Malgré la pénombre, Rose distinguait une charmante petite maison de ville. Elle était simple mais avait l'air bien entretenue enfin, de l'extérieur. Elles montèrent le petit escalier de bois pour accéder au palier de la porte. Annabelle s'avança alors et toqua sur la porte de bois. Le son résonnait dans le matériau qui devait être du chêne. Elles attendirent un moment dehors avant que celle-ci ne s'ouvrit. C'est une femme assez âgée que Rose découvrit. Celle-ci était en chemise de nuit, la femme avait de longs cheveux grisonnants ainsi que des traits marqués. Ses yeux, encore rougis par son sommeil interrompu, étaient enfoncés. Rose tourna alors la tête en direction d'Annabelle, celle-ci avait l'air terrifiée. En effet, Rose sentait que quelque chose n'allait pas. Elle ressentait un malaise de la part de la jeune fille, la vieille femme avait l'air sévère mais pas méchante. Rose décida au vue du malaise, de prendre la parole.

« - Bonsoir Madame, commença-t-elle en s'inclinant poliment.

- Bonsoir, dit-elle simplement.

- Je suis Rose, je veille à la sécurité des rues la nuit et, je vous ramène votre nièce. Elle a été attaquée par un voleur mais, elle va bien, raconta Rose sérieusement.

- Ah ! Je vous remercie ! Prenez ceci, fit-elle en lui tendant quelques pièces.

- Merci Madame, mais je ne puis accepter, répondit Rose, gênée. Vous devez en avoir plus besoin que moi, ajouta la jeune femme.

- Bon, très bien, concéda la vieille femme. En tous les cas, je vous remercie, je prierai pour vous, assura-t-elle. Allez viens Annabelle, tu vas attraper froid dehors ! Fit son interlocutrice en passant une main dans le dos de sa nièce.

- Bonne soirée, souhaita Rose.

- Oui, bonne soirée … s'empressa de prononcer la vieille femme avant de fermer la porte presque violemment. »

La jeune femme tourna alors les talons, elle était rassurée que sa première nuit de garde se soit déroulée sans grand incident. En la graciant, la Reine avait donné une seconde chance à Rose. Ce qui lui plaisait le plus c'était de regarder le ciel étoilé au fur et à mesure de sa ronde. Elles semblaient si lumineuses, si lointaines. A cette pensée, elle eut un profond soupir qui fit hausser ses épaules. Mais, un cri la fit sortir de ses rêveries. Elle eut à peine le temps de tourner la tête pour voir d'où provenait ce cri, qu'Annabelle était déjà sur le pas de la porte. La jeune fille avait été mise à la porte, à moitié découverte. Celle-ci était agenouillée sur le palier et sanglotait, choquée. Rose se précipita alors vers elle. Annabelle avait été frappée à plusieurs reprises. La jeune femme ôta son manteau pour la couvrir un peu. Un sentiment d'incompréhension traversait le visage de Rose, même si elle avait des doutes sur la sois disant tante de la jeune femme.

« - Annabelle, qui vous a fait cela ? Interrogea prestement Rose.

Mais, celle-ci ne répondait pas, évitant les yeux emplis de larmes, le regard de la jeune femme.

- Annabelle, regardez-moi, reprit-elle en soulevant le menton de la jeune fille en guise de réconfort.

- C'est … c'est … ma tante … réussit-elle à prononcer.

- C'est elle qui vous a fait ça ? Redemanda Rose en plissant le front.

- Oui, et mon oncle aussi … avoua Annabelle, honteuse.

- Ne vous inquiétez pas, venez avec moi, nous allons à l'Hôtel des Mousquetaires, affirma Rose en aidant la jeune fille à se relever.

- Non, je ne peux pas, paniqua son interlocutrice.

- On vous offrira un lit pour la nuit, avança la jeune femme. De plus, vous avez besoin que l'on nettoie vos blessures, compléta-t-elle.

- Bon, je vous suis, céda Annabelle qui avait fini par se calmer. »

Les deux femmes marchèrent une dizaine de minutes pour arriver à l'auberge. Rose se présenta alors aux gardes qui, la reconnurent tout de suite. Ils la firent alors passer, s'écartant au préalable. Rose et Annabelle se dirigèrent alors vers la chambre de Rose, elle décida pour y voir plus clair, d'allumer une bougie et, commanda à Annabelle de ne pas faire de bruit afin de ne pas réveiller les locataires des chambres. Elle la fit assoir sur le lit et, nettoya les blessures d'Annabelle avec un linge propre ce que la jeune fille apprécia.

« - Je vous laisse mon lit pour la nuit, fit-elle.

- Merci mais, où allez-vous dormir ? S'enquit Annabelle.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je m'arrangerai, dit-elle. Je vous souhaite une bonne nuit, conclut Rose.

- Pareillement, répondit Annabelle, encore déboussolée par les évènements. »

Rose quitta la jeune fille. Mais, une question vint à se poser : Où aller-t-elle dormir ? Elle eut alors une idée, elle toqua doucement à la porte d'Aramis. Celui-ci ouvrit alors la porte et découvrit Rose, une bougie à la main, épuisée par la veillée qu'elle venait de faire.

« - Rose, que faites-vous ici, vous ne devriez pas patrouiller à cette heure-ci ? Interrogea-t-il.

- C'est une longue histoire, précisa-t-elle avant de soupirer.

- Venez, entrez, racontez-moi, invita-t-il avant de refermer la porte derrière Rose.

- J'ai emmené ici une jeune fille, son nom est Annabelle, elle s'est faite agressée par un voleur dans une ruelle non loin d'ici. Je l'ai donc ramené chez elle, mais, il s'est avéré que, sa tante ainsi que son oncle la maltraite, dit-elle d'un trait. Je l'ai donc invité à passer la nuit ici, compléta-t-elle. Sauf, qu'il s'avère que j'ai dû lui céder mon lit et que, je n'ai pas de lit où dormir, ajouta Rose avant de sourire de toutes ses dents afin que sa demande soit acceptée plus facilement.

- Je peux vous laisser mon lit, proposa-t-il, tel un homme galant.

- Non, non, je peux dormir par terre, refusa la jeune femme, qui commençait à s'endormir sur place.

- Vous êtes exténuée, j'imagine que cela ne doit pas être facile, de ne pas dormir une partie de la nuit, prononça Aramis.

- Non, non je ne suis pas fatiguée, fit-elle en ouvrant les yeux.

- Vous dormirez dans mon lit, annonça le coureur de jupons.

- Nous pouvons dormir tous les deux dans le lit, ce serait mieux pour vous et pour moi. Mais, n'y voyez aucune invitation de quelque nature que ce soit de ma part. Je veux juste ne pas vous laisser dormir à même le sol, dit-elle d'une traite, gênée de la situation.

- Bon très bien, lâcha -t-il. »

Aramis se remit donc à sa place, il s'allongea à côté de la jeune femme qui, avait enlever ses bottes. Rose défit alors ses cheveux attachés négligemment en un chignon rapide. Aramis l'observait discrètement, il scrutait la chevelure châtain de Rose qui lui arrivait jusqu'aux reins. La jeune femme porta alors ses mains sous sa nuque afin de jeter ses cheveux derrière ses épaules. Puis, celle-ci posa sa tête sur l'oreiller. Le confort et la chaleur d'un lit était appréciable après une nuit comme celle-ci. En effet ces temps-ci, les températures avaient gravement chutées dans la capitale. Malgré plusieurs efforts, la jeune femme n'arrivait pas à dormir. Elle était troublée par l'homme qui était en ce moment même à ses côtés. C'est vrai qu'il était bel homme, courtois mais coureur de jupons. La jeune femme avait eu affaire à ce genre de libertin dans la maison close où elle avait travaillé. Seulement, ils n'étaient pas aussi courtois qu'Aramis, ils la traitaient parfois de catin, d'autres fois de putain et même de chienne. Elle n'aimait pas se remémorer cette partie de sa vie, son corps le faisait pour elle. Rose n'arrivait pas à trouver le sommeil, elle fermait les yeux, les ouvrait, tournait, se retournait. Aramis lui ne bougeait pas, mais, il pouvait sentir la jeune femme bouger à côté de lui. Il décida alors de lui adresser la parole afin de l'aider à s'endormir.

« - Vous n'arrivez pas à dormir à ce que je vois, commenta-t-il.

- Non, je n'y arrive pas, répondit Rose.

- Je voulais vous posez une question, commença Aramis.

- Et bien, je vous écoute, je ne suis pas prête de dormir de si tôt, fit-elle.

- Vous aviez dit être une ancienne catin, dit-il. Mais, vous ne m'avez pas raconté comment vous vous êtes échappée de votre maison close, entreprit-il de demander à l'intéressée.

- Et bien, c'est une longue histoire, prononça Rose. Je savais que mon patron avait une attirance pour moi, je l'ai alors poussé à m'embrasser et, j'en ai profité pour lui planter ma pique à chignon dans sa jugulaire, il est mort sur le coup, conta froidement la jeune femme.

- Vous êtes courageuse, Rose, la complimenta-t-il.

- Je me devais de l'être, cet homme me battait si je ne faisais pas assez de profit, répliqua-t-elle.

- Oui, je vois, fit-il, désolé de remuer ces sentiments douloureux en elle.

- J'ai hérité du caractère de ma mère. Elle était forte et ne se soumettait à personne, c'est pour cela que mon père l'a choisi, se souvint la jeune femme avant de bailler.

- Je dois vous avouer une chose, commença-t-il.

- Je vous écoutes, dit-elle en se demandant qu'est-ce qu'il allait bien dire.

- Tout à l'heure lorsque vous vous changiez, je me suis retourné un instant et, j'ai vu ce que cet homme vous a fait, avoua Aramis. C'est inacceptable, ajouta le mousquetaire.

- Vous savez, j'y étais habituée, répondit Rose sans détour.

- Je comprend mieux maintenant pourquoi vous prenez à cœur la protection des femmes dans les rues ainsi que chez elles, constata Aramis.

- Mes blessures ont guéri avec le temps, mais pas mon indignement lorsque je vois une femme se faire agresser en pleine rue et que personne ne bouge, démontra Rose avant de bailler à nouveau.

- Oui, nous, nous ne pouvons rien y faire, nous devons protéger le Roi ainsi que sa cour en priorité, dit-il.

- Le Roi ne se soucie guère des petites gens, prononça la jeune femme.

- Un jour, il changera, espéra-t-il.

- Espérons-le. Je vous ai raconté mon histoire, dites-moi la votre à présent, fit-elle comme si c'était un jeu.

- Et bien, je viens de la campagne parisienne, ma mère était boulangère, je n'ai pas connu mon père, relata le mousquetaire.

- Je suis désolé, rétorqua Rose.

- Ce n'est rien, rassura-t-il. Où vous a-t-on appris à vous battre ? Questionna Aramis.

- J'ai appris seule, durant mon temps libre. D'ailleurs, je préférais me battre contre des ennemis imaginaires que d'apprendre mes leçons ! Se remémora la jeune femme.

A cet aveu, l'homme eu un léger rire que Rose ne pouvait pas voir mais entendre.

- Je n'étais pas très appliqué non plus, dit-il. Je préférais aller séduire des jeunes filles que de me consacrer à apprendre mes prières, avoua Aramis.

- Alors, vous croyez en ce qu'il y a là-haut, intéressant, commença-t-elle.

- Oui, bien sûr, mais, j'ai une conception bien différente de la religion classique, expliqua-t-il.

- C'est-à-dire ? Demanda Rose, intéressée par ce qu'il allait dire.

- Je pense que Dieu ne nous abandonnera jamais, et que, les péchés n'existent pas, affirma l'homme.

- C'est une conception comme une autre, fit-elle.

- Si je puis vous demander, vous n'êtes pas chrétienne, c'est ça ? Sortit le mousquetaire, en ayant peur de froisser la jeune femme. Vous avez dit que le Roi voulait brûler les hérétiques à Cordes, vous en faisiez partie, n'est-ce pas ? Interrogea Aramis à voix basse.

- Je ne préfère pas m'exprimer sur ce sujet, contra-t-elle avec énervement.

- Rose, vous êtes en sécurité ici, vous pouvez vous exprimer sans détour, que ce soit sur votre présent ou passé, rassura le mousquetaire.

- Ne le dites à personne, sinon, je serai envoyée sur le bûcher ou décapitée, répondit Rose.

- Je vous le promet, prononça-t-il toujours à voix basse.

- Bien, ma mère était française, donc chrétienne mais, mon père lui était Juif. Ses parents et ses grands-parents ont subi l'exil toute leurs vies. Depuis toujours, les grands de ce monde veulent volés ce qui appartient aux Juifs. Lorsque j'étais petite, mon père m'a conté les longs voyages que son père avait entrepris. Ils fuyaient les Templiers, qui les brûlaient sous prétexte qu'ils ne croyaient pas en le même dieu. Mais, que ce soit Jésus ou Abraham, ce n'est que le nom qui change, c'est tout, raconta la jeune femme comme un conte qu'on raconter à un enfant afin qu'il s'endorme plus vite.

- Je suis navré d'avoir remuer ces souvenirs douloureux en vous, se désola Aramis.

- Ce n'est rien, c'était il y a longtemps, assura-t-elle. Maintenant, on nous laisse vivre à peu près paisiblement, ajouta Rose.

- Justement, des violences ont commencé il y a quelques jours seulement en pleine rue contre des Juifs qui voulaient trouvés asile à Paris, annonça-t-il.

- Vous voyez, nous ne sommes jamais tranquille, déplora la jeune femme.

- C'est bien cela le problème, dit-il, ne sachant plus quoi dire.

- Mes ancêtres venaient de ce qu'on l'on appelait autrefois la Judée, c'était un empire fort et prospère, jusqu'au jour où les Romains sont venus construire leur nouvel empire sur nos terres sacrées, relata la jeune femme.

- Oui, je vois, se contenta Aramis.

- Savez-vous que Jésus ainsi qu'Abraham sont nés sur la même terre ? Fit-elle savoir à son interlocuteur.

- Oui mais, peut de personne le savent ou en ont conscience, dit-il.

Il attendait sa réponse mais, la jeune femme avait sombré dans un profond sommeil, le laissant ainsi, dans une conversation inachevée. »

Au petit jour, elle se réveilla, les membres engourdis dû à sa position de sommeil inconfortable. La jeune femme voulut se lever mais, le bras d'Aramis qui dormait encore était enroulé autour de la taille de celle-ci. Il avait dû dans la nuit, passer son bras autour d'elle par inadvertance. Par peur de le réveiller, elle resta dans le lit qui était peut-être fort confortable pour une personne mais pas pour deux. En effet, celui-ci était trop petit et le matelas était trop mince. De plus, les oreillers étaient trop bas, n'améliorant pas la chose. Rose tourna la tête vers l'homme, il dormait profondément. Elle le trouvait attachant, bien qu'elle le connaissait peu. En tout cas, c'était lui qui lui avait laissé son lit, c'est lui qui avait pansé ses blessures et l'avait aidé. Rose le trouvait charmant bien que des fois, un peu trop pompeux avec ses milles politesses et ses mots que trop bien choisis selon elle. Elle le détailla et, son regard s'attarda sur une croix qu'il portait en pendentif. Le bijou était serti de pierres précieuses et finement travaillé. Rose porta sa main à son cou, comme pour se rappeler de la présence du cadeau que son père lui avait fait. Il lui avait fabriqué le signe de vie en hébreu, une partie des origines de la jeune femme. L'autre moitié du pendentif représentait une croix catholique, cette croix représentait alors sa mère qui elle, était catholique. Ce bijou, cette partie d'elle lui avait été enlevé lorsqu'elle avait été capturée par les marchands d'humains qu'elle avait croisé sur la route de la capitale.

Elle se leva donc, et entreprit de mettre ses chaussures le plus silencieusement possible. La jeune femme regardait de temps à autres Aramis dans sa manœuvre, de peur qu'il ne se réveille. Rose, voyant qu'il ne s'était pas encore réveillé, se leva du lit et pressa la poignée de la porte qui émit un énorme grincement. La jeune femme pesta alors un moment à voix basse, elle ne voulait pas réveiller l'homme avec qui elle commençait à tisser une amitié. Rose sortit alors de la pièce et se dirigea vers la chambre d'Annabelle.

La jeune fille était encore chamboulée par les évènements de la veille. En effet, elle avait faillit être agressée par un voleur et en plus de ça, sa tante qui la maltraitait l'avait mise dehors. Rose s'inquiétait pour cette jeune fille. Elle n'était pas bien épaisse, et semblait inhumaine quant à la pâleur de sa peau. Ses yeux quant à eux étaient noirs et sombres, ce qui contrastait avec la couleur de sa peau. Rose s'était prise d'affection pour elle, c'était la première femme qu'elle aidait. La première fois qu'elle se sentait utile et, elle appréciait ce sentiment. Ce sentiment de satisfaction de soi, d'aider l'autre. C'est avec cette humeur que la jeune femme se dirigeait vers la chambre d'Annabelle afin de vérifier si elle allait bien et si les évènements de la veille ne l'avaient pas trop perturbés.

Elle arriva donc devant la porte de la chambre d'Annabelle qui se trouvait être la sienne. Rose toqua deux fois, mais, elle n'entendait aucuns bruits, la jeune fille avait fermé la porte de sa chambre à clefs. La jeune femme retoqua alors plus fort et plus longtemps. Mais, toujours aucune réponse de la part d'Annabelle. Sans faire attention aux autres personnes, encore assoupies de l'étage, elle enfonça la porte par un puissant coup de pied. C'est là qu'elle découvrit la jeune fille, à demis-consciente, assise sur l'unique chaise de la chambre. Elle se précipita en sa direction et, constata avec effroi le geste qu'Annabelle avait fait. Elle s'était ouvert les veines, à cette vision, Rose courut chercher le seul homme qu'elle connaissait qui pourrait l'aider : Aramis.

Elle entra avec fracas dans la chambre du dormeur, et le réveilla en le secouant fortement. Interloqué, il ouvrit les yeux rapidement.

« - Il faut faire vite, Annabelle, la fille à qui j'ai laissé mon lit hier, s'est ouvert les veines, lâcha-t-elle précipitamment. »

Ni une, ni deux, il se leva, prit quelques linges propres et courut vers la jeune fille. Il lui parlait avec douceur, essayait de faire en sorte qu'elle reprenne conscience vite. L'homme compressa fortement la blessure afin de stopper l'écoulement de sang. Rose quant à elle continuait à parler à Annabelle.

« - Annabelle, vous m'entendez ? Demanda Rose en posant une main sur le front de la jeune fille qui commençait à émerger de son inconscience.

- Rose, arriva-t-elle à peine à prononcer avant de froncer les sourcils de douleur. Je suis désolé, fit-elle. Je n'aurais pas dû … admit Annabelle, prête à retomber dans son sommeil léthargique.

- Ne vous excusez pas, il n'y a rien à pardonner, rassura Rosa en la détaillant. Reposez-vous, nous parlerons plus tard, lui conseilla-t-elle avec bienveillance. »

Aramis quant à lui s'afférait toujours auprès de la jeune Annabelle. Il avait été étonné de la bienveillance de la jeune femme envers la blessée. Il ne connaissait pas beaucoup Rose mais ce qu'il avait vu d'elle à présent lui plaisait. Mais, le temps n'était pas à la rêverie, il fallait panser les coupures qu'Annabelle s'était infligée.

« - Elle a perdu beaucoup de sang, fit Aramis, inquiet en regardant la jeune fille.

- Je sais qu'elle survivra, elle peut le faire, insista la jeune femme.

- Je fais tout ce qui est en mon possible, renseigna-t-il. Il faut la laisser se reposer, conseilla-t-il en serrant fortement le bandage.

- Bien, mais nous n'allons pas la laisser sur cette chaise, menons-la au moins au lit, répondit la jeune femme un peu désemparée.

- Non, il ne faut surtout pas la bouger, l'hémorragie repartirait de plus belle, prononça Aramis en se relevant. Ecoutez, je sais qu'elle est sous votre responsabilité mais, elle doit se reposer, reprit-il en forçant Rose à se lever.

- Bien, je repasserai plus tard, quand elle ira mieux, regretta la jeune femme. »

Les deux individus sortirent alors de la chambre et rencontrèrent les autres Mousquetaires, incompréhensifs de la situation.

« - Pourrions-nous savoir ce qu'il se passe ? Interrogea Athos.

- Pourquoi avoir fait tout ce vacarme ? Demanda Portos avant de bailler.

- Hier soir, je surveillais le quartier comme on me l'avait demandé quand, j'ai découvert une jeune fille qui était sur le point de se faire agresser, commença Rose. La suite c'est que je l'ai alors raccompagné chez elle. Mais il se trouve que sa tante ainsi que son oncle la maltraitaient. Je l'ai alors invité à passer la nuit ici le temps de lui trouver un autre logement, expliqua la jeune femme, redoutant la réaction des Mousquetaires mais surtout d'Athos. En effet, de tous les Mousquetaires, c'était celui qui savait le moins plaisanter.

- La suite, c'est que … dit Aramis.

- Ah ! Parce qu'il y a une suite ! S'étonna d'Artagnan.

- Oui, reprit-il. Elle était tellement apeurée et déprimée, que la jeune fille en question a tenté de se suicider. Mais, elle va bien maintenant, enfin je crois, dit-il.

- Vous voyez, vous vous seriez contentés de dire que vous aviez accueilli une jeune fille, ça m'aurait suffit mais là … commença Athos, gêné par la situation.

- Elle n'avait nulle part où aller, je n'allais pas la laisser dans la rue pour qu'elle se fasse une nouvelle fois agresser ! Justifia Rose.

- Je comprends, vous avez bien fait de l'emmener ici. Vous avez obéi aux ordres, et c'est ce que l'on attend de vous ici, répondit le mousquetaire en faisant preuve de sa droiture légendaire.

- Elle sera bientôt guérie, fit la jeune femme. Je l'aiderai à retrouver un foyer, exposa Rose.

- Bien, je vois que la reine ne s'est pas trompée à votre sujet, elle a choisi la bonne personne, rassura Athos devant les autres mousquetaires. Aramis, le roi a besoin de nous, c'est urgent, conclut-il.

- J'arrive, répondit l'homme. Rose, dès qu'elle se réveille, changez ses bandages et faites - la boire, recommanda le coureur de jupons.

- Bien, je le ferais, assura-t-elle. »

Ils échangèrent un bref regard avant qu'Aramis ne parte au Louvre, dans les appartements du Roi. Rose devait resté ici, malgré qu'elle avait envie d'accompagner l'homme. Elle vit Constance monter les escaliers, elle soupira alors au vue de la quantité de linge qui lui fallait laver.

« - Ces mousquetaires ne savent donc-t-ils pas défaire des draps ? Maugréa la jeune femme vêtue d'une bien belle toilette.

- Vous savez, ce sont des hommes rien de plus, plaisanta Rose qui avait entendu la femme pester.

- Ils croient que je n'ai que ça à faire de la journée … râla-t-elle de plus belle.

- En s'y mettant à deux, nous pouvons y arriver, remarqua la jeune femme en désignant les lits de son regard vert.

- Bien, merci beaucoup Rose. Mais, vous devez vous reposez, votre nuit n'a pas dû être de tout repos, s'enquit Madame Bonacieux en commençant à défaire les draps d'un des lits qui se trouvait être la chambre de D'Artagnan.

- Non, en effet, elle le sera encore ce soir, assura-t-elle.

- On ne vous accorde donc aucun repos ? S'étonna la femme.

- Non, j'ai été gracié et cela est bien assez pour le Roi et la Reine, se rappela-t-elle. Mais, cela ne me déplait en aucun cas, je me sens utile, se justifia-t-elle.

- Et bien si cette vie vous plait, fit l'autre.

- Pour l'instant oui. Dites, j'ai une question à vous poser, se risqua Rose.

- Oui, faites, dit Constance.

- J'ai entendu dire qu'il y avait un quartier juif à Paris et que des femmes juives disparaissaient pendant la nuit, sauriez-vous où se trouve-t-il ? Demanda la jeune femme, bien décidée à vouloir protéger les siens, surtout qu'ils partageaient les mêmes origines qu'elle.

- Oui, j'ai entendu des rumeurs à ce sujet mais je n'en sais pas plus, jura son interlocutrice en continuant de défaire le lit. Je sais où se trouve ce quartier mais, celui-ci n'est pas du tout sûr pour une femme seule, ajouta-t-elle.

- Justement, ce sont ces quartiers là que je dois surveiller et non pas ceux autour du palais, fit remarquer Rose.

- Comme il vous plaira, il se trouve non loin du faubourg Saint-Antoine, informa Constance.

- Bien, je vous remercie, se contenta Rose avant de l'aider à défaire tous les lits de l'étage mis à part sa chambre où Annabelle se reposait. »

Leur tâche étant finie, la veilleuse de nuit décida d'aller voir comment aller Annabelle. Elle ouvrit délicatement la porte et vit que la jeune fille était réveillée. Celle-ci ne disait mot et ne voulait pas justifier son acte de peur qu'on ne la prenne pour folle. Elle fixait morosement le sol de la chambre encore tâché de sang par son acte désespéré. Rose prit la parole pour la sortir de son immobilité.

« - Annabelle, vous êtes réveillée, fit-elle remarqué.

- Oui, je suis désolé, commença la jeune fille, les larmes aux yeux.

- Vous n'avez pas à être désolé de quoi que soit, rassura-t-elle. Personne n'est là pour vous juger ou vous disputer, continua Rose en s'agenouillant à ses côtés.

- Je n'ai plus nulle part où aller, je pensais que c'était la bonne solution … fit-elle la voix tremblante.

- Cela ne sert à rien. Annabelle, vous êtes une jeune fille formidable, vous ne méritez pas cela, dit-elle. Vous n'avez peut-être plus rien mais, il vous reste une chose qu'on ne pourra pas vous enlever, prononça Rose.

- Quoi ? Demanda -t-elle faiblement.

- Votre force, votre courage, encouragea son interlocutrice. Je vais vous aider à retrouver un nouveau foyer et un travail, jura-t-elle en commençant à défaire les bandages de ses poignets qu'elle avait maltraités.

- Bien, se contenta-t-elle.

- Et je vais le faire maintenant ! Dit Rose en finissant de nettoyer les blessure d'Annabelle. Après lui avoir tendu un verre d'eau. »

La jeune femme sortit alors de sa chambre, laissant Annabelle se reposer. Elle descendit les escaliers en trombe et se dirigea vers l'auberge la plus proche. La jeune femme rentra alors à ce qui semblait une auberge mais en vérité, c'était tout autre. En effet, ce lieu était un lieu de débauche et de jeux malsains, elle avait travaillé longtemps dans les bordels, elle savait en reconnaître un en se penchant sur quelques détails. D'abord, on n'entendait pas beaucoup les hommes rire ou parler en haussant le ton comme dans toutes les auberges de la ville. Ils étaient là, une chope de bière à la main, attendant leurs tours avec impatience. Ensuite, il n'y avait pas de serveuses mais que des hommes pour apporter la bière, signe que l'on venait dans ce lieu pour éprouver d'autres plaisirs que celui de savourer une bière ou du vin. Rose regarda alors autour d'elle et décida tout simplement de s'en aller.

Elle fit quelques mètres et en trouva une autre qui avait l'air plus décente pour faire travailler une jeune fille. Elle poussa la porte et, le lieu lui fit meilleure impression que le précédent. Celui-ci était moins riches en décoration mais ressemblait plus à une auberge qu'au bordel caché. La jeune femme vint alors jusqu'au comptoir, elle soupira avant de s'adresser à ce lui qui semblait être le patron.

« - Bonjour Monsieur, fit-elle, un peu stressée.

- Si c'est pour vendre tes services, je ne suis pas intéressé, mon établissement a une réputation à tenir ! Expliqua le propriétaire qui en avait marre a affaire à des femmes cherchant à vendre leurs services aux clients.

- Je ne suis pas venue pour cela, fit-elle comprendre en regardant brièvement le bois du comptoir.

- Et bien pourquoi ? Questionna-t-il sans lui accorder même un regard, trop occupé la monnaie d'un des clients assis à côté d'elle.

- Est-ce que vous cherchez une personne pour vous aider pas tout hasard ? Interrogea Rose en relevant le regard.

- Depuis que ma femme est tombée malade, je n'arrive plus à servir mes clients seul … commença l'aubergiste, ses yeux se transformant sous l'effet de la tristesse qu'il ressentait face à l'évocation de la maladie de sa femme.

- Je suis désolé, s'excusa-t-elle en baissant les yeux en signe de pardon.

- Vous auriez une personne à me conseiller pour m'aider ? Demanda l'homme.

- Oui, je connais une amie, une jeune fille qui cherche un travail, lâcha-t-elle.

- Bien, amenez-la moi alors, je la prendrai à l'essai et si elle fait l'affaire, elle restera à mon service, prononça le patron. Je peux même lui louer une chambre à un tarif préférentiel, ajouta-il.

- Bien, je vous remercie, elle sera présente dès demain matin pour aider du mieux qu'elle le pourra, assura Rose avant de tourner les talons.

- Attendez ! A vous y méprendre, vous ressemblez à cette femme que j'ai vu et qui a été gracié par la Reine, expliqua-t-elle.

- Vous ne vous méprenez pas car c'est moi, répondit Rose simplement. Mon amie viendra demain matin, ajouta-elle avant de sortir. »

Elle l'avait fait, elle avait accompli sa première mission et elle en était fière. Elle avait trouvé du travail à Annabelle et lui avait ouvert un nouvel avenir. Mais, elle gardait toujours en tête ces disparitions inquiétantes dans le quartier juif de Paris. En effet, la jeune femme ne savait pas où était emmené les corps. Peut-être étaient-ils jetés dans la Seine ? Ou alors brûlés ? Elle ne le savait pas mais allait pas tarder à le savoir car c'Est-ce quartier là qu'elle avait choisi de surveiller ce soir. C'est les yeux encore fatigués de sa nuit passée qu'elle fit irruption dans sa chambre où la jeune fille se trouvait encore. Celle-ci tourna la tête et quand elle vit Rose, elle essaya tant bien que mal de se lever, ce qu'Annabelle réussit à faire.

« - J'ai une bonne nouvelle, je vous ai trouvé un emploi ainsi qu'un logis, lui annonça Rose.

- Je ne sais comment vous remercier, fit-elle en sentant monter quelques larmes de joie à ses yeux.

- Ce n'est rien, c'est mon devoir, assura Rose. Le patron vous attend demain matin à la première heure, détailla-t-elle. Il vous offrira une chambre à un prix honnête et vous serez en sécurité, finit la jeune femme.

- Merci, merci ! S'empressa la jeune fille avant d'offrir une accolade à Rose, ce qui surprit la jeune femme.

- Assez perdu de temps en remerciements, reposez-vous encore cet après-midi et ce soir, vous devez être en forme pour commencer à travailler, conseilla Rose.

- Très bien, mais où allez-vous dormir encore une fois ? S'enquit Annabelle visiblement gênée encore une fois.

- Je m'arrangerai comme la première fois, ne vous inquiétez pas pour mon confort, rassura la jeune femme.

- Merci, du fond du cœur, répéta Annabelle ce à quoi Rose répondit par un large sourire avant de fermer la porte. »

Sur son chemin, elle croisa Constance, toujours en train de récolter le linge manquant. Rose voyait que la jeune femme n'appréciait guère sa vie de femme mariée et rêvait d'aventure, de danger. La sécurité du mariage commençait à peser de plus en plus lourd sur ses épaules. Certes, son mari n'était pas déplaisant mais celui-ci était un tant soit peu ennuyeux. Rose quant à elle ne songeait pas une seule seconde à se marier ni même à fréquenter des hommes. Elle avait été gracié par la Reine, elle n'avait pas le temps d'avoir une autre personne que son devoir dans sa vie. La jeune femme décida de reparler à Constance.

« - Constance, interpella-t-elle.

- Rose, répondit la jeune femme avec un sourire.

- Annabelle restera jusqu'à demain, je lui ai trouvé un travail, partagea Rose.

- Quelle chance elle a eu de croiser votre chemin ! Lâcha-t-elle expressément.

- Merci mais je ne fais que ce pourquoi l'on m'a gracié, justifia la jeune femme.

- On croirait entendre parler un des mousquetaires ! Surprit Constance avec une pointe d'admiration dans la voix. Vous pourriez en devenir un si vous étiez un homme, assura la Bonacieux.

- Je ne crois pas que cela soit fait pour moi, répondit Rose avant d'afficher un sourire timide.

- Je m'excuse mais j'ai a faire, fit Constance.

- Bien, je ne vous retiens pas plus longtemps alors, je vais à l'armurerie, informa-t-elle.

- Bien, à plus tard, prononça la Bonacieux.

- A plus tard Constance, dit Rose en emboitant le pas vers l'armurerie. »

Elle entra alors dans la pièce où on entreposait les différentes armes. Elle les regardaient avec attention, des mousquets, des épées ou encore des dagues. Et rêver du jour où elle pourrait se joindre aux Mousquetaires, chose à laquelle Constance lui avait fait pensé. La jeune femme restait émerveillée par tous ces moyens de défense aussi variés que dangereux. Elle s'attardait sur chaque type d'arme, la détaillant, l'examinant, pensant qu'elles étaient utilisées tous les jours pour tuer ou blesser ce qui lui fit ressentir un frisson dans le dos. Elle fût tirée de sa rêverie par des bruits de sabots sur les pavés de la cour de l'hôtel. Rose sortit alors de la pièce pour trouver les Mousquetaires à cheval, ayant fini leur travail. Et elle s'aperçue que c'était l'heure pour elle de s'armer pour commencer sa ronde.

« - Rose ! S'étonna Aramis en la voyant.

- Je dois m'en aller, j'ai à faire ce soir, indiqua-t-elle au mousquetaires.

- Bien, que votre nuit soit plus tranquille que la précédente, lui souhaita Athos.

- Oui, merci, prononça Rose.

- Où allez-vous cette fois-ci ? Demanda D'Artagnan.

- Je vais non loin du faubourg Saint Antoine, dans le quartier juif pour être précise, on m'a rapporté d'étranges disparitions nocturnes, fit-elle savoir.

- Vous ne devriez pas y aller seule, émit Portos en fronçant les sourcils. J'ai entendu d'étranges histoires sur ce quartier, on dit que la maladie aurait contraint les habitants à rester chez eux pour y mourir, raconta le mousquetaire.

- Il a raison, c'est plus prudent de … commença Aramis en descendant de son cheval.

- Je peux très bien y aller seule ! Pesta la jeune femme. Je n'ai pas besoin de votre accord pour y aller, dit-elle, agacée.

- Madame, je veux juste vous … reprit-il.

- Ne m'appelez pas Madame, je ne suis pas une dame ! Continua-t-elle à s'emporter.

- Très bien, faites comme vous le désirez, fit Aramis, résigné face au caractère de Rose. »