Holà ! J'espère que tout roule pour vous ! Me voici avec le chapitre 2 ! En espérant qu'il vous plaise !
Bonne lecture :D
LE HOBBIT
CHAPITRE 2
Lorsque Bilbo entrouvrit les yeux le lendemain matin, la matinée était déjà bien avancée. Les rayons du soleil passaient à travers ses fenêtres, venant éclairer sa demeure d'une douce et chaleureuse atmosphère.
Le jeune hobbit se redressa doucement sur son lit, encore légèrement engourdi, et tenta de se rendre compte si ce qui s'était passé hier, avait été un cauchemar, ou si tout cela avait bien été réel. Car lorsque Bilbo descendit de son lit et commença à pas lents, à inspecter sa maison, il ne vit aucune trace des nains. Aucune trace de leur passage. Rien du tout qui puisse prouver qu'ils avaient été présents la veille.
Pendant un court instant, Bilbo crut qu'il était en train de devenir fou, mais au moment où il commençait à jubiler du fait qu'il soit seul, et surtout tranquille, dans son chez-lui, ses yeux se posèrent sur un long bout de papier à une couleur variant entre le crème et le brun. Le semi-homme plissa les yeux, et lorsqu'il lu les premières lignes de ce morceau de papier, son visage blêmit. Il s'agissait là du contrat qu'on lui avait demandé de signer. Ainsi, tout ce qui était arrivé hier, était réel. Ce n'était pas son imagination, ni même son cerveau qui partait en vrille. Non. Tout cela était vrai.
Bilbo soupira, et sentit ses épaules s'affaisser. Sa jubilation laissa place à un grand, très grand désarroi. Il se sentit coupable. Coupable d'avoir dit « non », coupable d'avoir laissé les nains alors que ces derniers avaient parcourus kilomètres sur kilomètres pour venir le voir et lui demander de l'aide. Son aide.
Bilbo pinça les lèvres, et effleura la signature de Thorin sur le bas du contrat. Ce nain avait marqué son esprit, de par sa vraisemblable détermination, mais aussi par tout le respect qu'il imposait et ordonnait. Il était impossible de rester insensible au chef de cette tribu. Il ferait frémir n'importe qui. Ses yeux bleus perçants, son visage ferme et froid, sa voix rauque et grave, sa posture imposante...
Las, le hobbit se passa une main dans ses cheveux bouclés, avant d'inspirer un bon coup. Il n'avait même pas de bonnes excuses pour avoir dit « non ». En fait, Bilbo se sentit soudainement lâche : il avait refusé de signer le contrat, pour la simple et bonne raison qu'il ne voulait pas quitter son nid douillet, ses livres, ou encore son jardin, son potager, et ses arbres. La petite vie tranquille qu'il menait dans la Comté, lui correspondait et lui allait parfaitement.
Et pourtant. Bilbo commençait sincèrement à se demander si Gandalf n'avait pas raison. Peut-être était-il resté ainsi assis depuis bien trop longtemps. Peut-être devrait-il bousculer ses habitudes. Peut-être devrait-il... y aller.
Était-il seulement encore temps de rattraper les nains ? Bilbo ignorait depuis combien de temps ils étaient partis. Mais peut-être n'était-il pas trop tard. Peut-être pouvait-il encore réparer l'erreur qu'il avait commise en répondant un « non » catégorique au contrat.
Sans vraiment réfléchir davantage, le hobbit attrapa une plume qu'il trempa dans un pot d'encre, avant de prendre le contrat entre ses doigts, et de déposer sa signature à l'endroit désiré. Une fois ceci fait, il alla attraper un sac dans lequel il fourra un peu tout et n'importe quoi. Il ne fit pas vraiment attention à ce qu'il y mettait, il voulait juste partir le plus rapidement possible dans l'espoir de pouvoir rattraper les nains.
Lorsque son sac fut bouclé, Bilbo récupéra le contrat qu'il avait laissé sur son bureau, et se rua vers sa porte d'entrée. Il l'ouvrit et la referma violemment, avant de se mettre à courir le plus vite possible. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, son souffle était court, mais il ne voulait pas ralentir la cadence. Ses pieds nus martelaient le sol avec férocité, pendant qu'il enjambait et sautait par-dessus les barrières et les portails de ses voisins. Plusieurs autre hobbits levèrent un sourcil en le voyant débouler ainsi, et l'un d'entre-eux le questionna même sur sa destination. Ce à quoi Bilbo répondit en hurlant presque, qu'il partait pour une aventure.
Après de longues minutes de course à pieds, arrivé dans les bois, et avec l'impression qu'il allait cracher ses poumons, Bilbo crut enfin entendre des voix lointaines, ainsi que des bruits de sabots. Il se remit alors à courir, lui qui avait grandement ralenti, et finit par apercevoir la tribu des nains, sur des poneys et chevaux, qui marchaient à un rythme régulier. Le hobbit prit alors une immense inspiration.
« Attendez ! cria-t-il en agitant les bras dans tous les sens, en continuant de courir et en faisant tout pour leur faire remarquer sa présence. »
Cela sembla fonctionner, car les nains s'arrêtèrent brusquement, et certains tournèrent la tête vers le nouveau venu. Bilbo arriva finalement à leur hauteur, essoufflé comme jamais, mais soulagé d'avoir pu les rattraper à temps. Le contrat à la main, il prit une grande bouffée d'air, et leva la tête pour apercevoir Thorin, qui l'observait, de nouveau avec cette expression impassible et indéchiffrable. Le chef des nains resta silencieux, se contentant de le transpercer du regard. Bilbo déglutit avec difficulté, avant de se tourner vers Balin et de lui tendre le contrat.
« Je l'ai signé. »
Balin cligna des yeux, avant de lui sourire franchement et d'attraper le papier pour l'examiner sous tous les angles et toutes les coutures. Après une petite minute d'inspection (Bilbo ne savait pas trop ce qu'il inspectait d'ailleurs), Balin afficha un air satisfait et roula le contrat entre ses doigts.
« Eh bien, tout me semble en ordre. Bienvenue, monsieur Baggins, dans la compagnie de Thorin Oakenshield, répondit le nain à la longue barbe blanche, visiblement très satisfait de la tournure des choses. »
Balin tourna alors à nouveau la tête vers Bilbo et lui sourit amicalement. C'était un sourire franc, le genre de sourire que l'on pouvait offrir lorsque l'on se sentait rassuré ou reconnaissant. Bilbo le lui rendit, avant d'oser regarder à nouveau Thorin, qui était resté silencieux. Si Bilbo avait peut-être attendu un simple « merci » de sa part, le silence du chef ne le surprit pas plus que ça. Cependant, Thorin finit par prendre la parole.
« Qu'on lui donne un poney, ordonna-t-il de sa voix rocailleuse, avant de recommencer à avancer. »
Bilbo se mit alors à paniquer à l'idée de monter sur un poney, et tenta de convaincre le chef des nains que ce n'était pas la peine, qu'il pourrait très bien suivre à pieds, qu'il avait déjà fait de nombreuses randonnées... en vain. L'on le fit monter sur un poney, une ponette plus exactement, nommée Myrtille, et la tribu reprit sa route bien rapidement.
Bilbo mit quelques longues minutes à s'habituer à être sur le dos de Myrtille, ne sachant pas trop comment s'y prendre avec les poneys, mais il finit par cesser de chanceler. Le jeune hobbit souffla, se cala sur le dos de la ponette, et se mit à regarder droit devant lui. Il ne parvenait pas encore très bien à réaliser ce qui était en train de se passer. Parce qu'avouons-le, il avait un peu signé et le contrat et rejoint les nains sur un gros (très gros) coup de tête. Mais après tout, pourquoi pas ? Peut-être était-ce là le début d'une incroyable aventure, une aventure qui certes, ne le laissera surement pas indemne, mais une aventure qui le changera et lui fera peut-être voir le monde autrement. Tout comme le lui avait dit Gandalf.
Perdu dans ses pensées, Bilbo ne se rendit pas immédiatement compte qu'il s'était mit à fixer le dos de Thorin, qui était en tête de la ligne. Même si le chef était assez éloigné, Bilbo avait une bonne vue, et de toute façon, avait sans peine réussi à le reconnaître parmi tous les autres. C'était le seul qui avait cette prestance à vous couper le souffle.
Ses yeux noisettes se noyaient dans le manteau de fourrure de Thorin, pendant que celui ramenait parfois ses épaules en arrière pour faire ralentir ou accélérer son poney, faisant rouler ses muscles sous ses épaules. Et malgré l'épaisse couche de vêtements, l'on pouvait tout de même incontestablement deviner la masse musculaire qui devait l'habiter.
Bilbo cligna des yeux, et secoua la tête. Il avait toujours été admiratif des personnes inspirant une telle puissance, mais c'était la toute première fois que l'une d'entre elle l'obsédait... autant. Enfin, il ne savait pas si on pouvait parler là d'obsession, mais il fallait dire que Bilbo était attentif au moindre geste, au moindre mot, que faisait ou prononçait Thorin. Et cela perturbait le hobbit, qui se demandait pourquoi diable faisait-il une telle focalisation sur le chef des nains.
« Bilbo, mon cher ami, votre esprit semble s'évader. Où avez-vous donc la tête ? »
La voix amicale de Gandalf ramena le semi-homme sur terre, et il battit des paupières avant de regarder le magicien.
« Oh euh, rien. Enfin, nulle part. Disons juste que je m'inquiète un peu.
- A propos de quoi vous inquiétez-vous ?
- De tout, j'imagine. Je viens quand même de me lancer dans l'inconnu total, répliqua Bilbo en réprimant un léger frisson. Mes livres me manquent déjà. »
Un fin sourire vint éclaircir le visage de Gandalf, qui hocha la tête, doucement.
« Vous allez devoir vous passer de livres, monsieur Bilbo Baggins. Et de bien d'autres choses encore. Vous avez toujours vécu entouré des douces collines et des petites rivières de la Comté. Mais votre village est derrière vous désormais. Et le monde, lui, est devant. »
Ces quelques paroles firent définitivement frémir le hobbit, qui déglutit avec grande difficulté, manquant de s'étouffer avec sa salive. Oui, Gandalf avait raison. Il avait toujours, jusqu'ici, mené une petite vie tranquille. Il était temps pour lui de découvrir de quoi était vraiment faite la Terre du Milieu.
Après de longues heures de marche, Bilbo vit le soleil qui se couchait, et la nuit qui commençait à tomber. Malgré le fait qu'il soit simplement resté assis sur Myrtille toute la journée, le hobbit tombait de sommeil et ses paupières se faisaient lourdes. Ce fut donc pour cela qu'il fut soulagé lorsque Thorin leur ordonna de s'arrêter pour qu'ils passent la nuit sur un petit terrain de roche et de verdure. Bilbo descendit alors de sa ponette, et alla la mettre avec les autres poneys, non sans lui avoir fait une délicate caresse de la main. En à peine une journée, il devait bien avouer qu'il s'était attaché à Myrtille. En effet, la petite ponette l'avait écouté merveilleusement bien, et n'avait fait aucun geste brusque, n'était allé ni trop vite ni trop doucement, et avait fait bien attention à ralentir lorsqu'elle sentait que Bilbo perdait un tant soi peu l'équilibre. Comme si elle savait que le hobbit n'était pas habitué à monter à poney, et qu'il avait eu besoin de se sentir rassuré.
Malgré son allergie au crin de poney, Bilbo alla déposer un rapide baiser sur le front de Myrtille, qui lui répondit pas un hennissement joyeux, avant de se mettre à brouter quelques brins d'herbe. Bilbo lui sourit, et s'éloigna ensuite pour aller rejoindre les nains. Fili et Kili s'étaient déjà affairés à faire du feu, pendant que les autres avaient, pour la plupart, étalé leurs couvertures au sol. Ils semblaient déjà prêts à dormir, et le hobbit ne pouvait que les comprendre : lui-même était exténué, et il était persuadé que s'il s'allongeait maintenant, il s'endormirait directement.
Bilbo étouffa un bâillement, avant de déposer son sac de voyage à terre, de l'ouvrir, et à son tour de déposer son sac de couchage par terre. La chaleur et la lumière réconfortante du feu l'apaisait, et le faisait se sentir en sécurité. Pourtant, cela allait être la première fois qu'il passait une nuit en dehors de la Comté. En dehors de son lit bien douillet. Il avait bien peur d'être plein de courbatures le lendemain matin, mais une petite voix lui disait que c'était quelque chose à laquelle il allait devoir s'habituer.
Après quelques bavardages rapides, et blagues balancées à la rigolade, certains nains décidèrent de se mettre au lit (si l'on put dire cela ainsi) pour sombrer dans les bras de Morphée. D'après Thorin, demain serait une grosse, longue, et dure journée, et il voulait que ses camarades soient en pleine forme pour l'attaquer comme il le fallait.
Bilbo alla alors s'installer sous sa couverture, qu'il remonta jusqu'à son menton, et, sur le dos, il se mit à fixer les étoiles. Il devait bien admettre que le paysage et l'atmosphère étaient... agréables. Les quelques bruits du vent qui faisaient chanter les touffes d'herbe. Les petits animaux nocturnes qui chantaient ou faisaient craquer des brindilles. Et surtout, oh oui surtout, cette lune et ces étoiles qui les éclairaient de toutes leurs lumières. Cela en était presque majestueux.
Cinq minutes passèrent. Puis dix. Puis quinze. Puis vingt. Et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'une heure entière ne s'écoule, sans que Bilbo, malgré sa fatigue, ne parvienne à fermer l'œil. Et pour cause : certains nains ronflaient si fortement que le hobbit était persuadé qu'ils auraient pu réveiller un mort.
Après maintes et maintes essais pour se boucher les oreilles, compter les moutons, et faire abstraction du bruit qui l'entourait, Bilbo souffla et se rassit précipitamment, les sourcils froncés. Il remarqua alors du coin de l'œil que certains des nains, dont Fili, Kili, ne dormaient pas. Les deux étaient réunis auprès du feu, et regardaient silencieusement quelque chose d'invisible à l'horizon. Bilbo reconnu également la silhouette de Thorin, qui était allongé sur une roche, mais le nain étant à moitié plongé dans l'obscurité, le semi-homme ne sut dire s'il avait les yeux ouverts ou fermés.
Dans le doute, Bilbo se releva très prudemment et le plus silencieusement possible, avant de s'étirer et de mettre une main dans sa poche gauche. Il en sortit une pomme, qu'il regarda avec intérêt, avant de lancer un coup d'œil à sa ponette, qui était toujours debout, à quelques mètres de là. Bilbo sourit, et s'avança doucement jusqu'à Myrtille, avant de lui offrir la pomme.
« Ce sera notre petit secret, lui murmura-t-il d'une voix douce, en caressant sa douce crinière, ignorant son allergie qui se réveillait. »
Cependant, alors que Bilbo continuait à caresser et à parler à Myrtille, des bruits stridents presque indescriptibles, se firent entendre au loin. Le hobbit se figea brusquement, et sentit un vent de panique l'envahir. Il se tourna brusquement vers Fili et Kili, les sourcils haussés, le regard apeuré.
« Qu-qu'est-ce qu'est ? »
Le regard de Kili se fit alors plus sérieux, plus dur, et il répondit d'une voix morne :
« Des orcs. »
Des orcs ? Pardon ? Des orcs ? Cette fois-ci, Bilbo paniqua complètement.
« DES ORCS ? glappit-il d'une voix aiguë, ce qui fit se relever Thorin. »
Le chef des nains s'était entièrement redressé sur sa roche, et fixait la ligne de l'horizon avec un regard sombre. Bilbo, lui, sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine à cause de l'angoisse qui commençait sérieusement à lui tordre l'estomac.
« Des égorgeurs, renchérit Fili. Y en a des douzaines dans le coin. Les Terres Solitaires en sont infestées.
- Ils attaquent à l'aube, continua Fili. Au moment où tout le monde est endormi. Vite, sans un bruit, et sans un cri. Ne restent alors que des mares de sang. »
Bilbo blêmit et sentit son dernier repas remonter dans sa gorge. A cette vision, les deux frères nains ne purent s'empêcher de laisser s'échapper un ricanement. Ce ne fut alors qu'à cet instant que la voix rauque de Thorin se fit entendre.
« Vous trouvez ça drôle ? »
Bilbo sursauta et fit volte-face pour se retrouver près du chef, qui avait les sourcils froncés au maximum, et qui semblait presque blessé par l'attitude des deux nains. Thorin avait le regard froid, glacial même.
« Vous pensez qu'une attaque d'orcs n'est qu'une plaisanterie ? »
Devant le ton ô combien tonnant et sévère de leur chef, Fili et Kili baissèrent le regard et se mordirent la langue.
« Désolés, on... ne pensait pas à mal. »
Thorin ne répondit rien. Il se contenta de laisser s'échapper un grincement de dents, avant de se détourner des nains et de s'éloigner du reste la tribu. Bilbo avait vu dans ses yeux que le chef avait été touché là où il n'aurait pas dû l'être. Et le hobbit voulait savoir pourquoi Thorin avait réagi aussi violemment, aussi froidement, aussi durement. Il avait semblé être personnellement touché par ces paroles, et Bilbo voulait connaitre le pourquoi du comment. Ce fut pour cela que, malgré sa crainte vis à vis de la possible réaction de rejet de Thorin, il alla rejoindre le chef qui s'était assis sur une roche éloignée, et laissait le vent faire flotter quelques mèches de ses cheveux ébène.
Bilbo resta un instant debout derrière lui, avant de respirer un bon coup de s'asseoir, laissant cependant un bon mètre de distance entre eux. Un silence pesant s'installa, avant que Thorin ne prenne la parole, visiblement dérangé par la présence du plus petit.
« Vous devriez aller dormir, gronda Thorin d'un ton qui ne laissait pas place à la discussion. »
N'importe qui aurait capitulé et n'aurait pas cherché à insister. Mais n'importe qui n'était pas Bilbo.
« Est-ce que vous allez bien ? se contenta de demander simplement le hobbit. »
Thorin ne lui répondit pas. Alors, Bilbo poursuivit.
« Les orcs—
- Je vous ai dit d'aller dormir. »
Cette fois-ci, Thorin tourna la tête pour foudroyer Bilbo du regard. Mais malgré toute la colère qu'il mit dans ses yeux, Thorin ne parvint pas à cacher à Bilbo la lueur de tristesse qui traversa ses prunelles. Bilbo décida alors de ne pas bouger. Il se contenta d'inspirer profondément, avant de plonger ses yeux noisettes dans ceux azur du chef des nains.
Les deux hommes se regardèrent ainsi pendant de longues secondes, avant que Thorin ne craque le premier et ne détourne la tête pour se re-concentrer sur l'horizon.
« Lorsque Smaug a prit le contrôle de la Montagne Solitaire, le Roi Thror, mon grand-père, a tenté de reconquérir la Moria : l'ancien Royaume des Nains. Mais notre ennemi était déjà dans la place. La Moria avait été prise par des orcs. Des centaines, des milliers. Et il y avait leur chef : Azog, le Profanateur. Il s'était juré d'éliminer la lignée de Durin. Et... il a commencé par... décapiter Thror. Il a brandit sa tête comme un trophée. Je l'ai vu de mes propres yeux. Mon père, Thrain, a alors disparu. Consumé par la haine et le chagrin, on ne l'a jamais revu. Nous n'avons jamais su s'il avait été tué ou prisonnier. Et c'est au moment où nous avons commencé à battre en retraite, vaincus et sans chef, que j'ai senti une... rage immense m'envahir. Et je ne sais pas par quelle folie, mais j'ai affronté l'Orc Pâle. Azog. Je n'avais plus d'armes, plus de boucliers... rien qu'une simple branche de chêne pour me protéger. Au moment où il m'a mis à terre et s'apprêtait à me réserver le même sort que mon grand-père, j'ai réussi à attraper mon épée qui était tombée au sol, et à lui trancher le bras gauche. »
Thorin, qui avait dit cela lentement, prit tout de même une longue inspiration. Bilbo ne dit rien, lui laissant le temps de finir ce qu'il avait commencé à lui raconter. Le hobbit ignorait totalement pourquoi le chef lui disait tout cela à lui, mais peu importait. Le récit de Thorin était bouleversant et choquant, et Bilbo ne pouvait guère imaginer ce qu'il avait du endurer.
« J'ai redonné confiance aux guerriers nains qui se battaient à mes côtés. Nous avons pu repousser les orcs. Nous les avions vaincus. Pourtant... il n'y eut festins, ni chants cette nuit-là. Car nous étions peu à avoir survécu. Peu à avoir échappé à la mort. Mais les survivants ont su qu'ils pouvaient me suivre. Ils ont su que—
- Nous avons su que nous pouvions t'appeler « Roi » ».
Thorin, qui était resté dos aux nains, éveillés comme endormis, tourna la tête pour voir tous ses camarades qui s'étaient relevés, dont Balin qui avait prononcé ces mots. Plus aucun ne dormait, et tous le fixaient avec respect et admiration. Thorin ouvrit la bouche, visiblement prêt à dire quelque chose, mais la referma aussitôt. Il se contenta de se redresser totalement, et de s'avancer vers les nains, les fixant tous tour à tour, silencieusement. Bilbo, qui était resté assis, se mordit le pouce avec nervosité. Il finit cependant par prendre la parole à son tour.
« L'Orc Pâle... Qu'est-il advenu de lui ? »
Thorin lui jeta un rapide coup d'œil. Pendant un instant, Bilbo crut qu'il n'allait pas recevoir de réponse. Mais le chef lui répondit.
« Il a furtivement regagné le trou dont il était sorti. Cet... être infâme est mort de ses blessures depuis longtemps. »
Bilbo renifla, avant de se remettre sur ses pieds. Il se passa une main dans sa nuque, avant de rattraper Thorin, qui était revenu s'installer sur sa pierre, visiblement épuisé, plus psychologiquement et émotionnellement, que physiquement.
« Pourquoi m'avez-vous raconté tout cela ? lui demanda le hobbit d'une voix douce. »
Silence.
« Thorin, je—
- Allez dormir, Maître Cambrioleur. Il se fait tard. Et je n'ai pas envie de vous voir tomber de votre poney demain matin parce que vous vous serez assoupi. »
Cette fois-ci, Bilbo n'insista pas. Il estima que Thorin lui avait raconté suffisamment de choses pour ce soir. Il ne savait d'ailleurs même pas pourquoi le nain lui avait confié une partie de son passé. Il n'était qu'un hobbit insignifiant. Un étranger. Pourquoi Thorin avait-il tenu à lui dire tout cela ? Était-ce par confiance ? Par besoin ? Par désespoir ? Par inadvertance ? Bilbo ne le saura sans doute jamais.
Cependant, il écouta les conseils de Thorin, et regagna sa couchette en soupirant. La plupart des nains, eux, étaient restés debouts, mais le plus petit, lui, était si exténué que cette fois-ci, il ne mit que quelques secondes pour s'endormir, la voix grave et attristée de Thorin, ancrée dans son esprit.
