Soupirs

Chapitre 15


Nda : Encore une fois, merci à Delphine d'avoir bétalu ce texte. On en a ché avec mon incompétence littéraire notoire mais on a vaincu.

Nda 2 : pas de réponse aux reviews dans le texte afin de respecter les règles de FFNet à ce sujet. Si vous êtes des lecteurs identifiés, je vous répondrai en live ;p.


« … Qu… Quoi ? »

Ta voix tremble et s'échappe de tes lèvres aussi faiblement qu'un soupir.

« Je ne te crois pas, » murmures-tu, pathétique. « Tu mens, tu veux que je… »

Je ne peux plus le supporter.

« Tu es pathétique, » dis-je, formulant à voix haute ce que tu m'inspires. Je sais que je te fais souffrir et cela me fait tellement mal. Mais au lieu de laisser transparaître la peine que je ressens à te faire souffrir, je n'insuffle que mépris et dédain dans ma voix. Furieusement. Sadiquement. « Qu'est-ce que tu croyais ? Que je couches avec toi par désir ? Par amour ? Mais réveille-toi un peu, Potter. Je pensais pouvoir redorer mon blason en te côtoyant. J'ai vécu trop longtemps dans la boue et la misère, j'en ai assez. Je pensais récupérer ma place dans la société sorcière, mais je me trompais : c'est encore pire qu'avant. Tout le monde me considère comme une espèce de pervers qui a détourné le Grand Harry Potter du droit chemin. Je n'ai aucun intérêt à rester avec toi. Tu ne m'es plus utile. »

Est-ce suffisant ?

Suis-je convaincant ?

Vas-tu me jeter dehors sans plus jamais vouloir me revoir ?

Vas-tu me condamner à cette mort lente et douloureuse qui constituera le reste de ma vie une fois que tous nos liens seront brisés ?

Tu fermes les yeux brusquement, les lèvres entrouvertes sur ta mâchoire crispée, les doigts serrés sur ta baguette au point de faire trembler la lumière qui nous éclaire faiblement.

Et soudain, je panique, je veux retirer ce que j'ai dit, remonter dans le passé afin d'empêcher ma bouche d'éructer des horreurs que je ne pense pas, de t'effacer la mémoire, de t'apaiser de mes baisers, de te dire que je t'aime plus qu'il ne m'est supportable.

Que sans toi, le soleil ne se lèvera plus jamais.

Que sans toi, je ne serai plus rien, qu'une coque vide qui finira par s'effriter au vent et s'éparpiller en poussière.

Que sans toi, je vais mourir, tout simplement.

Tout, même si cette guimauve me donne la nausée et que je ne pourrais jamais articuler la première de ces âneries sans être interrompu par des haut-le-cœur.

Tout, pourvu que tu fixes à nouveaux tes merveilleux yeux verts sur moi.

oO§Oo

Il s'est toujours donné à moi, jamais l'inverse.

Non pas que je n'en ai pas envie, bien au contraire. Je suis curieux de savoir ce que ça fait, de comprendre comment Harry peut avoir une telle expression sur le visage quand je le prends. Mais Harry s'est toujours arrangé pour que nos positions ne s'inversent pas… Il m'est arrivé de penser qu'il préférait un rôle plus passif dans le lit, mais c'est sans compter certains regards que j'ai remarqués avant qu'il ne les dissimule habilement.

Des regards pleins de désir, des regards pleins de possession… Des regards surtout vides de toute la candeur, la bonté et l'adoration auxquels je m'étais habitué. Des regards purement affamés et avides. Des regards qui me faisaient frissonner, qui transformaient mes genoux en une masse de gelée tremblante et qui me donnaient envie de me jeter à ses genoux pour qu'il me prenne sans ménagement.

Evidemment, jamais je n'aurai été avouer cette faiblesse.

De plus, je trouvais (et je trouve encore) à la fois étrangement excitant et terriblement frustrant qu'il se soumette systématiquement à moi alors même qu'il n'avait envie que de me prendre. Car il ne s'agissait pas d'un désir ou d'une préférence sexuelle mais bien d'un choix délibéré et réfléchi. Cet imbécile songeait-il qu'il se sacrifiait à mon bonheur, refusant de m'imposer quoique ce soit ?

Cela me mettait en colère, parce que je n'étais pas la petite chose fragile, spoliée de tous ses droits et à qui Le Grand Harry Potter acceptait d'offrir son corps plutôt que de lui imposer ses désirs. Mais, surtout, cela m'excitait, je peux le dire sans honte aucune. Savoir que j'étais le seul au monde à qui il permettait de plonger dans ce corps délectable me rendait fou. J'adorais le sentir se tordre et onduler sous mes mains, sa peau glisser sous mes doigts, ses lèvres me réclamer baiser après baiser, et sa voix, délicieusement rauque et essoufflée, soupirer mon nom.

A moi.

Ma propriété.

Mon amant.

Mon amour.

Rien qu'à moi…

La lune de miel dura environ deux mois.

Je venais chaque jour, très tard le soir, après ce qui me servait de travail. Et quelle que fut l'heure de la nuit, Harry m'accueillait avec un éclat sur le visage qui me faisait presque mal et me tirait bien malgré moi un sourire.

Et je partais chaque matin, aux premières lueurs du jour, la séparation me déchirant les entrailles.

J'étais excessif.

J'étais amoureux.

J'avais oublié le reste du monde.

Il se rappela à mon bon souvenir un dimanche matin brumeux.

Je ne travaillais pas ce jour là, donc Harry parvint à force de cajoleries à me faire rester plus tard.

Il me prépara des crêpes en sifflotant dans sa cuisine.

Il était heureux et, en cet instant, je me jurais de faire en sorte qu'il le soit pour le reste de sa vie.

Je m'étais transformé en une espèce de loque guimauveuse complètement inepte et stupide. Je me dis avec une certaine honte que je n'ai pas changé depuis, juste que je le dissimule mieux.

Alors que nous déjeunions à la table branlante et mangée aux vers de sa cuisine, nous observant l'un l'autre avec un sourire crétin aux lèvres, des raclements et des « poufs » se firent soudain entendre depuis le minuscule salon à côté.

« Yo, Harry ! On ramène les muffins, prépare le cafééééééééé ! » tonitrua une voix qui nous fit pâlir.

Harry se leva brusquement et je le suivais du regard.

Par l'entrebâillement de la porte, j'observais Granger jeter ses bras autour de son cou pour l'embrasser. Je ne la savais pas aussi démonstrative. En tous cas, si les débordements de la sang-de-bourbe me laissaient indifférents, mes doigts se crispèrent sur mon couteau en voyant Weasel se pencher pour embrasser mon Harry sur la joue. Depuis quand un hétéro faisait la bise à un homo ?!?

« On s'est dit qu'il était de remettre à l'ordre du jour notre traditionnel brunch du dimanche matin, » sourit Granger.

Il y avait quelque chose de forcé dans ce sourire. Depuis quand Harry n'avait-il pas vu ses amis ? Je sentais la colère monter en moi. Vu la façon dont ils l'avaient traité, ils avaient le culot de venir à l'improviste juste pendant un des brefs moments où je pouvais être seul avec lui ?

Harry sourit vaguement à son tour, embarrassé. Pourtant il semblait heureux.

Je me tendis.

Je savais ce qui allait se passer.

Je savais ce qu'il pensait.

L'imbécile !

« Oh, on dirait que tu as commencé sans nous… » fit remarquer Weasel en reniflant peu élégamment. « Ça sent les crêpes, miam. »

Granger roula des yeux en marmonnant « goinfre… »

« Pas ma faute si Harry fait les meilleures crêpes du monde, » fit-il remarquer en se dirigeant vers la cuisine.

Harry ne fit rien pour l'empêcher de venir droit dans ma direction. Weasel poussa la porte, tout sourire, ses bras encombrés de sachets de boulangeries, et se figea en me voyant.

« Ron, ne t'arrête pas comme ça ! » protesta Granger en butant contre lui avant de regarder à son tour dans la cuisine. « Oh… »

Weasel se tourna vers Harry, une expression de profond outrage sur le visage, tandis que Granger serra ses lèvres en un pli serré.

« Qu'est-ce qu'il fait ici ? »

« … C'est chez moi, Ron, » fit remarquer Potter à juste titre.

Je souris à l'importun, satisfait.

« Et en l'occurrence il invite qui il veut. Conclusion : dehors les pique-assiettes. »

« Draco ! » protesta Potter. « Tout le monde est le bienvenu chez moi, mes amis comme mon… »

Il laissa sa phrase en suspens, me quémandant… Je ne sais pas exactement ce qu'il me suppliait du regard. Que je prononce le mot fatidique ? Mais lequel ? Petit ami ? Amant ? Amoureux ? Compagnon ?

« Comme ton quoi, Harry ? » s'enquit Granger alors que le silence s'éternisait. Elle se tourna vers moi, pleine de mépris et de colère. « Comme son quoi, Malefoy ? » Il était clair qu'elle pensait que j'étais un profiteur qui essayait de tirer avantage de son ami.

Je lui dédiais un sourire exquis en me levant.

« Comme celui qui lui défonce l'anus tous les soirs pour lui faire atteindre un orgasme comme tu n'en connaîtras jamais, Granger. Seulement, Potter manque un peu de vocabulaire pour me donner un nom qui fasse sens… »

Elle rougit furieusement et je l'écartais sans ménagement de mon chemin hors de la cuisine.

La main de Weasel vola à mon col et m'attira à lui comme une poupée.

« Hé ! Ne la touche pas ! »

« Je ne l'aurais pas touché si elle s'était écartée d'elle-même. »

« Ça suffit, vous deux ! » protesta Potter.

« Tu n'es vraiment qu'un moins que rien, Malefoy. »

« Oh je vois que tu t'es renouvelé dans le domaine de l'insulte, quelle imagination… »

« Au moins, je reste dans le domaine de la politesse. C'est une question de contrôle, Malefoy. Quelque chose que ne comprennent pas les gens dans ton genre. »

« Mon genre ? Et c'est quoi mon genre ? »

« Celui d'un pauvre imbécile infatué de lui-même et convaincu de sa propre grandeur alors qu'il n'est qu'un insecte médiocre et inutile. Celui d'un idiot qui a choisi de devenir un mangemort comme son assassin de père parce qu'il était infoutu de réfléchir par lui-même. »

« Ron, tu n'as pas à… » protesta faiblement Harry.

Je sentais la colère me faire bouillir le sang. Etre jugé par ce…

« Je suis peut être un pauvre imbécile à tes yeux parce que, chance pour toi et les tiens, tu as choisi le camp des gagnants et moi celui des perdants, mais moi au moins je peux me retourner sur mon passé et ma famille et être fier d'eux et de ce qu'ils ont fait pour leurs idées, ce qui n'est pas ton cas : entre le sycophante qui te sert de frère et pour qui peu importe qui est au pouvoir tant qu'il peut lui lécher les chaussures, deux frères jumeaux plus occupés à mitonner des gags ridicules plutôt que de tenir décemment leur rang, un père complètement débile et incapable de gagner de quoi nourrir sa famille et une mère au taux de fertilité proche de celui d'une lapine en chaleur et qui se montre abusive au point de forcer ses 7 gamins à consulter un réducteur de tête tu m'étonnes que… »

« Draco ! Ça suffit !» Cria Harry.

Je me tournai vers lui, la fureur obscurcissant presque ma vision, pour le voir avec la même expression sur le visage.

Je serrai les lèvres, retournant ma colère contre lui.

C'était de sa faute, à cet idiot toujours prêt à croire au meilleur chez tout le monde…

« Dégage d'ici Malefoy, tu n'as rien à y faire, » jubila Weasel, ayant noté lui aussi le désaveu d'Harry à mon égard.

Je me dégageai de sa poigne d'un geste et me dirigeai vers la cheminée.

« Rassure toi, je ne vais pas rester : ça empeste les bons sentiments et l'hypocrisie, ici. »

Je plongeai ma main dans l'urne de poudre de cheminette et en jetai une poignée dans le feu.

Harry se précipita à ma suite et m'appela de mon prénom d'un ton navré.

Ce fut le dernier mot que j'entendis de sa bouche avant plusieurs semaines.

Je ne revins pas chez lui.

J'étais furieux.

Je lui en voulais de m'avoir imposé cette scène ridicule sachant pertinemment ce qui nous attendait.

J'étais malheureux et il me manquait mais il était hors de question que je retourne chez lui pour risquer de tomber à nouveaux sur ses amis et qu'ils me traitent comme la boue maculant la semelle de leurs chaussures.

Je ne sais pas ce que je ressentais, en réalité.

Bien évidemment, Harry n'attendit pas que je fasse le tri dans mes sentiments pour venir me harceler quand il en eut assez.

Un soir, alors que je retournais dans le bouge que j'habitais dans l'allée des embrumes, une ombre me tira dans une ruelle attenante et me plaqua contre le mur.

Je n'eut pas besoin d'attendre qu'il abaisse le capuchon lui recouvrant le visage pour savoir qu'il s'agissait de Harry.

« Il faut qu'on parle, » me dit-il avec un air exaspéré de sous sa cape. Son regard brillait de colère, leur éclat traversant sans peine la semi obscurité nous entourant… Il était magnifique, dans ce smog épais incapable de masquer la crasse de la ruelle où nous étions.

« Non, ce n'est pas utile, » rétorquais-je sur le même ton.

« Bon dieu de… » commença-t-il avant de fermer les yeux et d'exhaler un long soupir. « J'aimerais que l'on discute comme des gens civilisés, on a des choses à se dire. »

« Nous n'avons rien à nous dire. Nous n'aurons rien à nous dire tant que tu ne tiendras pas les clébards qui te servent d'amis en laisse ! ».

Sa main vola à ma gorge avec une rapidité presque terrifiante et se referma sur mon col, me repoussant contre le mur.

« Tu n'as pas à parler d'eux comme ça… » chuchota-t-il fiévreusement.

« Tiens, tu prends leur partie maintenant, la lune de miel n'aura pas duré longtemps… »

« Draco… » soupira-t-il, la voix brisé. Mon cœur eut un élan vers lui que je maîtrisai à peine. Non, je ne céderais pas. « Tu ne fais pas plus d'efforts qu'eux… »

« Mais eux, tu ne les reprends pas quand ils m'insultent et traînent ma famille dans la boue. »

« Je traîne ta famille dans la boue ! J'ai tué des membres de ta famille, j'ai… »

« Ça n'a strictement rien à voir. Ils n'ont aucun droit de dire… »

« Et toi ? Tu en as le droit ? Ce que tu as dit de la famille de Ron était inqualifiable ! »

« C'est bien ce que je disais : il a le droit de me traîner dans la boue mais pas l'inverse ? Je suis quoi pour toi, à part ton dildo quotidien ? »

Harry rougit violemment.

« Puisque tu tiens tant à le savoir, juste après que tu sois parti, j'ai flanqué Ron à la porte de mon refuge avec interdiction d'y revenir tant qu'il n'aura pas réfléchi à son comportement. Tu fais partie de ma vie, mes amis font partie de ma vie. Il doit bien y avoir un moyen pour que vous arriviez à vous entendre, bon Dieu ! »

« Et si ce n'est pas le cas ? »

« Quoi ? »

« Si nous n'arrivons pas à nous entendre, que se passera-t-il ? »

Ses lèvres se tordirent en une moue boudeuse.

Je ricanai.

Harry avait décidemment les plus grandes difficultés à faire face à ce qu'il ne voulait ni voir ni entendre.

« Qui choisiras tu, Potter ? Eux ? Ou moi ? »

Il ferma les yeux, brièvement, semblant perdu comme un enfant.

« Je ne veux pas choisir ! » s'exclama-t-il, furieux. « Je ne devrais pas avoir à choisir. Vous êtes des adultes, vous devriez être capable d'être dans la même pièce sans vous sauter systématiquement à la gorge ! »

« Arrête de rêver, Potter. Paix aux hommes de bonne volonté n'est qu'un vœu pieux vide de sens. La paix n'existe pas car les hommes de bonne volonté non plus. Tu ne peux pas forcer les gens à s'entendre juste parce que c'est plus confortable pour toi. »

Il desserra son étreinte sur mon col pour m'enlacer des deux bras et se serrer contre moi.

« Très bien. Je n'essaierai plus… Tu n'auras plus à les voir ni à leur parler, je ferai le nécessaire. »

Bien malgré moi, je lui rendis son étreinte, furieux contre moi-même de lui infliger tant de peine. Car rien ne lui aurait fait plus plaisir que de m'intégrer complètement dans sa vie.

Seulement, j'avais besoin d'une porte de sortie…

oO§Oo

J'avais besoin d'une porte de sortie à l'époque, au cas où. Je n'aurai jamais pensé qu'il me faudrait si longtemps pour l'utiliser.

Ne pas m'intégrer.

Ne pas faire d'effort pour m'amender auprès des gens qui t'importent. Pourquoi l'aurais-je fait, de toute façon ? Je les méprisais à l'époque et les méprise encore.

Seulement, je savais qu'en ne faisant pas ces efforts que tu attendais de moi, ils allaient s'en servir pour pointer du doigt à quel point je suis vil, fourbe, mesquin… A quel point je ne suis pas fait pour toi.

Même si tu n'en as jamais rien dit, je sais que le doute te rongeait constamment. 'Ont-ils raison ?' 'Se sert-il de moi ?'.

L'amour rend aveugle.

Il est temps pour toi d'ouvrir les yeux, même si c'est pour les fixer sur une illusion montée de toute pièce.

Et comme répondant à ma demande muette, tes yeux s'ouvrent enfin sur moi et je contemple tes pupilles sombres et pleines de haine.

« Va-t-en… » souffles-tu. « Je ne veux plus jamais te revoir. Si je te revois, je te tue de mes mains. » Ta voix est toujours un murmure, presque un soupir plaintif. Pourtant j'y sens de la rancœur, de la haine et du dégoût.

Mes paroles ont fait mouche.

Ma porte de sortie…

Ta liberté…

Fin

Note : la séquelle est en cours d'écriture.