Assassin's Creed (Novélisation)

Mirror and Image (traduit par Shimyku78)

« J'ai appliqué mon cœur à connaitre la sagesse, et à connaitre la sottise et la folie. J'ai compris que cela aussi, c'est la poursuite du vent, et qu'avec beaucoup de sagesse, on a beaucoup de chagrin. Et celui qui augmente sa science augmente sa douleur… »

Chapitre 1 : Rien n'est Vrai

C'était…

Il y avait…

gens murs fontaines marchants tapis cible où était la cible toits et courir et esquiver les gardes et ne pas pouvoir se cacher pas de cachettes pas de complices tout seul

Il pensa…

Il ressentit…

colère douleur trahison comment faisait-il ça qui était-ce lequel lequel douleur et agonie et confiance brisée savoir contre douleur croissante

Respire, respire !

« On a un problème. Impossible de maintenir la connexion mémorielle traumatisme psychologique critique, il rejette le traitement. On arrête tout. »

« Desmond, essayez de vous détendre un peu. »

« Je vais essayer de le stabiliser. »

l'odeur des poulets et des chiens et des déchets et excréments fermentés et du sable dans le vent le sont des gens et de l'eau et des cruches et des appels au secours on l'appelait au secours ça faisait partie du crédo mais personne n'était là il était tout seul et les cibles étaient partout la sensation de la sueur séchée mélangée au sable et à la boue et des cheveux emmêlés et du coton blanchi le poids de l'épée à sa hanche et da la dague dans son dos et la lame à son poignet qui remplaçait le doigt manquant et

Oh putain ! Il lui manquait un doigt !

« Concentrez-vous. Écoutez ma voix. Ce que vous voyez n'est pas réel, ça appartient au passé. Vous n'avez aucune raison d'avoir peur. »

« Rien à faire. Ça ne marche pas. »

« Laissez-lui le temps de s'adapter, mademoiselle Stillman. La première fois n'est jamais facile. »

sauf qu'il était et n'était pas en même temps et rien de cela n'avait de sens et sa maison avait été détruite et il ne pourrait jamais s'excuser de son échec et il n'obtiendrait jamais son pardon et ce connard de traitre allait mourir sauf que personne ne l'avait trahi il avait trahi tout le monde ils avaient le droit de le regarder de haut parce qu'il s'était enfui mais alors pourquoi était-il chez lui et pourquoi sa maison était-elle une forteresse et pas la ferme et il ne s'était pas enfui il avait brisé le crédo et bordel de merde qu'est-ce qui se passe

« On le perd ! »

« Calmez-vous, mademoiselle Stillman. »

il y avait une montagne et une vile et un port et une autre ville et il y avait du sang sur ses mains et des gens qui criaient des gens qui marchaient tout autour de lui le bousculant je vous en prie juste quelques pièces des gardes sans visage le surveillaient des hommes malades le fuyaient une femme blonde le regardait l'air inquiète seules les femmes étaient dans le jardin et elles avaient la peau sur les os et ça ne l'avait jamais intéressé car il avait des choses plus importantes à faire il a fait ce qu'on lui dit de faire et tout ça pour rien car la science et la douleur mènent à la folie et il devenait complétement cinglé et

« Il faut le sortir de là ! Vite ! »

« Ne vous inquiétez pas, Desmond. On va vous ramener parmi nous. »


Desmond ouvrit les yeux d'un coup. Il pencha la tête vers l'avant afin de s'asseoir, mais il se cogna à une espèce de visière au-dessus de sa tête. Il inspira à plein poumons et ses bras se posèrent faiblement hors de… cette chose sur laquelle il se trouvait il avait un plafond blanc face à lui et il entendait des voix. Des voix qu'il semblait reconnaitre.

« Je vous ai dit qu'il allait bien. »

Un vieil homme, grand, grisonnant, et d'une voix bien trop douce pour être vraie.

Des images dansaient toujours dans sa tête : des gardes, des femmes, des vieux, du sang (tellement de sang), des foules, et il courait, et, et…

« Salaud ! » cria Desmond, toujours désorienté, suffoquant, à moitié perdu dans cet endroit, peu importe ce que c'était.

« Voyons, » dit l'homme, d'une voix mielleuse et apaisante. « Je viens de vous sauver la vie. » D'autres revinrent à l'esprit de Desmond, des images qui avait beaucoup plus de sens : lui quittant le bar, le van banalisé, l'injection de… de… Il se souvenait, à présent.

« Me sauver la vie ? » grogna-t-il, peinant à se redresser. Ses muscles n'étaient plus si faibles, ses sens lui revenaient petit à petit. Il se sentait à nouveau lui-même, se balançant les jambes au-dessus du… du… Il foudroya du regard le vieux schnock qui lui faisait face. « Vous m'avez kidnappé ! Vous m'avez attaché à ce… à cette chose ! »

Le vieil homme leva un sourcil, son visage dégageant un air d'amusement et de supériorité. « Un Animus, » corrigea-t-il. « Ça s'appelle un Animus. »

Desmond ne se calma pas pour autant. « Je ne sais même pas qui vous êtes ! Qu'est-ce que vous me voulez ? »

Le vieil homme garda un ton calme, comme s'il s'adressait à un enfant. « Vous détenez des informations qui nous intéressent. »

« Des informations ? » répondit Desmond. « Pour l'amour du ciel, je ne suis qu'un barman ! Vous voulez quoi, exactement ? La recette du Bloody Mary ? »

Le sourire du vieil homme retomba, l'humour dans sa voix disparut et son ton – bien que toujours calme – devint beaucoup plus menaçant. « Nous savons qui vous êtes, » dit-il d'une voix froide. « Et ce que vous êtes. »

Desmond fut parcouru d'un frisson. Il réalisa qu'ils étaient peut-être au courant, et cela était terrorisé. Mais il refusa de le montrer et répondit d'une voix tremblante et peu convaincante : « Je comprends rien à ce que vous me racontez. »

Il sentit le regard menaçant du vieil homme posé sur lui. « Ne jouez pas au plus malin, le moment est mal choisi. Vous êtes un assassin. Et que vous le vouliez ou non, vous possédez quelque chose que mes employeurs tiennent à récupérer. C'est enfoui dans votre cervelle. »

De nombreuses idées se bousculèrent alors dans la tête de Desmond, l'une après l'autre. Confronté au fait que ces gens connaissaient son héritage, il réalisa qu'il ne savait rien sur eux. Pas de marge de manœuvre, pas moyen de jouer le jeu, pas d'atout à sortir, pas d'information à utiliser. Certains de ses enseignements lui traversèrent l'esprit : comment briser une nuque, un coud de pied dans l'entrejambe, utiliser les points de pression pour assommer quelqu'un. Il s'était entrainé pendant des années son corps était en forme mais il n'avait pas pratique ses mouvements depuis trop longtemps pour les exécuter avec succès. Il aurait pu le faire, mais… c'était ce que faisaient les assassins. Et, finalement…

« Mais je ne suis pas un assassin, » répondit-il, sur un ton amer. « C'est du passé, tout ça. »

Mais il savait que ça ne servirait à rien. Il valait mieux jouer le jeu. Du moins, en attendant d'avoir le dessus. En attendant qu'il ait des informations. Un savoir qui lui permettrait d'agir.

« Oui, » dit le vieux crouton, redoublant d'arrogance, « c'est ce qu'indique votre dossier. Effectivement, vous vous êtes enfuit. »

… Mince, ils semblaient vraiment tout savoir…

« Heureusement pour nous, d'ailleurs, » ajouta le vieux schnock, reprenant un ton mielleux.

A nouveau, Desmond grogna : « Qu'est ce que vous attendez de moi ? »

« Que vous coopériez, » répondit le vieux scientifique. « L'Animus doit nous permettre de localiser ce que nous cherchons. Ensuite, nous vous laisserons partir. »

Tu parles…

Desmond le foudroya du regard, ressentant à nouveau un coup de colère. L'idée même d'être branché de nouveau à ce machin – du sang et des déserts et des poulets et un putain de doigt qui manquait – laissa transparaitre dans sa voix. Ce n'était pas vraiment un grognement, il s'était fait à l'idée d'être emprisonné à présent, mais plutôt une sorte de désobéissance puérile. « Je ne retourne pas là-dedans ! » Avec un peu de chance, il pourrait leur fournir des informations sans avoir à retourner dans cette chose.

Mais la voix du vieil homme, qui venait de remettre en place sa blouse, se refit froide et menaçante. « Dans ce cas, nous allons vous plonger dans le coma. Et quand nous en aurons terminé, nous vous laisserons mourir. » Fixant Desmond regard dur et presque impatient, il attendait que ce dernier prenne sa décision en même temps, il n'avait pas vraiment le choix. Le jeune barman savait qu'il n'avait aucune carte à jouer, et que rester en vie était une priorité. En restant en vie, il apprendrait. En apprenant, il gagnerait en puissance. Et en gagnant en puissance, il s'évaderait.

Prenant son silence pour une réponse, le vieux schnock sourit à nouveau. « Comprenez-moi, » dit-il, « si vous êtes encore conscient, c'est uniquement pour nous faire gagner du temps. »

Ne sachant plus quoi répondre, Desmond lui lança une pique. « Vous êtes malade. » Mais ça ne servit à rien, ça ne changeait pas sa situation, mais il l'avait dit quand même. Il voulait sentir l'impression qu'il luttait, même si tout sauf son attitude lui prouvait le contraire. Il voulait se persuader qu'il avait un semblant d'opportunité.

Il fuyait, dans un sens. Cela dit, il avait toujours été bon à ça.

Le vieil homme ne sembla pas affecté. « Allongez-vous, » ordonna-t-il.

Et, n'ayant plus le choix – n'ayant jamais eu le choix – Desmond lui obéit.

La visière de tout à l'heure couvrit à nouveau son champ de vision. Alors que le système redémarrait, il y vit apparaitre un triangle stylisé, ou peut-être un A, le logo bien connu de l'entreprise pharmaceutique Abstergo. Il tourna son regard vers la femme blonde, qui jusqu'à présent était restée de marbre, mais elle ne lui retourna pas le regard, occupée à taper sur son clavier. Il sentit soudain une pression à l'arrière de son crâne, juste entre ce dernier et la colonne vertébrale, et il entendit un son constant sous lui, l'étrange table vibrant légèrement. La chaleur montait. Desmond ne comprenant pas très bien comment tout ceci fonctionnait, et il ne voyait toujours pas le rapport entre les déserts qu'il avait vu et ce que ces gens cherchaient. Il ne connaissait pas ces déserts, ils ne ressemblaient pas aux alentours de sa ferme.

Le vieux scientifique lut la confusion sur son visage, et dans une grande et fausse sympathie, il lui expliqua.

Les souvenirs. Des reconstitutions d'événements passés, dépendantes de la perception de l'individu qui l'a vécu. Mais si les souvenirs personnels sont stockés dans le cerveau, les souvenirs de nos ancêtres étaient imprimés dans l'ADN. C'est comme que les oiseaux pouvaient migrer, que les ours savaient quand hiberner, que tous les animaux semblaient toujours se reproduire au printemps, tout cela grâce à leur mémoire génétique. L'instinct était, en fin de compte, les souvenirs de plusieurs générations d'animaux, les espèces vivantes faisant ce que des centaines de générations d'animaux leur disaient de faire – et ce sans la moindre expérience. Le docteur avait passé trente ans à l'étudier. L'ADN était plus qu'une archive du code génétique de nos ancêtres c'était aussi une archive des mémoires de toutes les générations qui nous ont précédé. L'Animus, d'une façon ou d'une autre, décodait l'ADN et reconstruisait les souvenirs en temps réel, les projetant à travers divers appareils – le centre de la mémoire dans le cerveau de Desmond, par exemple, était relié à un enregistreur de fichiers MPEG, puis à un autre, et ainsi de suite, jusqu'à se que les souvenirs soient décodés.

« Mais il y a un problème, » dit alors la femme blonde, parlant enfin. Stillman, c'est ça ? Desmond ne savait plus trop d'où ce nom lui venait. Sa voix était chaleureuse, plus que celle de l'espèce de docteur, en tout cas. Son regard croisa enfin celui de Desmond, mais elle le détourna rapidement, se concentrant sur son écran et tapant quelque chose. « Ça, c'est le souvenir auquel nous essayons d'accéder, » dit-elle, et la visière, chargeant toujours diverses images, montra soudain une longue ligne d'ADN étirée en une série de barre, assez semblable à une échelle. L'une des barres tout à droite brillait en blanc. Au-dessus se trouvait un petit texte : séquence verrouillée.

« Chaque fois que nous faisons une tentative, ton esprit se rétracte. »

Le savoir et la douleur…

Desmond fronça les sourcils.

« Tu es trop méfiant, ce qui t'empêche de te plonger dans le corps de ton ancêtre. »

Desmond la regarde. Ça leur semblait presque surprenant

Son visage changea de nouveau, une légère expression que Desmond avait appris à chercher, mais il ne la reconnut pas, et celle-ci disparut rapidement. « C'est ce qui s'est passé tout à l'heure. Tu t'es retrouvé éjecté de la mémoire cible pour revenir à un était plus stable. »

Il dévisagea la scientifique et la trouva beaucoup plus sympathique. « … Pourquoi ? » demanda-t-il, en espérant qu'elle ne devienne pas plus obséquieuse, elle aussi.

Elle haussa les épaules. « Mais ton subconscient, lui, il résiste. Nous avons constaté des réactions similaires avec des patients que nous avions mis sous hypnose pour leur faire revivre un trauma. Ils ne peuvent pas accéder directement à ces souvenirs, il faut les y amener en douceur. » Elle détourna le regard. Comme si elle se sentait coupable… « Et encore, parfois, ça ne suffit pas. »

Espérant avoir l'air coopératif, il demanda, « Alors, quelle est la solution ? »

« Trouver un souvenir avec lequel tu peux te synchroniser. De là, on pourra avancer. » Elle fit un petit sourire, presque triste, et la légère expression traversa son visage à nouveau. « Tu vas t'y faire, » promit-elle. Elle tourna et sortit du champ de vision de Desmond. « Voilà où nous en sommes, c'est par là qu'il faut commencer » dit-elle, l'une des barres d'ADN brillant. « Maintenant, je charge le programme d'apprentissage. »

Sérieusement ? Ils avaient un putain de tutoriel ? !

Puis tout devint blanc.


L'avantage (si on pouvait appeler ça un avantage), c'est que la désorientation ne fut pas aussi brusque que la première fois. Au moins, il ne fut pas assailli par un flot d'images, de gens, de voix et d'odeurs. Cela ne l'empêcha pas de tomber en avant, cela dit. Il tomba sur ses genoux, avant de se rattraper de justesse avec ses mains.

Ses… ses mains…

Il pensait que ce qu'il avait vu avant était une hallucination, un bug ou quelque chose : mais là, à sa main gauche, il manquait clairement un doigt. Il lui manquait un putain de doigt… ! L'adrénaline provoquée par la panique lui monta à la tête tandis qu'il fixait son membre manquant, se répétant dans sa tête, « Ce n'est pas réel ce n'est pas réel ce n'est pas réel, » encore et encore, jusqu'à ce qu'il puisse trouver un semblant de calme. Lorsque qu'il reprit une respiration normale et qu'il put penser calmement à nouveau, Desmond se remit sur ses genoux et regarda ses mains.

Son annulaire gauche était tronqué, coupé en un minuscule moignon et dépassait à peine de son gant sans doigts. Il tira légèrement sur le gant pour mieux le voir. La peau avait recouvert l'amputation la cicatrice était propre et nette, mais n'avait pas encore disparu. Desmond tenta de se rappeler quand est-ce que la cicatrice sur sa bouche avait ressemblé à ça, mais cela remontait à trop longtemps pour qu'il s'en rappelle bien. Peut-être était-ce il y a quelques années… ? Mais il avait tous ses doigts quand il était allongé sur cette machine.

Fronçant les sourcils, Desmond plia ses doigts en essayant de se concentrer sur les sensations. La main, sa main répondait exactement comme il le voulait, il pouvait sentir le mouvement et pourtant, plus profondément, dans une partie de son inconscient, il sentait ses muscles contre le métal froid, et il savait, d'une certaine façon, qu'il ne bougeait pas vraiment. Il ne sentait que le métal, et la pression à l'arrière de son crâne.

Mais les sensations se dissipèrent, cependant, quand vit une lame sortir de derrière sa main.

« Merde… » pensa-t-il. Il regarda l'autre côté de sa main, et réalisa que le doigt manquant n'était que le premier des changements. Attaché de son poignet, il portait une espèce de gantelet, un brassard en métal tout autour de son avant-bras, avec une sorte de mécanisme caché sous les lanières de cuir, permettant de sortir la lame de métal. Tâtonnant, il agita son poignet et sa main à nouveau, se demandant comment il avait bien pu faire pour sortir cette lame. Celle-ci rentra dans un petit fourreau caché avec un son de métal.

Le reste de son corps avait tout autant changé que son bras. Son uniforme lui avait été retiré alors qu'ils « cherchaient des armes sur lui ». Mais il réalisa que son jean délavé et son sweatshirt gris avait disparu, remplacés par une espèce de t-shirt blanc.

En se relevant, Desmond constata que ce n'était pas un t-shirt, mais plutôt une sorte de queue de pie ridiculement longue. Tout semblait être fait de coton – il n'était pas un expert – à l'exception d'une ceinture rouge qui semblait faite de soie, cachée sous trois ceintures de cuir. Il avait un gantelet à l'autre bras, et des bottes de cuir pourvues de genouillères à ses pieds. Et… Il portait une capuche.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? » murmura-t-il.

« C'est ton avatar, » répondit une voix féminine, désincarnée. Desmond, surpris, regarda autour de lui. Il était entouré par une espèce de brouillard blanc, l'entourant de toute part. Il ne voyait pas de bords ou de murs, seulement des petits morceaux de… disons, de code, qui volaient. Il reconnut, entre autres, des structures de protéines, des morceaux de formules mathématiques et des caractères grecs, mais tout cela ne semblait pas relié.

« Où suis-je ? » demanda-t-il, se demandant si, ce qu'il disait ici, il le disait aussi dans la salle blanche.

« Tu es dans la reconstitution, » répondit-elle. C'était Stillman, n'est-ce-pas ? « C'est un écran de chargement dans lequel tu attends tandis que l'Animus charge l'ADN qu'il décode. Les souvenirs sont parfois confus c'est n'est pas une science parfaite, l'Animus ne fait que construire une simulation basée sur les informations qu'il trouve. En d'autres termes, quand le chargement sera terminé, tu te retrouveras dans un lieu et tu devras faire quelque chose pour déclencher un souvenir. »

« Déclencher un souvenir ? » demanda Desmond, incrédule. « Et comment je suis sensé faire ça ? »

« Comment peut-on déclencher un souvenir ? » demanda l'autre connard en blouse. « Vous pouvez le déclencher manuellement, bien sûr, mais cela ne fonctionne pas avec la mémoire génétique. Du moins, pas au début. Vous devrez faire quelque chose pour déclencher la nostalgie, qui déclenchera alors le souvenir. Par exemple, le bar mal famé dans lequel vous travailliez doit probablement contenir des souvenirs, et vous y rendre doit vous les rappeler. L'odeur d'un martini peut vous rappeler un client particulier. Les paroles d'une chanson peuvent vous rappeler une ancienne conquête. Le simple fait de préparer un Bloody Mary peut vous rappeler quelque chose. C'est à cela que sert la reconstitution de l'Animus. »

« Je ne comprends pas, » répondit Desmond, trop perdu pour mettre de l'émotion dans sa voix. Il se sentait très isolé dans ce satané brouillard blanc.

La femme blonde lui répondit. « Tu vas retourner en l'an 1191. » Merde alors, c'était il y a longtemps ! « Je ne pense pas qu'on préparait beaucoup de Bloody Mary à l'époque, mais le fait de monter à cheval ou la vue d'un quartier en particulier pourrait déclencher un souvenir. Une fois que le chargement sera terminé, tu pourras l'expérimenter jusqu'à ce qu'un souvenir soit déclenché. »

« Puis-je vous recommander de tuer quelques gardes ? » suggéra le vieux schnock. « Après tout, vous êtes un assassin. J'ai entendu dire que les assassinats étaient très courants à l'époque. Peut-être qu'en entendant les cris de ces innocents que vous tuez, ou des gens effrayés vous fuyant, cela déclenchera un souvenir. »

« Connard, » murmura Desmond, avant de reprendre sa voix normale. « Donc, si j'ai bien compris, l'Animus va me montrer des images du passé et je dois juste me balader jusqu'à ce qu'un souvenir soit déclenché ? »

« Oui. »

« Bon, ben ça devrait être rapide. »

« Le décodage est terminé, » dit alors Stillman. « Lançons le chargement. »

Le brouillard blanc disparut alors. Le sol sous ses pieds devint légèrement irrégulier, tout s'assombrit, l'espace qui semblait infini se rétracta. Une goutte d'eau tomba sur son épaule, il se trouvait dans un lieu froid et humide. Des torches apparurent, une silhouette au loin.

Desmond cligna des yeux, inspirant un coup. C'est très étrange ? Il n'avait pas les mots.

« OK, » murmura-t-il. « Projet : Se balader au pif comme un idiot : démarré. »

Oui, ça semblait stupide, même dit à haute voix. Il regarda autour de lui et supposa qu'il se trouvait dans un tunnel, étroit et récemment creusé. Les poutres semblaient neuves et étaient dépourvues des moisissures après des années passés dans un environnement humide. Des poignées de fer tenaient des torches. Fronçant les sourcils, Desmond se retourna et regarda derrière lui. Il vit deux hommes, l'un habillé comme lui, l'autre portant la capuche grise d'un rang plus bas.

Attends, un rang plus bas ?

Desmond observa leurs visages, enfin, ce qu'il en voyait sous leurs capuches. Ils devaient être frères, ou peut-être cousins. Non, ils étaient frères, les frères Al-Sayf : Malik, un rang en-dessous de lui et Kadar, encore un compagnon, au milieu de l'échelle des rangs. Et Kadar est mort si jeune…

« … Comment je sais tout ça ? » murmura-t-il.

Kadar avait l'air admiratif, les yeux écarquillés et la bouche partiellement ouverte, mais Malik semblait plutôt consterné, et même un peu irrité.

« Attends, il y a surement un autre moyen. Tu n'es pas obligé de le tuer ! »

Desmond cligna des yeux. Quoi ?!

Et il se sentait reculer, il se retourna vaguement vers le tunnel et vis un homme, si petit, si insignifiant, qui se tenait juste en face d'eux, et cela voulait surement dire qu'il ne manquerait à personne…


Altaïr Ibn-La'Ahad vit le mineur, un passant. Il ne voyait aucun tunnel autour de lui, donc aucun moyen de le contourner. Il regarda Malik qui, lui aussi, cherchait d'autres tunnels. Kadar étudiait l'homme, les yeux grands ouverts, comme toujours, ce qu'il lui donnait l'air plus jeune qu'il ne l'était. Il lança un regard interrogateur à Altaïr.

Inutile. Ce garçon, ne savait pas quoi faire. Comment avait-il fait pour atteindre un rang aussi élevé ? Le choix était pourtant évident.

Fronçant les sourcils, Altaïr s'avança dans la direction du mineur. S'ils ne pouvaient pas le contourner, il faudrait procéder autrement.

Derrière lui, Malik le supplia, « Attends, il y a surement un autre moyen. Tu n'es pas obligé de le tuer ! »

Altaïr n'en tint pas compte : ce mineur, si petit et insignifiant, se trouvait devant eux. Personne ne le regretterait, et ça ne comptait pas beaucoup, de tout façon.

A pas de loup, il s'avança, invisible même dans sa tunique blanche, attrapant l'homme par les épaules et, d'un coup de pied derrière les jambes, le força à se mettre sur ses genoux. Contractant sa lame secrète, il maintint l'arme au-dessus de sa tête, cherchant le meilleur point d'impact, avant de la planter dans le tissu de son cou, tranchant l'artère aorte, pénétrant plus profond, derrière la clavicule et les côtes, et éviscérant un poumon. N'importe laquelle de ses blessures serait fatale, mais Altaïr ne négligea aucun détail. Le sang gicla, tiède, humide et insignifiant, et le mineur tomba à terre, mort.

« Je te félicite, » dit Kadar, regardant le corps, puis Altair. Ses yeux, encore plus grands, témoignaient de son admiration pour ce dernier. C'était normal, se dit Altaïr : après tout, il venait de voir un maitre assassin à la tâche. Mais cette pensée fut effacée lorsque Kadar ajouta, « La fortune a guidé ta lame. »

« Pas la fortune, » corrigea Altaïr. « L'adresse. » Il sourit, à la vue de Kadar, admiratif, et de Malik, furieux. « Observe-moi, j'ai beaucoup de choses à t'apprendre. »

En entendant cela, le visage de Kadar rayonna, mais Malik était à bout.

« Oui, » dit-il d'une voix amère et en colère, « Il t'apprendra surtout à mépriser tout ce que notre maitre nous a appris. » Il foudroya Altaïr du regard.

Le maitre assassin lui retourna le regard il ne s'attendait pas à cette attitude, et dut se justifier. « Et toi, qu'aurais-tu fait à ma place ? » demanda-t-il.

Kadar les regarda tous les deux, ne sachant que dire.

« J'aurais évité d'attirer l'attention sur nous, » répondit Malik, « Je n'aurais pas pris la vie d'un innocent. » Il montra le corps à ses pieds, comme s'il n'était pas assez explicite. Altaïr ne vit pas où il voulait en venir. « J'aurais suivi les principes de notre crédo. »

À ces mots, Altaïr se mit en colère. Laissait-il sous-entendre que… ?

« "Rien n'est vrai, tout est permis," » dit-il alors. « Un jour, tu seras un maitre, Malik, et tu comprendras ces mots. Peu importe comment nous arrivons à nos fins, tant que nous y arrivons. »

Malik l'interrompit dans sa phrase. « Mais tel n'est pas la voie des vrais- »

Altaïr l'interrompit à son tour. « C'est celle que j'ai choisi. »

Tous deux se regardèrent, se renvoyant leurs émotions. Il n'avait pas vu Malik depuis des années : il ne s'attendait pas à ce genre de réception. L'atmosphère était maintenant tendue, aucun des deux ne souhaitant s'excuser.

« Je pars en éclaireur, » dit enfin Malik, lançant un regard à son frère et tournant le dos à Altaïr. « Essaye de ne pas nous couvrir de honte, » ajouta-t-il d'un air arrogant et satisfait. Altaïr lui lança un regard noir, ses yeux d'or semblant briller dans l'obscurité environnante.

Kadar regardait toujours les deux autres, tiraillé entre sa loyauté envers son frère et son admiration pour le maitre assassin. Espérant revenu à un sujet plus calme, il se tourna vers Altaïr et lui demanda, « Quelle est notre mission ? Tout ce que mon frère m'a dit, c'est que je devrais être honoré d'y participer. »

Sentant la colère le quitter petit à petit, Altaïr se concentra sur la mission. Cette mission, c'était le test de Kadar s'il le réussissait, il pourrait passer au rang supérieur dans la confrérie. Il fit au compagnon le résumé de la mission : Al Mualim pensait que les Templiers avait trouvé quelque chose sous le mont du Temple de Salomon. Les yeux du jeune Kadar, naïf et aventureux, s'écarquillèrent, et celui-ci émit l'hypothèse d'un trésor. Altaïr le fit redescendre sur terre peut importait ce que s'était. Tout ce qui comptait, c'était que le Maitre en avait besoin. Les assassins devaient répondre à sa volonté, et de toute façon, Altaïr n'avait pas grand-chose d'autre à faire. La corruption des Templiers semblait se répandre partout, même dans les rangs des Assassins. Il y a un an, Altaïr avait été forcé à tuer le second d'Al Mualim pour sa trahison c'était un souvenir douloureux, qu'Altaïr aurait préféré oublier. Il ne pouvait que faire confiance à son maitre, l'homme au-dessus des motifs des Templiers.

Les deux hommes commencèrent à courir ensemble afin de rattraper Malik, l'ombre du grand frère toujours visible au bout du tunnel. Le sol était irrégulier et de larges sections manquaient de torches. Cela dérangeait légèrement Altaïr, son regard fixé droit devant lui comme celui d'un aigle, sautant d'une poutre à l'autre en toute confiance, tandis que Kadar le suivait, d'une démarche incertaine mais non moins gracieuse.

Lorsqu'ils rattrapèrent enfin Malik, le petit frère demanda à Altaïr, « Mais comment arrives-tu à faire ça ? »

« Je te l'ai dit, » répondit Altaïr, « l'adresse. »

Kadar sourit, ce qui lui donnait l'air encore plus jeune, et Altaïr sentit un rictus sur son visage cicatrisé. Ils n'avaient vraiment pas changé…

Les trois hommes empruntèrent une échelle, puis une autre entrée, tous trois se demandant si l'ennemi était proche. Malik se tenait plusieurs mètres devant les deux autres, scrutant de toute part. Altaïr fit de même, son regard vif ne ratant rien. Kadar les regarda avec admiration mais joua son rôle, cherchant quelque chose du regard.

Passé une autre échelle, le tunnel prit une structure plus solide, la terre laissant sa place à la pierre une torche révélait des symboles et des colonnes antiques. Derrière un encadrement se trouvait un garde, leur tournant le dos.

Altaïr se tourna vers Malik, s'attendant à ce qu'il supplie pour la vie de cet homme, mais l'autre assassin acquiesça, admettant que sa mort était nécessaire. Acquiesçant en retour, Altaïr s'avança furtivement vers lui. Cet homme était plus alerte que le mineur : les gardes avaient toujours un bon entrainement. Altaïr enveloppa rapidement son bras autour du cou du garde, sa main sur sa bouche, et planta sa lame secrète dans son dos, sous l'épaule, entre les côtes et la cuirasse de l'armure. Le garde laissa échapper un faible râle, avant de s'effondrer.

Malik et Kadar passèrent devant, Altaïr fermant la marche et quettant d'autres personnes qui viendrait enquêter sur le corps, mais personne ne vint. Après quelques minutes de plus dans les tunnels, ils arrivèrent à destination.

Ils se trouvaient au-dessus d'une grande salle, à moitié creusée, maintenue de chaque côté par des poutres et des échafaudages. Il y avait de fines colonnes et des images en relief. Que représentaient-elles ? Altaïr ne le savait pas, et s'en fichait. Au centre du mur du fond, sous une voute de style grec, deux torches éclairaient une grande caisse dorée, avec de vieux dessins sur les côtés, sans doute des hiéroglyphes. Sur celle-ci trônait une fleur stylisée, peut-être un œuf.

« C'est sûrement cette Arche, » dit Malik, observant la caisse d'or.

Kadar haleta. « L'Arche… d'Alliance ? » murmura-t-il, incrédule et émerveillé à la fois.

Croyait-il vraiment à ces vieilles légendes ?

« Ne sois pas ridicule, » le corrigea Altaïr, « il n'existe rien de tel : c'est une légende. »

Kadar avait l'air incrédule il ressemblait tellement à son frère qu'on aurait cru qu'il s'agissait de jumeaux. « Alors, qu'est-ce que c'est ? » demanda-t-il, en pointant la caisse dorée du doigt.

« Silence ! » intima Malik, « Quelqu'un approche. » Effectivement, ils virent entrer cinq silhouettes. Bien cachés dans le noir, les trois assassins se mirent à les espionner.

Le chef, un homme au crâne chauve, s'avança, donnant des ordres à ses sous-fifres. Il avait un fort accent : on aurait dit du français… Sous sa cape grise, on distinguait bien une lourde cotte de mailles, ainsi qu'un surcot blanc sur lequel était cousu une croix rouge sang : des Templiers !

« Il faut franchir cet obstacle avant l'aube, » commanda-t-il, les quatre templiers qui le suivaient hochant la tête. Ils étaient clairement de rang inférieur, leur croix rouge n'étant pas cousues sur un surcot blanc, mais seulement peintes sur leur armure. Ils ne portaient pas non plus de casques rouges.

« Plus vite nous en aurons fini, » ajouta le chef, « plus vite nous ferons route vers Masyaf, pour châtier ces renégats ! »

« Masyaf… » murmura Malik, laissant transparaitre une soudaine tension dans sa gestuelle.

Altaïr réalisa autre chose : « Robert de Sablé… » grogna-t-il. On racontait que les Templiers avaient élu un nouveau Grand Maître depuis qu'Altaïr avait tué Basilisk. Basilisk était le chef des Templiers de facto tandis que les chevaliers se disputaient pour savoir qui prendrait la place de Gérard de Ridefort depuis l'enlèvement et la décapitation de ce dernier par Saladin. Robert de Sablé était bien connu des Sarrasins et des Croisés pour son sens de la stratégie et ses diverses victoires sur la cote palestinienne. Et maintenant, il était ici ? Altaïr dit alors : « Sa vie m'appartient. »

Malik tourna la tête vers lui. « Non. Nous devons retrouver le trésor et n'attaquer de Sablé qu'en cas de nécessité. » Il leva les mains, essayant de calmer Altaïr.

Mais son intervention n'eut pas l'effet escompté.

« Il nous empêche d'accéder au trésor. La nécessité est réelle, » dit-il, frustré.

« De la discrétion, Altaïr ! » grogna Malik.

Le maitre assassin s'en moqua. « Ce serait se comporter en lâche ! Il est notre pire ennemi, c'est une occasion unique de s'en débarrasser. »

Malik lui fit face de toute sa hauteur, même s'il n'était pas aussi grand qu'Altaïr. Kadar les regarda de nouveau, ne sachant que faire. « Tu as déjà bafoué deux des principes de notre crédo tu t'apprêtes à en bafouer un troisième : tu mets notre fraternité en danger ! » Il dut garder un grand contrôle de soi pour parler à voix basse, autrement il se serait fait entendre dans toute la caverne.

Altaïr en eut assez. « Je suis ton supérieur, de par mon titre et mes capacités. » Il le foudroya du regard, plus en colère que blessé. Comment Malik osait-il le faire douter ? « Tu devrais éviter de t'opposer à moi. »

Sur ce, il se pencha en avant, agrippa les bords d'une échelle et se laissa tomber quelques mètres plus bas, sur le sol de la caverne. Puis, il s'avança dans la lumière d'une torche, à la vue de tous. « Arrêtez, Templiers ! » scanda-t-il, ses derniers détachant leur attention du parchemin qu'ils consultaient. « Vous n'êtes pas les seuls que le trésor intéresse. »

À la vue de la tunique blanche et de la ceinture rouge, de Sablé sourit.

« Ah, » dit-il, « voilà pourquoi il nous manque un homme. »

Ses sous-fifres se déployèrent, et ils posèrent la main sur la poignée de leur épée. Derrière lui, Altaïr entendit les frères Al-Sayf le rejoindre, un de chaque côté. Il devina le regard noir que lui lançait Malik, mais toute son attention était concentrée sur le Grand Maitre, le sang coulant lentement dans ses veines.

De Sablé vit les deux autres, et son rictus ne s'effaça que légèrement. « Et que veux-tu, au juste ? » demanda-t-il.

« Ton sang, » répondit-il.

Et sur ce, Il fila droit sur de Sablé. Il sentit à peine la main qui tentait vainement de le retenir, tandis qu'une voix lui disait « Non, arrête ! », mais il était déterminé, il n'échouerait pas : il mettrait fin au conflit à ce moment précis ! Si la mort des Templiers affaiblissait les rangs de Richard, si les Croisés étaient défaits, alors peut-être, peut-être, apprendraient-ils à ne pas faire couler le sang pour des raisons futiles, et cesseraient-ils leur quête d'accessoires et de gens comme Adha. Son sang ne fit qu'un tour dans sa tête, un brouillard rouge aveuglant sa vue mais pas sa vision, et il fonçait si vite que nul n'aurait pu l'arrêter, sa lame secrète apparaissant à son poing, là où manquait son annulaire gauche.

Soudain, il reçut un coup de coude, celui de de Sablé, en plein visage, le déconcentrant juste assez pour que le Templier l'attrape par les poignets. Altaïr se débattit, bien déterminé à voir couler son sang. Il plia le bras : sa lame n'était qu'à quelques centimètres de la gorge de son ennemi. La victoire serait sienne !

« Tu ne sais pas à qui tu as à faire, assassin, » murmura de Sablé. « Je vais t'épargner uniquement pour que tu remettes un message à ton maitre. » Une main épaisse agrippa la gorge d'Altaïr, l'étranglant, le repoussant, le soulevant du sol petit à petit. Altaïr perdit pied, mais persista. Cet homme devait mourir !

« Lui et ses semblables doivent renoncer à la Terre Sainte. Je lui conseille d'en partir tant qu'il le peut encore. Restez, et vous mourrez tous. »

Altaïr sentit soudain la pression sur son cou disparaitre, et ce léger manque de résistance le fit se pencher en avant. De Sablé en profita et envoya Altaïr au loin, sur le côté. Il tenta d'amortir sa chute, mais de Sablé l'avait envoyé vers une structure de support. Avant qu'il ne puisse anticiper, il se heurta à quelque chose. Sa vision se brouilla de terre, de pierre et de poussière, et il atterrit dans un son de craquement de bois, esquivant de justesse les débris qui lui tombait dessus. Il reprit ses esprits et se releva péniblement, l'entrée du temple maintenant bloquée. Il était maintenant coupé des autres.

« Aux armes, soldats ! » cria de Sablé. « Tuez les assassins ! »

Il entendit des épées qu'on dégainait, des sons de métal, des grognements et des cris.

Et puis, le silence : un silence vide et pesant.

Ils étaient morts. Malik et Kadar étaient morts. Altaïr fixa les débris qui bloquaient la voie, incapable d'y croire. Ils étaient morts.

Il frappa du poing contre le mur, geste inutile contre les débris immobiles. Il frappa à nouveau. Encore et encore, avant de pousser un douloureux soupir et de se forcer à se retourner. S'il ne restait que lui, alors il devrait revenir à Masyaf, revenir vers les assassins, revenir vers Al Mualim. Il fallait qu'il sache.

Cette section de la caverne n'était que partiellement construite, avec des poutres fixées aux parois sans raison, pas encore assemblées. Altair escalada cette échelle improvisée, essayant d'oublier son regret, sa perte. Il endurcit son cœur, refusant de sentir la douleur.

Il en avait déjà assez subi comme ça.

Il vit la lumière au-dessus de lui, et lorsqu'il traversa le mur de pierre percé qui lui faisait face, il vit le soleil de fin d'après-midi qui éclairait de ses derniers rayons la ville de…


« Accès rapide vers un fragment de séquence plus récent. »

« C'est quoi ce bazar ? » s'exclama Desmond. « Qu'est-ce qui se passe ? »

La voix de Stillman résonna dans ses oreilles. « Ne t'inquiète pas. Nous passons seulement les souvenirs moins importants. »

« Tout à fait, » ajouta le vieux crouton. « Nous ne sommes pas ici pour de futiles souvenirs de voyage, nous cherchons quelque chose de plus précis. Moins on perdra de temps, mieux ce sera. »

Desmond fronça les sourcils, mais il savait qu'il ne pouvait rien y faire.


Altaïr, sans s'en rendre compte, prit son temps aux écuries, à détacher la selle de son cheval et à brosser celui-ci. Il ne pouvait s'empêcher de penser aux frères Al-Sayf : Malik et Kadar. Malik et lui étaient des amis de longue date : ils avaient grandi ensemble à Masyaf, à poursuive des ennemis imaginaires, à se bagarrer avec des bâtons d'entrainement, à se faufiler dans les marchés avec toute l'adresse que peuvent avoir deux enfants de 7 ans à moitié entrainés. Ils passaient chaque jour ensemble, jusqu'à leurs 14 ans, où ils durent partir pour une autre ville : Malik pour Damas, et Altaïr pour Jérusalem. Les lettres qu'ils s'envoyaient se firent de moins en moins régulières, chacun d'entre eux étant absorbé par l'entrainement, les petites missions, les rapports et les leçons que leur donnait le rafiq de la ville.

Malik était l'un des étudiants les plus brillants de leur groupe d'âge. Si tous deux étaient doués dans les langues et l'écriture, Malik excellait aussi dans les sciences et les mathématiques. Le maitre assassin se moquait souvent de son ami, lui disant que s'il continuait à se remplir la tête, elle serait tellement lourde qu'elle finirait par tomber. Malik répondait que si la tête d'Altaïr se vidait davantage, il trébucherait sur un rocher parce qu'il ne saurait pas à quoi ça sert. Ils étaient jeunes et compétitifs, mais ils étaient proches – proches comme des frères. Mais maintenant, ce n'était plus le cas. Leur dernière discussion avait blessé Altaïr, et il ne voulait rester en de mauvais termes avec lui. Mais il ne pouvait plus lui demander pardon, et leur colère le hanterait désormais, entachant son souvenir de l'autre homme.

Kadar… Altaïr avait de vagues souvenirs d'un petit enfant aux grands yeux espérant suivre le même parcours que son grand frère, et c'est pourquoi il fut surpris lorsque le jeune garçon fut envoyé à Jérusalem. À ce moment-là, Altaïr était déjà un assassin expérimenté, il avait de nombreux exploits à son actif et effectuait même des missions en dehors de la ville. Il ne voyait que rarement le jeune garçon, mais il savait que Kadar était passionné par les histoires qu'on lui racontait au sujet d'Altaïr. À chaque fois qu'il le croisait au Bureau des Assassins, il témoignait d'un grand respect envers lui.

Kadar n'était pas aussi inutile que le croyait Altaïr, plus tôt dans la journée. Ses grands yeux et son air innocent en faisant un très bon espion et informateur. Il écoutait, et il était aussi malin que Malik. Avec un bon entrainement, il aurait pu devenir talentueux pour repérer les paternes, une qualité que peu de monde avait. Son manque d'expérience était sa seule faiblesse, et maintenant, son futur venait de lui être arraché.

Ce n'est pas la fortune qui avait guidé la lame d'Altaïr, comme Kadar l'avait suggéré, mais ce n'était pas non plus l'adresse, comme le croyait Altaïr si c'eut été le cas, il aurait pu empêcher leur mort.

Reposant la brosse, d'un mouvement saccadé et violent, il sortit des écuries, son visage aussi sombre que son humeur. Comme si leur mort n'était pas assez dure à supporter, il devrait faire face à son père, l'homme qui était comme un père pour lui.

Il passa les portes de Masyaf, sans même lancer un regard à quiconque le croisait, et entra dans la ville.

« Altaïr ! Tu es de retour ! »

Altaïr se tourna légèrement et vit le visage familier d'un homme adossé contre un arbre. « Rauf, » le salua-t-il. Il ne souhaitait pas lui parler.

« Content de te revoir sain et sauf, » répondit Rauf, s'approchant du maitre assassin. Même s'il était un épéiste aguerri, il était très chaleureux et accueillant en dehors de l'arène de combat. Il semblait également déterminé à lancer une conversation. « J'imagine que ta mission a été couronné de succès, » ajouta-t-il, le visage rayonnant.

« … Le Maitre est dans sa tour ? » demanda Altaïr, détournant le regard.

« Oui, plongé dans ses livres, comme à son habitude. Sans doute attend-il ta venue. »

« Merci, mon frère. »

« Paix et sérénité, Altaïr, » lui dit alors Rauf, et bien qu'il conservât son ton chaleureux, son regard avait changé il vit quelque chose chez l'assassin réticent que ce dernier aurait aimé qu'il ne voit pas. Pourtant, Altaïr ne voulait pas rester en froid avec lui, ne sachant pas quand celui-ci mourrait.

« À toi aussi, » répondit-il simplement, espérant que cela suffirait.

Masyaf était petite comparée aux autres grandes cités de la Terre Sainte, une simple ville construite au pied d'une montagne. Les hivers étaient rudes et impardonnables, les collines pointues et verticales. Les bâtiments étaient disposés bout à bout contre les parois, les places et le marché étaient petits et de forme irrégulière, mais c'était chez lui. Les assassins connaissaient chaque recoin chaque mur, chaque tas de paille, chaque banc. Les rafiqs et les dais, les érudits de la confrérie, étaient côte à côte avec les marchands, les vanneurs, les potiers et les bergers. On y achetait des marchandises, les enfants y jouaient, et le plus important, ils y avaient de l'eau fraiche et claire qui restait des pluies hivernales. Il n'avait pas à consommer d'eau sale et impure, qu'il remplaçait par du vin comme dans les autres cités. Leur esprit était toujours clair, et leurs actes, toujours délibérés.

Altaïr emprunta la route principale, passant devant des villageois, des maisons et des dizaines d'arbres qui lui offrait de l'ombre contre la chaleur de ce début d'été. Des membres de l'ordre le saluaient de temps à autre, mais Altaïr ne leur répondait pas. Il n'avait plus qu'un objectif en tête : parler au Maitre.

Plus haut dans la montagne, il passa devant les drapeaux de l'ordre, là où finissait le village et où commençait le territoire de la confrérie. Il y avait l'arène d'entrainement, la bibliothèque, les quartiers, l'armurerie, l'ultime rempart de l'ordre. Altaïr n'était pas un homme de souhaits, mais il espérait qu'il n'aurait jamais à s'y battre. Ce n'était pas un lieu Saint, mais pour lui, c'était une terre sacrée. La forteresse était une structure énorme, imposante, et Altaïr prit un moment à la regarder, à la contempler, avant de reprendre ses esprits et sa route. Il n'y avait pas de villageois ici : tous ceux qui entraient ou sortaient de la forteresse portaient la ceinture rouge de la confrérie, certains portant la cotte de mailles des gardes, d'autres, la tunique sombre des rafiqs, des apprentis, des aguerris, mais tous entrainés sous la supervision du Maitre lui-même.

Aux portes de la forteresse, un autre homme voulut entamer une conversation.

« Ah, il nous revient enfin. »

« … Abbas, » le salua Altaïr.

L'autre assassin jeta un coup d'œil derrière Altaïr. « Où sont les autres ? Tu as pris de l'avance pour arriver en premier ? » Il lança alors un regard peu amical vers le maitre assassin. « Je sais que tu détestes partager les honneurs. »

Il n'y avait aucun honneur dans l'échec. À cette simple suggestion, Altaïr retourna son regard à Abbas.

Celui-ci sourit, heureux. « On dit que le silence est une forme de consentement. »

« N'as-tu rien de mieux à faire ? » demanda Altaïr.

« Je t'apporte un message du Maitre il t'attend dans la bibliothèque. »

Altaïr hocha la tête et passa devant l'autre assassin.

« Dépêches-toi, » lui dit Abbas, en le suivant. « Ta flagornerie va, une nouvelle fois, pouvoir s'exercer. »

« Un mot de plus, et ma lame tranchera ta gorge, » menaça Altaïr, espérant se débarrasser de lui.

« Nous aurons l'occasion d'en reparler, mon frère, » répondit Abbas, avant de s'éloigner, et de se joindre à un autre groupe d'assassins. Altaïr devinait ses commentaires acérés et les rictus narquois des autres, mais il n'y prêtait pas attention. Il avait d'autres soucis en tête.

Altaïr entra dans la cour, passa devant l'arène d'entrainement, la seconde maison de Rauf, et monta les escaliers qui menaient à l'entrée principale de la forteresse. Il passa devant un garde qui se tenait près de la porte. « C'est un honneur, » dit celui-ci en s'inclinant. La bibliothèque était pleine d'apprentis, reconnaissables à leur cape blanche. C'était là le sanctuaire du Maitre, du Professeur, du Chef de l'Ordre : Al Mualim.

« Le Maitre t'attend à l'intérieur, » dit alors un garde à Altaïr.

Altair monta les escaliers, jetant un coup d'œil aux jardins par une fenêtre. Il passa près d'une rangée d'étagères pleines de livres, et se retrouva enfin devant une grande fenêtre de verre, encadrée par deux drapeaux d'assassins, qui donnait sur toute la cour. Devant la fenêtre se trouvait un bureau, couverts de parchemins et de livres, ainsi qu'un perchoir destiné aux pigeons voyageurs. Et là, regardant par la fenêtre, se trouvait le Maitre.

Al Mualim était un homme grand et ridé. Il avait une longue barbe blanche, et son œil droit, entièrement blanc, était traversé par une cicatrice. Il portait une tunique plus sombre que celles des dais, d'un noir si pur que même le soleil ne semblait pouvoir la décolorer, et sa capuche ne laissait apparaitre que son visage.

« Altaïr, » dit-il, se tournant vers son élève le plus brillant.

« Maitre. »

« Avance. Fais-moi le récit de ta mission, » dit-il d'une voix chaleureuse. « Le trésor des Templiers est-il enfin à nous ? »

« … Il y a eu des imprévus, Maitre, » répondit Altaïr, cherchant ses mots afin de ne pas le brusquer. « Robert de Sablé n'était pas seul. »

« L'imprévu fait parti de notre travail. C'est notre capacité à nous adapté qui fait de nous ce que nous sommes, » expliqua Al Mualim, toujours confiant des habilités d'Altaïr. Cela mit Altaïr mal à l'aise, et il eut beaucoup de mal à trouver ses mots.

Il put quand même lui répondre, « Cette fois, cela n'a pas suffi. »

« Que veux-tu dire ? »

« J'ai échoué, Maitre. »

Celui-ci fut choqué. « Le trésor ? »

« … Je ne l'ai pas. »

« Et de Sablé ? »

« … Il s'est échappé. »

L'atmosphère changea. Le visage d'Al Mualim se crispa, et son ton devint plus dur. « Je t'ai envoyé, toi, le meilleur de mes hommes, accomplir une mission d'une importance capitale plus que toute autre… Et tout ce que tu me rapportes, ce sont de piètres excuses ? »

« Oui, je- »

« Tais-toi ! Ne dis plus un mot ! » l'interrompit Al Mualim, calmant sa rage et se remettant à réfléchir. Altaïr n'osa pas le regarder, il fixait le sol du regard, honteux. Il ne pouvait qu'attendre. « … Je m'attendais à mieux Je vais devoir envoyer d'autres hommes. »

Pourrait-il se racheter ? « Je vous jure que je le retrouverais, » dit Altaïr. « J'y retourne. »

« Non ! Tu resteras ici. Tu en as déjà assez fait. » tonna Al Mualim, foudroyant du regard son décevant élève, avant de se calmer à nouveau. Il regarda des deux cotés d'Altaïr, avant de lui demander, « … Où sont Malik et Kadar ? »

La réponse mit du temps à venir. Altaïr, n'osant pas le regarder, répondit, « … Morts. »

« Non, pas tout à fait. »

Le Maitre et l'élève se tournèrent et virent, stupéfaits, une troisième personne qui approchait, vêtue d'une tunique blanche d'assassin expert tachée de sang. Il se tenait le bras gauche, et boitait sur le côté. Altaïr n'en crut pas ses yeux toute sa surprise était visible sur son visage.

Malik. Malik ! Vivant !

« Malik, » dit Al Mualim, d'une voix douloureusement neutre.

« Je suis toujours en vie, » dit-il d'une voix enrouée et sèche. Il n'avait pas bu depuis des jours, et avait apparemment galopé sans s'arrêter, du moins, lorsqu'il fut à nouveau en état de monter à cheval. Plus que rassuré, choqué, consterné ou toute autre émotion possible, Altaïr était impressionné. Vivant !

« Et ton frère ? » demanda le Maitre.

« Il n'est plus, » grogna Malik, détournant le regard Altaïr revit le visage de ce jeune adolescent aux grands yeux, qui le regardait avec admiration. Ce moment s'acheva, et Malik lança un regard noir à Altaïr, le pointant d'un doigt accusateur. « Par ta faute ! » cria-t-il, sa voix laissant transparaitre sa colère.

« De Sablé m'a forcé à partir, je ne pouvais pas revenir, je n'ai rien pu faire. » Mais il le voulait, Dieu sait qu'il le voulait, mais-

« Parce que tu as ignoré mes mises en gardes ! » cria Malik, ignorant la défense d'Altaïr. « Nous aurions pu éviter cela, et mon frère… mon frère serait encore en vie ! » Sa peine était palpable dans sa voix, et Altaïr ne pouvait que le regarder. Comment ? Comment auraient-ils pu éviter ça ? Parlait-il de la mort du mineur ? Ou…

Malik se tint fermement, malgré son état. C'est comme si l'énergie générée par sa colère avait finit par éclater. Sa voix était épuisée lorsqu'il dit, « … Ton arrogance a failli nous priver de la victoire. »

« … Failli ? » demanda Al Mualim, de nouveau surpris.

« Voilà ce que votre protégé aurait dû vous rapporter. Tenez, » dit-il, sortant l'œuf doré d'une poche dans son dos. L'amertume le gagna de nouveau. « Prenez-le mais j'ai bien peur que ce trésor ne nous cause de nouveaux ennuis. »

« Maitre ! Nous sommes attaqués ! » intervint un jeune apprenti, qui monta les escaliers à toute vitesse, pris de panique. « Robert de Sablé fait un siège du village de Masyaf ! »

Le Maitre passa sa main dans sa longue barbe blanche. « Il cherche donc l'affrontement… » Il fit le tour de son bureau, plongé dans ses pensées. Malik s'appuya contre la rampe, luttant pour rester debout. Il semblait avoir perdu beaucoup de sang, d'après les tâches sur ses vêtements, et irait voir un médecin dès que possible. Quoi qu'il en soit, Masyaf était source de sécurité pour les assassins, et Altaïr sut que la meilleure façon d'aider son ami était de repousser les Templiers.

Le Maitre prit sa décision. « Très bien, » dit-il, « Ne le décevons pas. » Il se tourna vers le jeune apprenti, dont le visage était aussi blanc que son chèche. « Va. Avertis les autres. Qu'ils préparent la forteresse. » L'apprenti obéit et détalla. Un regard sombre fut ensuite tourné vers le maitre assassin. « Quant à toi, Altaïr, nous poursuivrons cette discussion plus tard. Dirige-toi vers le village. Élimine les envahisseurs, chasse-les de notre terre. »

Altaïr s'inclina. « Ce sera fait, » dit-il, décidé.

« Comment pouvez-vous lui faire confiance ? » demanda Malik, d'une voix faible. « Après ce qu'il a fait ? »

« Peu importe la confiance, » répondit le Professeur, son œil aveugle fixé sur Malik. « Le fait est qu'il est notre meilleur combattant, et nous en avons bien besoin en ce moment. » Il se tourna vers Altaïr. « Va. »

« Oui, Maitre. »

Altaïr se pencha par-dessus la rampe et donna des ordres.

Il fallut une heure pour faire passer le message à toute la confrérie. Abbas prit en charge les hommes dans la citadelle, tandis que Rauf partit pour escorter les villageois vers un lieu où ils seraient plus en sécurité. Depuis la tour, Altaïr observa l'armée de de Sablé. Ce n'était qu'une petite troupe, constitué d'un seul engin de siège et d'un seul contingent de soldats, une insulte pour l'Ordre. Le raccourci vers la Vallée de l'Oronte donnait un avantage aux assassins, et ils n'étaient pas sans défenses.

Le siège commença. Altaïr, ayant fini d'observer cette scène, sortit en trombe de la forteresse afin de prendre part au combat, comme l'avait ordonné Al Mualim. Dans le chemin étroit qui menait au village, il évita des villageois qui courraient, et quelques hommes blessés.

« Altaïr ! » appela quelqu'un, et le maitre assassin vit alors Rauf, ensanglanté mais indemne, qui courrait vers lui accompagné par deux autres hommes. « Content de te voir, nous avons besoin de toi. »

« Que s'est-il passé ? » demanda-t-il.

« Les Templiers. Ils ont attaqué le village. La plupart des habitants ont pu s'enfuir. La plupart, mais pas tous. »

« Que veux-tu que je fasse ? »

« Fais diversion. Occupe les Templiers pendant que j'évacue ceux qui sont pris au piège. »

« Compte sur moi. »

« Bien, » dit Rauf, « je savais que je pouvais te faire confiance. Puisse la fortune guider ta lame. »

En repensant à Kadar, Altaïr sembla accélérer inconsciemment.

D'autres blessés remontaient le chemin, certains aidés par des érudits ou des rafiqs, d'autres seuls. Le sang emplissait l'air, et Altaïr sut qu'il n'avait que peu de temps. Il venait à peine d'atteindre le village qu'il vit une bande de Croisés s'en prenant sauvagement aux villageois innocents qui fuyaient. Altaïr fut révolté par cette vue, et il fonça en direction des chevaliers, épée à la main. Certains virent la terreur blanche se précipiter vers eux, et crièrent, « Un assassin ! Ne le laissez pas s'enfuir ! » et tous se concentrèrent sur le maitre assassin.

Tout en se battant pour le village, Altaïr vit trois bâtiments en feu la fontaine du marché était rouge de sang. Leur foyer se faisait violer.

Et cela ne fit que renforcer son ardeur.

Il finit par arriver devant la porte principale. Les écuries étaient en flammes et les chevaux couraient dans tous les sens, paniqués. La barrière massive qui entourait la porte étaient en morceaux, et pourtant, la porte elle-même était toujours intacte, ouverte et accueillante.

Pris d'une intense soif de sang, Altaïr se perdit dans le combat : il tranchait, poignardait, esquivait, parait, lançait des couteaux, brisait des os et perçait des poumons, le sang coulant à flot sur son passage. Les Croisés avaient beau recevoir de l'entrainement, ils n'étaient pas des combattants aguerris : ce n'étaient que des paysans que leur roi lointain avait envoyés se battre contre des ennemis lointains dans un pays lointain. Ne connaissant que leurs maisons, ils n'avaient l'esprit essentiel au combat, là où les Sarrasins, et la Confrérie, avait beaucoup plus d'expérience dans le domaine de la guerre. Altaïr semait la mort, nul ne semblant l'arrêter, tandis qu'il massacrait tout corps en armure qui se tenait devant lui : ils tranchaient des gorges, poignardait des épaules, cassait des bras et des jambes si violement que des fragments d'os volaient dans les airs. Il lançait des couteaux en plein crâne ou dans un œil, brisait des mains et en désarmait d'autres. Altaïr était à son meilleur : une machine à tuer inarrêtable.

« Cessez le combat et retournez à Masyaf ! »

La voix tonitruante d'Abbas couvrit les cris et les râles des morts que causait Altair. Ce dernier était à court de Templiers et vit les assassins qui battaient en retraite. Il ne voulait pas fuir, il allait en finir ! Le maitre assassin tenta de se frayer un chemin au travers de ses camarades, son sang bouillant dans ses veines, impatient de tuer de Sablé de ses propres mains, mais ses alliés étaient trop nombreux. Ils l'attrapèrent et l'entrainèrent avec eux.

Abbas donna un coup de poing à l'assassin. « C'est Al Mualim qui vous l'ordonne ! » cria-t-il, le frappant de nouveau.

Reprenant ses esprits et se frottant le menton, Altaïr acquiesça, frustré que la vie de de Sablé fut si proche, et pourtant si lointaine. Il se jura qu'un jour, il mettrait un terme à la vie du Templier !

La retraite des assassins fut lente, avec les Templiers sur leurs talons. Altaïr était tombé à court de couteaux de lancer : le combat s'avéra dès lors plus sélectif. Il devait donner aux autres le temps de battre en retraite, et il fonça donc vers les Croisés, faisant tournoyer son épée au-dessus de sa tête, ces assaillants manquant de s'arrêter, puis il leur tourna le dos et courut. Lorsque deux ou trois d'entre eux réussirent à le rattraper, il dégaina son épée et les éviscéra devant leurs camarades, ces derniers fuyant à leur tour, redoutant sa prochaine charge.

Abbas se joignit à lui, menaçant les Templiers avant de démontre son talent à l'épée. Enfin, ils rentrèrent dans la forteresse, les lourdes portes de métal se fermant derrière eux.

La cour centrale était pleine de réfugiés, les médecins et les érudits s'affairant à soigner les blessés dans l'arène d'entrainement. Les femmes et les enfants pleuraient, les soldats, terrifiés, tentèrent tant bien que mal de garder leur calme. Masyaf, le refuge des assassins, était maintenant acculé. Qu'est-ce que le Maitre avait en tête ?

Altaïr aurait bien aimer le savoir, et il restait en état d'alerte, prêt à répondre au prochain ordre que lui donnerait son Professeur avant en réserve pour lui.

« Altaïr, viens ! » appela Rauf. Le maitre assassin tourna la tête vers les tours de défense et y vit son ami. « Al Mualim a encore du travail pour nous. »

« Où allons-nous ? » demanda-t-il, grimpant une échelle et rejoignant Rauf.

« Là-haut, » répondit ce dernier, en pointant le sommet de la tour. « Nous réservons une petite surprise à nos invités. » L'épéiste tendit la main pour aider Altaïr à monter, mais le maitre assassin refusa. Ensemble, ils grimpèrent vers le sommet de la tour. « Tu ne devrais pas tarder à comprendre, » ajouta-t-il, un sourire vicieux sur son visage.

En effet, il comprit immédiatement où il se rendait, et avait une vague idée de ce que le Maitre avait prévu : Rauf n'eut donc pas à lui expliquer. Ils arrivèrent au sommet de la tour, trois plateformes de bois s'étendant vers l'espace infini des montagnes en-dessous. Chacun choisit une plateforme et s'y avança avec confiance, le vent leur caressant le visage, un troisième assassin les rejoignant peu après.

« Hérétique ! » Altaïr vit alors de Sablé devant la forteresse, monté sur un cheval noir et accompagné d'une centaine de soldats. « Rendez-moi ce que vous m'avez volé ! »

Altaïr sourit, heureux de voir la colère de son ennemi.

« Tu n'as aucun droit sur ce trésor, Robert ! » répondit Al Mualim, mais Altaïr ne le voyait pas d'où il était. « Retire-toi, renonces avant que tes rangs ne soient décimés. »

« Tu joues à un jeu dangereux ! »

« Ce n'est pas un jeu, je te l'assure. »

« Tu l'auras voulu ! » répondit de Sablé. Il se tourna vers ses hommes. « Amenez l'otage ! »

Un assassin – compagnon, à en juger par sa capuche grise – fut poussé en avant par les Croisés. Altaïr le vit lever les yeux vers son Maitre juste avant qu'un soldat ne le transperce de son épée, faisant gicler le sang. Même depuis sa tour, le maitre assassin put entendre le râle de l'otage qui s'écroula sur le sol, mort.

De Sablé reprit la parole : « Ton village est en ruine, et les vivres viendront bientôt à manquer ! Combien de temps ta forteresse résistera-t-elle ? Penses-tu que tes hommes continueront d'obéir, quand tes puits seront à sec, et qu'ils mourront de faim ? »

« Ils ne craignent pas la mort, Robert, » répliqua Al Mualim. « Ils l'appellent de leurs vœux. Elle est leur récompense. »

« Parfait ! » lança de Sablé. « Ils vont la côtoyer de très près ! »

Rauf se tourna vers le troisième assassin. « Suis-moi, » dit-il d'une voix douce et rassurante, « et ne te poses pas de questions. »

La voix d'Al Mualim donna son ordre d'une voix confiante et tonitruante. « Montrez à ce "chevalier" que vous ne connaissez pas la peur ! Dieu vous appelle ! »

Et, sans la moindre hésitation, Altaïr, Rauf et le troisième sautèrent en tendant les bras, plongeant vers leur mort. Le vent siffla dans les oreilles et les cheveux d'Altaïr, le mur de la tour se flouta tel un mirage, et le sol se fit de plus en plus proche. Puis, la mort fut remplacée par la douce odeur de la paille séchée. Tous les assassins connaissaient ces plateformes : c'était là qu'ils s'entrainaient au Saut de la Foi.

Altaïr sortit rapidement de la paille, Rauf faisant de même. Le troisième ne fut pas si rapide : dans son cas, c'est un cri de douleur qui sortit. Rauf le rejoignit, suivi par Altaïr, et ils sortirent de la paille le malheureux, qui se tenait la jambe gauche. « Silence ! » chuchota l'épéiste. « Les Templiers vont nous entendre. » L'homme se força à ne pas crier, son visage se tordant de douleur, et il s'allongea sur le côté afin d'apaiser sa jambe endolorie. Rauf examina cette dernière, de ses mains vives et agiles, avant de lui remboîter la jambe dans un dur craquement. Des larmes coulaient sur les joues du jeune homme, tant la douleur était insoutenable.

Rauf leva les yeux vers Altaïr, et tous deux hochèrent la tête, s'étant mis d'accord sur la prochaine chose à faire.

Altaïr se faufila entre les tas de paille, caché derrière les rochers. Masyaf avait été construite sur un lac de montagne qu'on avait assécher, et tandis que de Sablé lançait un flot de menaces envers Al Mualim, Altaïr sauta d'une poutre à l'autre, contournant les Templiers, avant d'arriver à destination : une tour de défense construite à l'intérieur de la montagne. L'entrée était du côté de de Sablé, mais cela importait peu pour Altaïr. Il étudia le mur vertical pendant quelques instants, planifiant son parcours, puis, de ses mains calleuses, il trouva les prises nécessaires. Il prit environ une demi-heure pour escalader la demi-douzaine d'étages avant d'arriver au sommet.

Il avait maintenant une bien meilleure vue. Al Mualim se tenait sur le mur de la forteresse, regardant de Sablé de haut comme s'il s'agissait d'un enfant errant. Le Grand Maitre des Templiers était juste en-dessous d'Altaïr, ses hommes situés juste derrière lui, agglutinés dans l'étroit passage. Parfait.

Altaïr regarda Al Mualim. Leurs regards se croisèrent pendant un bref instant, et le Maitre hocha la tête.

Dégainant son épée, Altaïr trancha la corde qui soutenait le piège, et des dizaines de rondins de différentes tailles roulèrent hors du parapet, en direction de de Sablé et de ses hommes. Le chaos s'installa, les soldats tentèrent de reculer, certains écrasés par les rondins, d'autres courant devant les rondins et tombant dans le vide. Peu après, les portes s'ouvrirent, et les assassins se lancèrent à l'assaut des assiégeurs restants.

Il fallut plus de deux heures pour bouter le dernier des Croisés hors du village, les assassins allant de maison en maison, cherchant les lâches et les lents, ramenant les villageois dans ce qui restait du village mis à sac. On ramassa les corps et l'on les déposa sur une pile près de l'entrée principale en attendant de savoir quoi en faire. Altaïr, lui, était monté à cheval, poursuivant les Templiers à travers la vallée de l'Oronte, hors de leur territoire.

Tard dans l'après-midi, Altaïr et les autres revinrent à la cité. Lui, Rauf et Abbas avaient été convoqués par Al Mualim, ce dernier se tenant devant l'arène d'entrainement. De nombreux assassins s'étaient rassemblés dans la cour, espérant entendre le discours du Professeur.

« Tu as réussi à repousser Robert de Sablé. Ces forces sont décimées. Il ne portera pas de nouvelle attaque avant longtemps. Dis-moi, connais-tu la raison de ton succès ? » dit-il en regardant Altaïr, à qui cette conversation était manifestement dédiée.

Ne sachant quoi répondre, le maitre assassin garda le silence.

« Tu as écouté la voix de la raison, » expliqua Al Mualim. « Si tu avais fait de même dans le temple de Salomon, nous n'en serions pas là aujourd'hui. »

« J'ai fait ce qu'on m'avait demandé, » dit Altaïr, refusant de montrer de la faiblesse.

Le Maitre leva une main, intimant le silence.

« Non. Tu as désobéi. Malik m'a dit que tu avais fait preuve d'arrogance, que tu avais ignoré nos préceptes. »

Le vieil homme lança un regard aux deux hommes qui se tenaient aux côtés d'Altair. Rauf et Abbas attrapèrent le maitre assassin par les bras, l'empêchant de bouger.

« Que faites-vous ? » demanda Altaïr.

« Il y a des règles. Si nous ne respectons pas le crédo des Haschischiuns, nous ne sommes rien, » dit le Maitre, qui lança un regard froid et sans pitié à son élève. « Ces trois règles de bases, tu sembles les avoir oubliées, » lança-t-il, attrapant Altaïr par le menton, forçant ce dernier à le regarder droit dans les yeux. Son œil aveugle était pénétrant, son autre œil était furieux. Altaïr ne put rien dire on ne pouvait pas se défendre contre le Maitre.

« Je vais te les rappeler : la plus important : ton épée ne versera pas… » La voix du Professeur était emplie de désapprobation.

« Le sang d'un innocent, » acheva Altaïr, qui cachait le véritable sentiment qui émanait en lui. « Je sais tout cela. »

Al Mualim mit une violente claque au maitre assassin, qui lui fit pencher la tête sur le côté.

« Tu ne parleras que quand je t'en donnerais l'ordre, » ajouta le Maitre, « est-ce clair ? »

Altaïr ne répondit pas.

« Si tu connaissais ce précepte, pourquoi avoir tué ce vieil homme dans le Temple ? Il était innocent sa mort n'a servi à rien. » Il marqua une pause, attendant la réponse de son disciple. Altaïr ne dit rien, ce qui fit froncer les sourcils du vieil homme. « Il n'y a donc aucune limite à ton insolence. Fais preuve d'humilité, mon garçon, ou je jure que je t'arracherais le cœur de mes propres mains. »

Il laissa ses mots s'imprimer dans son esprit avant de continuer. « Notre second précepte est celui qui nous confère toute notre force : Montre-toi, mais reste invisible. Mêle-toi à la foule et ne fais plus qu'un avec elle. L'aurais-tu oublié ? » demanda-t-il, ses yeux toujours dans ceux de l'assassin. « On m'a dit que tu avais volontairement choisi d'attirer l'attention de l'ennemi avant de le frapper ! »

« Troisième et dernier précepte, le renier serait la pire des trahisons : jamais tu ne mettras la fraternité en danger. C'est pourtant clair : tes actes ne doivent pas constituer une menace pour nous, directement ou indirectement. Ce que tu as fait à Jérusalem a failli causer notre perte ! Pire ! Tu as conduit l'ennemi jusqu'à nous ! Si des hommes sont morts aujourd'hui, c'est par ta faute ! »

Une longue et pesante pause s'installa entre eux. Des murmures se faisaient entendre dans la foule. Les dénonciations en public de ce genre n'étaient pas communes, d'autant plus qu'il s'agissait d'Altaïr, le meilleur d'entre eux, la crème de la crème. Avec la révélation de ses récents péchés, les murmures se firent plus nombreux et bruyants, mais aucun n'atteint une colère semblable à celle d'Al Mualim. Altaïr se forçait à garder un visage impassible : il sentait le sourire satisfait d'Abbas face à sa disgrâce. Il revoyait le visage de Kadar, impressionné et confiant. Il vit la colère et la trahison dans le visage de Malik. Les émotions se bousculaient en lui, et ne sachant pas laquelle suivre, il décida de n'en suivre aucune.

« Je suis désolé, » déclara son Professeur en brandissant un couteau. « Vraiment désolé. Mais j'ai les traitres en horreur. »

Altaïr se débattit. « Je ne suis pas un traitre, » dit-il. Ses actions d'aujourd'hui devraient suffire à le pardonner ? Il avait aidé Rauf, retenu les Templiers, déclenché le piège qui les avait massacrés, défendu leur foyer. Tout cela ne comptait donc pour rien… ?

Al Mualim secoua la tête. « Tout semble indiquer le contraire, » répondit-il, contemplant la lame dans sa main. « Tu ne me laisses pas le choix. Que la paix soit sur toi, Altaïr. »

Et il enfonça profondément son couteau dans le côté du maitre assassin, entre ses ceintures de cuir protectrices et son plastron.

Altaïr ressentit une intense douleur dans tout son corps, et il tomba sur le sol, Abbas souriant victorieusement, Rauf épris de tristesse pour son ami, et le Maitre n'osant même pas lui accorder un second regard, car après tout, il ne valait plus rien…


Merci d'avoir lu ce premier chapitre, n'hésitez pas à liker cette fanfic ou à reviewer, me signaler les fautes d'orthographe, etc. À bientôt pour le chapitre 2 : La Route d'un Traitre !

Assassin's Creed est un jeu-vidéo appartenant à Ubisoft.

Mirror and Image sont les auteurs de cette fanfic, je n'ai fait que la traduction.