit du balai et s'approcha des deux autres.
-Ses parents lui ont pas appris grand chose là-dessus, expliqua Lucius en posant une main sur l'épaule de Narcissa. Ils lui apprennent plein de sorts et tout, mais rien de ce côté.
-Mais se sont les bases Lucius ! s'indigna Narcissa.
-Je le sais bien… mais bon, on va lui dire nous.
Il alla s'asseoir à côté de Severus, gêné de la réaction de ses amis.
-Tu vois, commença Lucius en rejetant ses cheveux en arrière. Nous, on est des sangs purs, ça veut dire que dans nos familles il n'y a que des sorciers de pure souche !
-Je le sais ça ! répondit Severus en fronçant les sourcils. Je suis pas bête à ce point !
Narcissa pouffa de rire et Lucius continua.
-Donc y'a nous et y'a les Sangs-de-Bourbes, les enfants de moldus qui ont pas un sang pur. Ils ont du sang de moldus ! Les moldus sont des barbares et des idiots ! Ils se battent tout le temps pour rien et sont tellement stupides qu'ils peuvent même pas voir les détraqueurs ! Ils ne croient pas à la magie et tu sais ce qu'ils faisaient aux sorciers avant ? Ils voulaient les brûler ! Et ils sont tellement bêtes qu'ils brûlaient parfois des moldus… trop bêtes ! Pas capables de différencier un sorcier d'un de ces ramollis du cerveau ! Ils se battent à mains nue en plus ! Les moldus en fait, c'est pire que des animaux. Et leurs enfants, les Sangs-de-Bourbe, c'est exactement la même choses, et ils souillent la dynastie des sorciers. Nous, on est les vrais et dignes sorciers, à l'inverse d'eux !
Narcissa applaudit poliment et Severus hocha la tête. Il comprenait bien mieux à présent.
-Mais, ajouta-il finalement. Pourquoi Sirius hait les Sangs Purs et pas les Sangs-de-Bourbe ?
-Parce qu'il est un traître au sang, répondit Narcissa dont les yeux se plissèrent. Il connaît l'histoire mais il nous hait, nous, les sorciers de pures souches, à cause de nos valeurs ! Il nous déshonore, nous, les Blacks … et c'est pour ça que Bellatrix veut le tuer.
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Lucius se leva d'un air magistral qui rappelait son père, suivi du regard par Severus et Narcissa. Il remit ses cheveux en arrière toujours du même air fier, et désigna la porte par-dessus son épaule.
-Allons voir si Bellatrix a finit de noyer Sirius, proposa-t'-il avec malice.
-Comme tu veux, répondit Narcissia dans un haussement d'épaules avant de se lever. Mais je sais que ma sœur ne va faire que le chahuter.
La curiosité de Severus le poussa à accepter. Il se demandait si Bellatrix oserait vraiment tenter de noyer son cousin avec l'aide de Rodolphus, ou si comme Narcissa le prétendait, elle ne ferait rien de bien méchant.
Il se leva donc et sortit à la suite de ses amis. Lucius marchait devant, tel un général suivi de sa troupe, et les deux autres suivaient tranquillement.
-Dis Narcissa, commença Severus en tournant sa tête vers la blonde. Moi j'ai trouvé que Bellatrix avait l'air très déterminée. Pourquoi tu crois qu'elle essayera pas de le tuer ?
Severus nota que Lucius ralentissait un peu, sûrement se concentrait-il à présent sur la conversation. Il était, à n'en pas douter, lui aussi intéressé par cette question.
Comme à son habitude, la fille Black haussa les épaules.
-Elle doit craindre la réaction des adultes. Même si elle n'arrête pas de dire que ça serait un soulagement pour tous que Sirius meurt, elle sait bien qu'elle devrait payer. Depuis quelques temps elle n'arrête pas de dire que si elle ne tuait pas Sirius, c'était pour ne pas faire de peine à son père : notre oncle. Elle dit que maintenant elle va le faire, vu qu'ils vont avoir, lui et notre tante, un nouveau bébé. Mais il restera toujours la punition des adultes qui la retient… Quoique si elle peut faire passer la mort de Sirius pour un accident… qui sait ? Ensuite, je pense pas qu'elle oserait tuer quelqu'un… après tout, on est encore petits, même si elle est plus vielle que nous... les enfants ne tuent pas les gens.
Severus hocha la tête, et Lucius pressa le pas maintenant que la discussion était finie. Ils arrivèrent rapidement près du lac, où se tenaient Sirius, sa cousine et le fils Lestrange.
Rodolphus et Bellatrix s'amusaient à pousser Sirius en direction du lac, à l'extrémité d'une petite jetée de bois. Celui-ci, sourcils froncés et babines retroussées tentait de riposter et de s'esquiver. En voyant arriver Severus et les autres, il émit un grognement rageur.
-Deux contre un ça vous suffit pas hein ? Non, il faut que vous vous y mettiez à cinq ! Bandes de lâches ! En duel de sorcellerie vous feriez moins les fiers.
Bellatrix éclata d'un rire méprisant.
-Mon pauvre cousin, tout seul, tout martyrisé qui réclame un duel de sorcellerie alors qu'il n'a jamais lancé un seul sort !
Elle rit de nouveau, et Rodolphus susurra méchamment.
-De toutes manières Black, dit-il en poussant un peu plus Sirius, tu es tellement doué que tu te ferais exploser la baguette à la figure si tu en avais une ! Ça doit être pour ça que papa-maman ne t'en ont pas donnée !
Tandis que tout le monde éclatait de rire, Severus nota que le fils Lestrange tenait dans une main une baguette longue et noire qu'il faisait tourner entre ses doigts afin, à n'en pas douter, de narguer Sirius.
-Aller, fit Bellatrix en s'approchant de Sirius et en le prenant par les épaules. Bonne baignade !
Elle le poussa de toutes ses forces dans l'eau, mais Sirius s'y attendait. Il fit un pas de côté, laissant sa cousine s'avancer dans le vide, et la poussa violemment dans le dos. Entraînée par son poids et la force de Sirius, elle ne réussit pas à s'arrêter et tomba dans le lac dans un grand cri.
Tous ouvraient des yeux ronds et Rodolphus et Narcissa avaient même la bouche grande ouverte. Sirius se tenait en position défensive, poings levés, prêt à attaquer.
-A qui le tour ? tonna-il en scrutant les visages autour de lui d'un air menaçant.
Severus recula d'un pas, et Narcissa en fit prudemment de même. Rodolphus s'avança, prêt à venger son amie, lorsque la tête cette dernière sortie de l'eau en recrachant du liquide par la bouche.
-Tu va me le payer Sirius ! hurla-elle en se noyant à moitié. Je te jure que tu vas me le payer !
Tout en surnageant, elle leva un poing vengeur vers son cousin, la bouche tordue et le visage défiguré par la haine. Sirius rigola.
-C'est ça, à la niche ! Ou plutôt… au lac.
Rodolphus profita de cette diversion pour se jeter sur Sirius avec un cri sauvage. Lorsque le fils Black réalisa, il était trop tard.
Rodolphus lui plongea dessus, l'entraînant dans l'étendue d'eau, et Bellatrix du s'écarter pour ne pas qu'ils lui tombent dessus. Elle assista à la chute des deux garçons qui éclaboussa les alentours, puis les vit émerger. Ils tentaient de toute évidence, de se couler mutuellement.
-Noie-le Rodolphus ! l'encouragea-t-elle. Vas-y !
Les spectateurs restés sur la berge s'approchèrent du bord pour mieux voir. Severus, inquiet, se tordait les doigts. Il jeta des regards angoissés à ses camarades, et fut surpris de voir que Narcissa et Lucius semblaient extasiés. On aurait dit des accrocs au jeu en pleine partie.
Severus déglutit. Ca allait mal finir, il le sentait…
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Severus poussa un petit cri lorsqu'il sentit quelque chose lui agripper la cheville. L'attention de ses camarades se détourna alors du lac, où Bellatrix et Rodolphus plongeaient sous l'eau pour repérer Sirius qui leur avait échappé, pour se fixer sur Severus.
La bouche de Bellatrix se tordit en voyant ce qui tenait la jambe du fils Rogue.
-Il est là ! Severus, tiens-le on arrive !
Sirius était en effet agrippé à la jambe du pauvre Severus, et il lui tirait dessus, ceci semblant être plus pour vouloir l'entraîner dans l'eau avec lui que pour se hisser sur le quai. Severus senti son ventre se retourner. Il allait être emporté !
-Lucius ! Narcissia ! Je vais tomber ! cria-il en tentant vainement de s'éloigner du bord.
Les deux enfants prirent chacun Severus par un bras et le maintinrent fermement près d'eux.
-Il reste avec nous Black ! prévint Lucius d'un air menaçant.
-Et moi je vous dis que si je coule, il coule avec moi ! aboya Sirius en tirant encore plus violemment sur la cheville de l'enfant.
Severus commençait à avoir très mal, et il ne comprenait pas pourquoi Sirius s'en prenait spécialement à lui. Il ne lui avait rien fait bon sang ! Des larmes de douleur et de tristesse lui montèrent aux yeux tandis qu'il tentait une fois de plus de se dégager.
Il vit Rodolphus et Bellatrix prêt à attraper Sirius, mais ceux-ci stoppèrent net.
-Les parents ! s'écria Rodolphus. Aux abris, vite !
Bellatrix et son compagnon sortirent de l'eau en quatrième vitesse et Lucius et Narcissia coururent vers le manoir. Mais Sirius ne lâchait pas, et au lieu de se cacher, il continuait à tenter d'envoyer le fils Rogue dans l'eau.
-Lâche-moi ! gémit Severus en tendant de s'échapper. Les adultes arrivent ! Tu n'as pas peur ? Pourquoi tu me fais ça ?
Un sourire carnassier se dessina sur les lèvres de Sirius.
-Parce que je ne peux pas supporter ta tête ! Et en plus, t'es un petit prétentieux de Sang Pur !
Ce fut comme un coup de poing en plein ventre pour Severus, et il sentit son pied glisser dans le vide. Il heurta l'eau dans un grand bruit, mais il s'en fichait. Le choc de cette révélation le frappa plus lourdement que la chute, et l'attrista profondément. C'était injuste. Il était haï parce qu'il était le fils d'un sang pur et qu'on l'assimilait directement à ses ancêtres. On s'acharnait sur lui car sa tête ne plaisait pas. C'était vraiment le comble de l'injustice.
Il battit des pieds et remonta à la surface. Les larmes de ses yeux se mêlèrent à l'eau qui ruisselait sur son visage, tandis que Sirius le dévisageait avec méchanceté. Il entendit des bruits de pas et tourna la tête. Les adultes venaient d'arriver en courant et stoppèrent net sur la jetée. Il vit sa mère, qui en le reconnaissant étouffa un cri, mains sur la bouche.
Severus senti son cœur se serrer. Elle devait penser qu'il avait agressé Sirius ! En voyant la réaction des autres adultes, il déglutit. Ils étaient tous choqués, horrifiés, ou en colère. Et le petit garçon avait le mauvais pressentiment que ça allait très, mais alors très mal tourner.
-Que c'est-il passé ? rugit Damius Rogue qui se tenait à côté de Magnus Black.
Tous deux étaient véritablement furieux. Sourcils froncés, Magnus Black frappait du pied la jetée de bois, bras croisés. Il fixait son fils, comme s'il avait l'intime conviction qu'il avait tenté de noyer le fils de son hôte –ce qui n'était pas si loin que ça de la vérité, bien au contraire ! A l'inverse, Damius Rogue semblait penser que c'était Severus qui avait poussé Sirius à l'eau, et le regard mauvais qu'il jetait à son enfant laissait imaginer les pires sanctions possibles.
Severus ouvrit la bouche afin d'expliquer ce qui c'était passé, mais Sirius, fronçant les sourcils, ne l'entendait pas de cette oreille.
-Il a voulu me faire couler ! coupa vivement le fils Black en pointant Severus du doigt –ce qui manqua de peu de le plonger sous l'eau. C'est sa faute, monsieur Rogue !
Severus ouvrit la bouche de surprise et d'indignation. Son cœur fit un bond dans sa poitrine en voyant le regard meurtrier de son père. Il semblait prêt à sauter à l'eau étrangler son fils !
-C'est pas vrai ! balbutia Severus. Il ment ! Je n'ai rien fait du tout ! Demandez à Lucius, Bellatrix et les autres ! Ils étaient là ! Sirius était à l'eau et il m'a attrapé la cheville pour me faire tomber !
Severus n'aimait pas du tout mentir. Son cœur se serra à la pensée qu'il venait de le faire. Mais il se dit qu'il ne mentait pas vraiment… il dissimulait une partie de la vérité, c'est tout. Non pas qu'il tienne à protéger les autres, Bellatrix et Rodolphus ne comptaient pas vraiment pour lui, mais il savait qu'ils mentiraient tous pour ne pas subir de punition…
Le cœur de l'enfant se serra tristement. Même Lucius, qu'il considérait comme son meilleur ami, l'avait laissé seul, abandonné. Severus senti des larmes lui monter aux yeux à la pensée qu'il s'était peut-être totalement mépris au sujet de leur amitié.
-Franchement Damius, déclara Magnus Black en se plaçant en face de son ami, et coupant court aux sombres pensées de Severus. J'ai plutôt tendance à croire ton fils. Sirius n'est pas vraiment sociable, et ça ne m'étonnerait pas qu'il s'en soit pris à Severus comme ça…
D'un air des plus hautain, M. Black se tourna vers Sirius, et il semblait plus menacer son fils que s'adresser à son ami.
-Il nous fait réellement honte à Kathia et à moi… il est en train de très mal tourner… mais nous allons y remédier.
-Père, je vous dis qu'il m'a agressé ! répliqua Sirius avec hargne.
Il était décidément très convaincant dans le mensonge. Si Severus n'avait pas vécu la scène, il aurait pu se laisser verner avec facilité.
Le fils Rogue jeta un regard à sa mère qui avait les yeux pleins de larmes. Envahi d'un drôle de sentiment, il battit des pieds pour s'approcher du rivage, et quand il put enfin toucher le sol, il s'extirpa de l'eau et couru vers sa mère qui l'étreignit avec force, indifférente à l'eau qui trempait ses habits.
Le visage caché dans sa robe, Severus senti qu'elle lui caressait les cheveux. Il entendit Sirius sortir de l'eau et arriver lui aussi sur la pelouse.
Severus tourna la tête et pu voir Magnus empoigner férocement son fils par le bras, sans se soucier de se mouiller.
-Désolé de l'incident Damius, annonça-il. Kathia et moi allons partir.
Baltus Malefoy s'avança lui aussi vers le maître de maison et lui serra vivement la main.
-Nous allons aussi partir Endora et moi quand nous aurons récupéré Lucius. Prochaine réunion chez moi ?
Damius se força à sourire et approuva. Les Lestrange et les autres Black annoncèrent eux aussi leur intention de partir, et bientôt, seuls Damius, Martha et Severus Rogue furent encore présent sur la jetée. Et a en juger par le regard que leur jetait le père de famille, il n'avait pas cru la version de l'histoire de son fils...
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Severus ferma les yeux en entendant la porte claquer. Toujours dans les bras de sa mère qui lui caressait les cheveux en lui murmurant des mots réconfortants, il tremblait. Et pas que de froid. Il se pelotonna encore plus contre sa maman en entendant approcher les bruits de pas furieux de son père. Cela n'empêcha pas pour autant le maître de maison d'agripper violemment son enfant et de l'éloigner rageusement de l'étreinte maternelle.
Entraîné par son père, qui le traînait vers il ne sait où, Severus trébucha et s'étala par terre. L'homme se pencha sur lui, le visage déformé par la fureur, et Severus recula, toujours au sol. Son dos heurta le mur, et le petit garçon se recroquevilla sur lui-même.
S'attendant à être fermement relevé et entraîné dans un cachot, voir même frappé, il leva timidement la tête pour jeter un œil à ce qui l'attendait, gorge serrée. Martha Rogue s'avança vers son fils, l'air inquiet, mais son mari, sans même lui accorder un regard, la stoppa en étendant un bras devant elle.
Damius Rogue se pencha ensuite sur son fils, avec un air si menaçant que même le plus brave des hommes aurait flanché s'il en avait été la cible. Il empoigna Severus par le col de sa robe et colla son visage au sien.
-Qu'est-ce qui t'a pris d'agresser le fils Black ? hurla-il en envoyant à la figure de son enfant une salve de postillons qui l'obligea à clore les yeux.
-Je ne l'ai pas attaqué ! répondit Severus d'une voix tremblante. Je le jure !
Damius Rogue rejeta son fils au sol et recula d'un pas. Severus déglutit en voyant son père sortir sa baguette.
L'homme avait un air des plus mauvais que Severus ait jamais vu, et il était sûr que si il avait sorti sa baguette, c'était pour en faire usage. L'enfant tremblait, acculé contre le mur. Pensant à ce qui allait lui arriver, il sentit des larmes inonder ses yeux et courir le long de ses joues.
-Allons bon ! railla son père. Tu pleures maintenant ! Tu déshonore la famille en attaquant un sang pur et tu pleures ! Tu es vraiment un crétin Severus et… !
-Mais puisqu'il te dit qu'il n'a pas attaqué Sirius ! finit par crier Martha Rogue.
Elle se plaça, protectrice, devant son fils. Son visage, entouré de ses longs cheveux noirs, abritaient deux yeux bleus emplis de larmes. Du regard, elle implorait la clémence de son mari. Mais celui-ci sembla au contraire redoubler de fureur.
-Il a menti Martha ! rugit-il. J'ai vu qu'il avait menti au lac !
Severus fut parcouru d'un frisson. Son père avait utilisé la légimencie sur lui ! Néanmoins, au beau milieu de sa peur, de sa confusion et de son sentiment d'injustice, éclata du courage.
-Et sur Sirius ? Tu l'as pas utilisé sur lui ? Tu aurais su qu'il avait menti lui aussi !
La réaction de sa mère le toucha bien plus que celle de son père. Martha Rogue se retourna lentement vers son fils.
-Severus… tu as menti ? répéta-elle sans oser y croire.
Elle avait l'air choquée et profondément triste, et l'enfant senti son cœur se serrer douloureusement dans sa poitrine. Il l'avait déçue.
Damius Rogue quant à lui, était totalement rouge et semblait prêt à lancer un sortilège éradiquant toutes vies à dix kilomètres à la ronde, dans la totale indifférence des sentiments de son fils et sa femme.
-J'ai juste caché une partie de la vérité, maman, dit tristement Severus en baissant les yeux. Si j'avais dit aux adultes que Bellatrix et Rodolphus avaient poussé Sirius à l'eau…
-Tu oses accuser les autres maintenant ? vociféra le père de famille en poussant sa femme en arrière pour atteindre son fils. Attends un peu… !
Il leva en l'air la main qui ne tenait pas sa baguette, prêt à frapper. Martha Rogue courut entre son fils et son mari du même air implorant qu'auparavant.
-Damius, non ! supplia-t-elle.
Mais il était trop tard. Le coup était déjà parti, et Martha Rogue tomba à la renverse sous l'effet du choc qu'elle venait d'encaisser à la place de son fils.
-Et voilà, jura Damius Rogue en se penchant avec colère sur sa femme à terre. Il a fallu que tu t'interpose !
Severus recula le plus loin possible du maître de maison qui commençait à présent à tourner autour de sa femme en hurlant et en faisant de grands gestes énervés. Il alla se blottir contre l'angle de deux murs et se recroquevilla en essayant de ne plus entendre son père crier.
Il sentit les larmes couler sur ses joues, un peu plus abondamment à chaque parole de son père, et bientôt, Severus fut secoué par des hoquets de tristesse. Lorsqu'il releva la tête, il put distinguer aux travers de ses larmes, sa mère recroquevillée, et au-dessus d'elle, son père qui avait la main levée.
Severus ferma les yeux et détourna la tête. Mais cela ne l'empêcha pas d'entendre.
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Une larme roula sur la joue de Severus et tomba sur son parchemin, diluant les mots écrits à l'encre qu'il venait de poser sur le papier. Mais il s'en fichait.
Il trempa à nouveau sa plume dans le pot d'encre et continua d'écrire en laissant les larmes couler.
Il renifla dans sa manche en songeant à sa mère. Comment allait-elle ? La reverrait-il bientôt ?
Severus avait été conduit de force dans une petite pièce ne contenant que des ouvrages magiques.
«Tu ne sortiras d'ici que quand tu auras tout lu » avait dit son père froidement. « On t'amènera à manger régulièrement, et toutes les semaines je passerais voir si tu as progressé, et si tel est le cas, tu pourras sortir pendant une heure »
Cela faisait déjà deux semaines qu'il était là. Deux semaines sans voir sa mère. Il avait pu sortir une heure dimanche dernier, mais il ne l'avait trouvée nulle part.
A cette pensée, les larmes se firent plus abondantes encore, et Severus posa sa plume. Il prit la bougie sur son bureau, seule source de lumière de la pièce, et se dirigea vers le lit de fortune qui lui avait été aménagé.
Il s'assit sur les draps blancs, posa la bougie à terre et observa les ombres produits par la flamme sur les murs sobres de la pièce.
Celle-ci était assez petite, avec un plancher de bois froid qui gela les pieds de Severus lorsqu'il ôta ses chaussures et chaussettes pour enfiler son pyjama.
Son père ne lui avait pas fait de cadeaux.
Deux grandes étagères de bois noir, comme des rayons de bibliothèque, montaient jusqu'au plafond et un petit escabeau permettait d'attraper les plus hauts ouvrages.
Juste à côté, se trouvaient le petit bureau et la chaise de bois que Damius Rogue avait fait transporter de la bibliothèque à ce 'purgatoire'.
C'était le seul mobilier de l'étroite pièce. Severus dormait à même le sol, sur un matelas qui ne parvenait pas vraiment à diminuer la rudesse du parquet.
Il enfila son pyjama, le seul autre vêtement dont il disposait ici et s'allongea dans son lit avant de souffler flamme de la bougie.
Les larmes coulaient toujours sur ses joues quand Severus leva les yeux vers une toute petite lucarne, entre les deux rayons de bibliothèque, par où filtrait la faible lumière nocturne de la lune qu'il ne pouvait voir.
Il pensait à sa mère, à la façon dont elle lui caressait les cheveux, à son parfum, à la manière dont elle chantonnait en le peignant, et à son sourire si affectueux.
Il tendit la main, s'imaginant toucher la chevelure noire de sa maman, mais la ramena bien vite vers lui pour essuyer ses larmes.
-Maman… murmura Severus d'une voix étouffée de chagrin. Je t'aime…
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