Disclaimer : Downton Abbey est l'oeuvre de Julian Fellowes.

Résumé : Quitter Edith avait été la pire idée de sa vie. Accepter de parler à Mary Talbot au téléphone avait été la meilleure depuis des jours.

Note de l'auteur: Ceci est une réponse à la foire aux prompts de Bibliothèque de Fictions, une foire mise en place pour occuper les auteurs pendant le confinement. Dans les commentaires, les gens proposaient des prompts et on pouvait piocher dedans. J'ai choisi de combiner le prompt suivant : écrire sur une série.

Coup de fil et rédemption

- Monsieur, une certaine Mrs Levinson voudrait vous parler au téléphone.

Bertie leva les yeux de son journal, surpris. Il ne connaissait aucune Mrs Levinson. Il se demanda s'il s'agissait d'un ancien partenaire de Peter qui aurait pu travailler pour Brancaster. Tout était encore assez nouveau et il n'avait pas tout le monde en tête.

Et puis, depuis la débâcle de Downton, il n'avait plus vraiment toute sa tête non plus.

Le coup bas de Mary, révélant le secret le plus intime d'Edith: la vérité sur Marigold, le fait qu'ils s'étaient séparés... Il ne ne passait pas un jour sans qu'il ne regrette son geste. Bien sûr, il avait été blessé que sa fiancée ne se sente pas assez en confiance avec lui pour lui avouer la parenté de Marigold. Mais comme il lui avait dit peu avant leur séparation, il n'était ni choqué ni dégoûté par le fait qu'elle avait eu un enfant hors mariage. Il était un homme moderne, ces choses arrivaient souvent et il partait du principe qu'il n'avait pas à juger la vie des autres. Alors, il se demandait pourquoi il était parti. Il aimait Edith, il l'aimait profondément et il avait été prêt à accueillir Marigold à Brancaster, en tant que pupille de son épouse. Non, en fait, au fond, il savait pourquoi il était parti : il avait été blessé dans sa vanité, dans son orgueil. Ce qu'Edith devait lui dire n'était pas rien, un tel secret, révélé à la mauvaise personne, pouvait détruire des vies. Les gens étaient encore bien cruels. Il aimait à penser qu'elle le lui aurait dit, qu'elle cherchait le bon moment, une fois tout son courage réuni. Peu avant l'heure du thé, dans les jardins, n'avait-elle pas essayé quand elle lui avait annoncé qu'elle devait lui dire quelque chose ? La manière même dont Edith ne niait rien, qu'elle essayait de prendre toutes les responsabilités et conséquences de cette tragédie sur ses épaules frêles...

Cette journée maudite valsait dans sa tête tous les jours.

La première chose qu'il constatait en se réveillant le matin était qu'Edith et lui étaient séparés. La dernière chose qu'il remarquait en se couchant était qu'ils avaient rompu. Même la nuit, elle venait hanter ses rêves où il la voyait en train de pleurer, serrant Marigold contre elle pour tenter de la protéger, alors qu'on les lapidait sur la place du village et il se réveillait toujours en sursaut quand Mary lui offrait une pierre pour les achever. De nombreuses fois, il avait décroché le téléphone, prêt à appeler son ancienne fiancée, pour lui parler, entendre sa voix, tenter de réparer ce qu'il avait brisé à cause de son ego froissé. Mais une fois le combiné porté à ses oreilles, le courage le fuyait. Il avait perdu l'amour de sa vie et c'était uniquement de sa faute. Il n'y aurait jamais plus de femme comme Edith. Sa modestie, sa modernité, son indépendance, sa surprenante résilience, son esprit... Aucune femme n'arriverait à sa cheville. Vivre sans elle après l'avoir connue, après l'avoir perdue, était insupportable.

- Je prends l'appel, merci.

Il se leva et marcha jusqu'au téléphone, espérant que les affaires de Brancaster lui occuperaient l'esprit un instant. Se noyer dans le travail était le seul moyen qu'il avait de ne plus penser à Edith et même cela, c'était dérisoire car à chaque fois, il se demandait ce qu'aurait pensé sa compagne de son idée, des changements à opérer.

- Bertie Pelham, j'écoute.

- Bonjour Bertie...

Il se figea. A l'autre bout du fil, Mary Talbot lui parlait. Il n'avait pas de préjugés sur Mary à proprement parler, de plus, il la connaissait à peine mais ce qu'il savait, c'était qu'elle avait lancé la vérité à la figure d'Edith, avec un ton qui ressemblait à une tentative d'assassinat social.

- Mrs Talbot. On m'a pourtant annoncé une Mrs Levinson.

- Il s'agit du nom de jeune fille de ma mère. Je craignais que vous refuseriez mon appel si vous saviez d'emblée qui j'étais.

La voix de la jeune femme était un peu hésitante, elle semblait contrite et immédiatement, il sentit son cœur s'arrêter.

- Est-il arrivé quelque chose à Edith ? S'inquiéta-t-il immédiatement. A Marigold ?

- Non, elles vont bien... En tout cas, selon les nouvelles que nous avons, elles vont bien. C'est justement à propos d'Edith et de Marigold que je vous appelle.

- Selon vos nouvelles ?

Mary soupira.

- Après votre départ de Downton, Edith et moi, nous nous sommes disputées. Elle a quitté la maison peu après, avec Marigold. Nous avons des nouvelles par notre tante Rosamund. Edith est à Londres, elle vit dans l'appartement qu'elle a hérité de Gregson.

- Quel est le but de votre appel, Mrs Talbot ? Je doute que cela soit uniquement pour me dire qu'Edith a quitté le domicile familial. Demanda-t-il

- Je veux réparer mes torts, Bertie. Avoua la jeune femme. J'ai fait énormément de mal à ma sœur, à ma nièce, à vous par ricochet. Et pourtant, malgré tout, Edith est venue à mon mariage.

Le mariage de Mary Crawley à Henry Talbot lui était en effet parvenu aux oreilles. La seule pensée positive qu'il eut fut pour le nouveau marié, un homme bon et honnête. Mais la nouvelle lui avait laissé un goût amer dans la gorge. Mary se mariait alors qu'elle avait ruiné les futures noces entre Edith et lui.

- Bertie... Aimez-vous toujours Edith ?

- Plus que jamais. Avoua-t-il

- J'ai un plan. Lui dit Mary. Ma tante Rosamund vit également à Londres, c'est par elle que nous avons des nouvelles d'Edith. Je lui demanderai d'inviter Edith un soir à dîner au Ritz. Sauf que, quand elle arrivera à table, vous serez là. Ma tante s'éclipsera. Le reste ne dépendra que de vous.

L'idée était simple mais efficace, bien pensée. Un joli geste de la part d'une sœur pour s'excuser de sa bassesse, tenter de réparer les pots cassés. Il accepta aussitôt, aussi excité qu'inquiet à l'idée de revoir Edith. Lui aurait-elle pardonné d'être parti ? Cependant, il lui restait un mystère à éclaircir.

- Mrs Talbot... Mary, si je peux vous appeler Mary ?

- Bien sûr.

- Pourquoi avoir ainsi révélé la vérité sur Marigold ?

Malgré la distance, il pouvait la sentir se raidir, chercher ses mots.

- Mes raisons importent peu, elles ont fait du mal, c'est tout ce qu'i savoir... Elles expliqueraient mon geste mais elles ne le valideraient pas. De plus, elles ne sont guère glorieuses. Confessa-t-elle

- J'aimerais les entendre. Insista Bertie. Je vous promets de ne pas vous juger.

Peu à peu, la langue de Mary se délia. Elle lui expliqua alors, avec difficulté, ses propres démons qui l'avaient poussée à agir comme elle l'avait fait. Le crash de voiture dans lequel elle avait cru perdre Henry lui avait rappelé comment elle avait perdu Matthew, son premier époux, qu'elle avait tant aimé. L'idée de perdre Henry de la même manière, de l'histoire qui se répétait, lui était insupportable, elle savait que si une telle tragédie se reproduisait, elle ne le supporterait pas. Cependant, elle n'avait pas voulu qu'il renonce à ses passions, à ce qui le faisait vibrer, parce qu'elle craignait qu'il n'en vienne à lui en vouloir avec le temps. Elle lui avait demandé de partir, mettant fin à leur idylle, ce qui la rendait terriblement frustrée et malheureuse. L'idée d'Edith heureuse, mariée à l'amour de sa vie, avait réveillé sa jalousie. Elle avoua à son interlocuteur qu'il y avait toujours eu des inimités entre sa sœur et elle, des jalousies, des coups bas. Et si elle avait désormais honte de ce qu'elle avait fait, quand sa cadette avait annoncé se marier, être heureuse, et qu'en plus elle la surpasserait en rang, cela n'avait fait que nourrir le monstre tapi en elle. D'ailleurs, Edith l'avait bien cernée. Elle le lui avait dit avant son mariage : tant qu'elle était heureuse, elle était plus douce avec tout le monde mais dès qu'elle était malheureuse, personne n'avait le droit d'éprouver de la joie. Elle s'en repentait toujours mais ne changeait jamais. Edith était venue, avec une main tendue en signe de paix, parce que malgré leur haine mutuelle, elles restaient sœurs et un jour, il n'y aurait plus que elles deux pour se souvenir de Sybil, de leurs parents, des serviteurs de Downton. Mary jugeait qu'il était naturel qu'elle essaye, à son tour, de faire un pas vers elle.

- Vous voyez... Conclut-elle. Mes raisons expliquent peut-être mais ne justifient pas mes actes... Et je vous dois aussi des excuses. Bertie, je suis sincèrement désolée de vous avoir blessé.

Il soupira. L'esprit humain était décidément bien complexe. Mais il avait, au téléphone, une femme repentante, qui avouait des choses difficiles à admettre et qui tentait de s'amender. Ce n'était pas comme s'il était un parangon de perfection lui-même. Mary avait mal agi mais lui aussi. Elle voulait offrir à sa sœur la chance qu'elle avait piétinée dans un accès de jalousie. C'était suffisant, à ses yeux, pour lui laisser le bénéfice du doute, une seconde chance.

- Je vous pardonne, Mary. Lui dit-il. Bien sincèrement. Et j'approuve votre plan. Dites-moi juste la date et l'heure auxquelles je dois me rendre au Ritz.

Ils parlèrent encore quelques instants, Mary lui promettant de le rappeler aussitôt qu'elle aurait l'approbation de sa tante Rosamund et qu'elle aurait fait les réservations. Une fois le téléphone raccroché, il se sentit épuisé, vide mais aussi plus léger.

Il allait revoir Edith et il était déterminé à la récupérer.

Il n'avait pas le droit à l'erreur cette fois-ci.

FIN