Enrique arriva essoufflé aux urgences, devant la petite chambre où Diego avait été installé temporairement. Il y entra et trouva alors son petit ami allongé sur un lit, en position demi-assise, recouvert d'une simple couverture.

Il s'arrêta un instant, contemplant l'homme endormi. Il avait vu le médecin juste avant qu'il lui avait dit que Diego avait juste fait un malaise lié au stress et à l'angoisse causé par la foule. Il lui avait aussi signalé qu'il avait recommandé à son jeune patient de se reposer jusqu'à qu'on vienne le chercher. Enrique était reconnaissant au médecin d'avoir opté pour cette idée et l'avait remercié avant de venir ici.

Il s'approcha doucement du lit et attrapa fébrilement la main de son compagnon. S'il l'avait su, il n'aurait sans doute pas laissé partir Diego ainsi. Il aurait dû s'en douter que le succès du film allait élever Diego au rang de célébrités.

Le contact réveilla le jeune homme qui ouvrit les yeux lentement et, à sa vue, lui adressa un sourire doux.

« Je te cause encore des problèmes, Enrique, désolé, murmura-t-il.

- C'est ma faute, je n'aurai pas du te laisser tout seul. J'aurai du t'accompagner…

- Ça n'aurait sans doute pas empêché les gens de nous reconnaître, au contraire…je suis heureux que tu ne sois pas venue.

- Bernardo nous attend à l'extérieur, il va nous raccompagner, l'informa Enrique en embrassant son front.

Diego ferma les yeux appréciant ce geste affectueux.

- Le médecin m'a dit que tu pouvais quitter l'hôpital dès que tu te sens prêt, ajouta-t-il.

- Je veux rentrer tout de suite à la maison, répondit précipitamment Diego en sortant les jambes du lit.

Cela amusa Enrique qui esquissa un sourire.

- Vos désirs sont des ordres, mon prince, plaisanta-t-il.

Le couple s'était donc rendu dans le parking de sous-sol de l'Hôpital, là où devait être garé le manager, mais Enrique ne trouva pas Bernardo et tenta de l'appeler. Malheureusement, il n'y avait pas de réseaux et cela le frustra énormément.

« Bernardo n'a jamais été très doué pour se garer, tu devrais le savoir, rigola Diego.

- Oui, j'aurai du m'en douter, écoute, reste-ici, je vais le chercher…Il ne doit pas être loin.

- Je peux venir…

- Non, je ne veux pas que tu t'épuises…

- Le parking est immense, à deux, on le retrouvera facilement et je ne suis pas une femme enceinte, coupa Diego, je me sens très bien.

- Et si on te…

- On est dans un parking à l'hosto, Bernardo et toi n'êtes pas loin pour intervenir, soupira Diego en levant les yeux au ciel.

Enrique regarda autour d'eux et personne ne faisait attention à eux, il y avait pas mal de blouses blanches qui traversaient les abords de l'immense parking, beaucoup d'ambulances ou de taxis mais aucun individu suspect d'être un photographe ou un fan.

- Bon, d'accord, mais appelle moi dès que tu te sens mal, d'accord ?

- Il n'y a pas de réseaux, je te rappelle

- Bon alors, n'hésite pas à crier.

- D'accord, rit Diego devant cette réponse.

Ils s'éloignèrent chacun de leur coté, impatients de trouver le manager perdu. Diego ne perdit pas une seconde pour scruter chaque voiture qui était susceptible d'être celui de Bernardo. Ce dernier avait une voiture noire, ce qui était encore plus difficile à trouver dans ce genre d'endroits ou la couleur était prédominant.

Et comme il s'y attendait, aucune personne qu'il croisait ne semblait savoir qui il était et fort heureusement pour lui, car il ne voulait pas subir une nouvelle vague de fans. Il n'osait même pas penser aux conséquences que cela irait causer dans son début de carrière. Il était même certain que Bernardo ne resterait pas les bras croisés à attendre que son acteur favori finisse à nouveau à l'hôpital.

Après avoir vérifié l'absence du véhicule dans son coté, il se résigna à retourner à son point de départ pour rejoindre Enrique, espérant que ce dernier avait enfin trouvé Bernardo.

Il était à mi-chemin quand une voiture se plaça devant lui, coupant ainsi sa route. Au début, Diego crut que la voiture cherchait à se garer, car il y avait une place de libre, non loin de lui, mais lorsque la vitre du passager arrière s'abaissa, il devint livide, comprenant alors que ce n'était pas un hasard. Il resta sans voix devant la personne qui se trouvait dans la voiture. C'était un homme d'une cinquantaine d'année, aux cheveux légèrement grisonnants, bien plaqués sur son crâne, il avait une moustache élégante, sans doute bien entretenus au vue de la finesse de celle-ci.

« Bonjour, Diego, j'ai appris que tu étais à l'hôpital et je suis heureux de te rencontrer ici, ça m'évitera de questionner le personnel. Minauda l'homme avec un sourire charmeur.

Il ouvrit la portière l'incitant à entrer dans le véhicule. Diego hésita et regarda au loin dans l'espoir de voir Enrique ou Bernardo.

- Si tu cherches tes amis, Diego, tu pourras toujours leur envoyer un message quand on sortira d'ici. En attendant, je te conseille de venir avec moi. Ne t'en fais pas, tu sais que je n'ai jamais eu l'intention de te faire du mal.

Le jeune acteur ne dit mot et il avança un pas vers la portière, jetant un dernier coup d'œil autour de lui comme si l'apparition de son petit ami ou de son manager aurait pu lui faire changer d'avis. Dans un soupir, il s'installa au côté de l'homme et referma la portière.

- Bien, allons-y, Neil, dit ce dernier avec un grand sourire à l'intention de son chauffeur, je peux enfin passer du temps avec mon neveu préféré. »

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Lorsque Enrique vit son compagnon entrer dans la voiture, il crut à un cauchemar. Et pourtant, c'était bien réel. Il se précipita vers le véhicule suspect, tentant de crier le nom de Diego mais aucune réaction de son côté. Il ne put atteindre son objectif car la voiture démarra et s'éloigna rapidement de lui, le laissant seul avec son souffle et sa confusion. Comment se faisait-il que Diego avait volontairement décidé de rentrer dans cette voiture qu'il ne connaissait pas ? Pourquoi Diego ne l'avait-il pas prévenu ?

« Merde ! » S'exclama Enrique en rebroussant chemin, rejoignant Bernardo qui s'était garé à l'autre bout du parking. L'acteur avait réussi à trouver le manager, dans un coin assez reculé et avait voulu donc prévenir Diego, mais jamais il n'avait pensé que cette situation allait lui échapper.

« Où est Diego ? S'enquit Bernardo quand Enrique s'assit à ses côtés, comme seul passager.

- Je l'ignore, il a décidé de son plein gré de prendre une autre voiture, marmonna Enrique énervé.

Bernardo écarquilla les yeux, sous le choc.

- Que…Pourquoi Diego est-il parti si vite ? Demanda-t-il en démarrant le véhicule.

- C'est la question que je me pose… »

Enrique était de plus en plus en colère contre lui-même et contre Diego. Contre lui-même, car il devait se douter que son petit ami avait un côté naïfs et contre Diego, car ce dernier cachait certainement des choses. Qui était dans la voiture ? En qui Diego avait-il assez confiance pour suivre cette voiture en sachant qu'il venait tout juste de sortir des urgences de l'hôpital ?

Il en concluait donc que la personne qui avait enlevé Diego, était proche de lui, assez proche pour qu'il accepte de le suivre sans protester.

« Diego a-t-il des amis…de la famille, ici ? Questionna Enrique tandis que Bernardo le conduit vers son appartement.

- Pas à ma connaissance, toute sa famille se trouve en Espagne en réalité.

- Il ne me l'a jamais dit…souffla l'autre homme en serrant des poings.

- Vraiment ? Je pensais qu'il te le dirait, s'étonna Bernardo.

- Non, en fait, il ne me parle jamais de sa famille…nous n'avons, en réalité, jamais abordé le sujet. »

Décidément, Diego devenait de plus en plus un mystère pour lui. Il ne s'était jamais posé la question mais aujourd'hui, après avoir vu son compagnon qui lui échappait, cela le mettait en rogne et il remettait en cause cette part d'ignorance. Pourquoi à cet instant précis, avait-il l'impression de se sentir trahir par Diego ?

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Diego fut emmené dans une résidence, située à la limite de la ville, dans un des quartiers les plus luxueux, où les plus grosses fortunes pouvaient obtenir leur villa. A l'heure actuelle, malgré sa célébrité, Diego ne pouvait même pas se permettre d'acheter l'une de ses habitations. Après avoir envoyé un rapide message à Enrique pour éviter qu'il ne s'inquiète, Diego fut installé dans un vaste salon moderne, au couleur blanc et gris, avec des touches de violets à certains endroits, rendant le lieu agréable à regarder.

« J'ignorai que tu habitais ici, lança-t-il alors qu'il refusait d'une main le verre de vin que son ainé lui tendait.

- Je n'habite pas vraiment ici, je l'ai loué pour quelques jours à un ami, répliqua-t-il en s'enfonçant dans le fauteuil en cuir de luxe.

- J'aurai du m'en douter, murmura Diego, pourquoi…es-tu venu me chercher à l'hôpital ? Cela aurait pu attendre.

- Quand j'ai vu que mon neveu préféré a été malmené par ses propres fans…je n'ai pas pu m'empêcher de venir à son secours.

- Assez ! S'écria Diego impatient, comment as-tu découvert que j'étais dans cet hôpital aussi vite ?

- Tu sous-estimes le pouvoir d' Hollywood, rit son oncle.

Diego baissa les yeux, se mordant les lèvres. Il n'avait jamais pensé un seul instant qu'il pouvait être surveillé de la sorte par un membre de sa famille.

« Ce n'est pas pour rien qu'on m'appelle l'Empereur du Cinéma, continua-t-il en esquissant un sourire.

Car oui, Estevan de la Cruz était l'un des plus grands producteurs de cinéma, si ce n'est le meilleur, ayant produit de nombreux films récompensés, avec des milliards d'entrée à son actif. Et c'était son oncle, le frère de sa mère.

- Tu m'espionnes donc…soupira Diego.

- Oh non, enfin, si…je connais plus ou moins tes futurs projets, et c'est bien normal que je sois au courant.

- Pourquoi…pourquoi tu décides d'apparaître dans ma vie, maintenant ?

- Quand j'ai vu que tu étais à l'hôpital, j'étais sincèrement inquiet, je voulais m'assurer que la célébrité ne soit pas un danger pour toi.

- Je peux gérer.

- Je ne veux pas que tu subisses ce que ta mère a subi.

- Ne t'en fais pas. Cela n'arrivera pas. »

Le silence s'installa alors entre les deux hommes, se toisant longuement. Diego ne put s'empêcher de remarquer à quel point son oncle était sincère dans son regard. Cela n'était pas surprenant. Esteban a toujours été très différent des membres de sa famille que ce soit du côté de sa mère ou de son père. Malgré le fait qu'il soit connu et fortuné, son oncle n'avait jamais changé sa personnalité excentrique et s'était toujours soucié de Diego, même si parfois c'était difficile à y croire.

- Ton père m'a contacté, il y a quelques jours, il me demande de te persuader de rentrer en Espagne, dit-il en rompant le silence.

- Et tu connais ma réponse, rétorqua Diego.

- Bien sûr, mais ne serait-il pas judicieux que tu l'appelles ou que tu expliques ton choix de vie. Est-il au courant…que tu es en couple avec un homme ? Tu sais que ton statue de star va un jour dévoiler ta vie privée…Ce serait désolant pour ton père de l'apprendre de cette manière.

- Mon père n'est pas stupide, il le sait sans doute déjà, répondit Diego avec un petit rire, tu me dis cela pour reprendre contact avec lui mais contrairement à tes collaborateurs, ta manipulation ne marche pas sur moi.

- Ah lalala, c'est pour ça que tu es mon neveu préféré, même ta mère, je n'arrivai pas à la manipuler. »

Ils rirent tous les deux de bon cœur. Puis Diego se leva, s'apprêtant à partir.

- Ce n'est pas que je ne t'aime pas, Oncle Estevan mais il faut que je parte. Je suis parti trop longtemps.

- Neil, mon chauffeur, te raccompagnera chez toi. J'aurai aimé t'accompagner, mais vois-tu je suis un homme occupé.

- Comme toujours, fit Diego amusé.

Son oncle le reconduit dehors où la voiture n'avait pas bougé depuis que Diego l'avait quitté.

- J'aurai cependant aimé que tu restes, nous avons tellement de choses à nous dire, Diego.

- Dis-moi quand tu loueras une autre villa, je viendrai te voir, plaisanta-t-il en s'installant à l'arrière de la voiture.

Diego referma la portière, attrapa sa ceinture et baissa la vitre pour saluer Estevan.

- J'espère que tu seras nommé aux Oscars, dit-il sérieusement, ton film, ton interprétation étaient parfaits.

Ce n'était pas surprenant pour Diego que son oncle ait vu son film, il était d'ailleurs certains, qu'il fait partie de ces producteurs de l'ombre qui ont permis de financer le film.

- C'est grâce à l'équipe….et à Enrique.

- C'est un bon acteur…approuva-t-il, mais je te conseille d'éviter de garder des secrets avec lui. »

Le jeune acteur préféra garder le silence et hocha la tête. Son parent fit signe à Neil de partir et leva la main pour saluer son neveu.

Alors que la voiture franchit la grille de la résidence, Estevan, qui les avait suivis du regard, murmura :

« Ne te cache pas trop longtemps derrière tes masques, Diego… »