LES OEUFS

4


Le temps passa ; minutes allongées en heures, heures s'allongeant sur l'aurore qui, elle-même, allongeait ses rayons rose-orangés sur la ville entière. Le temps passa, il passa seulement ; sans que l'effet de ce transfert ne passe, ni ne s'efface.

S'effacer.

C'était l'une des craintes de Chloé depuis une heure déjà ; que Lucifer finisse par « s'effacer », faute de pouvoir récupérer ce qui était sien. Amenadiel présumait qu'une partie de cette lumière divine, infime et indispensable, demeurait en lui, qu'elle le maintenait en vie. Mais il n'avait toujours pas bougé, pas parlé, il ne s'était toujours pas délivré de cet aspect « pierreux » qui avait tout l'air d'aller en s'aggravant. De cela, Amenadiel l'avait également rassurée.

Mais elle le sentait.

Elle avait ressenti bon nombre de choses depuis cette discussion avec l'ange ; certaines qu'elle continuait à mettre sur le compte de son imagination - ou du choc, pourquoi pas ? - comme cette fois-là où une sphère de la taille d'une balle de baseball s'était formée dans le creux de sa main. Cela avait disparu l'instant d'après, quand Amenadiel l'avait hélé de la chambre.

Et puis il y avait cette chose bien à part.

Elle ne pouvait pas l'apparenter à autre chose que la vérité, celle qu'Amenadiel avait repoussé à force de tentatives plus ou moins ridicules pour ramener Lucifer à ce qu'il était, à force de paroles rassurantes qui ne remplissaient plus cette fonction ; ni pour elle, ni pour lui. Elles ne remplissaient que le vide, le silence mortifié de chacun.

Elle ressentait cette vérité au plus profond d'elle-même ; plus qu'un instinct, que celui qui l'avait toujours guidé dans son travail, dans ses relations - plus qu'un sixième sens, c'était le septième. Le septième sens, donné aux anges, oublié des Hommes ; ou retiré des cinq ou six autres acquis, qui pouvait le dire ? Amenadiel avait prétendu ressentir davantage de choses qu'elle sur les docks, elle ressentait plus également, avec cette lumière qui ne lui appartenait pas, ce sens de la vérité qu'elle aurait presque pu définir comme... absolue.

Le Porteur de Lumière, de « Vérité » ; Lucifer Morningstar.

Chloé sentait la vérité, elle sentait que - plus que d'en être le porteur - il en était le gardien. L'un et l'autre se complétaient, se détruisaient, pansaient les blessures de l'autre. La Lumière de Lucifer avait pansé ses blessures, tenues à l'écart les hordes avides de l'Enfer des semaines et des semaines durant jusqu'à ce qu'il puisse tenir à nouveau sur ses jambes, qu'il puisse être suffisamment fort pour eux deux, pour qu'elle puisse s'en remettre à lui ; le temps qu'il prenne soin des siennes à son tour.

Comment Chloé savait cela ?

Elle le voyait, le ressentait. C'était comme une porte ouverte dans son esprit sur des souvenirs, des meurtrissures qui n'étaient pas les siennes, que Lucifer lui avait légué. Alors elle savait ; elle savait que rien n'y ferait, que rien de ce que pouvait dire Amenadiel ne le ramènerait auprès d'elle. Ces lampes encadrant le lit, ces couvertures chauffantes qui formaient un massif bombé sur lui à un point tel qu'elle ne pouvait plus qu'apercevoir le haut de son crâne de l'entrée de la chambre ; tout ceci était vain. Il avait besoin de plus, il avait besoin d'elle ; de sa Lumière, sa vérité - son « véritable » lui.

Elle avait essayé de la lui redonner, bon nombre de fois en bon nombre d'heures. Sa tenue pouvait en témoigner, ses cheveux humides qui s'immisçaient sous le col de sa chemise - une de Lucifer - trop grande pour elle, qui effleuraient le haut de ses seins pouvaient aussi. Elle était restée longtemps assise à ses côtés, à le toucher, passer sa main de lumières et d'or sur son bras, son torse, sa main... partout.

— Restez avec moi, d'accord ? avait-elle murmuré contre sa peau grise où sinuait une multitude torrentielle, où dansait les reflets de cette Lumière qu'il ne se décidait pas à récupérer.

Elle avait été au plus près de lui, était restée aussi longtemps qu'il était possible, l'avait touché encore et encore... et encore. Mais la Lumière demeurait là où elle n'avait pas sa place, elle dansait sur sa peau, naviguait sous celle de l'inspectrice ; sans jamais traverser l'un pour rejoindre l'autre. Cette dernière en était venue à craindre l'aspect « irréversible » de la chose, à craindre cet effacement. C'est ainsi qu'Amenadiel en était venu à partir en quête de réponses, d'une solution, un remède peut-être ? Les mots réconfortants, l'assurance d'un prompt rétablissement pour Lucifer s'étaient taris, avaient brûlé sous cette Lumière véridique dont elle ne pouvait se détacher.

Chloé en était à rester seule au penthouse, à veiller sur Lucifer, le Diable tourné Pierre, tourné au néant. Tout cela pour une partie de lui qui se retournait contre son digne gardien... Cela lui rappelait le mythe grec de Méduse, vague souvenir de ses années d'études, d'un intérêt éphémère pour les contes et légendes du monde entier. Cette sorcière était devenue pierre, son pouvoir - sa malédiction, plutôt - retournée contre elle par rien de plus commun qu'un bouclier.

Chloé n'était certes pas un bouclier, mais elle était « commune », pour le plus haut point de vue des anges. Elle était une arme, la vulnérabilité du Diable - le bouclier de défense des fanatiques humains au service du Seigneur.

Seigneur, quelle belle bande d'imbéciles...

Quelle imbécile elle faisait.

Avec cette vérité absolue, elle n'avait rien pu faire d'autre que constater son échec à comprendre Lucifer, à lui faire comprendre une chose fondamentale. Elle qui voyait tous ces fragments de vie, d'expérience, d'efforts pour—

Elle soupira, secouant doucement la tête avant de regarder à nouveau en direction du lit. S'approchant après quelques secondes de contemplation, elle s'assit sur le rebord du matelas, là où Lucifer lui en laissait assez de place. Jamais n'aurait-elle osé toucher ses ailes pendantes en-dehors du lit, jusqu'au mur opposé, à barrer le passage vers la salle de bain. Non, Chloé n'eut d'autre choix que de s'installer à hauteur de son visage, ses yeux mi-clos fixés sur sa cuisse repliée sous elle.

Elle tira doucement sa main - froide, grise ; plus qu'avant - de sous les couvertures et se mit à y tracer des lignes imaginaires de ses doigts fins, passant et repassant la Lumière dans le creux de sa paume. Elle flottait à quelques centimètres de sa paume, ouverte mais malgré tout imperméable à toute pénétration.

Pénétration...

Lucifer se serait gaussé d'une telle réflexion.

Chloé sourit.

— Vous ne sembliez pas tant réticent que cela à être pénétré par une femme, si ? rit-elle sans joie en repensant à cette fois-là.

« Joyeux anniversaire, Inspectrice. »

Elle serra sa main dans la sienne, expirant bruyamment par le nez tout ce panel d'émotions en elle ; la culpabilité persistant comme toujours dans ses poumons, dans sa gorge, au coin de ses yeux.

— Je devrais écouter Amenadiel, non ? murmura-t-elle, mordillant sa lèvre inférieure. Je ne devrais pas « culpabiliser » pour avoir exprimé une peur humaine... Comme il dit.

Chloé regarda son profil figé dans les plis de l'oreiller.

— Mais je culpabilise. Je culpabilise... pas d'avoir eu peur, non. Non, je culpabilise de vous avoir fait penser que j'avais peur de vous. J'ai peur, je suis terrifiée ; c'est vrai - et vous vous êtes forgé une vérité absolue autour d'une portion de la mienne. Vous n'avez écouté que ce qui vous arrangeait et moi...

Elle lâcha un soupir tremblant.

— Je n'ai pas dit ce qu'il fallait, quand il le fallait.

Elle haussa les épaules.

— C'est maintenant ou jamais, j'imagine. Et puis... Vous pouvez difficilement me couper et formuler des conclusions hâtives dans votre état, n'est-ce-pas ?

Pouvait-il seulement l'entendre ? N'était-elle pas ridicule à parler dans le vide ainsi ? Après tout, rien ne lui disait que Lucifer était conscient de ce qui l'entourait, des mots qu'elle prononçait. Il n'était pas mort, il n'était pas vraiment avec elle non plus. Mais comme elle le disait ; c'était maintenant ou jamais.

Qu'avait-elle d'autre à perdre que quelques minutes de silence angoissant ?

Le silence lui répondit.

— Je prendrai ça pour un oui.

Elle traça une nouvelle ligne imaginaire le long de sa paume, de son pouce à son annulaire, aux pourtours de sa bague. Du métal à sa peau, il n'y avait presque plus aucune différence.

— Donc… reprit-elle après s'être éclaircie la voix. J-Je… Ce que je vous ai dit ce soir-là est vrai ; je suis bien partie pour digérer ce que j'avais vu. Ce que j'avais enfin réalisé. « Il était temps », me direz-vous ! ajouta Chloé avec un rire nerveux en écartant une mèche qui taquinait régulièrement la commissure de ses lèvres. Et...

Elle secoua la tête, s'en remémorant une autre, un faciès familier ; rouge, un reflet qu'elle ne pouvait qu'avoir imaginé dans une usine de la ville.

« Qu'êtes-vous ? »

— J'ai paniqué, oui ; admit-elle. Et ce n'était pas parce que vous - Lucifer Morningstar - êtes dépeint comme l'incarnation du Mal, non. C'était... C'est parce que...

Sa voix trembla légèrement et elle prit une profonde inspiration qui se transforma rapidement en une exclamation mi-frustrée, mi-étouffée entre ses lèvres. Elle serra sa main dans la sienne, se souciant aussi peu qu'elle le pouvait de l'intensité croissante de la Lumière sous sa paume.

— ... Parce que, malgré tout, même en apprenant... en prenant pleinement conscience de ce que vous représentiez, j-je... Je m'en fichais.

Chloé ne regardait plus Lucifer, elle ne regardait pas leurs mains enlacées, elle regardait droit devant elle ; vers le salon, là où elle n'avait pas su dire les choses, là où - même après avoir frôlé l'irréparable - elle n'avait pas pu dire la vérité comme elle était. Elle était toujours incapable de pleurer, d'exprimer autrement que par des mots ce qui l'étouffait de l'intérieur. Encore l'un des tours imparables de la Vérité Absolue, semblait-il ; aucune chance d'esquiver, de se réfugier derrière les émotions trop fortes pour ne pas affronter son réel ressenti.

Pas comme ce soir-là.

« Comment moi - Chloé Decker - suis-je censée gérer ça ?! »

— Vous êtes le Diable, un ange déchu, la prétendue incarnation du Mal dans tous les ouvrages de notre Histoire, dans le cœur des Hommes, dans ceux de vos frères, de vos sœurs et - à ce que j'ai cru comprendre - dans celui de votre connard de Père !

Chloé avait craint le courroux de Dieu depuis, et même il y a quelques heures encore, mais à présent... Maintenant qu'elle n'avait plus aucune échappatoire à la vérité seule ; elle ne pouvait plus se cacher derrière cela non plus. Elle ne pouvait que foncer, se laisser volontairement consumer par Les Flammes de l'Enfer, la Lumière d'un ange qui n'avait eu l'amour inconditionnel d'un Père ; comme tout enfant devrait avoir sans n'avoir rien d'autre à faire qu'être soi.

Là était toute la question.

Elle aimait Trixie, elle pensait que Dieu était pareil ; mais après ce que lui avait dit Amenadiel... Comment avait-Il pu laisser le monde salir la réputation de Son Fils ?

— Même en sachant tout cela... ça ne change rien pour moi. Rien n'a jamais pu changer mon opinion sur vous, Lucifer.

La Lumière l'englobait, dévorait lit, matelas, couverture et lampes chauffantes alentours. Seuls les mots demeuraient, seuls leurs mains, liées dans cette confession, persistaient.

— Ça aurait dû me convaincre que je n'avais rien à craindre de vous, mais... J'ai juste- j'ai cru être tombée dans une sorte de piège, je me suis laissée piéger ! Je suis partie à Rome pour me prouver une bonne fois pour toute que vous n'étiez pas un problème, que tout allait bien. C'est là que Kinley est arrivé, soupira-t-elle.

Chloé ferma les yeux, secouant la tête.

— Je me suis laissée piéger par son discours. Comme je vous l'ai dit, j'ai cru qu'il comprenait ce que je traversais et j'ai cru... j'ai cru que si Frank savait, que s'il ne vous avait pas rejeté, peut-être qu'un autre membre de la chrétienté pourrait me guider. Tout ce que j'avais besoin d'entendre c'était que j'avais raison de me sentir « bien » à vos côtés. Il s'est fait passer pour le soldat vertueux, mais il me manipulait, il me mentait... depuis le début.

Elle passa ses doigts sur sa paume ; tantôt froide, tantôt brûlante - à cause d'elle sans doute, de cette Lumière qu'elle ne contrôlait pas, qu'elle faisait bien de ne pas contrôler. Ils en étaient là parce qu'elle avait voulu contrôler quelque chose qui ne pouvait l'être. Ils en étaient là parce que Lucifer pensait – sentait, comme Amenadiel lui avait expliqué - qu'il devait lui prouver quelque chose.

Mais elle savait. Il devait savoir.

— Je ne sais pas comment j'en suis arrivée à croire que vous renvoyer en Enfer pouvait être la solution, je-

Elle prit une profonde inspiration après s'être passée une main - la seule de libre - sur le visage.

— Je n'ai pas d'excuse, d'explication valable à vous donner, J-... Je suis désolée.

Que pouvait-elle dire d'autre ? C'était ainsi, elle ne pouvait pas revenir en arrière, elle ne pouvait pas réparer cette erreur. Les choses étaient ainsi. Le piège était d'en rester là ; de poursuivre sa voie autour de cette erreur et ne pas vouloir s'en séparer, la supporter au lieu de l'utiliser comme tremplin vers quelque chose de meilleur ou, à défaut, de plus juste.

— Je le suis, poursuivit l'inspectrice, avertie - même les yeux fermés - que la Lumière s'était adoucie. Après, à force de temps, de discussion avec vous, j'ai compris. J'ai compris que vous n'étiez pas un danger, mais... Je pensais toujours devoir vous changer p-pour... Je ne sais pas trop. Je pense que je voulais vous changer - changer ce que vous représentiez de manière générale - pour rendre mon am—

Elle se tut un instant avant de reprendre ;

— ... mon appréciation quant à notre partenariat plus acceptable. Stupide, non ? C'est stupide.

Rouvrant enfin les yeux, Chloé laissa ceux-ci s'égarer sur les marches en marbre, sur le salon ; encore.

— Vous m'avez demandé si je pouvais vous accepter ainsi, si je le pourrai jamais un jour...

« Vous n'avez pas idée à quel point je le veux, j-je... »

— Je...

«J'essaie. »

— La vérité c'est que je le pouvais, avoua-t-elle. Que je vous ai toujours accepté ; Lucifer, Diable, ange, le Maître du Mal... J'aim— J'apprécie tout ce que vous êtes, tout ce qui fait que vous êtes vous. J'avais juste besoin de temps, de... de...

— Des œufs ?

Chloé sursauta et tourna la tête ; sa surprise rencontrant les yeux alertes de Lucifer, pâle mais débarrassé de cette agonie grisonnante. Les cheveux emmêlés, de profondes cernes sous ses yeux - cet éclat de vie qui avait manqué des heures durant -, un sourire harassé de fatigue qu'il luttait pour garder.

Il était là.

Blafard, scintillant de Lumière, sa Lumière enfin passée de l'une vers l'autre, son gardien. Elle scintillait davantage autour de ses ailes, courant jusqu'aux dernières plumes, jusqu'à le « pénétrer » complètement. Elle sourit.

Elle était elle ; culpabilisée, humaine - séparée de sa Lumière, mais attachée pour toujours à la vérité.

— J'avais besoin de vous, plutôt.

Lucifer arqua un sourcil, le seul visible avec son visage partiellement enfoui dans les courbures de l'oreiller. Il regarda en direction de son entrejambe, averti de ne rien porter sous cet amas conséquent de couvertures, sous le regard de sa partenaire.

— C'est pourtant ce que j'ai de meilleur à offrir, dit-il d'une voix rauque, éraflée par l'épreuve qu'il avait traversée, la pierre qui avait saisi son âme. Vous devez le savoir pour m'avoir dévêtu.

Elle rit, soulagée d'entendre ce genre de réflexions.

— Elles sont assez communes ; à ce qu'on m'en a dit.

Le sourire de Lucifer s'élargit.

— Seulement de prime abord, Inspectrice.

Ils rirent tous les deux. Le silence revint rapidement toutefois et Chloé ne chercha pas à le briser tout de suite, ravie de pouvoir l'apprécier pour ce qu'il était, pour l'entente de sa respiration régulière, le papillonnement de ses yeux, les mouvements imperceptibles de ses ailes à l'autre bout du lit.

Et sa main.

Leurs mains jointes ; véridiques.

Mais elle fut la première à parler.

— J'avais peur que vous me laissiez en plan, vous savez ? murmura-t-elle.

— Eh bien... Je ne pouvais pas partir sans avoir d'abord régler nos comptes, n'est-ce-pas ? répliqua-t-il.

— Non, c'est vrai.

Elle ne l'interrogea pas plus sur la question. La réponse était là ; il parlait, vivait. Elle parlait, vivait aussi. Elle ne lui demanda pas non plus s'il avait eu conscience de ses mots, de sa confession portée par la vérité - elle n'en avait pas besoin. Les questions quant à sa « guérison miracle » ne vinrent pas non plus effleurer sa bouche.

Elle savait, comme elle avait su qu'un simple contact physique, qu'une rallonge de temps ne suffiraient pas à le ramener auprès d'elle alors ; elle savait ce dont Lucifer avait besoin pour revenir, pour reprendre ce qui était sien.

Il avait besoin des œufs.

Lucifer s'agita sous les couvertures, soupirant. Elle le dévisagea, inquiète. Il rejeta l'une des dix couvertures jusqu'au pied du lit et jeta un regard mauvais aux lampes chauffantes.

— Vous aviez raison, maugréa-t-il.

— Raison ?

— Il fait trop chaud dans ce trou-à-rat de luxe.

— Désolée, s'excusa-t-elle aussitôt en faisant mine de se lever. Amenadiel a pensé que ça pouvait peut-être vous ai—

Elle se tut, une jambe sortie du lit. Un vertige la saisit et elle atterrit lourdement sur le matelas qu'elle tentait de quitter.

— Inspectrice ? demanda Lucifer dans son dos.

Sa main entoura son avant-bras tremblant. Chaude, quand elle avait froid. Que lui arrivait-il ? L'instant d'avant elle se sentait bien, et maintenant elle...

— Ça va. Je crois... le rassura-t-elle. Je suis juste... juste « fatiguée » ?

Vraiment fatiguée.

Comme elle ne l'avait jamais été, comme si ses batteries internes étaient au plus bas. La main de Lucifer la tira doucement en arrière, vers lui. Elle l'entendit écarter autant de couvertures qu'il le pouvait tout en continuant à la tirer vers lui.

Elle ne lutta pas, quoiqu'elle s'interrogea sur ses intentions.

— Qu'est-ce-que vous faites ?

— Je vous fait une petite place dans mes fournaises personnelles, répondit-il simplement.

L'instant suivant, son torse était collé à son dos, son bras autour de sa taille, ses hanches pressées contre son—

— J-Je... balbutia l'inspectrice, plus inquiète de ne pas se souvenir comment elle en était venue de la position assise à coucher que de ce contact « brut » avec les œufs communs du Diable. Je peux éteindre les lum—

— N'en faites rien, Inspectrice.

— Vous disiez avoir trop chaud.

— C'est le cas. Je peux m'en satisfaire pour quelques heures. Vous aussi, marmonna-t-il.

Sentant ses prochaines protestations, il ajouta, son souffle effleurant son oreille ;

— Vous avez besoin de récupérer. Supporter ma puissance est un exploit en soi, Inspectrice ; je suis impressionné.

Elle sourit dans son étreinte.

— Ne vous flattez pas outre-mesure. Et puis, il ne tenait qu'à vous de la récupérer.

— Vous marquez un point.

Le silence s'installa, paisible torpeur apportée par l'une des ailes de Lucifer qui les recouvra tous deux. Chloé scruta de ses yeux mi-clos les plumes d'un blanc éclatant posées sur les draps, à un centimètre de ses doigts. Ceux-ci naviguèrent au-dessus d'elle sans les toucher.

— Merci, souffla-t-elle.

— Mh ? réagit-il, à deux doigts - les siens - de s'endormir. Vous avez dit quelque chose ?

Elle ne répéta pas ses remerciements, souriant davantage. À la place, elle repensa aux docks, à l'explosion qu'avait vraisemblablement provoqué l'attachement très littéral de son partenaire pour son bien-être, elle pensa aux heures qui avaient passé, à tout ce temps passé hors du monde, de sa vérité biaisée.

Adaptable, mise à jour.

Elle fronça les sourcils.

— Comment vais-je expliquer ça à Dan ? s'interrogea-t-elle. À Ella ? Au Lieutenant ?

Les lèvres de Lucifer effleuraient sa nuque, elle les sentit passer sur sa peau, esquisser un sourire.

— Et pourquoi pas... proposa-t-il d'une voix ensommeillée, mais amusée. « Le Diable a allumé une allumette ? »


FIN


Notes d'autrice :

Et voilà ! Bon bah, ça m'a plutôt bien réussi de revenir à mes premières habitudes d'écritures (càd une histoire à la fois, mais je publie comme je veux dessus sans culpabiliser - le maître mot de cette fic en plus, chouette coïncidence XD). J'espère qu'elle vous a bien réussi à vous aussi, parce que je l'adopte !

N'hésitez pas à me donner votre avis, votre moment préféré, etc en reviews ;)

(merci d'ailleurs à tout le monde pour celles laissées sur les chapitres précédents)

Moi, je vais préparer le souper et je bifurquerai ensuite sur mon projet de fic pour POSTS4 X)

(je dis rien, nonnonnonnon !)