Bonjour tout le monde !

Excusez-moi pour ce retard, j'ai été happée par les préparatifs que mon concours, que j'ai passé fin juin et obtenu haut la main. De plus, ce chapitre 3 s'annonçant beaucoup, beaucoup plus long que ce qui était initialement prévu, j'ai pris la décision de la couper en deux, ce qui me permet également de publier plus tôt ! La suite devrait par conséquent arriver d'ici la fin de l'été.

Aujourd'hui, on retrouve Loki au milieu d'un deuil qu'il n'arrive pas à faire, avant d'être happé par les événements du film "Thor". Et croyez moi, je me suis difficilement retenue de dériver sur tout ce que vit Loki durant ce film !

Merci à Toonette, Mary Yuki MY, Amaniel et Lyrellys pour leur review.

Enjoy !


Loki rentra sur Asgard, encore. Et cette fois, nul masque ne parvenait plus à dissimuler sa douleur. Tous s'en inquiétèrent, à commencer par son frère et sa mère qui cherchèrent à le réconforter, quoi qu'ils ne sachent rien de ses tourments. Même son père, qui d'ordinaire ne se souciait guère de ses états d'âmes – les sentiments étaient pour les faibles, et indignes d'un prince tel que lui – le convoqua rapidement dans les appartements familiaux pour s'enquérir des raisons de son état. Mais Loki ne dit mot, et détourna simplement les yeux avant de quitter la pièce.

Pour autant, malgré la souffrance qui le dévorait et semblait vouloir l'engloutir tout entier, il réprima son besoin de pleurer Andrzej. Il repoussa l'envie tenace de verser des larmes pour lui, et pour tous ceux comme lui qu'il avait connus et perdus avec les siècles. Pleurer serait accepter de souffrir, accepter de subir. Et il refusait de subir plus longtemps les conséquences de sa mort.

Pour cela, Loki écarta définitivement l'idée de retourner sur Midgard. C'était trop dur. Trop difficile de ne pas faillir et de se laisser aller quand le moindre lieu, le moindre objet se faisait porteur de souvenirs oh si cruels. Il savait les midgardiens mortels et leurs vies éphémères, c'était là leur nature. Il avait vraiment cru pendant un temps pouvoir l'accepter. Mais qu'il soit naïf ou simplement inconscient, le résultat était le même. Car devoir se résoudre à le perdre, encore et encore ? Qui plus est si prématurément ? Il y avait une limite à ce que quiconque saurait supporter sans faiblir, et Loki avait depuis bien longtemps atteint ses limites. Les repousser encore davantage ne saurait que le faire souffrir plus encore.

Détournant sans trembler son regard de cette planète maudite et abandonnée des dieux, il reconstruisit patiemment les fragments de son âme morcelée, comme on recollerait les morceaux d'une poterie brisée. Pourtant, cela n'empêchait pas de voir les stigmates laissés par cette fracture. Des fissures qui ne se résorbaient pas, ne se résorberaient jamais, et qu'un simple souffle aurait semble-t-il suffi à faire voler en éclats.

Alors pour se protéger, il ferma définitivement son cœur, refusant à quiconque l'opportunité de la blesser à nouveau. Il devint froid et distant avec tous, y compris sa propre famille. Surtout sa propre famille d'ailleurs. Ils ne comprendraient pas. Comment le pourraient-ils ? Eux, Ases aveugles et indifférents qui ne savaient rien de la mortalité, se glorifiant sans cesse de l'éternité qui était la leur.

Le changement fut lent, si lent que nul n'en prit conscience avant qu'il ne soit trop tard. Et quand enfin on s'enquit plus sérieusement de son comportement, lui qui errait comme une ombre silencieuse au regard glacial dans le palais, il était déjà trop avancé sur cette voie pour même songer à faire demi-tour.

La fracture avec sa famille, déjà bien entamée, se transforma en gouffre infranchissable. Rapidement, il n'y eut plus que sa mère pour s'évertuer à le traverser. Et s'il reconnaissait son acharnement comme la preuve de l'amour sans limite qu'elle éprouvait pour lui, il ne se laissa pas davantage atteindre, le cœur en poussière et les yeux secs des larmes qu'il ne savait plus verser.

L'amour faisait mal, c'était une leçon qu'il avait apprise à la dure. Et on ne souffrait pas lorsqu'on ne ressentait plus rien.

oOoOoOoOo

Les décennies passèrent, inéluctables. Qui aurait pu les arrêter ? Il savait être comme tout à chacun soumis au jugement du temps qui passe. Et il savait que longs seraient les siècles à s'écouler avant qu'à son tour il ne puisse gagner le Walhalla pour trouver un repos bien mérité. Et en attendant ce jour béni tant attendu, il traversait inlassablement les jours avec la même indifférence que rien ou presque ne venait troubler.

Ce ''presque'' était malheureusement dû au lien qu'il entretenait avec l'astra. Lien qu'il ne cherchait plus, n'alimentait plus de sa magie et de son essence vitale, mais qui était toujours présent. Malgré les presque soixante-sept ans écoulés depuis la mort d'Andrzej, les rêves avaient continué à le hanter, et n'avaient eu de cesse de s'amplifier les années passant. S'il était un temps parvenu à les oublier et à faire comme si de rien n'était, depuis un an ils s'étaient faits plus violents que jamais auparavant. La nuit, il rêvait de sable et de feu, d'explosion brutale et de lumière bleue, tandis qu'une douleur sourde provenant de sa poitrine semblait irradier dans tout son corps. Des fragments éparses et des images désordonnées auxquels il ne parvenait pas à donner de sens.

Et c'est cette incompréhension, couplée à la meurtrissure d'un lien à vif et à la douleur d'un deuil qu'il ne parvenait pas à faire, qui réveilla ses plus bas instincts.

Tous au palais apprirent à craindre ses colères qui, si elles étaient moins éclatantes que celles de son ainé, étaient bien plus terribles. Imprévisibles, brutales et violentes, se finissant souvent dans le sang et les larmes de ses ennemis, tandis que seul un sourire sardonique aux yeux vides se faisait annonciateur de mauvais présages.

Ce n'était plus seulement de la malice qui l'habitait, cette malice qui avait guidé ses pas des siècles durant. Non, c'était de la colère. Loki embrassait enfin pleinement sa nature de dieu du chaos, après tant de temps à la réprimer. De toute façon, il détruisait tout ce qu'il touchait, tous ceux à quoi ou à qui il tenait. Alors à quoi bon dissimuler plus longtemps qui il était réellement ?

Ce n'était qu'une question de temps avant qu'il n'aille trop loin, qu'il ne dépasse allègrement les limites qu'il n'avait eu de cesse de repousser. L'échiquier était en place.

Et ce fut le début de la fin. Une simple annonce, se faisant la proverbiale pierre déclenchant l'avalanche : le couronnement officiel de Thor en tant que prince héritier, évoqué depuis des années mais incessamment repoussé, allait finalement avoir lieu.

Loki ne parvenait à y croire. Au-delà du fait que les quelques dernières années les avaient plus éloignés que les siècles passés – essentiellement pas sa faute, il devait bien le reconnaitre – Thor n'était tout simplement pas prêt. Le serait-il un jour, voilà une question tout aussi importante, même si elle était bien moins pressante. L'essentiel était que Thor ne pouvait être couronné. Quoi qu'il soit son ainé de près de trois-cent ans, c'était encore un enfant, inconstant et volage, qui n'avait pas la moindre idée des conséquences que pouvaient avoir ses actes et encore moins de la façon dont gouverner un royaume et un peuple tout entier. Insouciant et naïf, presque innocent d'une certaine manière, comme lui ne l'était plus depuis bien trop longtemps. La perte des êtres aimés avait des conséquences telles qu'elle faisait grandir et murir plus vite. Trop vite.

Il ne voulait pas le trône pour lui-même, simplement retarder le moment où il échouerait dans les mains incapables de Thor. Et pour cela, il avait un plan tout trouvé, magnifiquement ficelé et dont nul ne saurait l'accuser qui plus est. Ainsi, manipuler les Jötnars pour qu'ils tentent une incursion sur Asgard fut d'une simplicité enfantine. De là, prévoir, la réaction du Père de Toute Chose et de son frère avait été aisé. Pouvoir grâce à ça pointer du doigt les défauts de son ainé pour que tous voient ce qui à ses yeux tenait de l'évidence, voilà l'objectif qu'il s'était fixé. Mais tout avait dérapé. Certes, l'expédition punitive sur Jotunheim avait été menée de la façon dont il l'avait escompté. Ce qu'il n'avait pas prévu en revanche, c'était son bras virant au bleu sous la poigne d'un Jötunn.

Le choc et l'incompréhension l'envahirent, la colère flamba en lui, mais c'est surtout la douleur qui le dévasta, plus virulente encore du fait qu'il s'était interdit de la ressentir depuis des années. C'est presque indifférent qu'il vît Thor se faire bannir sur Midgard, relevant à peine la tête à l'entende de ce nom maudit, encore abasourdi par la tempête qui faisait rage dans son esprit. Le Coffre des Hivers Anciens mit un terme définitif aux derniers doutes qu'il aurait pu avoir. Une vérité au gout de cendre et de trahison, tandis que ses certitudes et son monde volaient librement en éclats sous les mots de cet homme qui n'était finalement pas son père. Vint le sommeil d'Odin et cette accession non préméditée au trône, tandis qu'en lui se disputaient la haine et la souffrance.

Seul et éperdu, envahi par la violence de ses émotions, il se noyait. Et si le jour il parvenait tant bien que mal à garder la face vis-à-vis de ses sujets, la nuit en revanche… La nuit, l'absence de son astra et la solitude se faisaient plus prégnante que jamais, tandis que cette douleur immonde dans sa poitrine se renforçait à mesure que le temps passait.

Un jour où il n'y tint plus, c'est au fallacieux prétexte d'humilier davantage Thor en lui annonçant la soi-disant mort d'Odin et le tour définitif que prenait son exil qu'il gagna brièvement Midgard. Faisant sans oser réellement le formuler le souhait de le croiser, en vain. Prévisible, mais il n'avait malgré lui put s'empêcher d'espérer. Pourquoi rompre les promesses qu'il s'était faites en allant sur cette planète pour s'en retrouver une nouvelle fois déçu ? Face à cette énième déconvenue – et pourtant, comment aurait-il pu en être autrement ? Les chances étaient infimes – ses actions prirent un tour plus sombre et plus chaotique. Le trio Paladin se rendant à son tour sur Midgard, l'envoi du Destructeur à leur poursuite, la trahison d'Heimdall, la destruction voulue de Jotunheim et le retour du fils prodige. La machine était en route, sans qu'il ne puisse ou même ne veuille l'arrêter, se laissant porter par des flots tempétueux sans plus chercher à les éviter. Les coups étaient portés parce qu'il le fallait, tandis qu'il crachait à son frère des mots vides de sens.

Et c'est ainsi qu'il se retrouva accroché à Gleipnir au-dessus du vide, uniquement retenu par la poigne de Thor et d'Odin. Il l'avait fait pour eux. Avait vraiment cru le faire pour eux. Pour leur famille, cette famille qui n'était pas réellement la sienne, qui ne l'avait jamais été en vérité. Une vaine tentative d'effacer l'horreur de son sang et la vérité de son âme souillée, pour des gens qui au final n'avaient jamais véritablement su qui il était. Une personne, une seule et unique l'avait vraiment compris, sans que jamais il n'eut à faire le moindre aveu : Andrzej. Ainsi que Roland avant lui, et Antoine, et ainsi de suite, jusqu'à Ærinmund des siècles – une éternité – plus tôt. Une astra, un homme sans cesse réincarné à travers les ans, et le seul qui avait jamais compté à ses yeux.

Et il l'avait perdu.

Toute la colère qu'il avait gardée en lui depuis presque soixante-dix ans, brulant comme un feu furieux dans ses veines et frémissant en permanence sous sa peau, fut submergée par une vague soudaine et brutale de souffrance. Cette douleur qu'il avait portée malgré lui et dont il avait nié l'existence, allant par la même occasion jusqu'à nier la présence du moindre sentiment en lui, se purgeant de toute émotion. Face à elle les événements des dernières semaines – car ce n'était que cela, quelques semaines au goût interminable – semblaient bien insignifiants. Qu'importe le couronnement de Thor et la stupidité de l'Ase en question, qu'importe les Jotnars et leur planète gelée, qu'importe même sa véritable ascendance et sa nature monstrueuse. Rien n'avait plus d'importance, excepté cette douleur en train de le consumer tout entier. Il était déjà mort à l'intérieur depuis bien trop longtemps, il le réalisait seulement, et il ne parvenait tout à coup plus à supporter les battements erratiques de son cœur asséché subitement revenu à la vie. Alors à quoi bon continuer ?

Il lâcha prise.

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Loki avait cru mourir. Loki aurait préféré mourir.

Le monde était souffrance. Aux mains du Titan Fou depuis ce qui lui semblait être une éternité, Loki supportait jour après jour les tortures qui lui étaient imposées. Il aurait voulu ne pas crier, ne pas donner cette satisfaction à son geôlier, mais comment cela aurait-il été possible quand le moindre geste, volontaire ou non, réveillait une douleur pulsant dans tout son corps ? Quand le moindre souffle d'air sur sa peau bardée de plaies ouvertes et purulentes se faisait souffrance infinie ?

Il n'était plus que souffrance. Alors pour échapper à la douleur de ce corps physique qu'il trainait comme un poids derrière lui, il s'enferma dans son esprit. Les souvenirs de son frère – de Thor par les Nornes, il n'était pas son frère ! – de Frigga et d'Odin eurent un temps le mérite de réveiller sa colère et sa combattivité tandis qu'il se remémorait leurs mensonges et leur trahison. Mais bientôt ils ne suffirent plus et c'est presque naturellement qu'il tourna ses pensées vers son astra et les milliers de souvenirs qu'il avait de lui.

Les expéditions guerrières menées aux côtés d'Ærinmund, et ces nuits passées dans le vent et le froid, partageant une même tente pour se réchauffer. Les schémas d'arquebuses et de balistes qu'il avait admiré dans l'atelier de Leonardo en attendant l'arrivée du maitre. Les feuilles noircies de calculs par Akkanee, qu'il avait discrètement observé par-dessus l'épaule de l'enfant. Les nuits passées à observer les étoiles accompagné de Galileo. Les après-midi paisibles passés dans la bibliothèque de Gottfried, partageant un silence complice qu'ils ne ressentaient nul besoin de combler. Les expériences d'Antoine, et son plan de travail perpétuellement recouvert de croquis et d'ouvrages. L'unique discussion, ou plus précisément le monologue vigoureux qu'il avait adressé à Samuel Colt. Les longues heures d'étude passées dans ce collège français aux côtés de Roland et l'unique baiser au gout de sel qu'ils avaient échangé. Le petit appartement qu'il avait partagé avec Andrzej, et son sang trop rouge sur ses mains.

Car chaque souvenir qu'il avait de lui, y compris les plus heureux – surtout les plus heureux – finissaient inévitablement entachés de sang et de tristesse, la nostalgie de sa présence devenant détresse infinie face à la douleur des pertes successives et des adieux qu'il n'avait que trop réitéré.

J'espère te rencontrer dans une autre vie.

Le temps était comme distordu, brisé. Il pourrait croire qui endurait ces tortures depuis des années si, en son for intérieur, il ne savait pas pertinemment qu'il ne s'agissait que de quelques mois, dont il avait depuis longtemps perdu le compte exact.

Il n'y avait plus que la douleur. Aussi fort voulait-il lutter contre elle et les tortures qu'on lui infligeait, il n'en demeurait pas moins impuissant, soumis au bon vouloir de son geôlier. Et après son corps brisé, ce fut sa conscience même qui lui fut arrachée.

Car les murs qu'il avait bâtis par magie autour de son esprit finirent par voler en éclats quand fut apposé contre son front un sceptre d'or, serti d'une pierre brillant d'une lumière bleue aveuglante. Il tenta bien de lutter contre ce poison qui voulait s'insinuer en lui, car s'il n'en connaissait pas la nature, il devinait sa perversité. En vain. Son corps détruit par les tortures ne lui répondait plus, et la voix qui chuchotait à son oreille était d'un tel réconfort après ces mois de solitude. Une voix chantante et réconfortante, aux accents familiers. Généralement polonais, parfois français, allemand ou italien, plus rarement scandinave. Une voix qui lui promettait un monde sans souffrance, si seulement il daignait coopérer. Un monde où les émotions et les sentiments n'auraient plus le pouvoir de le blesser. C'était affreusement tentant, surtout pour un esprit à la dérive. Trop tentant pour ne pas au moins considérer un instant cette option. Il hésita.

Cela suffit.

S'engouffrant dans la faille béante qu'elle avait vu en lui, la pierre s'imposa brutalement à son esprit, corrompant allégrement tout ce qu'elle touchait. Loki tenta de se raccrocher à ses souvenirs pour ne pas totalement sombrer mais ils lui étaient arrachés un à un, tandis qu'une volonté qui n'était pas sienne lui était imposée. Son dernier souvenir fut l'image d'une paire d'yeux marron chaleureux, avant qu'ils ne s'évanouissent à leur tour dans le néant.


Oui je sais, pas encore de Tony dans ce chapitre. Mais promis, c'est pour le prochain, entièrement consacré au film "Avengers" !