Bonjour à toutes et à tous.
Aujourd'hui est l'anniversaire de Camus, et je publie pour l'occasion un texte sur lequel je travaille depuis plusieurs mois. Je voulais initialement publier le 23 février, date de mon « anniversaire » de fandom que je fête normalement toujours avec un CaMilo. J'ai échoué ces deux dernières années, mais cet écrit a beaucoup grossi, et y ayant déversé mon HeadCanon le plus pur, je l'ai divisé en deux.
La suite paraîtra donc le 23 Février. Gros, gros écrit sur ce pairing merveilleux qui nous fait tant rêver.
Il s'agit là de ma vision d'eux aussi sincère que personnelle. Je ne cherche pas à convaincre qui que ce soit, mais voici « Camus et Milo » pour moi. Et si je parviens cette année à publier enfin le premier chapitre de la grande fiction que je prépare, eh bien… Voilà quelle sera une part de leur histoire. J'espère donc que vous aimerez !
Disclaimer: Tous les personnages présents et cités appartiennent à Masami Kurumada.
Pairing: CaMilo.
Rating: M. (Lemon)
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture.
Merci de ne pas ajouter mon histoire en favori/follows sans review. Vous pouvez rester silencieux, mais soyez le jusqu'au bout. C'est mon choix, merci de le respecter.
Ailleurs
« A travers la tempête, et la neige, et le givre,
C'est la clarté vibrante à notre horizon noir;
C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre,
Où l'on pourra manger, et dormir, et s'asseoir. »
Charles Baudelaire, La Mort des Pauvres
Le sifflet lointain d'un train quittant la gare.
Une station ancienne, perdue dans le temps, qui frappait toujours Milo par son aspect déconnecté de la réalité qu'il connaissait. Il souffla sur ses doigts déjà gelés malgré les gants, observant sans vraiment les voir les autres usagers. Il récupéra rapidement son maigre baluchon, cruel rappel que ses jours ici étaient précieusement comptés, et se décantaient en heures, bien plus qu'en journées. La permission qu'il avait pu négocier ne lui permettrait pas d'emporter plus que l'essentiel. Et lorsque l'on apprendrait, là-haut, où il avait passé les prochaines quarante-huit heures, il aurait à répondre de ses actes, à n'en point douter. Mais il sourit malgré cela, songeant que ce dont il avait réellement besoin l'attendrait là-bas. Le propriétaire des lieux aurait tout ce qu'il fallait pour le recevoir et l'assurer de ne pas totalement céder au froid.
Le Chevalier quitta la gare, négociant avec un habitant une place sur son traîneau. Il se permit de flatter le museau de l'un des huskys sibériens attelés avant de s'installer, se recroquevillant dans un coin pour se faire le moins gênant possible. Il avait conscience d'avoir obtenu un service contre denrées, mais rien ne l'assurait du confort du voyage. Il se fit oublier, observant les immenses steppes glacées défiler à toute vitesse devant ses yeux. La rapidité des chiens, liée au gel régnant dans ce pays eut tôt fait de faire perler des larmes au coin de ses yeux. Milo préféra ne pas songer à la dangerosité de la chose : ses cils auraient pu geler, après tout.
Mais cela lui donnait une excuse pour exprimer un bonheur et une excitation qu'il ne savait pas bien comment décrire autrement.
Arrivé au village, il savait que le reste se ferait à pied. Personne ne s'approchait du logement reclus des Chevaliers du Verseau, protégé par une toundra particulièrement épaisse, et éloigné de plusieurs dizaines de kilomètres du village le plus proche. Tout avait été fait pour assurer un isolement total de ceux qui devaient être formés. Bravant la nature peu avenante et le froid mortel, Milo poursuivit sa route. N'écoutant pas les injonctions des habitants locaux l'incitant à la prudence. Il était amusant de songer que les Chevaliers avaient, au fil des années, gagné une réputation de sorcière du Moyen-Âge, auprès desquels on venait chercher aide et remède, tout en craignant pourtant de s'approcher de leur territoire.
Après plusieurs heures de marche, la lueur salvatrice se fit enfin voir. Le huitième gardien s'arrêta un instant, contemplant la beauté sauvage de ce paysage au coucher du soleil, vivant au cœur d'un silence absolu. Aucun bruit aux alentours, si ce n'était le hurlement au loin d'un loup affamé. Le Chevalier du Scorpion songea que le chemin jusqu'à sa demeure avait un air familier avec celui du cœur du propriétaire actuel des lieux. Un chemin froid et tortueux, demandant courage et patience, mais dont la chaleur intense valait chaque heure de souffrance et de questionnement.
Un petit sourire se dessina sur son visage couvert de neige. Oui, vraiment, Camus ressemblait à sa demeure.
Il s'arrêta à une vingtaine de mètres du bâtiment. Ce n'était ni trop près, ni trop loin. Suffisant pour que son ami soit averti de sa présence, et choisisse la meilleure façon de l'accueillir. C'était la première fois que le Grec était autorisé à revenir depuis l'arrivée des disciples du Français. Milo ne pouvait pas réellement compter la fois où la folie l'avait déposé aux pieds de l'isba. Les enfants, encore trop jeunes, ne se souvenaient pas de l'identité de l'être menaçant venu chez eux. Heureusement.
Cette fois serait donc la première pour être présenté. Pour entrer de nouveau dans la demeure de son amant en tant qu'invité.
Et à présent, Milo masquait mal son anxiété à l'idée de se confronter à une réalité totalement transformée. L'isba avait été leur chez eux pendant les années qui avaient suivi le départ de son camarade, au travers des quelques visites que le huitième Chevalier était parvenu à négocier. Mais depuis l'arrivée de ses élèves, Camus lui avait demandé de garder ses distances, le temps de s'ajuster lui-même à sa nouvelle réalité. Et à présent… Le Grec se préparait à constater qu'il n'était plus vraiment le bienvenu là où il l'avait pourtant toujours été.
Un éclat écarlate, au loin. Le Français se tenait à la porte pour l'accueillir, vêtu d'un tee-shirt à manches courtes, totalement imperméable à la température extérieure. Le regard grenat inflexible se planta dans le sien, sans que jamais son expression ne changea. L'invité s'avança, stoppant ses pas à quelques centimètres du Chevalier du Verseau. Mieux valait garder une légère distance, il savait que Camus ne lui aurait pas pardonné de tenter un baiser alors que ses disciples auraient pu surgir à tout instant.
« Tu as fait bon voyage ? »
Milo dut se retenir de fermer les yeux. La voix de son amant semblait plus grave et plus belle à chacune de leurs rencontres.
« Classique. Dix heures de train, deux heures en traineau, trois à pied.
—Tu aurais pu faire usage de ton cosmos, tu sais.
—Et signaler en une fraction de seconde où je me trouvais ? Je n'ai que deux jours à tes côtés, j'aimerais en profiter avant de me faire taper sur les doigts.
—Et tu détestes courir dans le froid.
—Il y a de ça, oui. »
Un léger sourire étira les lèvres pâles. Le ventre du Grec, déjà, se tordait de bonheur face à cette expression qu'il adorait. Camus s'écarta, ouvrant la porte à son invité. Milo pénétra dans l'isba en poussant un soupir de bonheur. La chaleur de la demeure le réchauffa au plus profond de ses os, et il aperçut avec joie le feu brûlant dans la cheminée. Nul doute que Camus avait fait un effort particulier pour s'assurer qu'il n'aurait pas froid.
Du coin de l'œil, il vit une chaise et un livre abandonnés près de la fenêtre, preuve que Camus avait guetté son arrivée et l'attendait depuis un moment déjà. Il frôla la main de son compagnon, lui offrant un regard empli de gratitude, auquel répondit un simple haussement d'épaules. Il récupéra les effets de son invité pour les mener dans une pièce adjacente. Milo, pour sa part, observait les lieux à la fois si familiers et si étrangers. Il reporta son attention sur le maître des lieux lorsque celui-ci revint au salon, se régalant d'une vision attendue depuis des mois. S'avançant vers son amant, il frôla du bout des doigts une mèche égarée sur la gorge du Français. Il vit le collier de frissons sur la peau pâle, mais retint tout autre geste en croisant le regard pourpre posé sur lui.
Pas ici. Pas encore. Pas maintenant.
« Plus tard ?
— Evidemment. »
Retirant sa main, le Grec s'éloigna, et posa les yeux sur les carnets emplis de lignes aux langues différentes soigneusement posés sur la table.
« Comment leur as-tu expliqué la situation ?
—Je n'ai pas eu à me justifier. Je leur ai simplement donné les faits.
—Tous ?
—Tu te doutes que non. Mais suffisamment pour être honnête avec eux dans la mesure du possible. Le reste, ils ne peuvent et ne doivent pas le savoir.
—Ce sont tes disciples, Camus. Au moins l'un d'eux prendra ta suite en tant qu'espion, et développera ton sens de déduction.
—Je serais certainement mort d'ici-là, répondit le Français d'un ton factuel. Le plus important, ce sont eux. Ils sont l'avenir de notre fonction. Les premiers apprentis de notre génération.
— Tu as toujours eu l'art de réchauffer l'atmosphère.
— Cette plaisanterie n'était déjà pas drôle la première fois.»
Un sourire rayonnant lui répondit.
L'invité balaya la pièce du regard, s'imprégnant de sa nouveauté à présent que Camus n'y vivait plus seul. Il s'approcha de la cheminée et nota que l'unique photo qu'ils avaient prise ensemble avait disparu de l'âtre où elle se trouvait depuis plusieurs années. C'était un vieux cliché, pris lors de leur jeunesse au Sanctuaire. Même pas une photo intime, mais un souvenir important à leurs yeux. Le huitième gardien sentit sa poitrine se serrer, inconsciemment. Il n'avait pas le droit d'être déçu, il le savait bien. Camus ne pouvait pas risquer d'exposer une affection trop profonde à des disciples auxquels il s'astreignait à apprendre à se détacher. L'ironie aurait été palpable, surtout pour l'un des disciples pour lequel son ami avait développé des trésors de patience pour le consoler lors de son arrivée.
Machinalement, cependant, il passa les doigts sur l'ancien emplacement. Pas de poussière, moins par marque du temps que par propreté absolue de la demeure.
« Je ne l'ai pas cachée. Elle est dans notre chambre. »
Le timbre grave résonna derrière lui, sans que Milo ne sursautât. Il se retourna pour faire face à son camarade qui le fixait, les bras croisés, comme pour le défier de croire un instant qu'il aurait pu commettre un tel acte. Mais déjà, le désarroi du huitième Chevalier s'était éteint, remplacé par un espoir renouvelé. Un sourire étira ses lèvres, auquel répondit inconsciemment son amant. Le Français avait dit « notre ». Il ne l'excluait pas de sa demeure, et n'avait rien changé de ses pensées. Par un simple mot, il venait de balayer l'angoisse ayant pris racine au fond de son cœur il y avait de cela plusieurs mois déjà. Le pouvoir du verbe du Verseau était au moins aussi fort que les poèmes qu'il lisait, inlassablement.
Milo se permit de se rapprocher, frôlant le bras de son ami, plongeant son regard dans le sien.
« Cela te convient ?
— Evidemment. C'était ma décision.
— Tu ne penses pas que c'est risqué ?
—Ils n'ont pas l'autorisation d'entrer dans la chambre.
—Et tu penses que ça les en empêche ?
—Absolument.
—Déesse. Je suis ravi que tu n'aies pas été mon maître.
—Malpoli. »
Ils échangèrent un regard souriant. L'étau autour du cœur du Chevalier du Scorpion se desserrait lentement, alors qu'il constatait que Camus et lui avaient été capables de reprendre leurs habitudes en quelques instants. La barrière du maître des glaces ne s'était pas reformée, il restait ouvert à leurs discussions, à sa présence. Cela seul valait les heures de voyage, car au sein de sa demeure, son hôte se révélait comme il ne le ferait jamais ailleurs.
Un élan d'amour, de tendresse, saisit le Grec et il dût contenir le geste qu'il s'apprêtait à commettre. Ses yeux le trahirent, pourtant, il le sût à la façon dont son camarade l'observait, souriant discrètement.
« Souhaites-tu manger quelque chose en particulier ? Ils vont bientôt revenir de leur entraînement.
— Ils sont encore dehors à cette heure ?
— Je leur ai permis de rentrer plus tôt, exceptionnellement. »
Milo écarquilla les yeux. Il s'apprêtait à protester, mais un regard sévère l'avertit en un instant que cela ne serait pas accepté.
Ce sont mes disciples. Je t'interdis de douter.
L'invité ravala les mots qu'il allait prononcer, et se demanda pourquoi cela le choquait. Son sort n'avait jamais été plus enviable, tout comme la plupart de ses camarades. Camus lui-même avait souffert d'engelures et d'hypothermie une centaine de fois. Ils avaient été, pour la plupart, affamés, battus et torturés. Peut-être était-ce de voir son ami être celui donnant ce genre d'ordres qui le perturbait. Lui qui savait mieux que personne ce qu'il avait dû traverser…
Le onzième Chevalier perçut son trouble, son regard s'adoucissant immédiatement. Du bout des doigts, il frôla la joue tannée, ramenant les yeux azurs à lui.
« Ils vont bien. »
Je ne leur ferais jamais ça.
Le Grec hocha doucement. Il savait qu'il n'avait rien à dire : Camus avait élevé ses disciples depuis des années, et si les deux garçons avaient résisté si jeunes à leur entraînement, nul doute que son ami n'avait aucune intention de les voir périr à présent. Il ne se serait jamais permis de le dire ou de l'écrire, mais son affection envers eux était sincère. Plus qu'il ne l'admettrait jamais, c'était certain.
Choisissant de refermer ce sujet délicat, Milo se dirigea vers la cuisine pour se laver les mains, et vit les préparatifs du dîner sur le comptoir.
« Je prendrais la même chose que vous, Camus. Ne change rien pour moi. Par contre, si tu as quelque chose à boire… »
En quelques minutes, une tasse brûlante fut placée dans ses mains. Savourant la chaleur bienvenue entre ses doigts, et l'odeur intense émanant du thé russe, le Grec observa son hôte ranger les affaires qu'il avait sorties en l'attendant, le frôlant constamment en passant près de lui. Milo sourit, conscient que c'était sa façon de lui signaler son envie de contact. Son besoin, auquel il devait encore résister. Laissant ses doigts frôler la main près de la sienne, il répondit avec tout le désir qu'il ressentait également. Voir le Chevalier des glaces normalement si calme se mordre la lèvre avait quelque chose de fascinant. Sa bouche elle-même était incroyablement hypnotisante…
Mais cet instant ne pouvait durer éternellement.
Il vit le regard écarlate quitter le sien, fixant un point par-delà son épaule. Milo se retourna brusquement, faisant sursauter les deux silhouettes qui s'étaient approchées en silence. Visiblement, les enfants avaient pensé être discret, et à présent, deux paires d'yeux brillant fixaient intensément l'intrus de leur univers. Incertain quant à l'attitude à adopter, le Grec resta silencieux, attendant l'intervention de leur maître.
« Hyôga, Isaak, je vous présente notre invité: Milo, Chevalier du Scorpion.
— Chevalier.»
Un salut à l'unisson, et une révérence légère. Il n'y avait aucun doute sur l'enseignement protocolaire que les deux apprentis avaient reçu. Plaçant sa main droite sur son cœur, Milo répondit avec autant de déférence, songeant qu'il était important de confirmer ce qu'ils avaient appris.
« Apprentis. »
Laissant les rênes de la discussion à Camus, le Grec observa les incarnations en chair et en os que le Verseau lui décrivait depuis plusieurs années à travers ses lettres. Il n'avait nul besoin de les introduire individuellement : Milo, par les mots de son ami, les connaissait déjà. Il tendit néanmoins la main aux deux enfants, serrant la leur et estimant leur poigne. Sur leurs doigts courraient des cicatrices familières que le huitième gardien avait déjà vues sur les mains de son camarade, signe que leur entraînement avait commencé sérieusement.
Isaak le détallait également, d'un regard légèrement méfiant. Hyôga, pour sa part, peinait à dissimuler combien il était intrigué, bien que trop peureux pour approcher. Sans leur laisser le temps de poser des questions indiscrètes, Camus reprit le rythme de sa demeure, ordonnant à ses disciples leurs tâches du soir.
Milo les regarda interagir en silence, s'asseyant près de la cheminée dans le fauteuil qu'il avait toujours occupé, serrant une nouvelle tasse chaude entre ses doigts. Il ne dit mot pendant l'heure qui suivit, préférant observer. Il voulait voir. Apprendre ce qu'était le nouvel univers du onzième Chevalier depuis que le Grand Pope avait achevé de le pousser à grandir en s'occupant d'autres êtres humains.
De temps à autre, il sentait le regard des élèves se poser sur lui. Mais s'ils s'interrogeaient, ils restaient respectueux dans leur attitude, se contentant de s'assurer du confort de leur invité. Milo regardait Camus, également. Détaillant sa façon de se comporter en présence des deux enfants. Dans chaque geste, me Chevalier du Scorpion percevait un amour sincère, mais une froideur apparente, n'ayant pour autre but que de les pousser à donner leur maximum. Mais plus encore, à ne pas s'attacher à lui, par sa sévérité.
Les apprentis l'ignoraient sûrement. Milo, pour sa part, avait appris à lire à travers les lignes.
Le dîner se passa dans le calme : le Grec n'imaginait pas un instant que la table était habituellement bruyante, mais il avait conscience que sa présence perturbait quelque peu les habitudes des apprentis. Il pouvait voir leur malaise, et leur envie, pourtant, de poser enfin les questions qui les taraudaient. Ne préférant pas provoquer quoi que ce soit, Milo demeura silencieux.
Arrivés au plat principal, Isaak sembla estimer, pour sa part, qu'il avait été suffisamment patient.
« Chevalier du Scorpion, où vous êtes-vous entraîné ? »
L'interpellé grimaça intérieurement. Il était difficile de savoir comment agir sans pour autant marcher sur le territoire de Camus, et le huitième gardien lança au onzième un regard confus. Celui-ci hocha lentement, l'encourageant silencieusement.
« Milo, Isaak. Milo, cela suffira largement. Sur l'île de Milos, en Grèce.
— Milo, c'est Grec pour 'pomme,' c'est bien cela ?
— Tout à fait. »
Leurs connaissances étaient impeccables. L'idée qu'il leur ait enseigné ce mot le fit sourire, intérieurement.
« C'est bizarre comme prénom.
— Isaak. »
Le ton était sans appel. Milo se mordit la lèvre, avant de plonger son regard dans celui de l'enfant trop vif pour son propre bien. Il était inutile de douter quant aux qualités d'héritier de l'apprenti. De nouveau, ses yeux croisèrent ceux de Camus.
« Agis comme bon te semble. »
Pouvait-il leur dire ? Leur apprendre ? Leur parler ? Tenter de leur expliquer, au moins partiellement, une autre part de leur réalité ? Oui, sans hésiter. Ces deux apprentis étaient ceux de son ami : nul doute qu'ils avaient été confrontés, depuis leur arrivée, à toutes les vérités jugées nécessaire par le onzième Chevalier.
Frôlant son verre du bout des doigts, le huitième gardien plongea son regard dans les pupilles vertes qui lui faisaient face.
« Tous les chevaliers n'ont pas la même histoire, vois-tu ? Je suis né aux portes du Sanctuaire, et je porte le nom que mon maître a souhaité me donner, ou plutôt, celui auquel il a pensé. D'autres gardent leur identité initiale, certains utilisent un alias, devenu plus naturel que leur véritable prénom. »
Deux paires d'yeux se posèrent sur le Chevalier du Verseau, demeuré silencieux et les bras croisés. Inspirant lentement, il répondit à la curiosité grandissante qu'il voyait naître, ayant conscience qu'il ne pourrait y échapper.
« Je suis né à une époque de grands philosophes. Je suppose que ceux m'ayant nommé en avait un certain amour, et je n'ai jamais estimé nécessaire d'en changer. »
Voyant que son hôte s'apprêtait à se lever, Milo s'empressa de poser la main sur la table.
« Camus, j'ai apporté… enfin, je ne sais pas si ça a bien supporté le voyage, mais je me suis dit qu'ils aimeraient essayer quelques produits grecs. »
Un sourire fasciné étira les lèvres de Hyôga. Le regard vert d'Isaak se mit à pétiller de curiosité, et le cœur de Milo lui parut soudainement plus lourd à porter. Il espérait que ce n'était pas leur donner trop, ou pas assez. Camus n'avait pas l'air de désapprouver, et il se raccrocha à cette pensée. Il déposa devant les enfants émerveillés les desserts qu'il avait réussi à conserver plus ou moins bien au cours de son périple.
Les observant face aux denrées inconnues, il ne perçut aucune méfiance dans leurs gestes. Leur enthousiasme était visible et sincère, et le Grec sut que Camus les avait élevés à tout aimer. Tout apprivoiser de leurs papilles : le Français avait toujours apprécié sa gastronomie, mais plus encore, il avait conscience que ses disciples devaient être capables de savourer ce qu'on leur offrait, quelles que soient les circonstances, sous peine de se trahir. Quand bien même leur palais serait mené à goûter, à l'occasion, un met empoisonné…
Non. Ce n'était pas le moment.
Milo préféra effacer ce souvenir de mission de son esprit, son attention se reportant entièrement sur les visages enfantins dont les bouches se voyaient couvertes de miel. Le baklava avait disparu en quelques instants, dévoré par les deux apprentis qui parurent prendre des couleurs, le regard brillant de délice sous des saveurs nouvelles. Camus, pour sa part, saisit un koulourakia, souriant doucement derrière sa dégustation.
« Merci, Milo. C'est délicieux.
— La boulangerie près du port était ouverte lorsque je suis parti. J'ai pensé… qu'ils aimeraient bien découvrir quelques saveurs du Sanctuaire.
— C'est vraiment très bon.
— Merci, maître Milo. »
Le Chevalier du Scorpion écarquilla les yeux, incapable de répondre. Figé sur place, il vit le petit rire du Français, à peine caché derrière ses mains croisées. Clairement, son ami se moquait de sa maladresse. Ce qui, en soi, était plutôt bon signe. Milo leva les yeux au ciel, et posa une main dans les cheveux blonds, avant de les décoiffer doucement.
« Je t'en prie, bonhomme. Cela me fait plaisir. »
Un sourire rayonnant sur ce visage grave d'enfant. Le regard bleu limpide semblait étinceler en cet instant, et le Grec songea, un peu tard, que c'était peut-être l'un des premiers gestes d'affection qu'il recevait depuis les tragiques incidents qui avaient précédé son arrivée. Incapable de cesser pour autant, et préférant ravaler l'émotion manquant de le submerger, il ajouta un peu de miel sur le nez blanc.
Un cri indigné et un rire éclatant furent ses récompenses.
Tout occupé qu'il était à répondre à leurs bravades, et à apprendre la prononciation des desserts au plus jeune des apprentis, Milo manqua le regard d'amour pur porté sur lui à cet instant. Il le sentit, pourtant, par le fil de cosmos qu'ils partageaient depuis si longtemps, et y répondit avec toute la discrétion dont il était capable.
Quelques instants plus tard, Camus empila les assiettes avant de se lever lentement.
« Isaak, Hyôga. Préparez-vous pour ce soir, je viendrais vous chercher à six heures demain matin.
—Oui, Maître. »
Les deux enfants vinrent offrir leurs salutations, avant de débarrasser la table. Ils quittèrent la salle à manger et se dirigèrent vers leur salle d'eau. Le Chevalier du Scorpion siffla discrètement.
« Je suis impressionné.
—Crois-moi, c'était loin d'être acquis.
—Je m'en souviens fort bien à travers tes lettres. Tu peux être fier de toi, et d'eux par la même occasion.
—Je l'ai toujours été. »
Sans plus de commentaires, le Chevalier du Verseau tourna les talons, invitant silencieusement son compagnon à le suivre. Milo observa les élèves fermer la porte de leur chambre, située totalement à l'opposé de celle de leur maître.
« Ce n'est pas un peu étrange de les éloigner autant ?
—Savoir se détacher passe par plusieurs paliers. Certains sont très pragmatiques. »
Cela ne l'avait nullement empêché de demeurer auprès de Hyôga des heures durant lors des premières semaines ayant suivi son arrivée…. Haussant les épaules, il continua sa route, récupérant ses affaires pour les déposer dans la chambre du propriétaire des lieux. Il n'avait pas menti : la photo jaunie avait pris place sur la commode ancienne, et il se surprit à sourire tendrement. Il récupéra la serviette laissée à son attention avant de se diriger vers la salle de bain adjacente. Frissonnant dans sa nudité, il se hâta d'entrer dans la cabine de douche. Il sentit avec plaisir l'eau brûlante couler sur lui, songeant avec amusement au fait que Camus avait certainement fait tourner la chaudière pour lui en cette occasion.
Posant les mains sur le mur, il savoura la brûlure particulièrement forte de la chaleur après avoir eu si froid toute la journée. C'était un véritable luxe en ces terres reculées, et le frileux Grec appréciait plus encore qu'autrefois le plaisir d'en bénéficier. Les premiers séjours à l'isba avaient été particulièrement compliqués à ce niveau-là.
Il ne sursauta pas lorsqu'il sentit un corps se coller au sien, mais frémit bien plus qu'il n'aurait pu l'imaginer possible. Le souffle frais de Camus frôla sa nuque, et Milo planta son regard dans le reflet de celui qui le fixait.
« Tu es sûr que c'est bien raisonnable ?
—Tu es ici. Nu, dans ma douche. Si tu penses que je vais perdre un instant de plus, tu te trompes lourdement. »
Un rire échappa au huitième Chevalier, suivi d'un soupir de plaisir en sentant les mains aussi avides qu'abîmées parcourir sa peau avec une passion toujours renouvelée. Il suffit de quelques secondes à Milo pour se mettre à haleter, serrant les poings contre la vitre embuée. Il songea, avec plaisir, que Camus n'était jamais autant lui-même que dans ces moments-là, lorsqu'au cœur même de sa demeure, il pouvait démontrer de toute son envie d'aimer et de posséder l'homme qui avait su le séduire il y avait des années.
Ses mains glissèrent plus bas, ses lèvres toujours divinement collées à cette zone si sensible derrière l'oreille du Grec. Les doigts caressaient, de haut en bas et de bas en haut, glissant partout où ils étaient autorisés et invités. Mordant la nuque de son amant, Camus ferma les yeux, savourant par son toucher la redécouverte d'un corps qu'il pensait pourtant connaître. Sous ses phalanges, la peau du Grec lui livrait de nouvelles cicatrices, souvenirs de missions toujours plus dangereuses que Milo devait effectuer. Les bras, le torse… Il plissa les yeux, se concentrant sur le souffle du Grec, sur son appréciation de moins en moins discrètes.
Les reins, les hanches, les contours du nombril et…
« Camus. »
Son prénom, murmuré avec une sensualité qui le ravissait toujours autant.
Un sourire étira les lèvres pâles. Son amant avait toujours été sensible, même s'il pouvait certainement attribuer ce fait à leurs rencontres toujours plus espacées. L'honnêteté absolue du Grec dans l'intimité était un véritable péché, qu'il savourait chaque fois un peu plus. Il rouvrit les yeux, se collant cette fois-ci entièrement au corps bronzé qu'il colla contre la paroi. Un hoquet de plaisir échappa au huitième gardien, qui l'observait du coin de l'œil.
« Tu es… un vrai tortionnaire.
—Je crois me souvenir que tu m'aimes pour cela.
—Si tu savais combien. »
Le sourire de Camus contre son épaule était plus précieux que tout au monde. Milo aurait voulu pouvait se concentrer dessus, mais déjà les mains caleuses reprenaient leur danse sur sa peau, l'une frôlant sa gorge et son torse, l'autre glissant plus bas, bien plus bas. Le pouce appuya un instant sur son nombril, laissant le Chevalier du Scorpion se mordre la lèvre de la pression instaurée à la fois par cette main habile, et ces reins avides qui, collés aux siens, ne laissaient aucune place à l'imagination quant au désir de son partenaire.
Il accrocha l'éclat carmin dans le reflet de verre. C'était un défi, à présent. Les baisers reprirent sur sa peau exposée, remontant de sa nuque au creux de sa mâchoire. Camus frôla le coin de ses lèvres de sa bouche avide, mordant avidement. Un gémissement sourd échappa au Grec lorsque les hanches se mirent en mouvement contre les siennes, lentement, presque paresseusement.
Milo retint un hoquet de désir, se mordant la lèvre déjà sensible, se répétant inlassablement qu'il ne pouvait plus se laisser aller comme avant. Il ne pouvait pas faire de bruit. Mais Camus ne l'aidait clairement pas. Dans le reflet, il pouvait voir toute la malice et le plaisir de son amant, dont les mains à présent remontées sur son torse jouaient de ce qu'elles avaient provoqué. Les morsures sur sa nuque se faisaient toujours plus intenses, et Milo songea un instant qu'il n'allait pas tenir plus longtemps. Le désir lui consumait les reins, répondant avidement à la friction engagée par l'homme qu'il aimait. Il se tourna brusquement, saisissant le visage du onzième Chevalier pour plaquer sa bouche contra la sienne.
Un baiser, enfin.
Le premier depuis des mois. Sous ses doigts, il sentit un frisson secouer Camus. Le plaisir, le désir, le soulagement. Déjà, sa langue venait frôler ses lèvres. Milo pencha la tête, approfondissant le baiser sans masquer un instinct son envie. La sensation de sa langue contre la sienne accentua encore l'intensité du baiser, et un soupir d'envie lui échappa. Sa main droite glissa derrière les reins de Camus, le ramenant contre lui. Et lorsqu'il le plaqua de nouveau contre la paroi, un cri étouffé lui fut dérobé. Et les mouvements reprirent, lents, si lents, entretenant leurs désirs. Ce fût son tour de le redécouvrir. De frôler de ses doigts cette peau abîmée par le froid dont il ne se lassait pas. Il mordilla ses lèvres, observant la beauté surréelle du Français. La façon dont ses longs cheveux venaient lécher ses reins, le charme indéniable de son regard pourpre au cœur de son élément, et sa peau diaphane, jamais douce pourtant.
Camus glissa une main jusqu'à ses lèvres, caressant lentement la peau sensible. Un regard, une demande.
« J'ai envie de toi. »
Dieux. Il le tuerait comme ça, un jour.
Il happa les doigts abîmés, savourant de les sentir jouer avec sa langue, sans jamais détacher son regard de celui qui l'observait. Il ouvrit un peu les lèvres, jouant indéniablement de son avantage, charmant le Français, le tentant plus que ce dernier ne l'avouerait jamais. Le mouvement était indécent. Et lorsque la main du Grec se referma sur le sexe de son amant, l'expression de pure concupiscence n'échappa pas à Camus. Milo voulait jouer, clairement. Grondant de plaisir, il remplaça de nouveau ses doigts par ses lèvres, ravageant la bouche tentatrice tandis que ses doigts descendaient faire leur office.
Cela faisait si longtemps qu'ils n'avaient plus eu le temps de s'aimer correctement.
Un frisson échappa au Grec, alors qu'il répondait furieusement au baiser offert. Les doigts de Camus… Cette préparation si lente, si nécessaire, si délicieuse.
« Han ! »
Le plaisir le déchira, tout à coup, et son regard écarquillé n'avait d'égal que le cri étouffé dans l'épaule du Français. Clignant des yeux, Milo s'efforça de reprendre sa respiration, de se concentrer quelques secondes au moins.
« Putain ! Camus, viens !
—Tu es… vraiment… sûr ? »
Chaque mot était ponctué de mouvement toujours plus insistant sur cette zone si délicieuse, et Milo jura qu'il allait perdre ce qui lui restait de raison. Accroché aux épaules du Verseau, espérant désespérément de rester silencieux et cohérent, il saisit la nuque pâle.
« Prends-moi. »
Il fût certain d'entendre Camus jurer. Il manqua d'en sourire, mais en un instant, sa jambe fut soulevée contre une hanche, et il se hâta de suivre le mouvement. Il voulait ancrer son regard dans le sien, savourant chaque seconde de cette sensation si délicieuse. Mais dû céder, face à l'envie qui le dévorait. Il vit son amant, haletant, le corps brûlant d'envie pour lui au point d'en trembler et le regard fou de désir. Le Grec s'accrocha aux épaules pâles, se mordant la lèvre, chaque geste manquant de le faire hurler en sentant le sexe aller et venir en lui.
Embrassant furieusement son amant, Milo tenta de noyer son plaisir lorsqu'enfin, après des mois d'attente, Camus l'aima sous l'eau brûlante.