Bonjour !
Voici la suite et fin, qui j'espère vous plaira !
Une semaine plus tard, John briquait toujours son comptoir méticuleusement, chaque soir. Peut-être même avec plus de minutie qu'une semaine auparavant. Avec application, il nettoyait tous les recoins de la salle, jusqu'à la dernière minute de son service, avant de fermer les portes. Ses collègues se moquaient gentiment de sa rigueur, sa patronne louait son professionnalisme, et John souriait machinalement. Pas qu'il ait vraiment à se plaindre, l'ambiance au bar était toujours chouette et ses collègues conciliants le laissaient travailler ses cours quand la salle n'était pas remplie. Tout de même, John n'avait pas vraiment le sourire. C'était idiot, ridicule, mais il avait plus envie de soupirer que de rigoler aux blagues stupides des habitués qui le chambraient sur sa triste mine.
Qu'avait-il cru ? Bien sûr que Sherlock n'avait jamais appelé ! Pas revenu non plus, bien que John ne puisse s'empêcher de relever la tête à chaque fois que la porte s'ouvrait sur un nouvel arrivant. Sherlock ne venait pas. Pas même pour reprendre son parapluie.
John soupira derechef : il devrait bien se faire une raison, son crush d'un soir ne reviendrait pas, et n'était surement même pas intéressé par lui. Il devrait envoyer le parapluie à Scotland Yard, si Sherlock ne l'avait pas baratiné (ce dont il commençait à douter) c'est encore là-bas qu'il avait le plus de chance de se trouver !
Il ruminait toujours ses idées noires quand la porte s'ouvrit. Il sentit le courant d'air glacial parcourir la pièce mais se refusa à lever la tête. Trop c'est trop, il n'allait pas attendre toute sa vie un homme qu'il connaissait à peine ! Cependant, quand la personne se planta devant son comptoir, pile à sa hauteur, il dut bien prendre la commande. Il releva le nez de son bouquin d'anatomie (toujours le même chapitre depuis une semaine, se fustigeait-il) et resta bouche bée.
- Bonjour John, salua Sherlock.
Sherlock, enfin revenu, se pointant comme une fleur (arrosée de pluie, la fleur, et qui dégueulassait son bar), qui lui souriait. Mais quel culot !
- Bonjour Sherlock, que désirez-vous ? s'enquit-il poliment.
- Te voir. Et un thé, nuage de lait, un sucre, s'il-te-plaît.
Alors ça, c'était trop fort ! Le laisser poireauter pendant une semaine et lui faire du rentre dedans. Ça lui aurait collé une tendinite de lui envoyer un message ?
Vexé comme un pou malgré son naturel gentil, John se retourna pour préparer la commande, sans répondre à Sherlock. Il imaginait le regard bleu perçant l'analyser, l'esprit brillant caché dans cette boîte crânienne disséquer tous ses mouvements, et se surpris à vouloir supprimer toute trace d'énervement. Il ne voulait pas que Sherlock se rende compte de son état, de sa déception. Il entrevoyait déjà l'humiliation qu'avaient dû subir toutes les autres personnes que le détective consultant avait analysées, exposées à un déballage public de leurs sentiments. Ça l'avait bien fait rire la semaine dernière, mais il ne se sentait pas vraiment d'humeur à subir lui-même les observations bien trop justes.
Il se retourna, tasse en main et la fit glisser sur le comptoir vers Sherlock. Il prit bien soin de le regarder franchement, son sourire avenant plaqué sur ses lèvres. Sherlock sembla le remarquer tout de suite, et John n'en était pas vraiment surpris, compte tenu de son incapacité à jouer l'hypocrite.
- Tu es énervé John, pourquoi ? questionna-t-il de but en blanc.
- Sans blague, Sherlock, tu ne peux pas deviner ? rétorqua-t-il vivement.
- Observer, anal-
- Oh la ferme, le coupa-t-il.
Sherlock se tut, vraisemblablement vexé de son impolitesse, la bouche pincée. John se rendait bien compte que son attitude n'était pas appropriée envers un client. Et même, il n'avait pas vraiment le droit d'en vouloir à Sherlock, qui ne lui avait somme toute rien promis, à part de retenir son numéro. Il était irrationnel, injuste, mais il était en colère et voilà, tant pis.
- Et puis merde, ne me regarde pas avec ses yeux-là Sherlock. Ne pose pas de questions dont tu connais les réponses.
- Je ne pose pas de question si j'en connais la réponse John, c'est illogique et une pure perte de temps, fit-il valoir.
- Et tu ne sais vraiment pas pourquoi je pourrais être en colère ?
- Pas vraiment, je suis revenu pour te voir, c'est ce que tu avais l'air de vouloir la dernière fois.
John en resta un instant muet de surprise. L'homme en face de lui semblait totalement perdu, raide devant son comptoir. Les grands yeux bleus le scrutaient méthodiquement, surement à la recherche d'un indice qu'il ne trouvait pas. Merde, John l'avait bien trouvé un peu original lors de leur première rencontre, excentrique oui, mais pas au point de ne rien connaître à la drague.
- Pour un type intelligent, tu peux être très bête, tu le sais ça ? lui lança-t-il, un peu plus détendu.
Sherlock se renfrogna d'autant plus que John c'était mis à lui sourire, un peu attendri, un peu pour se fiche de lui. C'était vraiment mignon, et John se sentait déjà flancher.
- Tu ne t'en souviens plus, avoue.
- Me souvenir de quoi ?
- Mon numéro.
Sherlock eut l'air encore plus outré, si c'était possible, tout en nez froncé et moue boudeuse.
- Bien sûr que je m'en souviens !
- Bien sûr, oui, approuva John, mais pourquoi ne pas l'avoir utilisé ?
- J'étais sur une enquête, mais je ne vois pas pou-oh !
- Oui, oh, acquiesça-t-il.
- Tu voulais que je t'appelle.
- Ca aurait été appréciable, concéda-t-il.
Sherlock eut le bon goût de vraiment paraître gêné, et la part la plus mesquine de John s'en réjouit un peu, avant de capituler. Ce mec était vraiment trop mignon pour son bien. Et il ne pensait pas qu'à son physique très avantageux, avec ses beaux cheveux bruns et ses grands yeux bleus en amande, mais aussi à sa personnalité qui semblait assez hors-norme pour bannir l'ennui de la vie de John. Et tant pis s'il n'avait pas tous les codes, au moins John aurait quelque chose à lui apprendre.
- Tu sais ce qui m'aurait fait plaisir ? questionna-t-il.
- Réussir ton année de médecine ?
- Entre autre, concéda John, mais je pensais plutôt...
- Un rendez-vous ! s'exclama Sherlock triomphalement.
C'était décidemment trop mignon, de voir cet homme, si grand, si élégant, le regarder avec la même trogne qu'un chien rapportant le bâton.
- Brillant, Sherlock ! répondit-il malicieusement.
Le détective considéra l'idée, et sembla pendant un instant dubitatif, si John pouvait se fier à ses propres talents d'observation. Enfin, ce n'était pas très dur à déduire, quand Sherlock tirait pareille tête.
- Et donc ? relança John.
- Et bien, je peux t'inviter au restaurant, un Italien, si ça compte comme un rendez-vous. Ça compte, n'est-ce pas ?
- C'est parfait. Je finis mon service dans trente minutes.
- Je sais !
Sherlock posa un billet sur le comptoir et récupéra sa tasse délaissée et partit s'installer dans la salle, sur le même fauteuil que la semaine précédente. John le regarda s'assoir, dans un dramatique tourbillon de manteau noir, et sourit. Vraiment, il ne risquait pas de s'ennuyer...
- Et tu pourras récupérer ton parapluie !
Je vous remercie pour votre lecture !
Bisous !