La Corde Raide – Chapitre 01

Auteur: Asuka Kureru ([email protected])

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Série: Gundam Wing

Avertissements: Yaoi, romance, sap, triangle amoureux, ménage à trois, de lime jusqu'à lemon presque complet, chaipas encore; le POV change de perso à perso.

Couple (trio?) : 1+2+5, 1x2x5x2x1 et diverses combinaisons ^__^

Disclaimer: Ils partagent bien, eux, on peut pas faire pareil? ;_;

A propos, ce fic commence le matin après Equilibre. Lisez-le encore une fois ou vous allez vous sentir paumés, les enfants.

+ -- changement de point de vue ou petite pause

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ -- longue pause, changement de scène

Merci aux copines du forum d'Oniryu pour les correction et les encouragements ^__^

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C'était la première fois de sa vie que Wufei se sentait si bien au réveil. Le matelas avait beau être bien trop doux par endroits et plus dur et étrangement bosselé en d'autres, il était toujours au chaud et confortable, et ne s'était jamais senti plus... câliné, bercé, plus entouré que ce qu'il sentait maintenant. Il voulait ne jamais se réveiller, ne jamais avoir à quitter le cocon.

C'était une sensation agréable, comme s'il était accepté, protégé, aimé... mais son clan était mort depuis longtemps déjà et sa femme était morte depuis bien plus longtemps. Même s'il n'avait de toute manière jamais ressenti ça avec elle, il n'avait jamais officiellement partagé un lit avec Meiran, ils avaient été censés être trop jeunes, et son clan n'avait jamais été très porté sur les preuves d'affection physiques. Il n'avait plus personne, personne pour le faire se sentir en sécurité comme ça, en sécurité et aimé. C'était une sensation agréable, mais ça ne durerait pas. Ca ne durait jamais.

Quelqu'un était en train de le regarder. L'instinct l'emporta, et il se réveilla, ouvrant ses yeux et se préparant à sauter sur l'observateur, regrettant vaguement le rêve tout en l'ayant déjà oublié.

Il y avait une paire d'yeux, magnifiques, intenses, passionnés, carrément brillants, qui le fixaient jusqu'au fond des siens. Un mélange totalement frappant d'étroites bandes et de taches qui variaient d'un doux bleu clair à un pourpre-violet. Un cercle violet plus sombre autour des iris faisait ressortir l'intérieur des yeux encore plus, surtout entre ça et les petits points noirs au milieu. Il avait toujours cru que ces yeux étaient en quelque sorte mauve, la couleur d'un ciel d'été juste avant que la nuit ne commence à tomber, mais en fait, ils n'étaient même pas de cette couleur déjà unique. On pouvait le voir, quand on était assez près. Ils en avaient l'air parce que, sur le fond bleu pur des iris, couraient des lignes de violet intense, et à une certaine distance on aurait juste dit qu'elles se fondaient. Mais une fois plus près, il était facile de voir toutes les nuances, l'apparence unique...

Les yeux se plissèrent quelque peu, comme s'ils étaient en train de lui sourire....

Ils lui souriaient. DUO lui souriait.

Duo était étalé sur le ventre de Wufei, un bras sur son torse, sa tresse échevelée dégringolant par-dessus son épaule pour tomber sur le cou du chinois et glisser le long de sa gorge, suivant la jonction entre son cou et ses épaules. Et il lui souriait, chaudement, affectueusement, intimement, merveilleusement heureux. La manière dont Wufei avait toujours imaginé qu'il devait regarder Heero quand ils étaient seuls. Dieux, ce devait être un rêve. Obligatoirement. Duo était son meilleur ami, Wufei aurait dormi sur le sol peu importe l'endroit où ils auraient dû aller en mission si cela voulait dire qu'il risquerait, en dormant dans le même lit, de s'embarrasser en réagissant de la manière dont il rêvait en secret et de perdre l'amitié de Duo... Duo était amoureux de Heero, et Heero...

...était en train de cligner des yeux d'un air endormi depuis l'autre côté de Duo, enfoui sous la couverture que ce dernier avait repoussé quand il avait rampé sur Wufei.

Oh.

Il n'eut pas le temps de se demander quel genre de rêve cela pouvait être avant que Duo, sans aucun avertissement, ne décide de performer une amygdalectomie par voie orale sur lui.

Définitivement pas un rêve. Trop agréable pour être un rêve. Trop réel pour être un rêve.

Et il n'avait certainement jamais rêvé que Heero soit là aussi dans toutes les fois où il avait imaginé être avec Duo. Pas de cette manière-là en tout cas, plutôt de la manière petit-ami-officiel-cassant-la-gueule-du-salaud-de-voleur-et-puis-partant-avec-un-Duo-rigolard-qui-ne-l'avait-jamais-vraiment-désiré-de-toute-manière. Mais qu'il se contente de les regarder pendant qu'ils se faisaient un câlin... Pas moyen, trop tordu.

Duo le relâcha et eut un petit rire, lançant un grand sourire à Heero, qui lui rendit un tout petit sourire moqueur et se redressa, posant sa joue sur son poing pour mieux voir la scène.

Avant que Wufei puisse comprendre ce qu'il était en train de faire, Duo l'avait laissé pour sauter sur Heero avec un cri de guerre qu'un Sioux n'aurait pas renié, et l'aplatit contre le matelas, pressant ses lèvres contre celles du japonais. Wufei cligna des yeux. Deux secondes plus tard, la tornade à la natte était en train de lui ramper par-dessus, pour tomber du lit avec un bruit sourd. Avant qu'aucun des asiatiques ne puisse s'inquiéter, il avait bondi sur ses pieds et était en train de courir dans le couloir, hurlant "BANZAIIII!!!" tous les deux pas.

Heero et Wufei sentirent une goutte de sueur faire son chemin le long de leur tempe.

+

Heero jeta un coup d'œil à Wufei et étouffa un soupir. Bon sang, c'était si étrange d'être au lit avec lui. Ils n'avaient jamais été proches, trop occupés par leur petite compétition pour prendre vraiment le temps de fraterniser... même s'il avait pris grand plaisir à agacer Wufei, en agissant comme s'il ne remarquait même pas que le niveau des aptitudes, des capacités et des dons de Wufei étaient ne serait-ce que proches des siens, et en ignorant ostensiblement les efforts que Wufei fournissait pour le surpasser. Ils étaient rivaux....

... et maintenant ils étaient dans le même lit, échangeant des petits coups d'œil par-dessus le creux dans le matelas qui marquait la place que le garçon qu'ils aimaient tous les deux avait occupée pas deux minutes avant.

La lumière du petit matin adoucissait les traits de Wufei, rendait son nez et ses sourcils moins agressifs, changeait ses yeux noirs de sombres profondeurs habitées de violentes forces invisible en une douce et tendre obscurité.

Il ne voulait pas voir le côté tendre de Chang. Ca rendait ce qui s'était passé entre eux la nuit précédente trop étrange et pourtant trop réel.

Heero se laissa tomber sur le matelas, un bras jeté en travers de sa figure, espérant que Chang penserait qu'il était seulement en train de se protéger les yeux de la lumière. Il essayait de protéger son esprit de l'étendue de ce qu'il avait fait.

Oh dieux. C'était une trop grande responsabilité.

La théorie était bonne, celle qui disait qu'il pouvait faire n'importe quoi aussi longtemps qu'il gardait Duo et que Duo était heureux, même le partager avec son rival, qu'aussi longtemps qu'ils essayaient d'agir avec maturité et d'être raisonnables, ce serait ok, mais comment diable cela fonctionnerait-il dans la réalité? Heero avait toujours pris un malin plaisir à faire en sorte que Wufei se sente inférieur et inadéquat, ce qui en théorie était bien pour leur mission parce que son coéquipier se défonçait encore plus pour se surpasser, mais était mauvais pour ce qui était de l'entente entre eux. Quand à Wufei, il prenait grand plaisir à tendre une oreille amicale à Duo quand ce dernier avait besoin de se plaindre de lui, et même s'il ne faisait aucune remarque à voix haute à Heero, il ne cachait absolument pas le fait qu'il savait aussi bien que lui-même ce qui se passait entre lui et son petit ami.

Ca avait été facile de partager des idéaux avec lui quand il faisait nuit, mais la lumière du jour les rendait... réels, d'une certaine manière. Les transformait d'idées en réalités avec lesquelles ils devaient maintenant vivre.

Et il tombait régulièrement sur de plus en plus de petits détails ennuyants. Rien de précis pour le moment, juste... des impressions. Quelque peu incertains. Décidément désagréables. Il espérait qu'il n'avait pas complètement détruit leur relation, à eux trois. Si ça ne marchait pas... Wufei se retrouverait sans ami. Heero redeviendrait seul, comme avant de le rencontrer, mais sachant cette fois ce qu'il perdait. Et pour Duo ce serait pire encore, perdant un amant et un meilleur ami dans l'histoire.

Il ne pouvait pas tolérer l'idée de faire souffrir Duo ainsi. Il ferait marcher cette relation. Il le ferait.

"Suis tes sentiments"... Mais bien sûr. Quel sentiment suivre? Il ne sentait que deux choses pour le moment: aimer Duo, et se cacher de Wufei, mort de honte. Pas vraiment compatible... ah, merde.

Grommelant, il s'assit, jetant un regard à Wufei sous ses cils. Le chinois avait été en train de le regarder, mais détourna le regard dès qu'il vit Heero bouger. Bon sang. Le garçon aux cheveux noirs se sentait aussi étrange que lui, réalisa Heero. Est-ce qu'il se demandait s'il fallait revenir sur leur décision aussi? Merde. Comment détendre l'atmosphère entre eux?

"Tu pense que c'est très intelligent de laisser Duo tout seul dans la cuisine?" demanda-t-il d'une voix indifférente, essayant dur de rester détaché.

Il grinça des dents en entendant dans sa voix la petite note de tension qui était trop audible pour que Wufei considère sa question comme le badinage que c'était censé être. Génial, il ne pouvait même pas échanger des petits commentaires sans importance avec lui.

"Probablement pas," répondit Wufei, s'asseyant au bord du lit, lui envoyant un petit sourire sarcastique.

Heero se demanda s'il avait réellement entendu le soulagement dans la voix de Wufei... Probablement, étant donnée la situation.

Au diable tout ça. Il n'avait pas l'air de pouvoir faire quoi que ce soit comme il faut, pas même être détendu en présence de l'Autre de son Duo. Pourquoi ne pouvait-il pas communiquer si facilement comme Duo? Pourquoi devait-il se sentir étrange et pas à sa place à chaque fois qu'il essayait de discuter avec quelqu'un d'autre que son amant? Putain de Docteur J!

Duo le connaissait, connaissait ses blocages, ses petites manies, ses étranges retards sociaux. Duo ne pensait jamais qu'il était étrange, comprenait pourquoi ce n'était pas de sa faute et pourquoi ça ne faisait rien, parce qu'il pouvait le lire comme un livre ouvert et savait ce qu'il voulait dire, ce qu'il ressentait, sous le comportement froid et presque robotique. Et les autres gens, eh bien, il se fichait bien de ce qu'ils pensaient de lui et si son comportement ne leur plaisait pas ils pouvaient aller se faire foutre.

Mais Wufei... Il était un coéquipier, aussi Heero tenait à ce qu'il soit sûr de ses capacités. Mais Duo accordait de l'importance à ce que Wufei ressentait, et Heero accordait de l'importance aux sentiments de Duo, alors il devait bien se préoccuper de ce que Wufei ressentait aussi. Et ça voulait dire se sentir embarrassé comme il n'avait jamais été quand il pensait à toutes ces petites choses qui le faisaient passer pour quelqu'un d'étrange, d'anormal.

Heero supposait que même sa manière d'approcher le problème avait été bizarre ... Wufei le lui avait dit d'ailleurs. Et Wufei, même s'il n'avait pas été aussi bizarrement socialisé qu'il l'était, était toujours aussi distant, calme et rationnel que possible pour quelqu'un ayant grandi dans une structure familiale traditionnelle. Si même lui pensait que Heero poussait la logique trop loin ...

Non, c'était une bonne solution. Wufei l'avait acceptée, Duo l'avait acceptée. C'était juste que la plupart des gens étaient trop emmêlés dans de stupides notions de possession de l'être aimé ... ce que Heero trouvait totalement ridicule. L'amour n'était-il pas censé être altruiste ? C'était dans la définition du dictionnaire ...

Ca marcherait.

Heero se sortit de sa transe d'un sursaut quand il entendit le chinois pousser la porte pour sortir. Heureusement, il avait regagné son impassibilité quand l'autre se retourna pour lui jeter un regard curieux, se demandant visiblement pourquoi il ne suivait pas.

Heero sauta hors du lit et le suivit, sa figure sans expression comme toujours, cachant totalement sa tourmente intérieure. Il le ferait marcher. Ils devraient juste ignorer l'étrangeté, elle s'en irait après un moment. Ca marcherait.

Ca devait marcher.

+

Wufei jeta un coup d'œil à la figure de son coéquipier et ravala un soupir. Heero avait laissé sa façade d'homme de glace retomber en place... Un signe certain qu'il était en train de se concentrer sur quelque chose et qu'il ne voulait pas risquer de laisser transparaître des indices sur ce que c'était et ce qu'il en ressentait.

Wufei était sur les nerfs. Il pouvait sentir une démangeaison imaginaire sur son épaule gauche, là où le regard de l'autre garçon était probablement fixé, et il se retenait difficilement de sursauter à chaque craquement du vieux parquet. C'était dur de ne pas courir, pour arriver vers Duo aussi vite que possible, pour que le garçon aux cheveux longs efface l'étrangeté entre eux deux d'un simple sourire.

C'était dur de croire les souvenirs qu'il avait de la nuit précédente, avant que Duo ne revienne. De Heero se penchant sur lui, lui souriant, si surprenant, si étonnamment beau... de leurs caresses...

Il sentit le bout de ses oreilles virer au rose. Qu'avaient-ils fait? Il ne pouvait pas croire ses souvenirs. La passion dans le soldat habituellement d'un froid de glace, le mélange délicieux de force et de contrôle provoquant cette réponse passionnée de sa part... le côté joueur, le côté doux, du garçon qui s'était autodétruit sans un mot plutôt que de plier sous la volonté d'OZ...

Dieux, il avait étreint le petit ami de Duo. Et il était toujours vivant pour en parler.

.... Il ETAIT le petit ami de Duo lui aussi... maintenant qu'il y pensait.

"Hey!" s'exclama Heero quand son épaule heurta celle de Wufei. Le chinois venait de ralentir sans avertissement.

"Désolé, je réfléchissais juste," se débrouilla-t-il pour dire à Heero qui le fixait, vaguement curieux.

Les yeux de Heero brillèrent d'humour contenu, et Wufei lui jeta un regard mauvais, hésitant à tirer tout bonnement la langue à l'autre adolescent.

"Quoi que tu sois en train de penser, Yuy, n'essaye même pas de le dire tout haut," gronda-t-il, amusé malgré tout.

L'autre garçon renifla d'un air moqueur, et le dévisagea, comme s'il mesurait la capacité de contre-attaque du garçon au cheveux noirs s'il n'obéissait pas- et comme s'il ne trouvait pas grand-chose à craindre- mais finalement il hocha la tête, le coin de ses lèvres à peine tourné vers le haut en un début de sourire moqueur.

Ils pénétrèrent dans la cuisine.

+

Duo les attendait, debout près de la table. Ils s'arrêtèrent par réflexe; il les regardait tous les deux si bizarrement... jetant un coup d'œil à Heero, puis à Wufei, puis encore à Heero, mordillant pensivement ses lèvres...

Finalement le chinois en eut assez et lui demanda: "Quoi?"

Duo haussa les épaules comme pour dire que ce n'était pas important et leur envoya un étrange petit sourire.

"Oh, c'est juste que je sais pas qui de vous deux a droit au bisou du matin en premier, c'est tout..." lâcha-t-il en tirant un bout de langue.

Heero cligna des yeux, Wufei rougit. Un bisou du matin? C'était si puéril...

C'était quelque chose qui se faisait, entre petits amis ou amants.

Et comme à chaque fois que la pensée lui était venue depuis son réveil, Wufei se retrouva à bloquer.

Heero observa son amant, pensif. Duo était en train de plaisanter avec eux pour dissiper la tension entre les deux asiatiques, vrai, mais Heero pouvait sentir de la nervosité en dessous... A sa manière, il était en train de demander les règles. Y avait-il une hiérarchie dans l'ordre avec lequel il les embrassait? Heero se sentirait-il jaloux si Duo embrassait Wufei en premier? Wufei se sentirait-il abandonné si c'était le contraire?

Le japonais haussa les épaules.

"Embrasse Wufei. J'en ai déjà eu pas mal, je peux attendre encore un peu," ajouta-t-il, s'asseyant à sa place à table et empoignant sa tasse de café avec détermination.

Wufei se sentit idiot. Il avait quelque peu cru qu'en tant que petit ami senior de Duo, Heero était censé avoir son tour en premier. S'il y avait une chose que Wufei ne voulait pas, c'était le rendre jaloux. Heero partageait remarquablement facilement, surtout quand on considérait son passé, vide de toute sorte d'amour, mais ça ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas se sentir seul et abandonné. Et quand... SI il décidait qu'il en avait assez de cet arrangement bizarre, il n'y avait aucun doute dans l'esprit de Wufei que Duo le choisirait, même s'il aimait Wufei aussi. Ils avaient été ensemble beaucoup plus longtemps, alors qu'il avait seulement été l'ami de Duo. Ce serait moins difficile de retourner aux anciennes relations.

Puis, Duo l'approcha, silencieux sur ses pieds nus, et posa un doigt sous son menton pour le faire le regarder en face. Wufei sursauta. Il avait été perdu dans ses pensées et ne l'avait pas vu s'approcher.

Et pour être proches, ils étaient proches. Nez à nez, même.

Duo lui lança un grand sourire, puis glissa une main sous sa queue de cheval et pressa ses lèvres contre les siennes. Au lieu de tirer avantage de la chaleur et de la souplesse de ses lèvres, Wufei ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil par dessus son épaule pour vérifier si Heero était en train de regarder. Il ne regardait pas, grâce aux dieux. Wufei rendit son baiser à Duo.

Duo le relâcha avec un sourire radieux et dansa jusqu'à la chaise de Heero, se drapant en travers de ses épaules.

"Tu as été patient, bon garçon," plaisanta-t-il, frôlant de son nez l'oreille qui pointait hors des cheveux en bataille de son amant.

Heero tourna la tête et mordit le bras de Duo.

"OUILLE! Animal!" protesta le garçon aux yeux mauves.

Heero agrippa sa natte et l'utilisa pour le guider sur son côté et le forcer à se pencher vers lui, jusqu'à ce que Duo soit à une bonne distance pour l'embrasser. Et puis il l'embrassa, et pas qu'un peu.

"Mmm... Déjà violenté de si bonne heure le matin, la journée va être bonne!" commenta Duo, léchant ses lèvres avec approbation.

"Assieds-toi et mange," répondit Heero, donnant une claque à son postérieur.

"Oui chéri," répondit Duo d'une voix faussement soumise.

"Tu devras être ferme avec lui, Wufei, je ne veux pas qu'il vienne te demander quand je lui refuse quelque chose... Si tu lui donnes le bout de ton doigt il te prendra le bras entier. Les esclaves comme lui ne laissent pas passer la plus légère opportunité pour oublier les règles."

Wufei cligna des yeux et fixa le japonais, qui, assis à sa place, mangeait tranquillement comme si ce qu'il avait dit ne sortait pas du tout de l'ordinaire.

"Désolé, maître, je serai un bon esclave, je le jure," dit Duo, sa tête baissée avec modestie, mais ses yeux brillant d'amusement sous ses mèches.

Oh. Une blague. Eh bien, s'ils plaisantaient comme ça entre eux, il se devait de plaisanter avec eux quand il y était invité, n'est-ce pas?

"Ne t'inquiète pas, je serai ferme," répondit Wufei d'une voix qu'il espérait suffisamment sévère.

"Oh, crotte, deux mâles excessivement dominant pour un petit moi tout seul..."

"Tu es insolent, esclave," répliqua Wufei, donnant une légère tape à son bras. Il se demanda s'il n'avait pas passé une limite qu'il ne connaissait pas, mais Duo prit seulement l'air timide et embarrassé. Il était toujours en train de plaisanter.

"Je vous demande pardon, Ô Grand Maître Wu."

Wufei eut un sourire en coin. Il n'avait pu s'empêcher de se demander une seconde s'ils avaient ce genre de relations au lit, mais ... Duo n'était pas capable d'avoir l'air soumis si sa vie en dépendait. Etre l'esclave de quelqu'un pour de vrai... nooon. Pas possible.

"Comment se fait-il qu'il soit Grand Maître et que je sois seulement Maître?" demanda Yuy.

"Favoritisme?"

"Tu fais juste le lèche-bottes, espérant qu'il ne se méfiera pas de toi avant qu'il ne soit trop tard..."

"Vous me connaissez si bien, Maître," lâcha Duo en papillotant des cils, le reste de son expression totalement sérieuse. "Hé, donne-moi le café, Wu."

"C'est Grand Maître Wu pour toi," répondit-il, lui envoyant un regard faussement mauvais.

"Tu veux pas m'voir à genoux pour t'embrasser les pieds non plus?" renifla Duo, lui tirant la langue d'un air suggestif.

Ils eurent tous un petit ricanement à l'idée.

Bon sang, c'était bon, Chang le sentait revenir, le rythme de leur habituelles plaisanteries, les répliques acides, les jeux de mots, exactement aussi bon que ça avait été quand ils avaient juste été amis. Wufei se sentait bien plus à l'aise soudainement.

Le chinois se caressa pensivement le menton, comme s'il considérait la proposition. "Je sais pas, être soumis te va bien..."

"Ah ouais?" challengea le garçon à la natte, ses yeux brillant de malice.

"Les enfants, pas de bagarres dans la cuisine," demanda Heero d'une voix sévère.

"Oui maman."

"C'est maître pour toi," répliqua Heero du tac au tac.

Duo se mit à rire.

"Ok, je laisse tomber... Je vais pas avoir le dernier mot aujourd'hui, puisque vous vous liguez contre moi."

"Comment on pourrait gagner si on faisait pas ça, te connaissant?" demanda Wufei flegmatiquement . Duo fit la grimace et décida de ne pas répondre. Ils finirent le repas dans un silence confortable, échangeant de petits sourires amusés de temps en temps.

+

Une fois fini, Heero débarrassa pendant que Duo rangeait la nourriture. Wufei les observa. Ils agissaient d'une manière si synchrone qu'ils ne se retrouvaient pratiquement jamais dans le chemin de l'autre. Il se sentit inutile mais ne voulait pas les planter là sans avertissement comme il l'aurait fait si ça avait été une matinée ordinaire... enfin, une matinée avant La Nuit. Maintenant il avait le sentiment que sa vie ne serait plus ce qu'il avait considéré comme normal pour un bon moment. Enfin, de toute manière, il ne voulait pas les abandonner là.

Quand ils eurent fini, ils le regardèrent puis échangèrent un regard qui en disait des tonnes. Wufei se demanda s'il arriverait jamais à avoir ce degré de complicité avec Duo.

"J'ai des réparations à faire sur Deathscythe, quelqu'un veut venir au hangar avec moi?" demanda Duo.

C'était à une demi-heure dans les bois en ligne droite, et aucun d'entre eux n'aurait essayé la ligne droite à cause du terrain, qui rendait un tel trajet bien trop difficile. La voie facile décrivait de longues courbes ennuyeuses, mais au moins on n'arrivait pas avec les vêtements en lambeaux et les genoux en sang. Et il n'y avait pas moyen d'aller là bas en voiture ou en moto. Habituellement, quand ils prenaient la peine d'aller là-bas, ils restaient la journée, puisque le trajet était si long. C'était logique que Duo ne veuille pas être seul là bas si longtemps.

"J'ai un rendez-vous avec un contact," Wufei s'excusa, réellement désolé.

"J'ai besoin d'attende des renseignements ici même," ajouta Heero, jetant un regard d'excuse à Duo. Tristement, il avait besoin d'utiliser la connexion Internet de la maison, utiliser son Gundam était trop risqué et s'il avait à sacrifier quelque chose pour ne pas se faire prendre il préférait encore que ce soit une vieille maison, facilement réparée et qui ne manquerait à personne en cas de totale annihilation par les forces d'OZ.

Le garçon à la natte soupira. "Je vous verrai ce soir alors..."

Il agrippa Heero par le cou et lui donna un petit baiser sur la mâchoire, puis s'approcha de Wufei et lui fit un smack sur le nez, lui lançant un clin d'œil. Puis il prit le sandwich qu'il s'était fait plus tôt et une bouteille d'eau, et disparut dans l'escalier pour prendre son sac à dos. Heero et Wufei échangèrent un coup d'œil, puis haussèrent les épaules et partirent vaquer à leurs occupations.

"A plus tard," lança Heero en quittant la pièce.

"...A plus tard," répondit l'autre asiatique, sa voix pensive.

Heero se demanda s'il avait des arrière-pensées lui aussi.

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"Les mecs? J'ai une question."

Heero et Wufei jetèrent un coup d'œil à Duo qui se tenait debout entre eux, poings sur les hanches, face au lit qu'ils avaient utilisé la veille.

"Comment diable est-ce qu'on a réussi à tenir tous les trois dans CA?"

Wufei considéra le lit, qui était il faut bien le dire relativement étroit.

"C'est une bonne question, tu sais," commenta-t-il, hochant la tête d'un air pensif.

Duo renifla d'un air dégoûté.

"Avec beaucoup de crédit sur la santé future de nos colonnes vertébrales," répondit Heero avec dérision, faisant une grimace comme il étirait des muscles qui protestaient encore de la nuit précédente.

Wufei renifla, Duo ricana.

"Y a pas moyen que je dorme dans ce lit avec vous encore une fois. C'était sympa, mais une nuit à rêver que j'étais une sardine dans sa petite boîte, c'est assez pour moi."

Wufei baissa les yeux sur le plancher, se mordillant la lèvre.

"Je pourrais..."

Il n'eut même pas le temps de proposer qu'il les laisse dormir tous les deux dans leur lit et retourne dans le sien. Duo venait de lui balancer un tas de couvertures et de draps à Heero, et était en train de lui charger les bras avec les coussins avant qu'il n'ait pu trouver sa voix. Le chinois cligna des yeux par-dessus sa brassée.

"...Duo?"

"Duo, qu'est-ce que tu fais?" demanda calmement Yuy.

"Tu verras!!"

Il était en train de tirer le matelas sur le sol. Il atterrit avec un bruit sourd, en plein sur son pied, mais ça ne ralentit pas la tornade Maxwell une seconde. Le garçon à la natte redressa le matelas sur un côté et se mit à le traîner à travers la pièce. Il eut quelques problèmes pour le manœuvrer dans le couloir, mais réussit finalement à tourner le coin, et se remit à le tirer vers l'escalier avec une énergie renouvelée. Les deux asiatiques le suivirent, échangeant des regards confus.

"Wu? Tu pourrais aller dans le salon et tirer la petite table avec le téléphone vers l'autre côté de la pièce s'il te plaît? Et fous tes oreillers sur le canapé, aussi."

Déconcerté, Wufei obéit. C'était toujours intéressant de suivre les moments d'inspiration de Duo, de toute manière. Enfin, la plupart du temps. Quand il n'était pas la cible des dites inspirations.

Après avoir balancé sa brassée de coussins sur le canapé, il tira la petite table aussi loin que possible de l'escalier. S'il avait interprété les idées de Duo correctement, le matelas allait descendre les escalier sous peu. Dieux, mais ce truc était moche, avec ses pattes de lion tordues et le petit napperon brodé. Ca ne serait pas une grosse perte s'il le laissait dans le passage.

"OK!!" avertit-il.

Le matelas dévala l'escalier sur la tranche, puis s'écrasa sur le sol une fois libéré des murs de la cage d'escalier. Duo descendit les marches en bondissant derrière lui, et le traîna avec enthousiasme entre le canapé bas et la cheminée. Il dépassa Heero en courant, toujours bondissant allègrement, et ils purent entendre ses pieds gifler le plancher et une porte s'ouvrir avec un bang. Une minute plus tard, le matelas de Wufei suivait le même chemin.

"Maxwell..."

"C'est pas une super idée? Va chercher ton oreiller, Wu-love, on doit rendre ça aussi confortable que possible!"

Le chinois sursauta. Wu-love? Et Duo n'avait même pas semblé réaliser qu'il lui avait donné ce petit nom...

Il avait un petit nom. Il ne savait pas s'il devait se sentir ennuyé ou tout fondant à l'intérieur; se sentir fondre n'était pas très approprié pour un jeune homme sérieux comme lui... Mais c'était quand même ce qu'il ressentait, alors tant pis.

Wu-love.

Il se mordit l'intérieur des joues et grimpa les escaliers quatre à quatre.

+

"Je pourrais vraiment apprendre à aimer ça," soupira Duo avec contentement.

Il s'étira et se laissa tomber à plat sur le dos, ses bras croisés derrière la tête. Le canapé, bas et mou, fournissait un repose-tête très confortable et pile à la bonne hauteur, et les deux matelas entassés entre lui et la cheminée étaient tellement recouverts de couettes et de coussins qu'ils avaient plus l'air d'un nid que d'une quelconque sorte de literie à usage humain. Près de leurs pieds, le feu dansait joyeusement dans les profondeurs de la cheminée, pas assez proche pour brûler, juste assez pour les réchauffer agréablement.

Assis en tailleur à sa droite, Wufei fixait du regard les profondeurs orangées, l'air hypnotisé. Les flammes illuminaient sa peau de tons chauds, et ses yeux sombres semblaient plus doux. Des mèches s'étaient échappées de sa queue de cheval, encadrant son visage, effaçant la dureté habituelle de ses traits. Son genou frôlait la hanche de Duo, et le garçon à la natte eut envie de ronronner. C'était si parfait. Encore plus parfait quand il regardait à gauche, parce qu'à gauche, il y avait Heero, appuyé contre le canapé, ses yeux à demi-fermés, ses mains reposant sur son ventre, somnolant, assez proche pour que Duo puisse sentir sa chaleur contre son flanc. Mrrowr.

Enfin, ce serait mieux s'il ne savait pas trop bien que Wufei ne s'allongeait pas pour apprécier le confort parce qu'il était trop tendu pour oser. Duo ne pouvait pas voir ça parce que le mec avec le contrôle de son langage corporel, mais il pouvait quand même le sentir. Il n'arrivait pas à savoir quoi faire pour les faire se relaxer en présence de l'autre, mais il était en train d'y réfléchir.

Heero était volontairement en train de se montrer décontracté pour prouver qu'il acceptait que Wufei soit si proche dans une situation intime, mais le pilote chinois n'était pas encore sûr que c'était vrai. Il agissait d'une manière circonspecte, vérifiant toujours les réactions de Heero à ses propres actes pour voir s'il n'avait pas dépassé une limite. Duo espérait qu'il finirait par accepter qu'il était là pour y rester et qu'il avait autant que l'autre garçon le droit d'être dans cette relation. Mais d'une certaine manière ce n'était pas vrai. Parce que si Heero n'avait rien proposé, ladite relation n'aurait jamais commencé. Et si Heero décidait de changer d'avis, tout s'effondrerait. Wufei savait que Duo n'était pas un problème, parce qu'il savait que le garçon à la natte les aimait tout autant l'un que l'autre, mais Heero le tolérait tout au plus, comme quelqu'un qui devait être tolérer pour faire plaisir à son amant, rien d'autre.

Enfin, c'était ce que le chinois pensait. L'américain avait surpris, et avant même qu'il n'avoue à Heero ses sentiments pour Wufei, un drôle de regard amusé, un poil condescendant, et bizarrement affectueux quand les deux asiatiques avaient juste eu un désaccord et que Wufei tournait les talons pour partir, avec agacement s'il avait perdu et avec fierté s'il avait gagné. Heero aimait bien Wufei, Duo le savait. Bon, comment il l'aimait bien était une autre histoire. Aucun moyen de savoir si c'était de l'amitié, ou un sentiment fraternel, ou une bizarre rivalité...

Bon sang. Il était trop tard et il avait travaillé trop dur aujourd'hui pour penser à ça. Temps d'aller au lit. Son cerveau lui donnait l'impression de flotter dans de l'anesthésiant, un signe sûr qu'il devait se reposer d'urgence.

Combattant l'assoupissement, il se releva d'un bond, faisant sursauter Wufei et s'attirant un regard confus de Heero.

"J'veux dormir."

Et avant que l'un d'entre eux puisse lui demander ce qui l'en empêchait, il avait agrippé le cou de Wufei et était retombé sur le dos, entraînant le garçon aux cheveux noirs après lui.

"Hé!!" protesta Wufei.

"Tu dors aussi. J'ai besoin de câlins pour m'endormir, d'abord," ajouta-t-il, faisant une moue volontairement puérile. Le Chinois eut un petit rire, même s'il se sentait quand même mal à l'aise.

Duo se pelotonna contre le flanc de Wufei, l'enlaçant d'un bras autour du torse, puis jeta un coup d'œil en arrière. Heero les observait, impénétrable.

"T'attends quoi?" demanda Duo, faussement ennuyé. Il indiqua d'un mouvement du menton que Heero était censé se rapprocher, puis, comme il n'obéissait pas assez vite, le garçon à la natte roula sur le dos, agrippa le bras de Heero, l'enroula autour de son torse, puis se retourna pour se blottir contre Wufei encore une fois, forçant le Japonais à se presser contre son dos en cuillère.

Duo eut un soupir de bien-être. "Pas moyen que je dorme encore une seule fois tout seul," prévint-t-il ses petits amis, sa voix étouffée par l'épaule de Wufei. Heero eut un petit rire et se rapprocha, moulant son torse contre le dos de Duo.

Wow. Le meilleur des deux mondes. Sa tête sur une épaule forte, ses bras autour d'un ventre musclé, et un corps dur serré contre son dos en même temps. Le paradis.

"Pas moyen..." répéta le garçon à la natte, sentant le sommeil l'envahir.

+

Wufei soupira, se relaxant lentement dans l'étreinte. Il n'était toujours pas habitué à être si intime, à avoir le droit d'être si intime, avec le garçon dont il avait été amoureux pendant si longtemps. Et ça faisait un bail depuis la dernière fois qu'il avait ne serait-ce que fait la bise à quelqu'un.

Sa mère avait arrêté de le câliner à six ans environ, et son père ne l'avait jamais fait du tout. Et puis il y eut Meiran, qui était censée être sa femme, mais avec qui il n'avait même pas partagé un lit. Ils étaient censés le faire, et ils avaient eu beaucoup de disputes à propos de la ligne invisible à ne pas dépasser, mais au final il était juste allé dormir ailleurs... pour se rendre compte par la suite qu'elle avait fait pareil. Le seul contact qu'il avait eu avec elle était pendant leurs bagarres. Et ces quelques rares rencontres après leurs plus intenses bagarres, qu'on ne pouvait pas vraiment appeler faire l'amour. S'accoupler probablement, ou quelque chose du genre. Même là, le contact n'avait rien eu de tendre.

Dans une famille d'origine et de culture chinoises, on ne s'embrasse pas, on ne se serre pas dans les bras. On s'incline, on hoche la tête. On ne touche pas. Jamais. Quel choc ça avait été pour lui la première fois où Duo s'était jeté sur lui après une bataille, la seconde fois seulement où ils avaient combattu côte à côte. Il l'avait repoussé violemment, se retenant de le frapper uniquement parce que le garçon à la natte n'avait pas eu l'intention d'attaquer ou de se moquer, qu'il avait juste relâché un peu de l'excitation de la bataille qu'il sentait toujours courir dans ses veines. Piqué au vif par le rejet, Duo avait décidé de faire son but personnel de serrer Wufei dans ses bras à chaque occasion, pour le relaxer. Après quelque temps, Wufei avait découvert que Maxwell était sans doute la personne la plus têtue de la galaxie, et avait juste arrêté d'essayer d'échapper aux étreintes qui lui étaient infligées, attendant patiemment que Duo le relâche. Au bout d'un moment, il s'était même rendu compte qu'il aimait ça.

Après encore un autre moment, il avait réalisé qu'il aimerait que ça aille un peu plus loin. Plus de contact, pour plus longtemps, peut-être une sorte d'étreinte différente aussi, une plus intime. Totalement stupéfait par la réalisation, il avait évité Duo pendant de longues semaines, essayant de comprendre cette étrange attirance. Et puis il avait admis pour lui-même ce qu'il ressentait, avait accepté le fait que oui, il voulait Duo comme ça. Mais c'était déjà trop tard; Duo s'était casé avec Heero. Le garçon à la natte le serrait toujours dans ses bras dès qu'il avait l'occasion, mais Wufei retourna juste à son ancienne manière de supporter les étreintes, raide et distant, comptant les secondes, s'interdisant de trop apprécier le contact. Maxwell était à Yuy à partir de maintenant. Chasse gardée.

Pas comme si le garçon enthousiaste pouvait apprécier quelqu'un de sarcastique, de froid et de hautain d'une quelconque manière à part une très étrange sorte d'ami.

Une mèche couleur de miel glissa contre sa joue, lui chatouillant le nez. Wufei leva une main et prit la mèche entre ses doigts, laissant les doux cheveux glisser entre ses doigts rugueux. Duo marmonna quelque chose d'indistinct et sa main glissa le long du ventre de Wufei. Le garçon aux yeux noirs soupira en silence, un petit sourire aux lèvres.

Cette étreinte-ci n'était définitivement pas du genre de celles auxquelles on soumet ses amis.

Suivant une impulsion, il se tourna sur le côté pour presser son torse contre celui de Duo, glissant un bras autour de son torse pour rendre l'étreinte.

Et se figea.

Il avait frôlé le bras de Heero. Surpris, il jeta un coup d'œil par-dessus l'épaule de Duo, et vit deux yeux bleu sombre le regardant. Il retira son bras, le laissant retomber sur sa propre hanche, mais le bras de Duo autour de sa taille ne rendait pas cette position confortable. Il pensa à le plier pour poser sa main sur son épaule mais le contact réveillerait probablement l'adolescent.

Bon sang. Et pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas mettre ses bras autour de la taille de Duo lui aussi? pensa-t-il avec agacement. Juste parce que le bras de Heero était déjà là... Il y avait assez de place pour deux. Il devrait juste le poser plus haut, voilà tout.

Il glissa un bras autour du torse de Duo avec précautions, bêtement honteux parce qu'il savait que Heero était réveillé, et le regardait. Mais le garçon à la natte était son petit ami aussi, maintenant, il avait le droit de le prendre dans ses bras! Ennuyé envers lui-même autant qu'envers Heero, il ferma les yeux, nichant sa main juste sous la natte de Duo.

+

Heero soupira. Sa propre main était fermée autour de la natte de Duo, seulement deux replis plus haut. Il pensa à la lâcher, sachant que si Wufei bougeait la main ils se toucheraient, mais finalement ne le fit pas. S'il bougeait maintenant, Wufei le sentirait et saurait qu'ils avaient failli être en contact de toute manière. Et puis ils passaient la nuit dans le même lit, bien sûr qu'ils pouvaient se retrouver en contact! Et puis il n'avait pas la peste. Ils avaient même passé la nuit dans les bras l'un de l'autre la veille, alors il ne comprenait pas pourquoi il se sentait si intimidé aujourd'hui. C'était stupide.

Il ferma les yeux lui aussi, embrassant doucement la nuque de Duo, son rituel avant de dormir, et imagina un temps où Wufei et lui se sentiraient assez confortables en la présence de l'autre qu'ils n'auraient pas besoin d'avoir peur d'entrer en contact.

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Heero fut réveillé par l'odeur de café et de pain grillé.

'Bon sang, comment il fait?' se demanda-t-il quand il réalisa que Duo s'était échappé d'entre les deux asiatiques sans même les réveiller. Une chose difficile à faire quand on considérait qu'il avait été pris en sandwich entre eux deux, leurs bras encerclant son corps...

... oh. Oups.

Le bras de Wufei reposait sur la hanche de Heero, le poignet de Heero frôlant le torse du Chinois. Le garçon aux cheveux en bataille poussa un juron. Comment était-il censé de désengager sans réveiller l'autre? Il se figea, embarrassé, indécis, incapable de trouver un moyen.

+

Deux yeux noirs s'ouvrirent lentement. Et puis s'agrandirent quand la figure qui l'accueillit se révéla ne pas être celle qu'il avait attendu.

Heero avait l'air aussi embarrassé que lui. Merde. Il se figea pendant une seconde, puis souleva son bras, se rendant compte avec honte l'endroit où il reposait. Et dire que pendant une seconde, avant d'être entièrement réveillé, il avait apprécié le contact, pensant que c'était Duo... Merde merde merde!

+

"C'est tellement érotique de vous voir tous les deux comme ça... Face à face et vous frôlant à peine. Miam. Je devrais prendre une photo..."

Les deux asiatiques sautèrent hors du lit plus vite que s'il avait été en feu, écarlates. Plié de rire sur le dos du canapé, Duo essuyait les larmes de rire qui lui montaient aux yeux, un doigt pointé sur eux.

"Vous devriez voir vos têtes!!"

"Toi..." grogna Yuy, avançant d'un air menaçant. Wufei l'imita de l'autre côté, coupant la retraite à Duo.

"Eep!"

'Mission accomplie,' pensa Duo tout en reculant devant les deux garçons furibonds. 'Ils se prennent plus la tête parce qu'ils se sont réveillés dans les bras l'un de l'autre... Maintenant, comment est-ce que je m'en sors vivant!?'