Le vent battait violemment son visage, mais Rey n'en avait cure. Elle avait plongé son regard noisette dans l'horizon timide et flou, si flou qu'il se confondait avec le ciel nuageux d'Ahch-to. Encore une fois, elle avait fui ses amis et la République, en quête de calme et de solitude, et ses pas l'avaient de nouveau conduite jusqu'à Ahch-to. C'était l'un des seuls endroits où elle se sentait vraiment apaisée, en sécurité, seule avec elle-même. Rien ne la perturbait, que ce soit le fracas ininterrompu des vagues contre la roche qui crevait l'océan ou les petits pépiements des Porgs.

Les gardiennes Lanai avaient la décence de ne pas la déranger alors qu'elle restait seule à méditer sur les flancs rocheux où à s'entraîner au sabre. Elle avait besoin de ces moments-là, depuis la fin de la guerre. Le temps continuait à passer, immuable, mais il n'apaisait en rien la blessure béante qui creusait encore son cœur.

Ce matin-là, elle travaillait sa maîtrise du sabre, faisant souplement tournoyer la lame jaune dans l'air. Elle gagnait en puissance et en maîtrise, jour après jour. Peut-être bien que Maître Skywalker était fier d'elle, s'il la voyait de là où il était.

Elle pensait encore beaucoup à Ben, sans doute bien plus qu'elle ne le devrait. Elle avait un mal fou à l'oublier, mais est-ce qu'elle le voulait, seulement ? Les mots de son maître revenaient souvent.

Oui, est-ce qu'elle voulait l'oublier ?

Penser à Ben était douloureux, c'était vrai. Il représentait tant une partie importante de leur succès que le plus grand de tous ses échecs. Parce qu'elle avait échoué à le sauver, alors qu'elle l'aurait sans doute fait, si elle en avait eu le pouvoir et le temps.

Ses yeux s'embuèrent immédiatement et son regard se flouta. Elle continua encore à manier sa lame, ignorant le plus possible ses pleurs, mais elle était si perturbée qu'elle donna un coup de sabre extrêmement violent dans une roche, à côté d'elle, ce qui le brisa en deux. La chute de la pierre, qui dévala la montagne, la sortit de son état de transe. Elle éteignit immédiatement son sabre, puis s'assit dans l'herbe en haletant. Rey n'avait pas perdu son calme de cette façon depuis bien longtemps…

Elle renifla, puis passa ses poignets contre ses yeux pour essuyer ses larmes.

Elle avait besoin de lui, mais il n'était plus là. Il lui manquait tellement…

« Rey. »

Elle releva immédiatement la tête, et son regard se posa sur le fantôme de Force qui venait d'apparaître en face d'elle.

C'était…C'était Ben. En personne.

Les traits de son visage étaient détendus, apaisés, et si doux qu'ils perturbèrent encore un peu plus Rey. Elle lâcha son sabre, qui émit un petit chuintement en rencontrant l'herbe verte. Ses mains tremblèrent face à lui, tandis qu'il lui souriait tendrement.

« B…Ben… »

Son sourire s'élargit un peu plus, puis il fit un pas vers elle. Puis, encore un autre, et un autre, et encore un autre jusqu'à lui faire complètement face. Alors qu'il s'avançait vers elle, Rey s'était relevée et restait immobile, droite, dans l'attente de ce qu'il ferait. Alors, il s'arrêta. Le vent était violent, sifflait dans ses oreilles, mais rien chez Ben n'était affolé par le chaos ambiant qui régnait. Même son épaisse chevelure brune, mi-longue, restait immobile.

La jeune fille n'arrivait pas à détacher ses prunelles du visage si apaisé de l'homme qu'elle aimait, mais qu'elle avait perdu. Son cœur lui faisait un peu moins mal, alors qu'elle ne l'avait vu que depuis un moment déjà si court. Mais rien que de sentir son regard aimant sur elle la réconfortait, la faisait sentir complète à nouveau.

« Tu…Tu me manques. » osa-t-elle murmurer sans le lâcher des yeux.

Elle le vit pouffer doucement, comme gentiment amusé de cette déclaration. Puis, sans prononcer un mot supplémentaire, il lui tendit la main, paume ouverte, nue, et tendue vers le ciel.

Rey se demanda si elle pouvait la saisir. Si c'était physiquement possible. Elle avait baissé les yeux vers sa main, mais releva le regard vers lui. Il la contemplait toujours avec la même douceur, le même amour. Dans ses yeux, elle se sentait vivante.

« Tu m'as dit un jour que tu aurais pris la main de Ben. »

Rey pouffa, tant avec un léger amusement qu'une tristesse mélancolique. Elle avait dit ça un jour, il avait raison. Oui, elle l'aurait prise, elle l'aurait saisie, elle aurait cessé de rejeter chacune de ses invitations.

Alors, ce fut elle qui fit un dernier pas, un pas qui la rapprochait encore un peu plus du jeune homme. Et, sans prononcer un mot, sans le lâcher du regard, elle tendit la main vers la sienne, et sentit la Force elle-même la saisir.

Elle sourit. Elle était comblée, et ferma les yeux, terrassée par un profond sentiment de béatitude qui l'envahit entièrement.

Lorsqu'elle les rouvrit, Ben avait disparu.

Elle porte une main à sa poitrine, sentant son cœur battre un peu plus fort. Et, tout doucement, elle esquissa un léger sourire sur ses lèvres fines. Ben ne la quitterait plus jamais, elle en avait la certitude.

Parce que la Force était avec eux.