La première chose qu'entendit Ciri en se réveillant fut la respiration de Geralt.

Elle avait l'air bizarre. Elle était tendue, étranglée, ce qui la rendait pénible à entendre. Elle entoura ses bras autour de lui et sa respiration se stoppa immédiatement, elle garda la tête haute, le sentant se tendre subitement comme s'il avait un frisson.

« Geralt ? Dit-elle, elle se recula pour voir ses yeux.

Il la fixait, le deuil empêchant la joie et la surprise d'apparaître. Comme s'il était effrayé de penser que c'était réel, elle sursauta et vu ses yeux remplis de larmes ce qui l'énerva.

- Ciri-

Sa voix était si étranglée qu'il put à peine dire son prénom et maintenant elle comprit pourquoi sa respiration était si tendue. Ciri prit son visage dans ses mains, ses sourcils s'arquèrent à cause de l'énervement et de la culpabilité et elle secoua la tête.

- Geralt non, je suis tellement désolée j'aurai du te trouver- J'en ai trop appris et j'ai eu tellement peur que tu viennes sur l'île que j'ai juste… J'ai rêvé de toi, Geralt. J'ai rêvé de toi très souvent. De trop de manières, de choses qui auraient pu t'arriver. J'aurai du te trouver… , elle laissa sa phrase en suspension, le souffle coupé, consciente que ses phrases ne voulaient pas dire grand-chose. Encore plus douloureusement consciente que Geralt l'entendait à peine.

Cela fait un moment qu'elle ne l'avait pas vu perdu à ce point, blessé à ce point et cela lui fit peur. Il était en plein choc, et quand il ferma les yeux et avala sa salive compulsivement elle ressentit un éclair dans sa poitrine et s'inquiéta. Elle chercha immédiatement avec ses mains ce qui pouvait le rendre aussi mal.

- Où as-tu été blessé, Geralt laisse-moi voir, je peux aider- Dit-elle, essayant de contrôler le désespoir dans sa voix. Elle regarda son armure pectorale mais ne vit rien, elle fut cependant submergée par des souvenirs de Riv. Après tout, la dernière fois qu'elle l'avait vu, il nageait dans sa propre mare de sang, ses cheveux blancs étalés sur les pierres. Elle l'avait emmené, lui et Yennefer, fait en sorte qu'ils soient en sécurité avant de partir. Mais l'image de Geralt sereinement allongé et bandé sur les genoux de Yennefer n'était pas aussi saisissante que sa mort.

Même si elle y avait déjà fait face, elle ne pouvait pas faire autrement que de craindre sa mort. Surtout après qu'elle l'ait vu mourir une première fois.

- Non, pas blessé, dit-il avec peine, secouant la tête et attrapant ses mains pour l'arrêter. Elle ne le crut pas. Il y avait trop de douleur dans ses yeux. Trop de signes dans sa posture dont elle se souvenait très bien. Geralt pouvait penser qu'il était doué pour cacher des choses, mais elle avait toujours été capable de lire en lui. Elle savait que quelque chose n'allait pas.

- Ne me mens pas Geralt, je peux voir que tu souffres ! Tu ne crois pas que tu as assez risqué ta vie ? Je ne te regarderai… - elle s'arrêta, en grinçant sa mâchoire avec énervement et chassant d'un clin d'oeil ses larmes de colère. - Je ne te regarderai pas te vider de ton sang encore une fois. Dit-elle finalement, la voix dure et plus accusante que ce qu'elle aurait voulu.

Geralt avala encore une fois, mais ses yeux doré la fixaient, il avait peur qu'elle disparaisse s'il les fermait. Un petit sourire, brisé finit par casser son expression de détresse et il secoua la tête à nouveau.

- Je ne mens pas.. Je- Ciri..

Quelque chose n'allait pas, elle le savait, et ce fut seulement quand un air d'inconfort passa sur son visage et qu'il prit une longue inspiration et une longue expiration, tenant sa main contre sa poitrine qu'elle sut ce qu'il se passait. La peur la traversa et elle s'éloigna de lui en secouant la tête.

- Ton coeur… Geralt , elle avait le souffle coupée, la voix dépitée.

Elle fixa sa main pressant son armure pectorale, fixa la blessure qui persistait toujours. Elle avait fait ce rêve autrefois. Rêver qu'elle ne pouvait que passer un court moment avec lui. Rêver que le destin en ait marre d'attendre et que la mort reviendrait silencieusement et rendrait Geralt silencieux, encore une fois.

- Ciri s'il te plaît, écoute moi, dit Geralt, et elle releva la tête pour le regarder à nouveau.

Sa main se déplaça pour se placer sur son coeur à la place de son cou, son autre main se déplaçant pour atteindre le visage de la jeune fille. Pendant un millième de seconde elle se détesta, parce qu'encore une fois, il essayait de la rassurer alors que c'était lui qui souffrait, comme si c'était ce dont elle avait besoin. Comme si elle n'avait pas besoin qu'il se sente bien plus qu'autre chose en ce moment même.

- Non Geralt, laisse moi voir. Juste, laisse moi-

Son visage était triste, ses sourcils froncés, mais il la laissa faire lorsqu'elle dénoua les boucles de son armure. Il la regardait.

Quelques instants plus tard, son armure était ouverte. Sa gorge s'assécha, ses doigts tremblaient alors qu'elle les passait là où se trouve son coeur. Elle souleva son t-shirt ce qui révéla la moche blessure laissée par l'arme qui causa sa mort. Il n'y avait pas de blessure récente, s'il y en avait elles étaient à l'intérieur et elle ne pouvait pas y faire grand-chose.

Elle se surprit elle-même en lâchant un gémissement tandis qu'une larme chaude roulait sur sa cicatrice.

- Geralt je suis tellement… je suis tellement désolée.

Elle pleura, les mains contre son torse, se penchant vers lui, la tête reposant sur sa clavicule. Ses bras vinrent l'entourer pour l'enlacer, et elle le sentit secouer sa tête.

- Non, Ciri, non, dit-il, son ton était si triste qu'il fit sentir Ciri encore plus mal. Tu n'as pas à te sentir désolée. Je n'aurai jamais du mettre autant de temps à te trouver.

Son coeur battait trop fort, trop vite et cela lui fit peur. Ses sourcils se froncèrent et elle enfonça sa tête dans sa poitrine, plaçant son oreille au même endroit que lorsqu'elle était petite et avait du mal à s'endormir. Elle se souvint avec douleur des longs battements et ses doigts s'agrippèrent au t-shirt de l'homme.

Ce son était maintenant différent, faux. Elle sentit la magie autour d'elle alors qu'elle souhaitait fervemment pouvoir atteindre son coeur et l'apaiser. Restaurer cette force. Elle pouvait entendre la mortalité dans la manière dont battait son coeur, elle craignait de l'entendre mourir.

Rien chez Geralt n'était faible, jusqu'à ce moment là, et là, tout était faible. Ses muscles forts et entraînés avec soins tremblaient. Sa respiration était saccadée, son toucher éphémère comme s'il craignait qu'elle ne soit qu'un songe.

Les battements de son coeur étaient instables, laborieux. Elle se demanda comment il pouvait tenir. Elle ouvrit les yeux et garda sa tête pressée contre lui de manière désespérée. Elle posa sa main contre son coeur et le caressa doucement, comme si c'était un animal paniqué qu'elle pouvait calmer.

Il s'appuya contre le mur et posa ses mains sur le dos de Ciri et elle sentit toute sa tension s'en aller avec un soupir exténué. Il resta ainsi, la laissant écouter.

Elle était effrayée. Effrayée de bouger sa tête. Elle avait cette idée désespérée que son coeur ne pouvait pas s'arrêter si elle l'écoutait, parce qu'il ne pouvait pas lui faire ça. Pas encore une fois.

- Geralt, que s'est-il passé ? Demanda-t-elle avec pitié, passant sa main sous sa chemise, voulant désespéramment l'apaiser. Désespérée d'entendre ce coeur battre aussi vite.

- J'ai cru que je t'avais perdue, Ciri. J'ai cru que je t'avais perdu pour de bon.

Sa voix était si étranglée qu'elle tressaillit et leva la tête pour le regarder, elle rencontra ses yeux. Elle n'osa pas déplacer sa main de sa poitrine mais elle s'assit, et caressait sa joue de sa main libre.

- Oh Geralt, tu m'as tellement manqué, dit-elle doucement. Ils posèrent leurs fronts l'un contre l'autre et elle enroula ses doigts dans ses cheveux. C'est moi qui t'ai fait ça, pas vrai ? Demanda-t-elle en passant le pouce contre son coeur. Je t'ai tellement blessé…

- Pas toi Ciri. Jamais toi.

Elle ferma les yeux encore une fois et ils restèrent silencieux un moment.

Son coeur battait moins vite sous son toucher et sa respiration se calma. Il cessa de trembler et sa posture était celle d'une personne épuisée. Ciri ouvrit les yeux à nouveau, mais elle ne bougea pas de son sternum. Elle passa encore une fois ses doigts sur sa poitrine, écoutant le tou-doum d'un battement fatigué, et elle vit la lumière du soleil venir tâcher leurs corps.

- Tu peux dormir, dit-elle doucement, je ferai en sorte que ça ne s'arrête pas.

Elle posa sa main sur sa poitrine et elle sentit le faible souffle d'un rire qui ne sortit pas.

- D'accord. Juste quelques minutes, murmura-t-il, sa main tenant fermement son épaule.

- Je n'irai nulle part, assura-t-elle. Je te le promets Geralt. Je serai là quand tu te réveilleras.

Il se déplaça et se coucha où Ciri l'était auparavant, elle s'installa à côté écoutant son coeur avec attention comme elle l'avait promis. Il s'endormit presqu'immédiatement, et après quelques minutes elle put entendre les battements affolés et faibles devenir calmes et forts et lorsqu'elle entendit le premier battement enfin solide elle laissa quelques larmes rouler sur sa chemise.

- Te voilà, murmura-t-elle tout en faisant le contour de son coeur avec le pouce, le sentant battre correctement encore une fois. Te voilà, mon cher loup.

Elle tint sa promesse et resta avec lui jusqu'à ce qu'il se réveille, écoutant à chaque battement. Chérissant chaque battements de son coeur. Il n'était pas blessé finalement, juste si endeuillé que ça l'avait blessé à l'intérieur physiquement. Elle avait toujours pensé que c'était des conneries, les histoires avec ces jeunes filles qui mourraient de coeur brisé, mais elle se remémora sa propre détresse quand les Rats avaient été tués et pensa que son coeur ait pu avoir du mal pendant quelques semaines de la même manière que celui de Geralt quelques heures plus tôt.

Son coeur s'était brisé à cause d'elle, et elle se sentit submergée par cette réalisation. Elle savait qu'il l'aimait, qu'il l'aimait d'une manière très forte, mais savoir que cet amour était si fort avait rempli sa tête.

Elle se résolut à calmer ce coeur à chaque fois qu'elle le pourrait. Elle ne sera plus jamais la cause d'une telle faiblesse. Après tout, elle avait besoin qu'il soit fort et en sécurité.


Note de l'auteure : La cardiomyopathie de Tako-Tsubo ou le syndrome du coeur brisé est une véritable maladie qui peut causer au coeur beaucoup de détresse et même de la peine lorsqu'une personne a souffert d'expériences traumatiques et de grands chocs. Même quelqu'un en bonne santé peut le subir.

Après avoir passé des semaines à chercher Yennefer puis Ciri ensuite, Geralt a subi énormément de stress et encore plus lorsqu'il a cru que Ciri était morte. Une grosse cardiomyopathie peut vraiment endommager le coeur, mais si le patient est calmé correctement le traitement pourra être une simple forme de support puisque l'origine de cette pathologie est mentale et non physique.

Note de la traductrice : J'espère que ça vous a plu ! Un autre chapitre arrive :)