Soupirs

Chapitre 1

Par Kyltia

- C'EST HARRY POTTER !!! Hurle ma voisine, me perçant d'une manière stridente, à défaut de charmante, le tympan droit.

Mes mains se crispent sur mes couverts, alors que plein d'idées passionnantes quand à l'usage que je pourrais faire des objets pointus sur le corps du golden boy me traversent l'esprit.

Au lieu de cela, je continue posément à couper ma viande et à en porter chaque morceau à ma bouche, à mastiquer et à avaler.

Pas un seul instant, je ne lève les yeux.

Couper.

Lever la fourchette.

Poser le bout de viande sur ma langue.

Mâcher.

Avaler.

Ne pas prêter attention aux cris d'excitation ni à la conversation se déroulant à 2 mètres de moi.

Ma voisine s'est levée de table, certainement pour demander un autographe au super héros universel, nommé sorcier le plus sexy de l'année par le witch weekly de juin dernier.

De qui se moque-t-on ?

Potter a les genoux cagneux, une taille en dessous de la moyenne, des cheveux noirs rebelles à toute forme de coiffure, gel, laque et autre produit à forte capacité lissante, un corps de nabot et des lunettes avec des verres en cul de bouteille…

Et pourtant, chaque semaine lui apporte son troupeau de hiboux porteurs de déclarations d'amour diverses, demandes en mariages plus ou moins farfelues et suppliques de « don de soi » de la part de tarées voulant donner le jour à l'héritier du garçon-qui-avait-survécu-un-nombre-incalculable-de-fois-et-qui-a-enfin-réussit-à-décanner-cette-peau-de-vache-de-voldemort…

Comment je sais ça moi ?

Et bien, euh…

« Bonjour Drac… Désolé, je suis en retard… » La petite voix essoufflée m'interromps dans mes pensées et je me force à garder les yeux baissés sur mon assiette.

Je me force à ne pas lever la tête.

Je me force à ne pas écouter les murmures de dégoût des clients du restaurant en voyant Saint Potter s'asseoir à la table de Draco Malefoy, ancien aspirant Mangemort, fils de Lucius Malefoy, bras droit de feu Lord Voldemort, psychopathe et mégalomane de son vivant… Après sa mort aussi, d'ailleurs.

Je sais, j'ai un curriculum impressionnant, on me le dit souvent lors de mes entretiens d'embauche. Allez savoir pourquoi, je suis toujours au chômage…

« Hem… Tu m'attends depuis longtemps ?

- Ca fait 2 heures que je poireaute dans ce bouge, Potter. J'avais faim, j'ai commencé sans toi… » Je bougonne d'une voix cassante. Ca va lui faire de la peine. La belle affaire.

« Je suis désolé, j'ai été…

- Assailli par tes fans, je sais. Ca fait toujours du bien, une petite séance de bain de foule, n'est-ce pas ? » Si j'essaie de me montrer désagréable, c'est parfaitement réussit. Je coupe d'un geste rageur une pomme de terre avant de l'avaler et de la mastiquer sauvagement.

« Draco… »

Mes doigts se crispent sur la fourchette.

Sa voix n'est qu'un murmure.

Son ton est si doux, presque suppliant.

Toutes les souffrances, tous les fardeaux du monde semblent peser sur ses épaules.

Et je lève les yeux.

Et je rencontre son regard.

Et je me noie dans cet océan de jade si chaud et si doux. Dans cet océan de tristesse et de solitude.

Autour de nous, tout le monde nous regarde.

C'est encore pire que je ne l'avais imaginé. Il n'y a pas que du dégoût.

Il y a de la pitié.

Pour toi.

Il y a du mépris.

Pour nous.

Il y a de la haine.

Pour moi.

Ce soir, je m'étais résolu à rompre pour de bon.

Parce que je ne supporte plus cette situation.

Parce que je ne me supporte plus de te faire endurer cela.

Tu reviens de chez Dumbledore, de chez ce vieux fou qui s'imagine savoir mieux que les autres ce qui les rendra heureux, qui s'imagine savoir tout mieux que les autres.

Tu reviens de chez Lupin, qui, Dieu soit maudit pour ses petites bassesses, n'a pas encore clamsé malgré la quantité astronomique de tue loup qu'il ingurgite quotidiennement, suffisante pour éradiquer toute une meute en moins de deux heures.

Tu reviens de chez les Weasley, cette clique de bien pensant qui t'étouffent de leur amour inconditionnel.

Tu reviens de chez Weasel, petite engeance de raté de fonctionnaire avec sa petite copine sang-de-bourbe ô combien parfaite et intelligente et jolie et c'est une fille surtout et ce n'est pas une malefoy et tu mérites tellement mieux que ce débris d'éclopé de mangemort à deux doigts de tomber dans la clochardise.

Oui.

Tous, chacun leur tour, ont encore une fois, comme à chacune de tes visites, essayé de te raisonner quand notre relation.

Tu mérites mieux, Harry.

Pense à ton image, Harry.

Regardes toi, Harry, on dirait que tu es au bord de la dépression.

Nous ne voulons que ton bonheur, Harry.

Ils ont tellement raison.

Tu gâches ta vie avec moi.

Je suis venu te voir pour rompre, ce soir.

Mais maintenant que mon regard s'est perdu dans tes si beaux yeux verts, j'ai perdu toute force, toute volonté de te laisser, enfin, vivre ta vie, être heureux…

Oh, Harry…

Comment en sommes nous arrivés là ?

~oO§Oo~

De la haine.

Je ne ressentais que de la haine, cet été là.

Auparavant, il m'était un plaisir de te torturer, de te jouer des tours, de te piéger et de te regarder fulminer quand j'avais le dessus. Ma petite victime personnelle.

C'était un jeu tellement jouissif.

Mais ce n'était qu'un jeu.

Toi, le grand Harry Potter, le Garçon-Qui-Avait-Survécu.

Toi qui t'étais permis de refuser l'amitié d'un Malefoy qui t'accordait le pardon pour tes péchés envers le Dark Lord.

Toi qui avait refusé ma main tendue.

Toi qui te prenais pour le sauveur de l'humanité. 

Toi qui était mon rival et mon ennemi.

Désormais, je n'éprouvais plus que haine pour toi.

Finies, les blagues méchantes qui n'avaient pour but que de faire perdre des points à ta Maison, te faire coller, voire, cerise sur le gâteau, te faire expulser de Poudlard.

Non, ce serait une lutte à mort.

A cause de toi, à cause de ta stupidité et de cette maudite conviction personnelle que tu pouvais, à toi seul, sauver le monde, mon père s'était retrouvé emprisonné à Azkaban.

Ma seule satisfaction avait été la mort de ton parrain que, d'après ce que j'avais entendu lors de discussions secrètes entre père et ses amis, tu aimais beaucoup.

Oh, oui, tu allais payer pour cette humiliation, cette souillure faite au nom des Malefoy. Pour les larmes que mère versait chaque nuit, me pensant endormi. Pour l'éloignement de mon père. Pour tout.

« Mère ! Mais pourquoi ?

- Tu es un enfant, Draco…

- Je viens d'avoir 16 ans ! » Me récriais-je, furieux.

Les beaux yeux bleus de ma mère se durcirent soudain, de même que son visage et je reculais, inconsciemment. Si les Malefoy sont réputés pour leur machiavélisme, leur ruse et leur dureté, les Black sont, eux, impitoyables, tout simplement.

Lorsqu'un Black a un ennemi, il va focaliser toute son attention, toute sa puissance, toute son intelligence dans un seul but. Le détruire.

Je crois que je tiens plus de mère que de père, en fait…

« Tu. Es. Un. Enfant. Draco. » Rétorqua ma mère d'une voix coupante comme le gel. « Pire, tu es un enfant décevant. En 5 ans, tu n'as pas mûri d'un iota, traînant à la fois le nom des Malefoy et la Maison Serpentard dans la boue. Ton père t'a fait entrer dans l'équipe de Quidditch et tu n'as pas réussi une seule fois à faire gagner la coupe à ta Maison. Ton père t'as offert les meilleurs tuteurs et tu n'as jamais réussi à ne serait-ce qu'approcher les résultats d'une vulgaire sang-de-bourbe. Ton père t'a donné la possibilité de faire preuve de l'autorité naturelle des Malefoy pendant une année entière en temps que préfet et assistant personnel de Mme Umbrige et tu n'as réussi qu'à te faire ridiculiser. »

Je serais les dents alors que ma mère déversait ses torrents de désillusions d'un ton monocorde et cassant.

Je sentais les larmes de honte et de colère me piquer les yeux.

Non, je n'allais pas pleurer ! Les Malefoy ne pleurent jamais et ce sont les Black qui font pleurer les autres !

J'avais déçu mes parents…

Moi qui étais du sang le plus pur.

Moi qui avais été élevé pour atteindre la grandeur.

Moi qui devais être le fils dont ils seraient fiers.

Parce que j'étais un Malefoy.

Parce que j'étais un Black.

Et ils me regardaient avec amertume, avec gêne, avec honte.

« Mère… Ce serait pour moi un moyen de racheter mes lacunes. Je vous promets que je serais…

- Non. Draco. » Me coupa-t-elle d'une voix sans appel. « Te laisser rejoindre le Seigneur Sombre maintenant serait une erreur. Tu es un chien fou incapable de se restreindre. Tu te ferais tuer dés ta première sortie. Nous avons de grandes attentes pour toi. Ta mort prématurée n'en fait pas partie.

- Mais je ne supporterai pas de retourner là-bas alors que père a été enfermé par la faute de…

- Ton père a sous-estimé ses ennemis. C'est une leçon que tu dois acquérir avant même de songer à faire tes premiers pas dans le monde des adultes. Tu retourneras à Poudlard en septembre et tu suivras tes cours comme prévu. Et tu nous rendras fier de toi, c'est bien clair ?

- Il sera là, mère ! » M'écriais-je, le sang me bourdonnant aux oreilles. « Il sera là et… Et… Et il se moquera de moi et…

- Qu'il se moque. Ce petit bâtard de sang mêlé ne perd rien pour attendre, crois moi » Cracha mère d'une voix venimeuse, les yeux soudains étincelants.

Puis son regard reprit l'éclat glacial auquel j'étais habitué et ma mère me jaugea du regard.

« Oui. Qu'il se moque. Qu'il s'amuse. Qu'il jouisse de sa victoire amère. Ton père est en prison, mais son parrain, si précieux à nos ennemis, est mort. Crois moi, cela lui est d'une bien piètre satisfaction. Laisse le se moquer et ne perd aucune occasion de le faire payer. De toute façon, ton père sera bientôt parmi nous…

- Mais…

- Va te coucher, Draco. » Répondit ma mère avant de se lever et d'ouvrir la porte du bureau de mon père.

A peine fut-je sortit qu'elle en referma la porte et la verrouilla au-delà de toutes mes capacités d'effraction magique.

Elle allait contacter le Seigneur et moi, comme d'habitude, j'allais être laissé à l'écart.

A suivre…