Pourquoi Ace :

Marco se pinça l'arrête du nez en soupirant. Il était trop vieux. Trop vieux pour ces conneries, c'était maintenant certain. Oui, la phrase était banale, beaucoup trop dite, surexploitée même. Pourtant, ce fut bien sa première pensée lorsqu'il ouvrit sa cabine.

Pourquoi, Ace ? Juste, pourquoi es-tu ainsi ? Furent ensuite sa seconde et troisième pensée. C'était d'ailleurs des pensées récurrentes dans la tête du Phénix ainsi que dans celles de tous les membres de l'équipage. En effet, le « pourquoi », généralement suivit du « Ace » était une phrase qui était presque devenue une expression tant on l'entendait dans l'équipage de Barbe Blanche. On l'employait à toutes les sauces, allant le plus souvent de l'exaspération où un soupire venait souvent couper le « Pourquoi, Ace ? », comme le ferait une virgule, à la question philosophique où l'on se demandait « Pourquoi Ace ? », d'une traite, comme si l'on parlait d'une créature à part ou de la création des nuages par une quelconque divinité. Oui, le « pourquoi » suivit du « Ace » était devenue une expression employée de tous. On pouvait même, en fonction de qui l'employait, savoir où on en était dans la journée et connaître l'heure de façon approximative. Un véritable emploie du temps pouvait être créé et parfois même, le « pourquoi » suivit du « Ace », avait remplacé la notion des heures. Il arrivait à Barbe Blanche lui-même de dire en riant qu'il était un : « Pourquoi Ace et demi ». Cela faisait bien sûr rire l'équipage, excepté le visé qui se sentait à chaque fois gêné et qui se mettait à faussement pleurer sur Marco.

C'était vrai ça… Pourquoi Ace faisait toujours semblant de pleurer sur lui ? Pourquoi est-ce qu'il venait toujours le réveiller après le « Pourquoi ? Ace ! » du matin, qui signifiait qu'il avait encore piqué une viennoiserie que préparait Tatch et qui signifiait qu'il fallait se lever car le déjeuner était presque près ? Pourquoi est-ce qu'il venait toujours lui sauter dessus pendant qu'il regardait la mer durant ses courts moments de pauses pour s'accrocher à son cou et l'appeler « Mon oiseau » ? Pourquoi est-ce qu'il venait toujours dans son infirmerie à quatorze heure précise pour une fausse blessure, invoquant le fameux « Pourquoi, Ace ? » qui marquait le début d'après-midi ? Celui-là d'ailleurs, c'en était un que seul eux partageaient et ça faisait toujours grandement sourire ledit Ace qui fermait les yeux d'un air innocent, un léger rose aux joues, lui faisant ressortir ses taches de rousseur. C'était le seul que Poings Ardents, acceptait. Le seul qu'il aimait. À ça, Marco se demandait s'il aimait le fait que ce soit lui qui lui dise ou s'il aimait sa petite habitude de toujours venir le déranger à quatorze heure bien précise. Pourquoi Ace essayait-il toujours de faire son intéressant dès qu'il s'agissait de lui, de Marco ?

Il releva ses yeux noisettes sur ceux noirs du commandant de la seconde flotte et soupira à nouveau. Pourquoi est-ce qu'il avait fait ça ? Et ça appartenait à qui d'ailleurs ? Marco eut un sourire intérieur. Dans le fond, il savait pourquoi, mais il ne dirait rien, il ferait semblant de ne pas comprendre, de ne pas voir ce que voulait ce gosse, comme à chaque fois. Il inclina légèrement la tête sur le côté. C'était que ça lui allait plutôt bien en plus. Il remercierait Izou pour avoir eu cette idée. Il était sûr que ça venait de lui, de qui d'autre après tout ? Qui d'autre qu'Izou pouvait bien avoir un tel vêtement dans sa garde robe ? Quoi que… Le Geisha n'avait pas un style qui s'éloignait du kimono habituellement. Il eut un nouveau soupire. Si l'idée ne venait pas d'Izou, alors elle venait forcément de Tatch. Ace ne bougeait pas, le rouge aux joues. Lui-même ne se sentait pas vraiment à l'aise. Lorsqu'il comprenait qu'il avait fait une connerie, comme à ce moment là, comme lorsque ses yeux pivotaient sur le côté et que sa main grattait nerveusement l'arrière de son crâne, il se disait quoi ? « Pourquoi, Ace ? » ou bien « Pourquoi, Moi ? ». C'était une question en plus à lui poser.

Le troisième soupire qui passa les lèvres du blond fut un bon moyen pour lui de rester neutre et de ne pas, au final, rire. Rire de tout. Premièrement de dépit, car il n'en pouvait plus de l'autre brun, deuxièmement de fatigue car il ne dormait plus car un certain brun squattait son lit la nuit sous nouveau prétexte qu'il avait peur du noir et troisième et dernièrement, d'amusement parce qu'il était vrai que la situation était beaucoup trop incongrue pour être normale. Après un petit temps, le blond se mit enfin à parler.

« Un corset ? Je savais bien que tu finirais par te mettre quelque chose sur le dos. Je m'attendais juste à quelque chose de moins féminin venant de toi. Après… Chacun ses gouts. Yoi. Dépêche-toi. Père veut te voir. »

Sans un mot de plus et sans même attendre de réponse, le commandant de la première flotte se dirigea vers la porte qu'il ouvrit avant qu'un demi sourire ne s'affiche sur son visage alors qu'Ace grognait quelque chose qu'il pensait intelligible.

« Foutu Tatch… Avec ses idées à la con… Je l'écouterais plus. »

Il n'en fallu pas plus à Marco qui partit sans rien dire. Il en toucherait deux mots au châtain, ils allaient bien se marrer. En parlerait-il à père ? Serait-il aussi sadique ? Bien évidemment que oui. Sourit le blond avant de justement rejoindre son père avant le brun qui traînait des pieds, totalement dépité.

Pourquoi, Ace ? Pourquoi Ace ? Parce que. C'était la seule réponse. Et si l'on écoutait Tatch et Izou alors ce serait : « Parce qu'il est casse couille / amoureux. », « Parce qu'il est casse couille et amoureux. ». Ces deux réponses allaient parfaitement au phénix, mais il ne le dirait pas. Non, il aimait bien trop le voir tenter encore et encore et se gêner toujours plus. Un jour, il lui dirait, il lui dirait qu'il savait. Mais pour cet instant, observer ses tentatives et ses échecs était bien trop distrayant. Agaçant par moment, mais toujours distrayant. Un jour, il perdrait patience et arracherait les vêtements d'Ace pour le prendre contre un mur de sa cabine comme il semble si subtilement le demander depuis longtemps, mais un jour. Et ce jour n'était pas encore venu.