Titre : Au pied de l'arc-en-ciel
Rating : T à cause de certains langages grossiers et allusion au sexe
Genre : Romance yaoi, un peu hétéro et yuri ; Famille ; Humour ; Tranche-de-vie
Pairing : Shion x Dohko ; DM x Aphrodite ; Rhadamanthe x Kanon ; Minos x Rune et d'autres à découvrir sur place
Résumé : Post-Hadès résurrection – Dans les différents Sanctuaires, le printemps est là. On s'aime, on se chambre, on se cajole, on se dispute, on vit tout simplement.
Note de l'auteur : Voici ma participation au défi du printemps d'Arthygold et Sea-Rune sur le forum Saint Seiya FR. Ce n'est pas une série d'OS mais bien une fiction. Chaque chapitre se suivent, et l'histoire se passe pendant cette première semaine de printemps (donc du 23 au 29 mars).
Il n'y a rien d'extraordinaire, pas vraiment d'histoire ni de rebondissements. Juste des tranches-de-vie quotidiennes pour nos héros. Des couples, des fraternités, des câlins, des déboires, c'est tout léger et même limite guimauve. A lire sans se prendre la tête. Il y a quelques ship populaires et certains bien moins mais que j'expliquerai (parce que j'aime bien expliquer pourquoi je case untel avec untel).
Note de l'auteur 2 : Je n'avais pas d'idée pour le titre de cette fiction, donc j'ai simplement pris le titre du topic qui présente le défi. Quant à chaque chapitre, j'ai essayé de donner un titre en lien avec la couleur du jour.
Jour 1 : Lundi 23 mars – Couleur Rouge
Thèmes respectés : Amour; Passion ; Colère
Chapitre 1 : Fil rouge
Sanctuaire d'Athéna – Palais du Grand Pope
Shion finissait de peigner sa longue chevelure pomme. Les dents brossées et la mine convenable, il rejoignit sa chambre en hâtant le pas. Comme il s'y attendait, son compagnon se trouvait là, dans son lit, en train de lire, simplement vêtu d'un fin pantalon blanc. Shion lorgna un peu sur le torse musclé du chevalier de la Balance. Dohko lui paraissait encore plus attirant que dans ses souvenirs d'il y a deux siècles. Comment n'avait-il pas pu tomber sous son charme à cette époque ? Ou peut-être qu'il l'avait fait, mais le contexte n'était pas le plus idéal pour entamer une quelconque romance, et par la suite, chacun d'eux s'étaient entièrement dévoués à la mission confiée par la précédente Athéna.
− Tu m'as encore attendu ? demanda Shion avec un sourire ravi.
− Toujours. Pas question de m'endormir sans toi.
Ils se sourirent d'un air entendu et Shion retira sa longue et encombrante robe de Pope sous laquelle il ne portait qu'un fin pantalon de toile, semblable à celui de son compagnon. Il prit bien le temps d'accrocher l'habit à un cintre et de l'envoyer rejoindre ses sœurs dans l'armoire. Ses gestes étaient lents et sensuels. Shion sentait très bien le regard affamé de la Balance dans son dos.
− Shiooooon, gémit Dohko.
− Toujours aussi pressé, se moqua le Pope en le rejoignant enfin sur le lit. Tu es resté un grand enfant qui ne sait pas attendre.
− Comment veux-tu que je me retienne quand tu m'offres un tel spectacle ? J'ai déjà la trique.
− Et bien qu'est-ce que ça sera lorsque j'enlèverai le bas ? renchérit Shion d'un ton langoureux en attrapant les bords de son pantalon
− Shion, je vais venir avant qu'on ait fait quoi que ce soit. Et mes câlins, d'abord ?
− Tu as raison. Nous avons passé l'âge de nous sauter dessus comme des félins en chaleur. Commençons par l'essentiel.
Shion grimpa à quatre pattes sur le lit et se rapprocha lentement de son amant qui déglutit tout en serrant ses cuisses. Le patriarche du Sanctuaire l'allumait carrément, et après c'était lui le grand gamin ? Un vrai signe de feu, ce Bélier !
− Je te fais de l'effet ?
− Pas qu'un peu. Mais je veux d'abord mes câlins. Seriez-vous disposé à m'en donner, Ô Grand Pope ?
− Si c'est demandé si poliment. Viens là, chevalier de la Balance.
Shion s'était assis dans son lit et tendait les bras vers son compagnon qui abandonna immédiatement son livre pour répondre à cet appel. Dohko s'installa à califourchon et vint immédiatement glisser ses doigts dans l'épaisse chevelure verte, provoquant un doux frisson au Bélier. Les deux hommes s'observèrent longuement en clignant rarement des yeux pour ne pas éteindre l'image de leur bien-aimé. Ils souhaitaient se l'imprégner au fond des pupilles, jusque dans leur âme.
C'était devenu un rituel. Chaque soir, avant que le sommeil ne les emporte, ils avaient besoin de se regarder, se toucher, s'embrasser, se câliner, se dire qu'ils s'aiment. Ils ouvraient leurs cœurs et lisaient dans celui de l'autre. Ils avaient besoin de se retrouver avant de faire l'amour ou de dormir. Ils avaient passé trop de temps loin de l'autre. Shion était mort trop tôt, et revenu trop brièvement dans des circonstances compliquées. Alors qu'ils s'aimaient, ils s'aimaient depuis si longtemps, mais leur dévotion et leur mission envers Athéna restaient toujours leur priorité. En ces temps de paix, leur Déesse, dans toute sa bonté, leur avait intimée le souhait de vivre leur vie, de faire du Sanctuaire un lieu harmonieux. L'entente et le bien-être des chevaliers lui tenaient à cœur et ne feraient que les renforcer, plutôt que chacun s'isole dans un individualisme inhumain.
Certains n'avaient donc pas attendu pour prendre du bon temps, et des couples s'étaient rapidement formés. Les « anciens », eux, avaient été bien plus maniérés, plus lents dans leur démarche.
Tout le monde avait été bien occupé avec la reconstruction du Sanctuaire, et Shion, lui, croulait sous des papiers. A nouveau projeté dans son rôle de Grand Pope, il se devait de mettre à jour les dossiers concernant les chevaliers revenus à la vie, relever certaines lois à abroger, et surtout tracer l'histoire des dernières batailles. Saga l'avait d'ailleurs bien aidé. Il était le plus à même de raconter les treize années où il avait été à la place de Shion. Cela avait d'ailleurs permis aux deux hommes de discuter pour effacer les rancœurs passées. Mais Saga ne se montrait pas toujours disponible pour l'assister. Dans son désir de rédemption, Le Gémeau s'activait dans les travaux de reconstruction, dans l'aide aux habitants de Rodorio, dans des services mineurs qu'il rendait à ses confrères avec entrain. Mais également, il renouait progressivement sa relation avec Kanon, son frère jumeau. Les deux hommes avaient beaucoup de choses à se faire pardonner et à rattraper ensemble. En somme, Saga était surbooké, donc Shion ne lui en voulait pas. Il savait que cette fois, il avait le temps. Ses dossiers ne s'envoleront pas. Sa vie n'était pas menacée par une entité maléfique quelconque, ni même par un âge trop avancé. Dorénavant, il avait le temps de faire les choses sans se précipiter.
Shion était content. Il avait toujours souhaité que le Sanctuaire ait cette ambiance légère et chaleureuse. La paix était enfin là, et une nouvelle chance leur était offerte.
Au début, avec Dohko, ils se contentaient juste de se parler, quelques minutes par jour, devant une tasse de thé. Shion demandait où en était les travaux, Dohko demandait comment avançaient ses dossiers. Puis ils en sont venus à parler de leurs disciples respectifs, de leur méthode d'entraînement, comment ils les poussaient à dépasser leur limite. La Balance lui raconta également comment il avait pris soin de Mû après sa mort, et Shion n'avait pu retenir des larmes de fierté et de reconnaissance.
− Sous ses airs doux, Mû a une sacrée force de caractère. Il était déterminé et je ne l'ai jamais vu se plaindre. Mais je savais qu'il pleurait dans son sommeil. Je lui chuchotais alors que son maître veillait lui.
− Merci Dohko. Je ne sais comment te remercier.
Dohko avait mis sa main sur la sienne et lui avait offert un sourire incroyablement séducteur.
− Vis de nouveau avec nous tous, avec moi. On est resté trop longtemps loin de l'autre, Shion. Tu m'as manqué, je veux te retrouver.
A partir de ce moment-là, tout s'était construit plus vite plus eux. Shion s'autorisait à sortir de ses papiers pour rendre visite aux autres, se balader dans Rodorio et saluer ses habitants, mais surtout participer aux entraînements. Il souriait de voir Dohko mettre une branlée à tous ces jeunots en duel d'arts martiaux. Malgré le cosmos gigantesque de certains et les gros bras d'autres, le chinois était le meilleur au corps-à-corps. Même Aldébaran volait dans l'arène, et ne parlons pas de Shaka qui s'avérait bien boudeur et réclamait son droit de faire appel à son cosmos. Shion ne fit pas long feu également face à un tigre déchaîné et en pleine forme.
− Est-ce que tu me donnerais des leçons ? avait demandé Shion étendu par terre, le dos en compote.
− Qu'est-ce que tu me donnes en échange ?
− Du temps.
Ils s'étaient souri, complices. Ils n'étaient même pas encore en couple qu'ils se comprenaient déjà sans même se parler. D'ailleurs, leur petit manège n'avait pas échappé à leurs confrères qui les sifflaient, surtout Aphrodite et Milo en fait. Mais malgré ça, ils avaient quand même pris le temps de se retrouver. D'abord comme des collègues, puis comme des amis, des confidents, des amoureux puis des amants. Leurs baisers avaient d'abord été chastes, leurs rendez-vous nocturnes complètement platoniques. Tout dans la lenteur. Ils avaient le temps devant eux. Ils n'étaient pas comme ces jeunes encore marqués par leur vie courte arrachée puis rendue et qui ne perdaient pas un instant pour profiter de cette nouvelle chance. Eux, ils avaient déjà vécu bien longtemps. Ils savaient qu'être patient pouvait rendre le résultat plus exquis. Et ce n'est donc qu'au bout de plusieurs semaines qu'ils s'unirent enfin, non sans se délester de ce rituel qui leur rappelait qu'ils étaient ensemble et qu'enfin ils pouvaient s'aimer.
Dohko continuait de fixer Shion. D'une main, il peigna légèrement les longues mèches vertes puis il lui massa doucement le crâne. Le Bélier ronronna de bien-être, lui-même caressait le dos de son partenaire du bout des doigts.
− Tu as passé une bonne journée ? demanda Dohko.
− La routine. Le bureau, les papiers, le dos en vrac.
− Tu veux un massage pour te détendre ?
− Ce n'est pas de refus. Et après, je te fais une petite séance de réflexologie.
− N'importe quoi qui vienne de toi.
Ils s'embrassèrent longuement, simplement, juste leurs lèvres l'une contre l'autre, leurs bras enroulés autour du corps de l'être aimé, leur poitrine collée et leur souffle partagé.
− Je t'aime Dohko, chuchota Shion, son front contre celui de son compagnon.
− Je t'aime Shion.
Ils aimaient se le dire et se le répéter chaque jour de cette nouvelle existence. Juste deux mots qu'ils avaient tu pendant deux siècles alors qu'ils leur arrachaient les lèvres. Qu'importe les évènements à présent, il n'était plus question de se quitter, plus question de se cacher. Ils voulaient vivre comme des hommes, se retrouver comme un couple normal. Shion renversa doucement Dohko sur le lit pour continuer ses embrassades sur les lèvres, la mâchoire puis la gorge de son amant qui soupirait de plaisir.
− Doucement, Shion.
− Tu es bien excité ce soir, mon amour.
− La saison, sans doute. Le printemps, la renaissance, les petites fleurs. Et je t'aime tellement, Shion.
− Je peux calmer tes ardeurs avant mon massage.
− Si tu veux.
Les deux hommes n'éteignaient la lumière qu'un long moment après s'être retrouvés. Ils ne passaient que peu de temps ensemble la journée, aussi ils avaient besoin de rattraper toutes ces heures le soir et une bonne partie de la nuit. Ils alternaient entre cajoleries, discussions dans les bras l'un de l'autre, embrassades, ébats torrides. Parfois même ils aimaient sortir se promener dans les jardins, main dans la main, les soirs où la pleine lune les éclairaient. Ils finissaient par s'allonger dans l'herbe pour s'embrasser, faire l'amour et se câliner encore. Il leur arrivait de s'endormir là, à même le sol, enlacés, se réchauffant dans les bras de l'autre. Qu'importe leur lit, du moment qu'ils étaient ensemble.
− Tu ne nous trouves pas niais ? demanda Shion qui maintenant appréciait les mains expertes de son compagnon sur son dos endolori.
− Pas plus que Kanon qui écrit des poèmes à son « juguounet chéri », se moqua gentiment Dohko. J'aimerai bien voir la tête de Rhadamanthe quand il les lit. Je suis sûr qu'il se force à sourire pour ne pas le vexer.
− Ce doit être épique en effet.
− Même Saga trouve son sens de la poésie douteuse alors qu'il vante chaque fait et geste de son jumeau.
− C'est normal, c'est des jumeaux. Deux moitiés que j'ai séparés dès le plus jeune âge.
− Shion, gronda légèrement Dohko.
− Je sais Dohko, je sais. J'en ai discuté avec Saga et il comprend très bien. Il m'est reconnaissant d'avoir abrogé nombres de ces stupides lois tyranniques. C'est le mieux que je pouvais faire. Soi-disant qu'une image harmonieuse affaiblirait la réputation du Sanctuaire qui s'en trouverait immédiatement attaqué. Connerie ! Notre Déesse et nos chevaliers ne sont pas si faibles, et l'intégrité physique et mentale est source de pouvoir. Comment n'ai-je pas pu m'en rendre compte avant ?
− C'est le passé, Shion. Athéna dirait qu'au lieu de geindre sur nos erreurs, nous devons faire en sorte de les réparer, comme le fait Saga, et même DeathMask. Enfin, Angelo.
− Heureusement que j'ai quelqu'un pour me le rappeler.
− Mon vieux bouc serait-il sénile ? se moqua Dohko.
− Tu veux savoir ce qu'il va te faire le vieux bouc ? l'avertit Shion. J'ai peut-être des trous de mémoire mais je me souviens très bien de tes points faibles.
− Ah non, Shion. Pas ça.
Les deux hommes chahutèrent dans le lit, se battant comme des gamins. Shion essayait de chatouiller Dohko mais se fit lamentablement plaquer sur le matelas. Le tigre ébouriffait sans retenu sa longue chevelure qu'il peinait à démêler chaque soir. Shion réussit à se retourner. Il enroula ses jambes autour de la taille de Dohko pour reprendre le dessus et coincer ses poignets. Avec sa langue, il taquina l'oreille, ce qui fit rire son amant qui se débattait. Bien vite, le lit fut complètement défait et les deux bicentenaires en tombèrent, complètement essoufflés et en rire.
− Tu ne crois pas qu'on a passé l'âge pour ça, pensa Shion.
− Je ne savais pas qu'il y avait un âge limite.
− Pas faux.
Ils souriaient bêtement, comme des bienheureux, juste contents d'être ensemble. Sans même se regarder, leur main se trouvèrent et leurs doigts s'entrelacèrent. Plusieurs secondes s'écoulèrent dans le calme, où l'on entendait seulement leur respiration ample s'estomper progressivement. Puis les deux hommes, toujours au sol, tournèrent la tête pour se regarder.
− On a fichu le lit en l'air.
− J'ai la flemme de le refaire, geignit Shion.
− C'est peut-être l'occasion pour nous de tester notre petit fantasme, proposa Dohko.
− Ce soir ?
− Je voulais attendre ton anniversaire la semaine prochaine, mais c'est une bonne occasion. Tu n'as pas envie ?
− J'en ai envie chaque soir.
− Je savais que tu étais insatiable.
− C'est à cause de toi, ça. T'es trop bien foutu.
− Vous n'êtes pas mal non plus, Grand Pope, sourit la Balance en se rapprochant pour tâter la poitrine de son amant.
− Ne commence pas maintenant. Tu vas me donner trop faim et on n'aura pas le temps d'arriver à notre première destination.
− Alors qu'est-ce qu'on attend ?
Dohko se redressa subitement, entrainant Shion avec lui qui, une fois debout, l'embrassa en le tenant par la taille. La Balance répondit avidement au baiser en passant ses bras autour du cou de sa tendre brebis. Décidément, il ne se lasserait jamais d'une telle allégresse. Il ne quitterait plus jamais Shion, pour rien au monde. Il l'aimait à en mourir. Par moment, son cœur ne supportait pas les émotions qui l'envahissaient, et il commençait à pleurer. Les yeux brillants de son compagnon lui informaient qu'il était dans le même état. Ils s'essuyèrent mutuellement leurs larmes avant de s'embrasser à nouveau.
− Je t'aime Shion, répéta-t 'il.
− Je t'aime Dohko.
Ils s'étreignirent fortement en se caressant le dos, puis la main de Shion glissa jusqu'à son derrière qui vibra.
− On y va ? proposa Dohko de plus en plus impatient.
− Les autres risquent de ne pas apprécier.
− Montrons leur ce qu'est l'expérience.
− Comme si on avait plus d'expérience qu'eux, se moqua Shion.
− Quoi qu'il en soit, ils n'oseront pas sermonner leurs aînés.
− Je me méfierais de certains si j'étais toi. Shaka est sans gêne. Milo n'a pas la langue dans sa poche. Camus déguise ses remarques derrière des mots qu'il pense être le seul à comprendre. Angelo ne connaît pas la politesse. Aiolia nous tuera du regard. Mû lui-même ne se gênera pas si Kiki entend ce qu'on va faire.
− S'ils entendent, ça rend la chose encore plus excitante.
− Et après c'est moi l'insatiable.
− Ce n'est pas ma faute, se justifia innocemment Dohko. Le printemps, le beau temps, les petites fleurs, ça booste ma libido.
Dohko se rapprocha de Shion pour se pelotonner contre lui.
− Et puis, je t'aime à la folie, mon agneau, rajouta le chinois.
− Moi aussi, mon tigrounet.
− On régresse là. On va devenir encore pire que Kanon, rit Dohko.
− Y a encore de la marge. Tu sais ce que Kanon regarde comme série ?
− Non, mais tu vas me dire ça sur le chemin.
Ils quittèrent le palais, leur bras enroulé autour de la taille de l'autre, en parlant gaiement, jusqu'à leur première destination.
Sanctuaire d'Athéna – Temple des Poissons
Aphrodite pénétra son logis après un dernier soin à sa roseraie et son jardin de plantes médicinales. Il calculait tout selon les cycles lunaires afin d'obtenir la meilleure floraison possible. Outre sa spécialité dans la botanique, c'était aussi une passion et une mission primordiale pour le Sanctuaire qui souffrait d'un manque de médecin. Au final, ses connaissances en poisons et remèdes faisaient de lui à la fois un assassin et un soignant.
Dans son temple, une désagréable odeur se dégageait. Alors qu'il était de si bonne humeur, il vira vite au rouge en voyant son visiteur avachi sur son canapé sans même avoir pris la peine d'enlever ses chaussures, en train de mater une émission quelconque à la télévision, mais surtout en train d'empester son salon.
− Fait pas te gêner, grogna Aphrodite.
− Bonsoir à toi aussi, répondit simplement l'autre chevalier en tirant sur sa cigarette.
− Combien de fois devrais-je te dire de ne pas fumer ni dans mon temple ? Ni aux alentours. Tu vas abîmer mes cultures.
− Pas la peine d'en faire un foin. Tes pâquerettes ne vont pas faner comme ça. Et puis, en toute honnêteté, j'en ai rien à carrer de ton jardin.
− Tu seras bien content le jour où tu seras malade ou blessé.
− Je préfère encore crever que bouffer des plantes. J'suis pas une vache moi.
− Visiblement, le Cocyte te manque. Je me ferais une joie de t'y renvoyer.
Les deux chevaliers se toisèrent. Cette bataille visuelle dura plusieurs seconde avant que le fumeur ne sorte une boite de sa poche et y écrase son mégot dedans.
− Pas la peine de me regarder comme ça, maugréa le visiteur. Ça bousille ton charme.
− Tu sais où tu peux te le foutre mon charme.
− Franchement Aphro, j'ai éteint ma clope, alors pourquoi t'es encore en colère ?
− Arrête de me prendre pour un con, Angelo.
Le chevalier du Cancer soupira et se leva pour se rapprocher de l'homme qui partageait sa vie depuis leur résurrection. L'italien ne niait pas avoir été attiré par la beauté de son pair, mais ce qu'il avait découvert en commençant à sortir avec lui l'avait mis au dépourvu. Il avait bêtement cru qu'Aphrodite serait un compagnon tendre et romantique, gracile, voire même soumis à son tempérament plus rustre. Mais il n'en était rien. Le chevalier des Poissons que tout le monde connaissait n'était qu'un leurre. Même sa beauté ne semblait plus aussi légendaire quand il redevenait l'homme qu'il était réellement. Sans maquillage, sans artifice, sans regard aguicheur. Il restait attirant, mais comme chacun d'eux, ni plus, ni moins. Et sa virilité reprenait le dessus, ne faisait plus de doute sur son sexe, alors qu'en comparaison, Mû était naturellement efféminé.
− Ça fait des mois qu'on sort ensemble et je reste encore pantois de te voir comme ça, alors que tu es resté le même devant les autres. Putain, on est en paix. Tu ne peux pas montrer ton vrai toi à tout le monde au lieu de leur mentir ? Ça m'évitera d'être déboussolé quand on se retrouve seuls.
− Mon pauvre petit crabe, on se sent perdu ? le nargua le douzième gardien.
− Me parle pas comme ça, poisson pourri, pesta ledit crabe.
− Pour répondre à ta question, je te rappelle que, paix ou pas paix, nous nous devons de garder notre vigilance accrue en cas d'attaque. Il n'y a pas qu'Hadès ou Poséidon qui puissent être hostiles à Athéna. J'ai l'impression que nombre de chevaliers l'ont oublié tellement c'est la débandade. On fricote, on fait la fête, on se détend, on bâcle les entrainements. Même la garde d'élite de notre Déesse se ramollit dangereusement, et ça n'a l'air de choquer personne.
− Ce qui me choque, moi, c'est que celui qui a la rumeur d'être le plus ramollo est justement le plus consciencieux. Jamais tu lâches ta vigilance. Jamais tu te trahis devant les autres.
− Pour tromper ses ennemis, il faut d'abord tromper ses alliés.
Tous sans exception, lui compris, croyaient qu'Aphrodite étaient réellement soucieux de son apparence. Un combattant moyen et superficiel. Ils avaient été trompés par ses armes, les roses, par sa beauté artificielle qu'il montrait à tous, et aussi par ses talents de comédien. Seul le Pope était dans la confidence. Autrefois, Angelo comprenait mal comment un mec en apparence aussi délicat pouvait être un assassin. Si lui et Milo tuaient ouvertement et radicalement, Aphrodite manœuvrait différemment. Il séduisait ses proies, leur récoltait des informations, puis il les tuait dans le plus grand calme, au moyen du poison de ses roses, sans même laisser de marque sur sa victime. Et s'il devait se débarrasser des preuves, ses roses piranhas se chargeaient de faire définitivement disparaitre le corps et les indices de son passage.
Aphrodite endossait donc le triple rôle d'assassin, soignant et espion. Personne n'aurait cru qu'il puisse être aussi indispensable, et surtout pas Angelo qui jugeait trop vite.
Dans l'intimité, l'élégant chevalier des Poissons redevenait juste Sweyn, un jeune homme appliqué, cultivé, un peu distant, bien en accord sur ses principes et qui n'hésitait pas à vous faire savoir lorsque quelque chose lui déplaisait. Non, il ne passait pas des heures sous la douche ou à s'admirer. Non, il n'était pas un narcissique, ni une commère, et il ne faisait pas des soins du visage quotidiennement. Il n'était pas non plus un fou du sexe. Ses désirs se situaient dans la moyenne des hommes. Et surtout, il n'empestait pas la rose à outrance, mais bien une odeur masculine, neutre. Son masque de beauté n'était que professionnel, et Angelo était l'un des seuls à connaître le vrai Aphrodite.
D'abord surpris, Angelo s'était même demandé si c'était ce qu'il voulait vraiment. Mais ses expériences au lit avec lui était vraiment exaltante. Aphrodite n'était pas spécialement romantique, ni egocentrique, mais plutôt soucieux de donner du plaisir à son partenaire. C'était assez agréable d'être vraiment à deux dans un ballet érotique, à la fois spectateur et acteur, pour un résultat exquis où on en redemande. Il était resté pour cette raison, mais également parce qu'il s'habituait à la personnalité d'Aphrodite qu'il trouvait finalement plutôt admirable. Il avait lui-même l'impression de changer à son contact. Il devenait plus respectueux à mesure qu'il tombait amoureux. Il se pliait aux règles dans le temple des Poissons, mais il aimait bien, de temps en temps, provoquer le gardien, juste pour voir ce visage courroucé qu'il se plaisait à adoucir par la suite avec des baisers.
− Aphro, j'ai envie de passer mes nuits avec toi. Franchement, je t'aime Aphro. Mais tu veux pas quitter ton temple le soir à cause de tes cultures, et tu m'empêches de fumer à proximité. Je fais comment, moi ? Et ne me dis pas d'arrêter. J'ai besoin de mes clopes. J'ai pas envie de m'en passer pour le moment.
Aphrodite sourit. Il aimait bien lorsque son compagnon lui disait ouvertement ses sentiments. Lui aussi avait été surpris par Angelo. Il n'était pas aussi rustre qu'il n'en donnait l'air, du moins avec lui. C'était même le plus romantique d'eux deux, le plus généreux sur les mots doux, alors que lui parlait peu. Mais il savait transmettre ses sentiments à sa manière.
− Viens, dit-il en lui prenant la main.
Aphrodite l'emmena jusqu'à la cuisine où il alluma la hotte aspirante.
− Tu peux fumer là. Laisse toujours ta cigarette dessous et souffle la fumée dedans.
− T'es sûr ? demanda Angelo.
Aphrodite sourit encore avant de poser sa tête sur l'épaule de son compagnon.
− Merci de venir jusqu'ici le soir. Moi aussi ça me fait plaisir de passer la nuit avec toi. Comme tu fais le déplacement, je suppose que je peux bien faire quelques compromis.
Angelo releva la tête du Poisson pour pouvoir l'embrasser mais ce dernier le repoussa doucement avec sa main.
− Ah oui, c'est vrai, se souvint Angelo.
− Navré, mais cette haleine de tabac me débecte. Vraiment, je ne peux pas t'embrasser pour le moment.
− Je vais me brosser les dents.
− Je t'attends dans la chambre.
Cela faisait un moment qu'Angelo avait rapatrié sa brosse à dent et d'autres affaires de toilettes au douzième temple. Il passait presque toutes ses nuits ici. S'il avait râlé, au départ, de se taper bien des marches le soir en le retrouvant et le matin en se rendant aux arènes, il était toujours fidèle au rendez-vous.
Il avait commencé à sortir avec Aphrodite pour des raisons d'attirance physique. Il avait juste demandé à son confrère « tu veux qu'on sorte ensemble ? », et le suédois avait juste répondu « d'accord », d'un ton neutre. Leurs sentiments étaient venus ensuite, après bien des disputes. Ou plutôt, Angelo était revenu vers le dernier gardien chaque fois qu'il avait pété un câble, pour quelle raison que ce soit. Il faisait subir sa mauvaise humeur à Aphrodite qui restait incroyablement calme. Il accueillait ses colères avec neutralité et maturité. Il donnait son avis, parfois des conseils. Ça l'avait énervé que ce mec qui jouait les midinettes devant les autres soit en fait un homme dont la sagesse égalait celle de Shion, sans qu'il n'en devienne barbant façon Shaka et son fanatisme débordant.
Parfois, Aphrodite se mettait en colère aussi, comme ce soir. Blasé de son impartialité, Angelo avait fini par découvrir ce qui le mettait hors de lui. Saboter son travail par exemple, ou disgracier les arcanes du chevalier des Poissons. Mais pour le rendre fou, Angelo devait lui parler comme s'il était réellement homme coquet, voire chétif. Aphrodite l'avait déjà giflé un jour qu'il insistait un peu trop avant de le jeter hors de son temple avec sa simple force physique, lui interdisant tout retour tant qu'il ne se serait pas sincèrement excusé pour cette insulte. Angelo avait mis quelques jours à comprendre « son attitude hystérique ». Les autres le traitaient bien de la sorte, alors pourquoi ne pouvait-il pas s'amuser lui aussi ?
− Quand nous ne sommes que tous les deux, je ne joue pas, Angelo. Nous deux, c'est du vrai, et j'aimerai que tu respectes ma personne. Sinon, ça ne sera pas possible entre nous, avait mainte fois expliqué Aphrodite.
Angelo avait râlé, encore, avant de se remettre en question. Et aussi parce qu'Aphrodite lui manquait et qu'il n'en dormait plus. Ses attentions, ses sourires, ses bras qui s'enroulaient autour de lui le soir, il en avait besoin autant que ses clopes. Depuis cette petite rupture, leur couple était beaucoup plus harmonieux, chacun s'adaptant à l'autre. Les autres lui posaient parfois des questions sur sa vie intime avec le « très séduisant mais probablement nombriliste Poisson ». Angelo clamait haut et fort que c'était bien évidemment lui, le mec, qui portait la culote et dirigeait leur couple. Aphrodite ne s'en offusquait pas. Il était même plutôt amusé par les bobards qu'il racontait et que les autres croyaient. Cela renforçait sa couverture.
Sa toilette et son hygiène buccale terminés, Angelo rejoignit Aphrodite qui l'attendait assis sur son lit, dans un simple boxer, un livre posé sur ses genoux. Il releva la tête, sourit et posa son ouvrage avant de tendre les bras. Angelo ôta son haut puis s'approcha de lui. Il passa ses bras autour de la taille du suédois et déposa sa tête sur son épaule. Ses lèvres effleurèrent le cou blanc de son compagnon qui frémit. Aphrodite les allongea tous les deux sur les oreillers, et ils restèrent ainsi, blottis l'un contre l'autre, à se consoler mutuellement. Il y avait tellement de choses qu'ils souhaitaient oublier. Leur passé d'orphelin douloureux, leur entrainement difficile, leurs crimes qu'ils expiaient lentement dans cette nouvelle vie, leurs souffrances pendant les guerres, ou bien au Cocyte. Les yeux fermés, Aphrodite lui caressait le dos pendant qu'Angelo embrassait tendrement la mâchoire, la gorge, l'épaule et la clavicule de son compagnon. Puis les deux hommes se redressèrent pour s'installer face à face. Ils s'embrassèrent amoureusement, leurs doigts perdus dans la chevelure de l'autre. Parfois ils se touchaient, parfois ils faisaient l'amour, parfois ils se contentaient juste de s'embrasser avant de s'endormir côte à côte.
− J'ai envie de toi, ce soir, chuchota Angelo en caressant la joue de son compagnon du dos de la main.
− Moi aussi.
Ils allaient s'embrasser encore lorsque qu'un cri retentit. Ce ne fut que le premier d'une longue série qui se poursuivit une bonne partie de la nuit.
Les Enfers – Temple de la Wyverne
Posté devant la demeure de son compagnon, sac sur son épaule, Kanon terminait une conversation télépathique avec son jumeau avant de pénétrer le temple où l'attendait Rhadamanthe.
− Pas d'embûche sur la route ? demanda Saga inquiet.
− Mais non, tout le monde me connait maintenant.
− Tu n'oublies de bien te brosser les dents. Et ne mange pas trop de sucre.
− Saga, j'ai presque trente ans, lui rappela le cadet.
− Et si ça se passe mal, tu rentres. Le temple des Gémeaux t'est toujours ouvert.
− Un peu ouais. C'est chez moi.
− Tu m'appelles quand tu veux.
− Mais oui, mais oui. Allez, je te laisse. J'ai envie de profiter de mon jugeounnet chéri avant d'aller dormir. Et tu ferais bien de t'occuper un peu de ton homme aussi. Il a l'air d'une humeur de chacal en ce moment. On dirait qu'il a ses règles.
− Kanon, gronda l'aîné. J'ai été de garde la nuit dernière et occupé toute la journée. Je suis déjà fatigué, je n'ai pas envie de te sermonner maintenant pour ton langage.
− Oups, désolé. Va te reposer alors. Bonne nuit Saga.
− Bonne nuit Kanon. Je t'aime petit frère. On se voit vendredi pour l'anniversaire de Mû.
− Je t'aime aussi grand frère. A vendredi.
Kanon réussit enfin à couper la conversation. Vraiment, il adorait son jumeau et le voir se soucier de la sorte le rendait vraiment heureux. Mais bon, à l'instar des oisillons qui finissent par quitter le nid, il y avait aussi une autre personne avec qui il souhaitait passer du bon temps.
La soirée était déjà bien entamée et le silence dans le temple l'informa que Rhadamanthe devait déjà dormir. Kanon ne retenait jamais son emploi du temps, mais il devait sans doute officier à son tribunal tôt demain matin pour s'être couché tôt. Bon tant pis. Pas de galipette ce soir, mais juste une nuit blotti contre lui, ce qui n'était pas une mauvaise option non plus.
Kanon déposa ses affaires et sortit les DVD qu'il avait prévus de visionner pendant son séjour sur les heures de travail de Rhadamanthe. Il passa ensuite par la salle de bain avant de rejoindre la chambre. Le juge dormait bien là, torse nu, son visage bien plus paisible qu'au naturel. Même s'il avait conscience que c'était juste ringard, Kanon le regarda un peu avant de s'allonger à ses côtés. Il s'approcha doucement pour ne pas perturber son sommeil. Délicatement, il passa ses bras autour de la taille robuste de son amant et cala sa tête tout près de son épaule. Malgré ses précautions, Rhadamanthe bougea un peu. En tant que guerrier et homme en permanence sur ses gardes, son sommeil était léger et facilement perturbable. Kanon sut qu'il l'avait réveillé lorsqu'il sentit un bras entourer ses épaules.
− Bonsoir mon amour, chuchota Kanon en embrassant le torse de Rhadamanthe. Désolé de te réveiller. Dors.
Rhadamanthe répondit par un simple son avant de se détendre complètement et se rendormir, rassuré maintenant que son compagnon se trouvait près de lui.
Fil rouge : bien qu'il existe plusieurs significations, on retiendra ici la légende japonaise romantique le fil rouge du destin, qui consiste en un fil invisible qui sort de l'auriculaire et nous relie à notre âme-sœur (en gros).
Note de l'auteur : Merci d'avoir lu
Ce premier chapitre est celui qui me satisfait le moins. De base, il ne devait y avoir que la partie avec Shion et Dohko qui sont un de mes couples favoris. C'est donc la première scène que j'ai écrite pour ce défi il y a plus d'un mois, bien avant que je n'étende « l'univers » et mes délires. Vous trouverez peut-être ça un peu guimauve, mais c'est l'esprit de cette fiction. Mignonnerie et légèreté, et un peu d'humour aussi (du moins j'essaie très très fort d'être drôle), mais plus dans les autres chapitres.
J'aime bien le Aphrodite que j'ai écrit. Je ne sais pas si c'est original, mais ce double jeu qu'il fait plait bien, et donc j'ai adoré écrire le passage sur eux, de même que la dernière partie avec Kanon alors que j'avais déjà écrit cinq chapitres.
Tout retour est apprécié. A demain pour la suite.