Hello ici.

Comment allez-vous ? Toujours en sécurité chez vous ?

Ici on se prépare à la potentielle reprise, comme mes deux enfants sont dans les classes prioritaires pour le retour à l'école. On va voir ce que ça va donner. C'était vraiment des semaines étranges.

Mais assez parlé du monde extérieur, Ed et son aveuglement sont beaucoup plus intéressants. Pauvre Roy, il est vraiment pas sorti avec un idiot pareil. Encore que ça va peut-être changer pour ce dernier chapitre. Parce que oui, c'est le dernier. je ne sais pas comment cette fic a atteint cette taille alors que je voulais écrire un petit truc court et drôle, mais voilà, j'ai jamais réussi à contrôler mes personnages ... je crois que je vais abandonner l'idée et les laisser faire ce qu'ils veulent.

Je vais terminer en remerciant encore une fois Flo pour sa bêta et vous tous chers lecteurs. Comme toujours un merci spécial pour celles et ceux ayant laissé une review, Ariane et Titou Douh.

Restez connectés (ou suivez ma page FB), j'ai une nouvelle fic FMA en relecture, toujours pour les prompts clichés.

A bientôt pour de nouvelles aventures.


Alphonse lui cachait quelque chose, c'était certain.

Il passait des heures à l'extérieur de la maison et lorsqu'il revenait, il avait un grand sourire aux lèvres et un satané carnet sous le bras. Et puis, il avait la fâcheuse habitude de parler à voix basse avec Winry et de se taire dès que son frère entrait dans la pièce, ou alors les deux amis échangeaient des regards plein de sous-entendus avant de trouver une excuse pour aller en ville, laissant Ed seul avec Mamie Pinako.

Edward se demandait de plus en plus s'ils ne sortaient pas ensemble en cachette. Non pas que ça lui poserait le moindre problème, il aurait même été plutôt content pour eux, mais c'était étrange qu'ils aient décidé de ne rien lui dire.

Et puis, il y avait une autre faille dans cette supposition : ce satané carnet. Le calepin vert était apparu aux côtés d'Alphonse deux mois auparavant et il ne l'avait pratiquement pas quitté depuis. Il s'était étoffé au fil du temps avec des bandes de couleur et de feuilles volantes que Edward mourait d'envie d'étudier. Sauf que son petit frère l'emmenait partout et avait pris l'habitude de le placer sous son oreiller lorsqu'il dormait. Malheureusement il ne connaissait que trop bien Ed et sa curiosité maladive pour prendre le risque de le laisser sans surveillance.

Le pire dans tout ça n'était pas vraiment qu'Alphonse ait un secret, mais plutôt qu'il préfère le partager avec Winry qu'avec lui. Il était son frère et de fait, ils devaient tout se dire en premier. Sauf que ce n'était pas le cas et c'était en train de le rendre dingue.

Winry et Alphonse étaient partis très tôt le matin même, refusant encore une fois qu'Edward les accompagne. Pendant quelques minutes, ce dernier avait hésité à les suivre en cachette. Il voulait comprendre ce qu'ils manigançaient tous les deux, mais même avec ses compétences sociales calamiteuses, il savait qu'agir ainsi serait une sacré brèche dans leur relation et la confiance qu'ils avaient les uns envers les autres. S'ils étaient bien amoureux et s'ils souhaitaient garder leur relation secrète, il devait respecter leur choix, même s'il ne le comprenait pas et qu'il crevait d'envie de les mettre au pied du mur.

Ed resta donc seul une grande partie de la journée et plus l'heure passait, plus la colère née de sa déception et de la crainte que sa seule famille l'abandonne enflait. Lorsque les deux traîtres rentrèrent enfin, quand les derniers rayons du soleil eurent disparu derrière les collines, il était enfermé dans sa chambre. Il était bien trop à fleur de peau pour avoir une discussion cordiale et il ne voulait pas se disputer avec Winry. Il voulait encore moins s'engueuler avec Al, qui était tout ce qu'il lui restait maintenant qu'il avait quitté l'armée.

Il avait pensé que son envie d'isolement était claire, mais soit Al n'avait pas reçu le message, soit il s'en fichait royalement car il toqua à sa porte cinq minutes après être rentré.

"Grand frère, j'ai besoin que tu viennes avec moi."

Ed, allongé sur son lit se redressa et fusilla le nouvel arrivant du regard.

"Sors de ma chambre, Al. Tu n'as même pas attendu que je te réponde."

"Ça ne t'a jamais dérangé avant."

"Les choses changent !"

Alphonse amorça un mouvement de recul, les sourcils froncés mais il sourit tout de même lorsqu'il annonça :

"Est-ce que tu peux descendre quelques minutes ? J'ai besoin de ton aide."

"Je suis occupé, là", ce qui était totalement faux, "tu peux demander à Winry, tu as l'air de passer tout ton temps avec elle dernièrement", ce qui était totalement vrai mais également totalement méchant.

Ces cachotteries le blessaient et il avait beau essayé de le cacher, il n'y parvenait plus. Ce n'était pas sa faute si Alphonse n'avait pas compris qu'il voulait rester seul. Ce dernier se balança d'une jambe sur l'autre, visiblement embêté par sa réponse.

"J'ai vraiment besoin de toi, ça ne durera que cinq minutes, je te le promets et après je te laisse tranquille."

Ed allait accepter – il était incapable de refuser quoi que ce soit à son petit frère - lorsque Winry apparut sur le pas de sa porte, une main sur la hanche et un sac imposant dans l'autre. :

"Qu'est-ce qui vous prend autant de temps, nous n'avons pas toute la nuit. "

Elle échangea un regard avec Al avant d'ajouter :

"Nous avons moins d'une demi- heure."

"Je sais."

Edward se leva et croisa les bras sur sa poitrine.

"Bon maintenant vous allez me dire ce que vous trafiquez tous les deux. J'en ai ras le bol de vos messes basses et de vos secrets !"

Winry et Al eurent le bon goût de paraître gênés, mais ils se regardèrent un long moment avant que la jeune femme se mette enfin à parler :

"Nous allons tout t'expliquer. Promis ! Mais j'ai besoin que tu enfiles ça et que tu viennes avec nous jusqu'à Resembool."

Elle lui tendit le sac et Edward l'attrapa, mécontent et encore plus suspicieux. Il le posa sur son lit et l'ouvrit. Il trouva à l'intérieur un pantalon noir - de ceux que ces abrutis de Central aimaient porter - ainsi qu'une chemise blanche. Il y avait également une ceinture en cuir et sa veste rouge, toute fraîchement sortie du teinturier.

"Pourquoi je devrais m'habiller comme un clown ?"

Cette fois, ce fut Al qui répondit :

"Je ne peux rien te dire pour le moment, tu comprendras en arrivant."

Alphonse et Winry le regardaient tous deux avec appréhension, comme si sa réponse était une question de vie ou de mort et Edward n'eut pas le cœur de leur refuser.

"OK, je vous suis pour le moment, mais il y a intérêt à ce que vous me racontiez tout dès notre arrivée."

Ses deux meilleurs amis hochèrent la tête à l'unisson et Ed les chassa de sa chambre le temps de se changer.

Moins de cinq minutes plus tard, il était en route vers le village, d'horribles chaussures cirées à la main et ses merveilleuses bottes aux pieds.

"Rappelez-moi pourquoi je dois me trimballer ces pompes alors que j'en ai des parfaitement confortable ? "

"Tu vas vite comprendre."

Ce qui semblait être le mantra de la soirée, car c'était la seule et unique réponse qu'il recevait à chacune de ses questions.

Quand enfin ils arrivèrent à destination, Winry partit en courant dans la direction de la place centrale pendant qu'Al le guidait vers la maison de la vieille Abbots.

"J'ai promis que je passerais lui donner un truc, tu m'accompagnes ?"

Edward n'en avait pas la moindre envie, mais il décida de ne pas poser de problème. Il saurait très bientôt à quoi pouvait bien mener cet agaçant manège. Il suivit donc son son frère sans discuter.

Une fois leur petite course terminée, il prirent le même chemin que Winry et trouvèrent la seule et unique auberge du village brillamment éclairée. C'était assez rare à cette période de l'année et Edward emboîta le pas d'Alphonse, un pli de frustration entre les sourcils. Al entra dans le bâtiment le premier et Ed s'arrêta net sur le pas de la porte.

L'entrée de l'auberge donnait immédiatement sur un hall immense qui servait habituellement de zone d'attente, d'accueil et de salle à manger. La pièce n'était jamais totalement vide, mais elle était rarement aussi pleine de monde qu'à cet instant. Et tous le regardaient avec un grand sourire, un verre à la main.

Il y avait Gracia et Elicia, Alex et Olivia Armstrong, Lin, Lan Fang et le vieux pépé. Paninya était là également, ainsi que le maître en automail de Winry. Il y avait aussi Marc qui vivait de l'autre côté du village, qui avait à peu près son âge et était le seul habitant avec qui Ed avait des échanges réguliers. Et puis, il y avait Riza, Havoc, Falman, Fuery et Breda. Mais plus important que tout, magnifique dans son costume sombre et ses cheveux repoussés en arrière, il y avait le général Roy Mustang.

Une énorme banderole, installée au dessus de l'âtre, annonçait un Joyeux anniversaire en lettres de toutes les couleurs et il fallut quelques secondes à Ed pour comprendre ce qui se passait. Puis il rougit violemment, baissant la tête et provoquant des "ooooh" et des "aaaah" de la foule rassemblée ici pour lui.

Alphonse fut le premier à venir vers lui et à le prendre dans ses bras, murmurant au creux de son oreille :

"Voilà ce que l'on préparait avec Winry depuis des mois, on ne sort pas ensemble en cachette."

Edward se sentit idiot de ne pas y avoir pensé plus tôt. Son anniversaire avait eu lieu trois jours auparavant et ils avaient tous les quatre dégusté un repas de fête chez Mamie Pinako. C'était souvent une affaire simple et en petit comité et Ed pensait vraiment que le passage à sa majorité ne demandait pas plus. Mais à priori, son frère, Winry et toutes les personnes avec qui il avait eu des échanges ces dernières années ne pensaient pas la même chose.

Winry l'attira vers le centre de la pièce, lui mit une bière dans la main avec un bisou sur la joue et lui dit :

"Tu as le droit de boire autant que tu veux maintenant, Ed. Mais n'en abuse pas, profite de la soirée."

Son départ sembla sonner la charge et Ed passa les quarante minutes suivantes à se faire embrasser ou serrer dans les bras par chacune des personnes se trouvant dans la pièce. Il avait les joues tellement rouges de toutes cette attention qu'il pensa plusieurs fois que le feu qui brûlait dans l'âtre était inutile. Il aurait été parfaitement capable de chauffer l'ensemble de l'auberge à lui tout seul.

Quand enfin, il put bouger sans se faire arrêter par quelqu'un qui voulait lui glisser quelques mots bienveillants, il se dirigea vers le fond de la pièce où étaient rassemblées les tables en bois qui servaient habituellement aux repas des hôtes de l'auberge. Elles étaient recouvertes de nourriture et de boisson et Ed, égal à lui même, se remplit une assiette à ras bord.

La voix grave et chaude qui continuait à hanter ses rêves malgré tous ses efforts pour l'oublier avait un ton légèrement moqueur quand elle parvint à ses oreilles.

"Je vois que certaines choses ne changeront jamais."

Ses intestins se liquéfièrent immédiatement.

Non en effet, certaines choses ne changeraient visiblement jamais et Ed avait décidé quelques semaines auparavant qu'il allait devoir faire quelque chose à ce sujet. Le béguin qu'il ressentait pour le Général n'avait que trop duré et Marc avait montré sans la moindre ambiguïté qu'il était intéressé. Le jeune homme était sympathique et plutôt sexy et il avait l'avantage d'être diamétralement l'opposé de Mustang. Il serait très certainement capable de le faire passer à autre chose, même si leur histoire ne mènerait probablement à rien de permanent.

Edward se tourna vers le Général avant de déglutir bruyamment et de répondre :

"Je suis en plein pic de croissance, il faut que je me nourrisse."

Le sourire de Roy lui fit presque perdre le fil de ses pensées.

"Tu manges comme ça depuis que je te connais, si tu étais vraiment en pic de croissance depuis tout ce temps, tu ferais plus de trois mètres."

Ed prit quelques secondes pour s'imaginer, la tête dépassant tout le monde d'au moins un mètre, même Louis Armstrong. Il se rendit compte que l'idée ne lui plaisait plus autant, il aimait pouvoir regarder Mustang droit dans les yeux - enfin presque droit dans les yeux, le général avait toujours cette petite dizaine de centimètres en plus que lui.

"Ça poserait problème, nous ne pourrions plus être dans la même pièce, entre ma taille et ton ego démesuré."

Le rire de Roy avait le goût de la victoire et Ed se surprit à lui sourire bêtement.

"Tu ne me passeras jamais rien, n'est-ce pas Ed ?"

"Il faut bien quelqu'un pour te remettre les pieds sur terre, tous ces gens à Central te mangent dans la main. Et bientôt tout le pays fera de même."

"Nous n'en sommes pas encore là."

"Je crois au contraire que nous en sommes plus proche que tu ne le penses. Les gens parlent, tu sais ? Même dans des coins aussi reculés que Resembool."

"Et que disent-ils ?"

"Que le prochain Fürher sera assez sexy pour amadouer tous ses ennemis, qu'ils soient internes ou extérieurs. Que le pays sera en de bonnes mains."

Le second rire qui franchit les lèvres de Roy fit naître une nouvelle résolution, un nouvel objectif dans l'esprit d'Edward. Il voulait passer le reste de sa vie à les provoquer, à les entendre.

"Je ne partage pas leur enthousiasme et leur foi sans faille en mes charmes. Il arrive parfois qu'ils ne me servent à rien et que, malgré mes essais incessants, ce que je veux reste hors de portée."

La manière dont Roy le regardait et le ton de sa voix firent tiquer Edward. Il y avait quelque chose dernière cette annonce, une information qui lui échappait. Mustang ne parlait pas seulement de son travail.

"Je me demande qui arrive à te résister, surtout si tu fais l'effort d'être encore plus dragueur que d'habitude."

Roy s'était de nouveau rapproché et Ed se rendit compte qu'ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, partageant un espace réduit où ils étaient les seuls à s'entendre, les seuls à exister.

"Oh mon cher Edward, tu me fais trop d'honneur. Deux compliments dans la même soirée. Alors que c'est ton anniversaire, pas le mien."

Edward leva brusquement les yeux vers son ancien officier supérieur. Il connaissait cette intonation. Il en avait été la cible quelques fois déjà et chaque occurrence l'avait laissé troublé et perdu entre l'envie d'attraper le col de Roy et d'écraser leurs lèvres les unes contre les autres ou de se transformer en une flaque à ses pieds.

Il s'était toujours retenu et s'était plusieurs fois félicité de sa volonté de fer, mais ce soir était différent. Premièrement, il en était déjà à sa troisième pinte de bière et ses idées étaient un peu floues. Et puis Roy était juste là, son langage corporel complètement ouvert et à l'aise, et le désirer faisait tellement partie d'Edward que c'était comme respirer, une action qui ne demandait aucun effort concret.

Sauf que le cacher était tout autant un réflexe et Ed se trouva incapable de passer ce blocage, incapable de tendre une main et de toucher, incapable de prononcer quelques mots qui pourraient tout changer.

Il se rendit compte qu'il était resté silencieux bien trop longtemps et il ouvrit la bouche afin de dire quelque chose, n'importe quoi, lorsque Marc perça la bulle d'intimité qui les enveloppait. Il passa un bras autour de sa taille, comme il en avait maintenant l'habitude et lui glissa à l'oreille, assez fort pour que le général l'entende.

"Ed, tu as passé assez de temps avec cet homme. Tu as quitté l'armée, pas la peine de continuer à lui cirer les bottes. Viens t'amuser avec moi plutôt."

Le regard que lança Roy vers Marc aurait pu l'incendier et Ed jeta un coup d'œil rapide aux mains de Mustang, soulagé de voir qu'il ne portait pas de gants. Il releva les yeux et fut surpris de trouver un léger sourire sur les lèvres de son ancien officier supérieur. Ce bâtard savait pertinemment ce qui venait de lui passer par la tête et l'idée l'amusait.

Roy plaça un de ses nombreux masques sur son visage, puis il tendit une main vers Marc qui fut forcé de lâcher Edward pour lui serrer.

"Général Roy Mustang, je suis ravi de faire votre connaissance."

Pendant que Marc se présentait, Edward glissa de manière pratiquement imperceptible vers Roy et se dernier se déplaça lui aussi d'un pas vers la droite. Ces légers mouvements lui permirent de s'appuyer sur le dossier d'une chaise, empêchant ainsi Marc de replacer sa main autour de sa taille quand Mustang la libéra.

Ed croisa à nouveau le regard de Roy, lui transmettant silencieusement son remerciement. Malgré le fait qu'ils ne s'étaient pas vu depuis des mois, que leur dernière rencontre s'était terminée sur une discussion étrange et une atmosphère tendue, ils se comprenaient toujours aussi bien. Cette connexion qu'ils avaient forgée en se battant côte à côte transpirait aux moments les plus incongrus et Edward se rendit compte à cet instant d'à quel point elle lui manquait.

"Je m'excuse d'avoir accaparé Edward pendant si longtemps, mais nous nous voyons tellement rarement que je n'ai pas pu m'empêcher de me montrer égoïste et particulièrement avare."

Ed se figea en entendant ces mots. Égoïste et avare. Comme si garder Edward pour lui, et rien que pour lui, était quelque chose qu'il souhaitait. Comme si Edward n'en avait pas tout autant envie, tout autant besoin.

Ne s'était-il pas dit qu'il était temps de passer à autre chose pas plus tard que tout à l'heure ? Il était vraiment un idiot de la pire espèce de croire qu'il en serait capable. Il suffisait de quelques mots pour faire disparaître toute forme de résolution.

Alors que Marc et Roy continuaient à s'échanger des piques de moins en moins émoussées, Ed les observa tous deux. Comment avait-il pu croire qu'il pourrait oublier Mustang dans les bras d'un autre ? Et que Marc serait la bonne personne pour le faire ? Il n'avait jamais été du genre à renoncer, alors pourquoi s'interdisait-il de tenter sa chance ? Pourquoi, alors qu'il avait toujours mis un point d'honneur à ne jamais abandonner tant que son objectif n'était pas atteint, ne parvenait-il pas à faire de même quand il s'agissait de son ancien supérieur ?

Que risquait-il ? À part se faire rejeter. Il voyait le général moins d'une fois par an, il n'aurait pas à supporter ses remarques acerbes et ses regards moqueurs de façon journalière.

Et pourtant, Edward n'osait toujours pas. Pourquoi ? Ce n'était pas si grave et ne serait même pas une surprise. Qu'avait-il à apporter à celui qui serait bientôt l'homme le plus puissant du pays ? Mais alors que Mustang s'était redressé, abandonnant sa position nonchalante et répondant avec dédain au dernières paroles de Marc, Ed comprit.

Il comprit pourquoi il n'avait jamais osé rien dire. Pourquoi il avait tout gardé en lui, pourquoi il avait refusé de rester dans l'armée, pourquoi il n'arrivait pas – et n'arriverait jamais – à passer à autre chose. Il aimait cet abruti et il avait besoin de cette petite étincelle d'espoir afin de ne pas tomber plus bas que terre. Pour la première fois de sa vie, il préférait encore rester dans l'ignorance que faire face à la vérité.

Complètement perdu dans ses pensées, il n'avait pas du tout suivi la discussion entre les deux hommes et lorsque Marc le saisit par le bras et chercha à l'éloigner de Roy, Ed sursauta presque.

"Viens Ed, ces gradés de l'armée pensent toujours que tout leur est dû. Tu ne devrais pas rester avec lui. "

Comment la discussion avait-elle pu s'envenimer à tel point ? Edward savait que Roy avait le don de faire sortir les gens de leurs gonds quand il le voulait, mais il n'avait rien à gagner à s'opposer à Marc. Ce n'était qu'un jeune fermier de Resembool, certainement pas un adversaire à la hauteur du prochain Fürher.

La prise de Marc sur son bras s'intensifia et lorsque Ed resta planté où il était, incapable de quitter Roy après sa petite épiphanie, le jeune homme serra encore plus fort. Edward allait se dégager d'un mouvement sec, prêt à le rabrouer pour son comportement lorsque la main de Roy passa entre eux, rapide comme un serpent qui attaquait. Elle s'accrocha au poignet de Marc et ce dernier grimaça.

La voix de Mustang était menaçante lorsqu'il parla :

"Vous lui faites mal. Lâchez-le ou je vous y obligerai."

La prise sur son bras se desserra immédiatement et Marc tourna les yeux vers lui, furieux.

"Tu viens Ed ? Je pense que nous n'avons plus rien à faire ici. "

Edward hésita. Une part de son esprit lui hurlait de suivre la proposition de Marc, de s'éloigner de Roy qui lui faisait ressentir trop de choses, mais il n'avait jamais eu le moindre instinct de conservation et il y avait peu de chance qu'il commence aujourd'hui, d'autant plus avec l'esprit embrumé par l'alcool.

Prenant son silence de la pire des manières, Marc se retourna :

"Bien, si tu accours à chaque fois que ton maître tire sur ta laisse, c'est ton problème."

Puis il disparut avant même que Edward ne puisse répondre. La colère qu'avait provoquée sa dernière remarque lui brûlait les veines et il n'avait qu'une envie, retrouver le jeune homme et lui coller son poing dans la figure, mais une main se posa sur son épaule, l'empêchant de mettre son idée à exécution. Il se raidit, prêt à se défendre, quand le souffle de Roy glissa le long de son oreille :

"Ce n'est pas une bonne idée, il est juste jaloux, ne lui en veux pas."

Jaloux ? De qui ? De quoi ?

Toujours furieux, il se retourna afin de regarder Roy. Marc s'était comporté comme un véritable connard et même si Ed savait que Mustang y était probablement pour quelque chose - ce sale manipulateur professionnel - Edward était incapable de se calmer.

Encore une fois, Roy sembla le comprendre parce qu'il le poussa doucement vers l'escalier qui menait à l'étage. Et comme toujours, Ed fut incapable de lui résister. Passer à autre chose, hein ? Pour la seconde fois en cinq minutes, il se rendit compte d'à quel point son idée avait été stupide. Marc avait raison, il était un chien qui suivait son maître et il en avait plus qu'assez.

Il devait arrêter tout ça, là, maintenant. Le pouvoir que Roy avait sur lui était trop absolu, né d'un désir ingérable qui s'était transformé en besoin et qui finirait par le consumer. S'il voulait un jour s'en débarrasser, il allait devoir passer par cœur brisé.

Ils étaient arrivés au sommet des escaliers et le palier formait immédiatement un angle. Edward s'avança et, une fois le coin passé, s'arrêta. Le bruit de la fête au rez-de chaussée était parfaitement audible, mais personne ne les verrait ou ne les entendrait ici. Personne ne verrait Roy Mustang lui briser le cœur et redescendre continuer sa vie alors qu'Edward ramasserait les morceaux de la sienne avec l'espoir d'arriver à les recoller dans un semblant d'ensemble cohérent.

"Edward ? Tout va bien ?"

Évidement ce bâtard avait vu le changement dans sa posture et il avait en plus le culot de sembler inquiet.

Ed se retourna, les épaules relevées et tendues, comme il l'était avant un combat. Le général le regardait avec appréhension, ayant lui-même reconnu cette position pour ce qu'elle était. Edward ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. Comment expliquait-on à quelqu'un qu'on était attiré par lui depuis des années ? Qu'on l'avait désiré avant même de vraiment savoir ce que cela voulait dire ? Que chaque interaction avait été la plus douce des tortures ?

Pour la millionième fois, Ed envia la capacité innée qu'avait Al avec les mots et les gens. Il entendit presque son frère lui répondre, comme à chaque fois qu'il s'en plaignait à voix haute :

"Ta manière de faire à ses propres avantages, Ed. La plupart des gens n'ont même pas le temps de comprendre ce qu'il se passe qu'ils ont déjà tout accepté."

Bien. Ce serait sa bonne vieille méthode « agir avant et réfléchir ensuite ».

Il refusa de regarder Mustang alors qu'il l'attrapait par le col et l'attirait vers lui. Il refusa d'entendre la brusque inspiration de l'autre homme, ni même le début de son prénom. Il refusa de lire quoi que ce soit dans la manière dont les muscles de Roy se contractèrent lorsque Ed envahit son espace personnel. La seule chose qu'il accepta d'enregistrer fut le glorieux moment où leurs lèvres se touchèrent.

Il savait qu'il n'avait que quelques secondes pour enregistrer le maximum d'informations : la chaleur du corps pressé contre le sien. La manière dont il devait se dresser légèrement sur la pointe des pieds et dont il devait lever la tête. La douceur des lèvres de Roy et son souffle le long de sa joue. Le contact de ses mains sur ses hanches qui passèrent ensuite vers son dos, qui l'attiraient encore plus contre lui jusqu'à ce que Mustang supporte tout son poids. La façon dont le général demanda l'accès à sa bouche d'un glissement de sa langue le long de sa lèvre inférieure.

Il se dégagea vivement, perdant presque l'équilibre quand il posa les talons au sol. Il était toujours dans les bras de Roy et ce dernier le regardait avec une intensité telle qu'Edward frissonna. Il avait besoin de savoir :

"Depuis quand ?"

"Il y a longtemps, au point que je me suis détesté de ressentir ce genre de choses pour un adolescent."

Voilà qui amenait un nouvel éclairage à toutes leurs interactions, mais Ed n'eut pas le loisir de vraiment y réfléchir parce que Mustang lui retourna la question.

"Et toi ?"

Il était tellement surpris qu'il répondit sans même réfléchir :

"Depuis la première seconde."

Il tenta de ravaler ses mots, de bafouiller une excuse mais c'était inutile, parce que Roy était à nouveau en train de l'embrasser.