Premier chapitre d'une petite fic écrite durant le confinement. Aussi publiée sur AO3.

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Le beau temps est indécent, il contraste fortement avec son état d'esprit. Elle espère que les vacances qui s'annoncent lui permettront de penser à autre chose… de passer à autre chose. L'un et l'autre seraient bien.

Elle affiche un sourire facile -de façade- envers ses parents. Ils sont venus pour récupérer ses affaires. Le lycée se termine et elle quitte l'île.

Shizuru aurait pourtant pu choisir l'université de Fuuka, mais l'idée de devoir maintenir son sourire et de faire bonne figure pendant plusieurs années auprès de personnes l'ayant connu durant cette période -durant le Carnaval-… elle ne peut pas le supporter. Il est plus facile de fuir. Elle suppose que ça fait d'elle une lâche.

Ses parents sont des gens normaux, gentils qui travaillent dure pour leur offrir -à son frère et elle- une belle vie. Ils sont parfois un peu trop soumis et trop déterminés à plaire aux autres. Cela vient probablement du fait que sa mère est étrangère et que si les japonais sont des gens respectueux, ils ne sont pas particulièrement ouverts à l'intégration.

Ses parents semblent penser que correspondre au maximum de normes et attentes sociales leur permettra d'être mieux acceptées. Ils avaient fait prendre tout un tas d'activités à Shizuru dans ce sens; la cérémonie du thé en était une parmi tant d'autres. Ils avaient donc été extatiques quand Shizuru avait obtenu une bourse pour Gakuen Fuuka. Une façon pour eux de dire à leurs voisins et collègues qu'ils étaient de bons -d'excellents- citoyens, des modèles même, si l'un des établissements les plus réputés acceptaient leur fille.

Shizuru n'avait jamais eu le cœur de leur dire que ça ne venait pas de son bon dossier ou de ses activités extra-scolaire, simplement de la petite marque étrange qui l'indiquait comme une HiME. Cette Académie était un traquenard. Quelque part c'était aussi devenu une chance. Malgré le fait qu'on l'ait acceptée pour de mauvaises raisons, Shizuru avait été remarquable. Elle ressortait major de sa promotion avec les éloges de ses professeurs.

Elle avait passé quelques concours pour diverses universités dont les résultats lui permettaient de pouvoir aller étudier où elle le souhaitait.

"Toutes tes affaires sont rassemblées dans ces cartons, Shizuru? Nous sommes bons?" Shizuru acquiesça distraitement à sa mère.

Ce bien paraître, cette fausseté qu'affichait parfois ses parents, lui faisait horreur.

Elle se faisait horreur.

Elle était comme eux au fond, elle avait appris d'eux. Sourire, se rendre serviable, ne jamais laisser ses émotions prendre le contrôle… c'était comme ça qu'elle avait gagné sa popularité, qu'elle avait été accepté par tous les étudiants et professeurs de l'Académie. Elle s'était conformée à leurs désirs. Et quand elle avait dérogé à sa règle, quand elle avait laissé paraître une partie de qui elle était… Shizuru revoyait le regard de Natsuki, entendait les mots d'Haruka.

Il n'était pas bon d'être différente : sa préférence romantique et sexuelle ne lui vaudrait que les reproches et dégoûts de ses paires. L'apparence d'effroi de Natsuki lui revenait et Shizuru sentit sa gorge se serrer. Jamais elle ne pourrait dire cela à ses parents, leur raconter cette explosion de sentiments quand elle était tombée amoureuse de Natsuki. Parfois, brièvement, elle se demandait ce qui se passerait si elle leur disait la vérité.

Maman, papa, j'aime les femmes. Une femme en particulier.

Comment réagiraient-ils? La chasseraient-ils? La convaincraient-ils qu'elle se trompait? Que ce n'était qu'une phase? L'accepteraient-ils? Shizuru avait trop peur de le découvrir. Elle ne pouvait pas perdre ses parents en plus de Natsuki. Elle pourrait être ce qu'ils voulaient qu'elle soit. Elle ferait des bonnes études, elle aurait un bon métier et elle aurait une famille: un mari et des enfants. Ses parents seraient heureux et elle était sûre qu'elle aussi, elle y trouverait un peu de bonheur.

Même si elle mentait sur qui elle était.

"Alors on est bon, sourit sa mère. Allez chacun son carton."

Avec bonhomie son père en souleva deux, un de vaisselles et un de vêtements. Sa mère et elle prirent les cartons de livres et de manuels scolaires.

"On charge la voiture et on y va, s'exclama-t-il. Une fois rentré, nous pourrons fêter les résultats de notre major de promotion!"

Shizuru sourit et elle se demanda si ça allait toujours être aussi difficile.

Dans le couloir, alors qu'elle refermait la porte de ce qui avait été son logements depuis 3 ans, Shizuru remarqua à un angle du couloir Natsuki qui l'observait. Elle hésita sur ce qu'elle devait faire ou dire, un mélange de peur ou de panique tourbillonnait au creux de sa poitrine. Et si Natsuki voulait soudain parler des événements du Carnaval, de ses sentiments? Si ses parents l'entendaient? Elle n'avait pas vraiment parlé entre elles depuis et elle ignorait où elles en étaient.

Étaient-elles encore amies? Avaient-elle seulement été amies un jour? ça n'avait pas d'importance.

Natsuki ne chercha pas à lui parler, son visage n'exprima rien alors qu'elle disparaissait dans le couloir perpendiculaire. Shizuru sentit ses yeux brûlés de larmes qu'elle refoula.

"Shizuru, qu'est-ce que tu fais?

-Rien, balbutia-t-elle. J'arrive, désolée."

La petite voiture familiale était déjà pleine de ses autres cartons. Elle ajouta le sien à la pile et ferma le coffre avant de s'engouffrer sur la banquette arrière.

"Sûre de n'avoir rien oublié?

-Sûre, répondit-elle d'une petite voix."

Elle ne put s'empêcher de se retourner sur son siège pour jeter un œil derrière elle. Elle espérait peut être apercevoir Natsuki encore une fois. La voiture s'éloigna sans qu'elle n'eut l'occasion de dire au revoir à qui que ce soit.


"Ah Natsuki! s'exclama Mai. J'ai préparé le déjeuner, tu n'auras qu'à le faire réchauffer. Je dois y aller, je vais être en retard pour mon service.

-D'accord.

-Ne laisse pas Mikoto mangez trop tôt sinon elle réclamera dans l'après midi.

-Ce n'est plus une enfant, Mai.

-Et s'il te plait, ne sèche pas tes cours de rattrapage! Midori viendra me voir moi pour se plaindre."

Dans un tourbillon d'énergie, Mai disparut de leur chambre commune pour s'en aller travailler au restaurant. La porte se referma derrière elle et Natsuki se retrouva les bras ballants, sans trop savoir quoi faire. Elle se sentait prise d'une énergie nerveuse, prise du besoin de faire quelque chose n'importe quoi mais sans savoir quoi.

Elle avait vu Shizuru qui déménageait dans le couloir et un instant elle avait été tenté d'aller lui parler. Elle n'avait pas su ce qu'elle voulait lui dire et puis elle avait aperçu ses parents. Elle n'avait pas osé y aller. C'était peut être pour le mieux.

Shizuru avait des sentiments pour elle, ça n'avait jamais vraiment été son amie au fond. Elle ne voyait pas bien ce qu'elle pouvait tenter de sauver de leur relation à partir de là. Pourtant, cela lui faisait mal alors de se rendre compte que le Carnaval avait mis en évidence une chose important : elle tenait à Shizuru. Elle avait toutefois découvert durant la même période que Shizuru -son être cher, sa meilleure amie - l'aimait.

C'était incompatible, n'est-ce pas? Pour que les choses marchent, il fallait que l'une des deux change de sentiments et se mette au niveau de l'autre. C'était peut être pour le mieux que Shizuru termine son lycée et parte de Fuuka. Natsuki se demandait comment les choses se seraient passées si elle avait du la côtoyer l'année prochaine. Gênant probablement.

Elle avait obtenu toutes les réponses aux choses qu'elle cherchait, sa vie revenait sur un bon rail et elle avait déjà commencé à se faire d'autres amies, de vraies amies sans relation ambiguë. C'était mieux ainsi, se convainquit-elle. Elle allait passer les rattrapages pour valider son année, peut être se trouver un petit job, elle réussirait sa terminale et se trouverait une bonne université dans un domaine qui lui plairait.

ça ne l'intéressait guère pour le moment mais peut être tomberait-elle amoureuse le long du chemin.

Tout allait bien, les choses allaient même en s'améliorant.