Smitty le Basilic.

Chapitre V.

- Si ce que je fais ne vous intéresse pas, dites-le-moi tout de suite, M. Potter.

Harry abaissa un œil sur son amant qui… qui… bref, et eut un sourire d'excuse.

- Désolé.

Severus soupira, revint à sa hauteur à côté de lui sur le lit, et lui passa une main dans les cheveux.

- Quelque chose qui ne va pas?

Harry adorait quand il était… moui, peut-être pas gentil mais… concern comme à ce moment-là.

- Non, rien.

- Harry?

Et maintenant il était inquiet. Harry roula dans ses bras et l'embrassa.

- Rien du tout, c'est vraiment stupide. (Il lui mordilla l'oreille.) Dis-moi, tu en veux toujours un peu à Smitty pour le coup de Filtre des Bacchantes, non?

L'homme grommela.

- Alors voil

(Quelques chuchotis plus tard…)

- Malefoy?

Harry hocha la tête avec enthousiasme.

Severus cacha la sienne entre ses bras.

Et oui. Malefoy.

Draco Malefoy. Qui ne traînait plus avec eux depuis un certain temps déjà… Depuis une certaine transformation…

- Draco?

Ginny regarda le meilleur ami de son frère avec de grands yeux.

- Oui, il est beaucoup plus sympa qu'on pourrait s'y attendre… Et puis il a un humour tordu assez marrant… Et il est beau… sexy, même… Riche. Sérieux. Mature. Intelligent. Charmant. Bref, plutôt parfait. Mais, Harry…

Elle lui jeta un regard bizarre.

- … je préfère les filles!

Il ne s'attendait pas du tout à ça.

- Et ton coup de foudre sur moi il y a des années?

Elle grimaça.

- Tu étais le fameux Harry Potter…

Harry grimaça.

- … maintenant tu es juste Harry! conclut-elle joyeusement.

Harry sentit un poids s'envoler de sa poitrine.

- Et donc, c'était juste pour approcher Pansy Parkinson… ce qui est fait, d'ailleurs…

- Ron est au courant?

- Hein? Non, le pauvre. Au fait, pourquoi tu me demandais ça?

(Murmures, murmures…)

- OH GENIAL! – pardon. Mais faudrait d'abord être sûr…

- C'est pour ça que j'ai besoin de toi, confirma Harry.

~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

L'attaque le prit par surprise. Lui. Un Malefoy. Draco Malefoy.

- Heeeuuuu… écoute Ginny…

- Ne te fait pas d'idée, crétin, c'est pas pour moi c'est pour une amie!

Ben voyons, on lui avait fait cent fois le coup de l'amie… quoique non, c'était vrai, Ginny Weasley sortait avec Pansy… Draco inspira un grand coup, et fit son sourire le plus charmeur.

- Je suis déjà pris.

- Oh.

La rouquine n'eut même pas l'air déçu. Plutôt curieuse.

- C'est qui?

Ark. Changeons de stratégie.

Il prit un air légèrement méprisant.

- Ce ne te regarde pas, je crois.

Dommage, essaie encore…

- Alleeeeez… Tu peux me le dire!

- Non.

- Alors, fit-elle simplement en lui agrippant le bras, je ne te lâche pas.

Ils engagèrent un terrible duel optique.

Puis elle l'eut à nouveau par surprise.

- Allez, dis-moi, sourit-elle avec un clin d'œil complice, tu préfères les garçons non?

Double "Ark!"

- Qu'est-ce que tu rac –

- Oh, c'est bon! Je ne dirais pas que ça se voit tant que ça mais…

Quoi?!

Draco paniqua.

- Ca se voit tant que ça?!

Et sut qu'il venait de se faire avoir.

- Faut pas avoir honte, tu sais, dit gentiment la fille en lui tapotant la joue. T'es pas le seul… A plus!

Elle le laissa atterré.

Et si elle allait bavarder? Et si tout le monde allait en jaser?

Non, non, non, voyons, ce n'était pas le genre des Gryffondors – et même si cette Gryffondor-là avait activement travaillé à la mise en ménage d'un sauveur du monde et d'un Maître des Potions, ce qui était une attitude somme toute peu gryffondoresque, Ginny était d'abord assez sympa et ensuite assez au concernée pour comprendre qu'une telle situation était assez inconfortable…

Mais qu'est-ce qu'il était bête! D'abord Ginny n'irait pas parler puisqu'il savait à son sujet et au sujet de Potter et au sujet de Snape! Et puis d'abord il était trop con de se faire du mouron pour ça, et vraiment dégueulasse de penser qu'elle pourrait lâcher ça comme ça – mais ça c'était plutôt dû à l'absence de personnes se préoccupant véritablement de lui auparavant. Et puis il s'en fichait de l'opinion que les gens pourraient avoir sur lui, il s'en fichait d'être un Malefoy – il en avait même eu un peu honte quand son père avait pété les plombs – et puis il allait se coucher.

Arrête de pleurer sur toi-même, Draco. Dors.

Du moins essaie.

L'adolescent lui sourit très légèrement puis se glissa à côté de lui sans rien de plus qu'un froissement de tissus. Un corps tiède se blottit contre le sien, des mains rampèrent sur son corps, effleurèrent ses hanches, se posèrent sur son ventre et le parcoururent sensuellement. C'était délicieux.

Draco sourit et se retourna, savourant les effleurements de leurs deux peaux. L'autre darda une petite langue à la rencontre de la sienne, et ils échangèrent un étrange baiser incongrûment délicieux, le bout de leur langue se caressant légèrement, avant de glisser et commencer à explorer leurs lèvres respectives. Draco lécha la commissure de la bouche de l'autre comme on lèche une friandise, et c'était une friandise, cette bouche fine et bizarrement excitante qui semblait toujours imperceptiblement se moquer, mais sans qu'on en soit jamais sûr… Il roula sur le corps fin et tortillant, le plaqua sur le matelas, essaya de l'immobiliser complètement, sachant qu'il n'y parviendrait jamais, quoiqu'il fasse. L'autre eut un son satisfait, à mi-chemin entre le ronronnement et le sifflement, et se frotta, s'étira voluptueusement contre lui. Draco laissa ses lèvres glisser jusqu'au cou fin, remonter derrière l'oreille, et mordilla, presque violemment, tandis que des jambes et des bras nerveux s'enroulaient autour de lui. Il s'embrassèrent.

C'était un baiser comme jamais Draco n'en avait expérimenté. Il avait déjà échangé des baisers-bécots, avec de la famille, avec des filles, timidement. Il avait échangé des baisers-patins, avec d'autres filles, des garçons – il en gardait en général un souvenir vaguement ennuyé, sinon dégoûté. Il avait échangé quelques rares baisers assez charnels, dans le feu de l'action, assez agréables mais surtout liés au plaisir qu'il ressentait au même moment.

Là… Là la langue de l'autre allait à la rencontre de la sienne sans timidité, mais sans précipitation non plus, sans prétentions de savoir-faire, sans idées préconçues, juste guidée par le calme plaisir de mêler leurs deux bouches, de partager ce bien-être mouillé, chaud, légèrement immoral et tellement si simplement bon. Il explora ses dents, son palais, rencontra sa langue, l'enroula avec la sienne, recommença, écrasa ses lèvres sur les siennes, tous deux produisant d'adorables petits bruits mouillés sans retenue. Contents d'eux.

Et tandis qu'ils continuaient, continuaient à se goûter l'un et l'autre, leurs mains se mirent en mouvement, explorèrent, firent plaisir, firent frissonner, flattèrent. C'était naturel, c'était agréable, et ils plaignaient les autres de ne pas connaître ça, cette sensation, celle-là précisément, ils les plaignaient de ne pas être à leur place, de ne même pas savoir ce qu'ils manquaient. Draco rompit le baiser à contre-cœur, se contentant de rester là à soupirer à l'oreille de l'autre, de laisser sa bouche là, de lui transmettre par ses souffles irréguliers tout ce que les mains fines déclenchaient en lui, et en contre-partie laissa les lèvres chaudes respirer contre sa propre oreille, lui transmettre tout le désir soudain de l'autre, ses tremblements, ses –

- JE TE DIS ET RE-DIS QUE NON!

Draco s'éveilla en sursaut et regarda frénétiquement autour de lui.

Il lui fallut un petit moment pour reconnaître le dortoir – s'apercevoir que le hurlement qui l'avait réveillé provenait d'un Goyle criant dans son sommeil – et qu'il était bien tout seul dans son lit.

Nu, la main entre ses jambes, mais seul.

Son juron s'acheva en gémissement douloureusement excité. C'était injuste! fut sa première pensée. Tu devrais avoir honte, fut la deuxième.

Oh oui il avait honte… Délicieusement, perversement honte. Il n'aurait échangé ce genre de rêve pour rien au monde. Il en rêvait même le jour, de ces rêves, il en redemandait. Il commença à se caresser lentement. Honteux. Dégradant. Tellement, tellement bon. Une fantaisie, un secret à lui. Quelque chose qui n'arriverait certainement pas, il n'y avait aucun risque. Il soupira et mordit dans l'oreiller, sa main continuant son petit travail, la traîtresse…

Pourquoi, pourquoi fallait-il seulement que ça soit lui?

- … ET DRACO MALEFOY VIENT DE SAISIR LE VIF D'OR, C'EST UNE VICTOIRE ECLATANTE POUR SERPENTARD FACE A SERDAIGLE, AVEC UN SCORE DE 420 A 60! CE QUI RENVOIE GRYFFONDOR A LA DEUXIEME PLACE, ET C'EST SERPENTARD QUI REMPORTE LA COUPE DE QUIDDITCH CETTE ANNEE!!!

Draco atterrit avec un soupir de soulagement. Le match avait été interminable – permettant ainsi à ses coéquipiers d'enchaîner but sur but. Mais finalement il l'avait eu, ce foutu Vif d'Or. Il s'achemina vers les vestiaires, son corps douloureux présageant de jolies courbatures pour le lendemain.

- Super, Draco! T'as bien assuré pour le dernier match de la saison!

- J'en connais qui doivent pas être contents!

Oui, Harry devait tirer la tronche… Il se promit de bien l'embêter avec ça –  enfin, quand il le verrait – s'il le voyait. S'il le rencontrait seul un moment, quoi. Ou du moins sans…

Il inspecta, nettoya et rangea soigneusement son balai, prenant son temps tandis que ses coéquipiers se chamaillaient sous la douche. Il espérait seulement qu'ils ne lui piqueraient pas toute l'eau chaude – il voulait une douche bien brûlante et il voulait y rester des heures tranquillement.

Finalement ils revinrent s'habiller, lui abandonnant la place déjà remplie de vapeur, et il tourna le robinet avec un soupir de plaisir. Il resta un long moment immobile, laissant l'eau couler sur sa peau rouge de chaleur, le nettoyer, détendre ses muscles noués. Le bruit du reste de l'équipe quittant les vestiaires lui parvint vaguement, et il se força à se bouger un peu avant d'avoir atteint un mode de cuisson trop élevé.

Au bout d'un bon moment, rincé des dernières traces de savon et de shampoing, il sortit de la douche… et tomba presque nez à nez avec une personne qu'il ne tenait absolument pas à rencontrer.

- Sa… salut, bégaya-t-il.

Le Basilic le dévisagea sans aucune gêne apparente, et alla même un peu plus loin que le dévisager, car par définition "dévisager" porte sur le visage et les yeux écarlates s'écartaient un peu de son visage et…

Draco s'empara maladroitement d'une serviette pour cacher ce qu'il aurait bien aimé avoir caché un instant plus tôt. Smitty le regarda avec curiosité.

- Qu'est-ce qu'il y a?

- La pudeur, tu connais? ne put s'empêcher de siffler un peu acerbement Draco.

L'autre haussa imperceptiblement les épaules – toujours tout imperceptiblement chez l'adolescent, enfin le Basilic, enfin le truc, pensa Draco: les sourires, les expressions, les gestes… comme si rien ne valait pas la peine d'en faire plus.

- C'est une idée d'humains, fit l'Anthropomagus sans bouger. Après tout, commença-t-il à expliquer impassiblement, le modèle est le même, il n'y a que des légères variations après, et –

- Oui ben tu permets, je n'ai pas le temps de discuter grandes théories, là, répondit sèchement Draco en le contournant et en saisissant des affaires propres.

L'autre resta un moment silencieux.

- D'accord, fit-il enfin. Excuse-moi.

Et Draco crut percevoir une imperceptible – encore une fois – déception dans sa voix… ou était-ce de la tristesse? Mal à l'aise, il enchaîna d'un ton plus sympathique, continuant à s'habiller sans se retourner.

- Qu'est-ce que tu fais par ici?

- Oh. Je cherche Harry et Ron. Ils m'ont dit qu'ils allaient te féliciter. Félicitations, au fait.

- Merci, fit Draco en se retournant avec un sourire.

Son sourire se figea un peu quand il s'aperçut que Smitty s'était assis sur un banc et continuait à l'observer, indéchiffrable. Draco déglutit et enfila prestement son T-shirt.

- Mais je ne les ai pas vus, ajouta-t-il rapidement. Et… et toi? Comment vont tes leçons de balais?

Hé, minute. Je l'ai toujours vouvoyé! Pourquoi je le tutoie?

- … pas glorieux, répondait la voix du Basilic. Je crois que je désespère Bibine.

- Tu ne peux pas être parfait en tout! se moqua Draco.

- Je ne suis pas parfait.

- Presque, même Granger tire la tronche, maintenant…

Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et lâcha sa chaussure à la vue d'un Smitty légèrement rouge – que lui avait dit Harry, déjà? ah, oui, que bizarrement l'impassible Basilic pouvait piquer des fards formidables – et accessoirement adorable. Ah nan. Ah nan pas maintenant. Couch, s'intima-t-il silencieusement.

Putain d'hormones.

Enfin habillé, avec sa large – Merlin merci – robe cachant soigneusement tout ce qu'il y avait à cacher, il fit face à l'adolescent et lui sourit poliment.

- Bon, ben j'y vais. Si je vois les deux autres je leur dis que tu les cherches. Salut!

Et il s'enfuit prendre une autre douche.

Sans deviner que, dans le placard aux balais légèrement entrouvert, les deux autres en question échangeaient un regard désespéré en secouant la tête.

Loupé.

- La potion d'aujourd'hui nécessitera toute votre attention et votre prudence…

Draco essaya de garder ses yeux ouverts. Il devait absolument arrêter de rêver comme ça. Question de vie ou de mort.

Il devait arrêter tout court. De rêver, de fantasmer, et de s'inventer de jolis contes de fées. Il avait plus l'âge.

- … et par conséquent former des groupes légèrement plus équilibrés que ceux que je vois ici.

Hein? Quoi?

Il observa Snape placer les élèves deux par deux. Granger/Londubat. Blaise/Crabbe. Pansy/Patil (houlà). Milicent/Goyle. Weasley/Thomas. Brown/Finnigan. Il se rendit compte, amusé, qu'il n'arrivait toujours pas à considérer les deux abrutis comme des "Vincent" et des "Gregory". Question de trop grande différence de niveau intellectuel, certainement. Alors que Potter était devenu "Harry" et…

- Potter. Mettez-vous là. Puisque vous avez haut et fort proclamé la dernière fois être capable de réaliser une potion seul, nous allons immédiatement le vérifier.

Ben voyons. Draco eut un sourire pervers puis cligna innocemment des yeux quand Snape le regarda.

- Malefoy, fit ce dernier avec une lueur étrangement dumbledoresque dans les yeux, vous expliquerez à Smith la manipulation de recristallisation.

Hein?

Oh nooooooooooon…!

Il sentait bon. Il sentait incroyablement bon le shampoing aux herbes.

- Le principe est simple, expliqua-t-il, sa voix passant en mode auto-pilote, tu dissous tes cristaux en chauffant…

Et puis il avait des mains fines, presque fragiles.

- … puis tu recristallises en plongeant dans de l'eau et des glaçons…

Un corps tout tiède juste à côté du sien…

- … et du coup tes impuretés restent dans le solvant et la matière obtenue est plus pure…

Pur, voilà, et bizarrement innocent, voire naïf.

- D'accord.

Ils mirent en route la manipulation, puis commencèrent à patienter.

Smitty avait attrapé un glaçon et jouait machinalement avec, le passant rapidement de main en main pour éviter le froid, ses doigts gracieux et souples le rattrapant habilement. Draco, se sentant stupidement ouvrir la bouche mais n'y pouvant rien du tout, regarda le petit cube de glace commencer à fondre le long de la peau rougie et –

Et son compagnon l'envoya d'un geste précis dans le col de leur voisin de devant.

Bon, peut-être pas si innocent que ça.

Blaise bondit avec un "YARK!" sonore et Snape abandonna Harry pour venir voir ce qui se passait.

- Je suis désolé.

Smitty se tenait devant lui et s'excusait d'un air toujours aussi peu expressif, ses yeux rouges plantés dans les siens, ses mèches légères effleurant sa bouche.

- C'est pas grave, croassa enfin Draco.

Après tout, leurs Maisons avaient juste chacune perdu 250 points, pas de quoi en faire un plat.

Un imperceptible – encore – toujours – sourire timide se posa sur les lèvres de l'adolescent.

- Tu es sûr?

- Oui, oui.

L'Anthropomagus soupira légèrement.

- Tant mieux. Tu sais… c'est… c'est tellement amusant de faire des bêtises, fit-il d'un air songeur.

Il resta un moment à contempler ses mains, perdu dans ses pensées, puis releva brusquement la tête.

- Je peux me remettre avec toi la prochaine fois?

C'était l'enfer et le paradis à la fois. Draco voulait s'enfuir en courant, et attendait chaque jour plus impatiemment.

Puis il recommença à traîner avec Harry… dût reconnaître que cela lui avait manqué… même si Weasley le regardait bizarrement. (Et si par hasard Weasley…? Non, il était indécollable de Granger.)

- Non. Non. Non. Je n'y arrive tout simplement pas.

Granger soupira, arracha la baguette des mains de Draco, et la lui agita sous le nez.

- C'est parce que tu joues au chef d'orchestre, avec ta baguette! Regarde… Evanesco.

Le livre disparut.

Draco renifla.

- C'est marrant, intervint Harry, pourquoi tu n'as pas besoin de baguette, toi, Smitty?

L'adolescent cessa de regarder rêveusement par la fenêtre, tel un archange qui – que – arrête ça Draco – et se mordilla pensivement la lèvre – argh.

- Je suppose qu'en tant que créature magique, je maîtrise instinctivement mieux mes pouvoirs. Je pense blablabla…

Le Basilic avait parfois un petit côté bavard que Draco adorait. Ou plus exactement il adorait pouvoir l'observer en faisant semblant de l'écouter, sans que personne ne se doute de rien et…

- Draco, arrête de baver et remets-toi au travail, lâcha distraitement Granger.

Bon. Ok.

A trois semaines des examens, Harry le coinça dans un couloir, l'attrapa par le col et planta ses yeux dans les siens.

- Draco. Quand est-ce que tu vas bouger ton cul?

Le blond le dévisagea d'un air hébété.

- Quoi?

Le Gryffondor le regarda très sérieusement.

- Outre que j'adorerais vous voir ensemble, Smitty a besoin de quelqu'un. Qu'est-ce que tu penses qu'il va devenir après les NEWTs? Dumbledore se bat déjà bec et ongles pour le sauvegarder du Département des Mystères qui adorerait découper en morceau le tout premier Anthropomagus pour voir comment il fonctionne. Il se bat aussi pour qu'on lui accorde l'état civil qu'une bande d'abrutis lui refuse, sous prétexte que ce n'est qu'un intéressant phénomène magique, mais qui n'a rien à voir avec un être humain. Ils veulent le mettre dans un zoo, Draco. Tu vois Smitty dans un zoo?

Draco voyait surtout rouge. Comment quelqu'un osait-il traiter/parler/considérer Smitty comme ça?

Harry lui tapota la joue.

- Je vois que tu as compris. Je te le confie, alors.

Il fallut un moment à Draco pour revenir sur terre.

- Hé, mais att –

Harry était parti.

Il gisait passivement dans un fauteuil de sa chambre de Préfet en Chef, où il aimait bien de temps en temps passer une nuit tranquille, torturant sa petite cervelle pour en sortir une bribe de raisonnement structuré, quand la porte s'ouvrit et que Smitty entra.

Délicieux dans un pyjama trop grand. Le regardant, la tête penchée sur le côté.

- Ca ne va pas?

Ce type était tout ce qu'il y avait de plus adorablement humain, songeait Draco tandis que l'adolescent continuait à le regarder d'un air curieux, et il tuerait le moindre scientifique qui oserait l'enfermer dans une cage – quoique, le Basilic était bien capable de s'en sortir tout seul, se rappela-t-il, avec ses crochets empoisonnés et ses yeux qui tuaient et – une phrase de Harry, qui décidément connaissait mieux Smitty que lui, lui revint encore à l'oreille: "Il peut être humain comme Basilic comme les deux.". Mais pour l'instant, le poids tiède sur ses genoux était définitivement humain, décida-t-il, et même –

Sur ses genoux?!

Il n'eut que le temps d'ouvrir la bouche avant que Smitty ne pose ses lèvres sur les siennes. Et décida brusquement de se taire. Et d'apprécier.

La bouche était maladroite. Timide. Il aurait tué pour qu'elle continue à jamais. Puis il sentit Smitty se raidir et s'écarter légèrement, et l'agrippa par la nuque pour l'en empêcher. Il répondit au baiser, goûtant les lèvres entre les siennes, les mordillant légèrement, et attira le corps indécis encore plus près. Força le barrage des dents, glissa sa langue dans la bouche de l'autre, et reçu un petit hoquet de surprise en réponse. Alors il caressa sensuellement la langue de l'adolescent avec la sienne, l'attira à son tour dans sa bouche, la suça doucement, et là Smitty fondit dans ses bras. Littéralement.

Il repoussa doucement son visiteur et le regarda. Le Basilic, les yeux voluptueusement mi-clos, les lèvres gonflées et entrouvertes, les joues rosies, avait l'air complètement perdu.

- C'était une expérience… articula-t-il d'une voix rauque.

Draco se pencha et l'embrassa languissamment derrière l'oreille, s'enivrant de cette odeur délicieuse…

- Et elle est réussie? questionna-t-il d'un souffle chaud dans son oreille.

- Je… je ne sais pas…

- On va réessayer, alors.

C'était vrai, la science avant tout.

Au deuxième baiser Smitty ouvrit immédiatement la bouche, et Draco put comme il en avait rêvé l'explorer longuement, s'approprier ce bout de paradis mouillé, les laissant pantelants tous les deux. Les pupilles de l'Anthropomagus étaient superbement dilatées, pleines de surprise et de désir. Draco sentit son estomac se nouer.

- Je veux te toucher… murmura-t-il.

L'autre cligna juste des yeux.

Le Serpentard déboutonna la veste de pyjama et la repoussa doucement, laissant apparaître un torse fin et gracieux. Il y posa délicatement la joue, fermant les yeux, et put sentir la respiration irrégulière, et les battements de cœur affolés de l'adolescent qui eut un petit bruit plaintif. Quand il posa ensuite ses lèvres sur la clavicule délicate, deux mains s'agrippèrent à ses épaules et tentèrent de le repousser.

Si le visage du Basilic n'avait jamais laissé transparaître d'expressions intenses, il se rattrapait largement. Surprise, plaisir, léger effroi, Smitty donnait envie de le manger.

- Dra – Draco je…

Hu-ho. Un Basilic à court de mots. Draco embrassa légèrement ses lèvres, ses joues, sa mâchoire.

- C'est tout bon. Si tu veux quoi que ce soit, si tu veux que je ralentisse, si tu veux que j'arrête (Intérieurement il priait pour que ce ne soit pas le cas.), dis-le-moi.

- Mais… peut-être… chuchota Smitty d'une voix hésitante, peut-être que tu préférerais que ce soit quelqu'un d'autre… quelqu'un d'entièrement humain…

Une rage froide s'empara violemment de Draco.

- Arrête. Tu serais un Veracrasse que ça ne changerais rien. (Bon, si, peut-être, pensa-t-il à part lui-même.) C'est Smitty que je veux, Smitty le Basilic, Smitty l'Anthropomagus, je m'en moque. Mmmh… Donne-moi ta main.

Il la saisit et la guida entre ses jambes. Smitty sursauta et rougit encore plus violemment. Draco se donna mentalement quelques baffes, s'engueula en se répétant qu'il ne s'agissait pas de n'importe quel adolescent fauchant des journaux pornos à ses parents mais d'un Basilic relativement innocent, mais se pencha tout de même à son oreille et murmura le plus doucement qu'il put.

- Tu vois comme je te veux?

Un gémissement à faire bander un cul-de-jatte lui répondit. Smitty, inconsciemment peut-être, donna un léger coup de reins sur ses genoux, et Draco se fit violence pour ne pas bouger, pour ne pas écarter violemment ces cuisses fines, le renverser par terre et le pénétrer brutalement.

Le pyjama, d'abord.

- Viens, fit-il en le poussant doucement. Sur le lit.

Smitty le suivit, hésitant, mordillant nerveusement ses lèvres rougies. Draco l'attira, le fit s'allonger au milieu du grand édredon, et se pencha sur lui.

Merveilleux.

L'adolescent le regardait avec appréhension, incertain, son pyjama ouvert sur sa poitrine pâle et son ventre plat, et – Draco sourit, tendit une main vers un entre-jambe intéressant, se reprit, se pencha et l'embrassa délicatement. Pas trop vite, pas trop vite, se répéta-t-il. Smitty se détendait sous sa bouche, nouait ses bras autour de son cou, se soulevait pour se coller à lui. Draco se mit avec précaution à quatre pattes au-dessus de lui, laissant ses mains parcourir la peau fine, commencer à explorer le corps frémissant. N'y tenant, plus il le poussa doucement à se redresser, termina de lui ôter la veste de pyjama, fit rapidement de même, le fit se rallonger et s'allongea sur lui. Sous ses paupières à demi-baissées, le Basilic le regardait passivement, passionnément, et il poussa un faible cri quand Draco le recouvrit et s'attaqua à son cou. Le blond l'entoura de ses bras et lui caressa lentement le dos, de haut en bas, par longs gestes réguliers, tandis que sa bouche parcourrait sa gorge, ses épaules, descendait… Des doigts s'enfoncèrent dans ses cheveux quand sa langue passa sur un téton, et il y revint, suçant, léchant, mordillant, jusqu'à ce que Smitty sous lui ne soit plus qu'un petit tas tremblant.

- Ca va? chuchota-t-il tendrement en revenant à hauteur de la bouche du Basilic.

- Je… c'est… c'est bon… lâcha le garçon dans un souffle.

Draco sourit et revint à son travail. Il cajola l'autre téton un petit moment, puis descendit encore, parvint au ventre harmonieux qu'il attaqua un peu plus brutalement, jusqu'à ce qu'un gémissement satisfaisant lui parvienne. Une fine ligne de poils clairs, de cette étrange couleur gris-vert très léger, partait ensuite et disparaissait dans le pantalon de pyjama, qu'une bosse prometteuse soulevait. Draco posa la main de dessus, et reçu un sursaut en réponse. Il regarda son compagnon: les yeux fermés, la tête ayant roulé sur le côté, l'adolescent cherchait péniblement sa respiration.

- Smitty?

Les yeux écarlates s'ouvrirent, plongèrent dans les siens avec tout l'abandon du monde. Draco fit courir sa main sur le ventre plat.

- Est-ce que tu t'es déjà… retrouvé dans cet état?

- Non… (Un chuchotement.)

D'accord. Tout à apprendre… ce qui s'annonçait très excitant. Draco hésita un moment, puis saisit le pantalon à la taille, le baissa rapidement, et l'envoya balader. Puis regarda son Basilic.

Smitty se tortillait de façon adorable. Draco n'avait jamais vu ça. Sa propre érection réagit douloureusement à la vue de ce corps tout simplement offert, attendant, demandant sans le savoir. Sa respiration se bloqua quand l'adolescent, avec un gémissement, avança une main hésitante vers le sexe délicieusement tendu et se toucha légèrement. Quand Smitty le regarda, ses yeux étaient remplis d'incompréhension et de questions. Il se réallongea près de lui, entremêla ses doigts aux siens, et le guida, referma doucement la main sur le membre gonflé, et l'aida à se caresser. Il le dévora ensuite des yeux, se gava de cette bouche entrouverte où pointait parfois une petite langue, de cette gorge d'où s'échappaient des bruits rauques, de cette tête qui roulait de droite et de gauche tandis que le Basilic se laissait aller, suivait le rythme qu'il lui imposait, et ressentait finalement le tout premier orgasme de sa vie.

Draco se mordit brutalement le poignet pour ne pas jouir à son tour. Les larmes aux yeux, il caressa ensuite légèrement les lèvres de l'Anthropomagus, qui reprenait son souffle. Puis les yeux rouges s'ouvrirent et Smitty lui adressa un sourire… mmh… repus. Un serpent avec trois souris dodues dans le ventre, voilà à quoi il ressemblait. Draco rit silencieusement.

- Expérience concluante? chuchota-t-il en lui léchouillant l'oreille.

Toujours cette odeur de shampoing…

- Je suppose que oui… qu'est-ce que…?

Draco avait délicatement recueilli un peu de sperme sur son ventre, et le présentait devant sa bouche. Smitty darda une langue timide, lécha, puis attira les doigts dans sa bouche et suça… Draco fit trois aller-retours dans la bouche chaude, puis ne put se retenir et jouit violemment, maculant son pantalon. Quand il rouvrit les yeux, Smitty était penché sur lui, l'air inquiet.

- Ca va?

Draco retint un fou rire.

- Je… hoqueta-t-il (Merde, comment lui expliquer?)… tu faisais exactement la même tête trois secondes plus tôt…

- Oh.

Encore ce rougissement. Draco se redressa et le prit dans ses bras, entreprenant de le bécoter tranquillement. Smitty, les yeux clos, se frottait contre lui en ronronnant presque. Temps de passer à la vitesse supérieure, décida Draco.

Il le repoussa à nouveau contre les oreillers, et de sa bouche refit le même chemin que précédemment, simplement cette fois, après avoir proprement nettoyé le ventre, il descendit jusqu'à l'aine, l'explora consciencieusement, laissa de côté le sexe qui déjà, réagissait de nouveau, parcourut ses cuisses, grignota le pli du genou. Puis il remonta. Smitty le regardait, non, le dévorait du regard, et c'était très encourageant… Il embrassa légèrement le pénis dressé, les testicules, puis fit jouer sa langue, provoquant chez son partenaire de petits bruits qui résonnaient agréablement à ses oreilles. Il suça doucement la tête, savoura son goût délicieux, puis…

S'écarta.

Smitty eut un grondement de frustration. Au moins, il se prenait bien au jeu.

Draco roula sur le côté et attira l'adolescent contre lui. Tandis qu'il recommençait à l'embrasser, sa main se glissa entre ses cuisses, écarta, effleura son anus et commença à en caresser et détendre l'ouverture. En guise de réponse une jambe s'enroula autour de sa hanche, et Smitty se pressa encore plus contre lui. Parfait.

Il réussit le non-mince exploit de fouiller sous l'oreiller de son autre main, à la recherche de – ah! voilà… Le seul indice marquant de ses agréables rêves… Il avait depuis longtemps dépassé la honte de dormir avec un tube de lubrifiant sous son oreiller. Ses nobles ancêtres les Malefoy devaient s'en retourner dans leur tombe – bon, peut-être que passer la nuit avec un Basilic n'était pas non plus pour eux un comportement réellement envisageable… Draco s'en foutait.

Smitty le regarda simplement avec curiosité ouvrir le tube et s'en enduire les doigts, puis gémit quand il recommença à le caresser avec précautions. Draco lui murmura doucement à l'oreille, puis poussa lentement un doigt…

- Oh!

Oui, "Oh!", c'était délicieusement chaud et étroit et Draco ferma les yeux, se concentrant sur la sensation, ralentissant quand Smitty se contractait autour de lui, poussant un peu plus profond quand il se détendait… Le corps fin tremblait contre lui, il ne savait pas vraiment de quoi, mais visiblement ce n'était pas seulement de peine, et il glissa un deuxième doigt…

Des dents pointues s'enfoncèrent à la jointure de son épaule, et il se demanda confusément s'il allait en mourir… Au moins il mourrait heureux.

- C'est bon, murmurait-il doucement, c'est tout bon, tu vas voir… Smitty…

Continuant sa petite litanie, il bougea délicatement ses doigts, serrant l'adolescent contre lui, lui embrassant la gorge, jusqu'à ce que l'anneau de muscle se desserre une fois de plus, et il pénétra plus profondément, effleura enfin la prostate…

Smitty poussa un cri de plaisir et écarta encore plus les jambes. Draco ferma les yeux quand leurs deux sexes frottèrent l'un contre l'autre. Encore un peu, encore un peu…

Le troisième doigt fut accueilli avec un gémissement de peine et de plaisirs mêlés. Des bras tremblants s'accrochaient à lui, des ongles s'enfonçaient dans son dos. L'air sentait le sexe.

- Ca va aller… oh… Smitty…

Il retira ses doigts et se redressa. Smitty gisait, le souffle court, luisant de sueur. Le Basilic leva les yeux sur lui et articula juste "s'il te plaît…"

Draco s'enduisit lentement de lubrifiant, sans quitter son amant des yeux. Merlin qu'il le voulait. Il avait les reins en feu. Peu importait que Smitty ne fût pas humain à l'origine. Peu importait qu'il fût en vérité un serpent de cinq ans trop candide pour comprendre que tout n'allait pas tout seul en ce bas monde. Draco allait lui faire l'amour. Et ensuite il irait péter la gueule de tous ceux qui le menaçaient. Voilà.

Il s'agenouilla entre les deux jambes fines, souleva et écarta les cuisses chaudes, s'étonnant de la légèreté de l'adolescent. Puis il n'y pensa plus, positionnant soigneusement son sexe, se retenant d'aller trop vite. Ses yeux rencontrèrent ceux, voilés, désorientés, effrayés, impatients du Basilic et il lui sourit doucement, avant de le pénétrer.

Le souffle lui manqua brutalement quand il se retrouva délicieusement emprisonné de chaud de tendre et d'excitant et d'urgent. Smitty avait poussé un léger gémissement de peine, mais ne l'avait pas repoussé, au contraire, agrippant ses bras violemment. Ils restèrent un instant immobiles, saisis par le plaisir presque douloureux soudain, puis Draco bougea lentement. Lentement, faisant monter ce plaisir dans leurs corps, puis un peu plus passionnément, ne pouvant plus retenir ses premiers halètements. Smitty était fait pour ça. Smitty l'accueillait et le voulait de toutes les fibres de son petit corps. Smitty s'abandonnait sans retenue, sans honte – si innocent! – et sans plus, Merlin merci, aucun esprit scientifique. Smitty produisait des sons délicieux. Smitty se laissait aller, montait ses hanches à sa rencontre. Smitty était affolé et affolant.

- Smi… Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll…

Il ne savait pas d'où ça sortait. Il ne savait même pas comment il était parvenu à prononcer ce nom impossible. Il sut juste qu'une main l'agrippa par les cheveux pour l'embrasser à pleine bouche, et que là sa propre main saisit le sexe de son amant, qu'il ne retint plus ses coups de reins, enfonçant le corps de Smitty dans l'édredon moelleux, et qu'après il fut saisi du plus violent orgasme de sa jeune vie et que Smitty criait sous lui.

- Dracooooooo!

Il sut juste que c'était très bien, puis se retira doucement, se blottit contre son Basilic et s'endormit.

Lorsqu'il s'éveilla, un temps indéterminé plus tard, Smitty était lové contre lui et son corps brillait de façon presque argentée à la lumière de la lune. Si beau. Draco le contempla un moment, puis se pencha et effleura sa joue, sa bouche de ses lèvres. Smitty bougea légèrement sans se réveiller.

Adorable.

Draco sut qu'il était foutu.

Soupirant mais le cœur gonflé de joie à en exploser, il le poussa légèrement pour pouvoir rabattre la couverture sur eux, le prit dans ses bras, et se ré-endormit.

§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§

Un mois plus tard.

Hermione jeta un coup d'œil inquiet à la porte qui menait à la salle d'audience.

- Vous croyez que ça va aller? demanda-t-elle pour la vingt-deuxième fois.

Ron leva les yeux au ciel.

- Hermione. Il n'y a aucune raison pour que ça aille mal. Et je te rappelle que c'est Dumbledore lui-même qui dirige l'assemblée.

- Et puis on ne peut vraiment pas qualifier Smitty de bête irraisonnée, non? ajouta Harry.

Draco ne dit rien. Il était trop mort de trouille. Et si cette putain d'assemblée décidait que Smitty n'était pas humain? Et si son amant terminait dans un zoo, un laboratoire, une université, un musée, ou tout simplement était éliminé? Et si…

La porte s'ouvrit et un employé du Ministère laissa passer le Basilic, dont le visage calme n'affichait rien d'autre que son impassibilité coutumière. Seule ses yeux reflétaient sa panique, nota Draco.

- M. Malefoy?

Le blond jaillit presque de ses chaussures et se tourna vers l'homme, qui lui indiquait l'obscurité de la salle de la main.

- Le jury souhaiterait vous entendre.

Draco déglutit, hocha la tête et le suivit, effleurant la main du Basilic au passage.

Il s'avança sur une estrade sombre et, hésitant, se laissa tomber dans le fauteuil qui y trônait. En face de lui, plusieurs dizaines de sorciers assis sur des gradins l'observaient. Dumbledore était assis au centre du premier rang. Le vieux sorcier lui fit un sourire rassurant.

- Monsieur Malefoy, Draco? commença-t-il ensuite d'une voix neutre.

Draco s'humecta les lèvres.

- Oui, répondit-il d'une voix rauque.

- Vous venez de passer vos NEWTs avez succès, et sortez donc de votre septième année d'étude à l'Ecole de Magie et de Sorcellerie de Poudlard.

- Oui, répéta Draco.

A côté de Dumbledore, une sorcière prenait des notes. Les autres gardaient les yeux fixés sur lui.

- Voulez-vous répondre à nos questions?

- Oui.

Dumbledore fit une brève pose.

- M. Malefoy, vous avez pendant les derniers mois partagé la compagnie de l'Anthropomagus Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll.

- Oui. Mais…

- M. Malefoy?

- Je… je le connaissais avant qu'il sache se transformer.

- Que pouvez-vous nous dire de son comportement dans les deux cas?

- Il… Smitty (Une sorcière sur la droite de Dumbledore eut un reniflement.) est quelqu'un de très sensé. J'ai été étonné de voir à quel point, alors qu'il ignorait tout des humains quelques mois auparavant, il est parvenu à nous comprendre et à s'intégrer.

- Donc pour vous, il l'est parfaitement? Intégré?

- Hein?… oh, oui, bien sûr.

- Excusez-moi, coupa la femme qui avait toussoté. Je trouve, Albus, que vous allez un peu rapidement!

- Je vous en prie, Moira, soupira le vieux sorcier.

- M. Malefoy. Vous n'avez pas, si j'ai bien compris, été présent lors de la découverte de ce Basilic dans les murs de l'Ecole, et durant ses premiers temps à Poudlard qu'il passait à se cacher?

La voix froide de la femme n'avait rien de la bonhomie de Dumbledore. L'ennemi se pointait.

- Non, Madame.

- Vous ne pouvez dons rien nous dire de son comportement initial?

- Non, Madame. Mais vous avez déjà dû entendre Harry Potter à ce sujet…

- Oh, oui! (Nouveau reniflement.) M. Potter semblait très… sûr de son fait. Reprenons. Ce Smiss… ce Basilic a donc passé un bon moment avec pour seuls contacts trois élèves de Gryffondor, qui l'ont mis au courant des habitudes humaines. Sans songer à conséquences. Il ne faut pas être un monstre d'intelligence pour comprendre ce qu'un Basilic représente. Un énorme danger potentiel qu'il faut impérativement maîtriser. Mais, bizarrement, ce danger potentiel ne frappe pas. Continuons. Quelles ont été les circonstances de votre première rencontre, M. Malefoy?

Ca ne sentait pas bon… Maudite bonne femme.

- Le professeur Snape nous l'a présenté pendant l'un de ses cours…

- Ainsi que je l'y avais engagé, ajouta tranquillement Dumbledore.

La femme sembla ne pas avoir entendu l'interruption.

- Le Pr Snape, répéta-t-elle en haussant un sourcil. Bien réputé pour son intérêt en Magie Noire… Maître de Potions émérite… combien coûte une écaille de Basilic dans le commerce de nos jours?… et ancien Mangemort…

- Héros de guerre, Moira, coupa froidement Dumbledore.

La femme abandonna et changea de méthode.

- Et au cours de cette présentation, tout le monde s'est accordé pour trouver cet animal délicieusement inoffensif? demanda-t-elle d'une voix incrédule.

- Non, reconnut Draco. Certains élèves étaient terrorisés.

*"Tu veux que j'ôte mes lunettes, pour te prouver que je suis bien un Roi des Serpents?"*

- Bien, bien. J'ai été informée de son comportement quelquefois… agressif, durant les cours suivants du Pr Snape. M. Malefoy?

- Il faisait semblant de se jeter sur moi. Mais c'était une blague.

- Une blague?

La femme semblait trouver cette blague de très mauvais goût.

- Un Basilic se jette sur un élève tous crocs dehors et il s'agit d'une blague?

Les sorciers s'agitèrent un peu autour d'elle.

- Oui, répondit fermement Draco.

Nouveau reniflement. La femme consulta une feuille et enchaîna.

- Parlez-nous à présent de son désir de se transformer en humain. Vous en a-t-il parlé?

- Oui. Il y avait le défi, d'abord…

- Un animal rudement intelligent, n'est-ce pas.

- Plus que certaines personnes que je connais, c'est certain, répliqua tranquillement Draco.

*Je suis un Malefoy* venait de lui rappeler soudain ses petits gènes. Un léger sourire s'inscrivit sur les lèvres de Dumbledore. La femme lui jeta un regard noir.

- Continuez.

- Il y avait aussi de la curiosité. Il se demandait ce que cela faisait d'être humain.

- Mais il s'agit un animal, M. Malefoy. Pensez-vous sérieusement qu'un animal puisse avoir l'envie de devenir humain par simple curiosité? Ne serait-ce pas plutôt par… prudence? Ou désir de pouvoir?

- Non.

Draco planta ses yeux dans les siens.

- La dernière raison, outre la curiosité, était qu'il savait très bien que les scientifiques ne tarderaient pas à rappliquer. Et que peut un Basilic contre plusieurs humains avec le prétendu droit avec eux? Alors qu'on ne peut pas enfermer et étudier un humain sous peine de passer pour pire que Voldemort. (La femme fit la grimace.) Je pense que personne ne peut lui reprocher le désir d'échapper à ça.

Draco se força à se calmer. Il ne voulait pas donner une mauvaise impression. Juste empêcher Smitty d'être séparé de lui.

- Parlez-moi de ses études sous forme humaine à Poudlard, reprit la femme d'un ton neutre.

- Il nous a rattrapés et dépassés en un rien de temps, fit fièrement Draco. D'ailleurs il a eu les meilleures notes aux NEWTs.

- Ah! (La femme eut un air triomphant, et se retourna vers l'assemblée.) Mesdames et messieurs! Je voudrais donc résumer où nous en sommes! Un Basilic se promenant librement parmi nous, avec pour simple rempart, entre ses yeux et n'importe lequel d'entre vous ou de vos enfants, une paire de lunettes! Un Basilic qui a profité de l'enseignement offert à Poudlard pour amasser plus de connaissances que n'importe lequel des élèves! Qui sait s'il ne s'est pas promené dans cette Réserve que nous connaissons tous, pour avoir lorgné de son côté pendant toute notre scolarité?! Qui sait les sorts qu'il y a appris…

- Il n'a pas besoin de sorts humains pour faire ce dont il a envie! protesta Draco.

- Vous entendez? Un animal hautement dangereux! Et certains voudraient qu'on lui accorde le statut d'humain?

- N'importe quel crétin avec une baguette entre les mains serait plus dangereux que lui! cria Draco.

- Taisez-vous, M. Malefoy! répliqua la femme. L'assemblée ne vous adresse pas la parole.

L'assemblée était surtout en train de discuter à tort et à travers. Un vacarme monstrueux régnait. Draco sentait la tête lui tourner. Smitty…

- S'il vous plaît.

Dumbledore se redressa calmement et tout le monde se tut.

- Les arguments de Melle Morgor sont tout à fait justifiés. L'individu Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll est potentiellement dangereux.

Quelques murmures parcoururent l'assemblée.

- Mais la vraie question, continua tranquillement Dumbledore, est de savoir quelles sont exactement ses intentions. Comme l'a fait remarquer M. Malefoy, certains humains mal intentionnés ou mal orientés peuvent être à l'origine de bien plus de catastrophes q'une horde de trolls. Je voudrais souligner que les opinions sur ce sujet de Messieurs Snape et Potter ont été tout à fait conformes: pour eux, le tout premier Anthropomagus n'a aucun désir belliqueux – il considère M. Potter comme une personne chère alors que, rappelons-le, il s'agit après tout de l'humain qui a tué son père. A moins de nous trouver devant un formidable mystificateur, et vous l'avez eu devant vous un instant auparavant, mesdames et messieurs, M. Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll me semble tout aussi humain que l'un d'entre nous. Et personnellement, j'estime que lui refuser le statut d'égal serait tout d'abord un manque de modestie profond, et d'avantage un manque d'humanité.

Il y eut de nouveau un grand silence indécis. la voix de Moira Morgor s'éleva, sifflante.

- Et après? Pouvez-vous également nous prédire ses projets, Albus? Monter une association caritative, peut-être? laissa-t-elle tomber, lourde d'ironie.

Dumbledore haussa les épaules.

- Je dois avouer que j'ignore tout de ce point. Mais peut-être M. Malefoy pourra-il nous éclairer?

Draco inspira à fond.

- Il adorerait poursuivre ses études dans les Potions, articula-t-il. Sinon… il est prévu qu'il vienne vivre chez moi. Avec moi. Vu qu'il est mon amant depuis un mois. Et de ce point de vue, je peux vous confirmer qu'il est entièrement humain.

Le vacarme qui suivit était cette fois tout aussi étonné qu'enthousiasme et franchement amusé, et la voix criarde de la femme y fut totalement noyée.

Draco se laissa retomber dans son siège avec une pensée d'excuse à l'encontre de ses ancêtres. Puis il les envoya se faire voir et partit rejoindre Smitty avec l'approbation souriante de Dumbledore.

~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

Un soleil merveilleux.

Une piscine. Une chaise longue. Une Coca glacé.

Harry songea qu'il allait souvent venir squatter au Manoir Malefoy durant les vacances. Si seulement il parvenait à tirer son Maître des Potions de ses cachots…

Un "plouf!" coupa court à ses pensées et il tourna légèrement la tête. Smitty apprenait à nager. Ou plutôt Môssieur Salazar Smith, officiellement humain, apprenait à nager. Mais l'état civil n'existait pas pour les amis, et même si le Basilic aimait bien son nouveau prénom – ils avaient osé! oui! – il restait Smissssirrrrrrrrrssssaaaaââlll au fond et Smitty pour simplifier les choses. Smitty apprenait donc à nager et pataugeait maladroitement dans l'eau. La vue aurait été ridicule si elle n'avait été si gracieuse. Draco, assis sur la chaise longue d'à côté, dévorant des yeux l'occupant de sa piscine, semblait du même avis.

Le blond soupira un peu douloureusement.

- Ca ne va pas?

Harry, lui, se sentait honteusement heureux – manquait juste Severus…

- Harry. Smitty est un Basilic.

Harry goba un glaçon avec un "gloups!" et haussa un sourcil.

- Regarde… techniquement il n'a que cinq ans… s'expliqua son ami. Ca veux dire quoi? Qu'il va vieillir plus vite? Mais les Basilics ont une espérance de vie incroyable… Est-ce qu'au contraire il ne va pas vieillir?

Harry le regarda droit dans les yeux.

- Smitty est un humain. C'est même écrit noir sur blanc sur du papier officiel. Alors arrête de te casser la tête et profite. Compris?

Draco resta un moment silencieux, puis hocha doucement la tête.

- Bien.

Et le brun ferma les yeux avec l'intention de prendre un bon bain de soleil…

Une éclaboussure d'eau bien trop froide le fit bondir en glapissant. Accoudé au rebord de la piscine, Smitty le regardait d'un air bien trop innocent.

- Oups. Désolé, fit-il sans une expression sur son visage, mais les yeux étincelants. Vous venez vous bai –

Harry avait déjà sauté dans l'eau avec la nette intention de le noyer, suivi par Draco.

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Epilogue de Smitty le Basilic, ou Journal d'un Entremetteur.

Que dire ensuite?

Plus grand chose… Les gens heureux n'ont pas d'histoire, a dit un Moldu. Je suis parfaitement d'accord.

Je vais entreprendre des études de Potions. A ce que m'a dit Dumbledore, il y a eu quelques problèmes lors de l'inscription, mais tout a été arrangé poliment. C'est-à-dire que Snape a fait irruption dans le bureau du Directeur de la Faculté – un ancien camarde de classe à lui, je crois – et lui a courtoisement exposé les faits. Je crois que le pauvre homme sursaute à la moindre silhouette sombre, à présent.

Il faudra que je remercie Snape.

Et Dumbledore.

Snape, ce sera facile. Harry va bien parvenir à le traîner ici, finalement.

Ici…

Draco a dit que je pouvais considérer "ici" comme ma maison.

Draco…

Mmmmh… Draco…

Mon père et tous les membres de mon espèce ne savent pas à côté de quoi ils sont passés. Je reste d'opinion que l'amour est un concept tordu. Mais agréable.

Je me demande… je me demande si d'autres Anthropomagus vont faire leur apparition. Ne suis-je qu'un simple accident dans l'histoire du monde magique, ou le point de départ d'une nouvelle ère? (Quand j'ai demandé à Draco, il m'a donné une tape sur le crâne en me disant d'arrêter de me monter le bourrichon. Ses bonnes manières vont et viennent.)

Quel sera le prochain? J'imagine bien cette bonne Melle Morgor argumenter contre un Anthropomagus Chat… ou Chouette… ou Veracrasse…

Le débat sera peut-être rude.

M'enfin! Pour l'instant…

Pour l'instant je vais répondre à cette lettre désespérée de Ron… Hermione veut un bébé… oui, déjà, que voulez-vous, elle a de la suite dans les idées…

 Je me demande si en travaillant je pourrais me transformer en fille… après tout, les Basilics sont asexués… ce serait amusant un bébé… et puis ça doit être intéressant… surtout dans un lit… avec Draco…

Au travail.

Je vous prie de m'excuser de vous abandonner là. Mais les meilleures choses ont une fin, n'est-ce pas?

Je vous salue, vous les humains, ô êtres étranges et fascinants, parfois incompréhensibles, mais jamais au grand jamais ennuyeux. Puissent rats et lait vanillé parsemer votre route. Puissiez-vous caser vos amis à qui mieux mieux. Puissiez-vous vous faire caser à votre tour, vivre avec dignité parmi vos proches insupportables et adorés, et apprécier le voyage.

Puissiez-vous vous souvenir de Smitty.

Vale.

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FIN.